TABLE RONDE N 2 EMPLOI ET TRANSITION ÉCOLOGIQUE Restitution de la table ronde Élisabeth LAVILLE Fondatrice et directrice d Utopies Bonjour à tous. Monsieur le Premier ministre, Mesdames et Messieurs les Ministres, Mesdames et Messieurs, Je salue également les participants à ma table ronde et je leur demande pardon d avance si toutefois, malgré la belle énergie qu ils ont mise à nos échanges, je les trahis un soupçon dans la restitution. Je vais vous éviter l introduction sur le fait que l emploi et la transition écologique sont des sujets absolument majeurs et vais passer directement au compte rendu des échanges. En préambule, il est logique s agissant de développement durable et de transition écologique, se déroulant «par définition» dans le temps, que tous les participants aient insisté sur le besoin d engagement de long terme, de stabilité, de pérennité, de lisibilité dans les choix politiques, qu ils portent sur l industrie, l agriculture, l artisanat, à fortiori si on veut emmener les générations futures. En l espèce, le contre-exemple du photovoltaïque et la nécessité de tirer les enseignements de ce qui est vu aujourd hui comme un échec, a été évoqué plusieurs fois par les participants, avec un consensus sur le fait qu en l occurrence, il y a eu échec du fait d un manque de concertation, d un manque de référentiel et de certification, d une absence de réelle structuration de la filière, ce qui a entraîné ce que vous connaissez, à savoir un effet d aubaine, puis un retournement fâcheux. Il y a neuf points saillants que je voudrais mettre en relief dans nos échanges : Le premier point, c est qu au-delà des métiers verts dont personne ne nie ni l existence ni le potentiel, il y a eu un consensus dans le groupe pour dire que ce qui compte vraiment dans la transition écologique, c est la transversalité. Le fait que tous les secteurs sont concernés, qu on va avoir besoin de compétences minimales dans tous les métiers, qu on doit même pousser chaque métier à aller plus loin dans l exploration de ces nouvelles compétences nécessaires, de manière à donner des réflexes de transition écologique à l ensemble des professionnels, à tous les niveaux hiérarchiques et de qualification - du dirigeant à l'ouvrier, en passant par les bacs +2/3 - niveaux intermédiaires qui vont changer
les TPE/PME). Cette transition se joue, de fait, pour tous les niveaux de formation. Je crois que la phrase évoquée était : «de la maternelle au doctorat». Si cela concerne tous les métiers et tous les secteurs, c est évidemment assez fortement en lien avec les questions de responsabilité sociétale des entreprises. Et la transversalité renvoie aussi à la nécessité de développer de fortes compétences de conduite du changement pour créer des approches intégrées, pour créer des dynamiques collectives entre acteurs nombreux et variés, notamment sur le sujet de l emploi, formation,. Des acteurs qui n ont pas toujours l habitude de travailler ensemble, et entre lesquels il va falloir dans tous les cas renforcer la concertation : entre acteurs, entre branches, entre régions, etc. Deuxième point : nécessité de capitaliser sur les assez nombreuses études d observation et prospectives qui existent, dont les recommandations du groupe de travail n 6 du débat national sur la transition énergétique, mais aussi de les renforcer, de les prolonger sur deux dimensions : une approche par branche. Il y a des observatoires de branches qui existent aujourd hui. Il n y en a pas partout, mais il y a sûrement moyen de renforcer leurs travaux sur ce sujet spécifique de la transition écologique. Et le groupe a beaucoup insisté aussi sur la nécessité d avoir une approche par territoires, de croiser en quelque sorte l approche par branche avec une approche par territoires, au plus près des bassins de vie et d emplois, et notamment pour les filières prioritaires dont je reparlerai tout à l heure. Les points qui étaient évoqués, - même si tout le monde n est pas d accord - portent surtout sur la nécessité de mettre en place un dialogue social territorial sur le sujet de la transition écologique, avec les branches et l ensemble des acteurs, voire de mettre en œuvre et de renforcer une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences au niveau des territoires en élargissant un peu son rôle pour passer de la gestion des crises qui est le rôle qu elle semble avoir aujourd hui à un rôle plus large d anticipation des mutations économiques dont la transition écologique fait partie. Les autres points abordés sur les analyses, observations, prospectives, etc. visant à comprendre les impacts de la transition écologique portaient sur le fait qu évidemment, il y aurait des démarches un peu théoriques, prospectives, mais qu il fallait aussi une approche ascendante et pragmatique à l écoute des initiatives de terrain et mettant en exergue les pratiques exemplaires, selon une logique d expérimentation tant dans l observation que pour les actions. Troisième point saillant : une convergence sur le fait qu il convient de mobiliser les dispositifs, les instances et les outils existants qui sont déjà en voie de simplification, mais surtout sans en créer de nouveaux. A même été évoqué le fait que finalement, la gestion de la transition écologique pourrait être l occasion de clarifier les rôles respectifs des dispositifs, instances, outils existants. Ont été évoqués notamment le fond paritaire de sécurisation des parcours professionnels, le Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie, les négociations qui vont s ouvrir sur la formation professionnelle, le lien avec les travaux de la conférence sociale, (évidemment, les emplois d avenir, mais pas uniquement), le rôle des Carif-Oref et les projets ou programmes qui existent déjà dans les branches. Ont été cités des programmes et des projets existants de secteurs comme le BTP, comme RAGE, le projet Build Up Skills (BUS) et les FEE Bat. Tous ces outils, projets, programmes, instances, efforts et compétences doivent être mobilisés au service de la transition écologique. Ce n est pas la peine de réinventer des nouveaux outils, des nouvelles instances, des nouveaux dispositifs. Point quatre : sur la question des filières prioritaires, puisque cette question a été posée : quelle sont les filières prioritaires pour accompagner la transition écologique? C était un problème pour certains de définir des filières prioritaires après avoir dit que tous les secteurs
étaient concernés, mais l exercice a quand même été fait. Les secteurs qui ressortent de cette réflexion sont BTP et rénovation énergétique où clairement, à fortiori compte tenu des annonces du Président de la République hier, un changement d échelle, une politique volontariste de formation continue et une fiabilisation des systèmes de pilotage de financement sont attendus. Un point important, à intégrer à cette question de la rénovation énergétique, est la question de la santé environnementale. En effet, les bâtiments plus étanches à l air posent potentiellement des problèmes de qualité de l air intérieur. Il convient dès lors de traiter, en même temps cette question, mais aussi des questions de sensibilisation des occupants pour qu on atteigne les performances qui sont visées - via des compteurs intelligents notamment-. Et Les questions de déconstruction/reconstruction, ainsi que d économie circulaire peuvent aussi être injectées en transversal dans les efforts de formation qui vont être faits sur la rénovation énergétique. Les autres secteurs qui ont été abordés comme étant potentiellement prioritaires sont le génie écologique et les métiers de la biodiversité, en précisant que cela ça concernait tous les secteurs, tous les milieux, y compris en ville. A aussi évoqué la filière bois qui a en quelque sorte un pied dans le BTP et un autre dans la biodiversité avec l exploitation forestière. Autre(s) secteur(s) : l agriculture, l agroalimentaire et l agroécologie. Et le dernier qui n est pas le moindre : les métiers nécessaires au changement de culture, changement de paradigme. Je disais qu il y a une forte dimension conduite du changement dans la transition écologique. Et donc, il y a deux métiers qui sont revenus de manière récurrente dans les conversations : tous les métiers de l enseignement, de la formation initiale et continue d une part, puisqu il faut former les formateurs pour former à tous les métiers. Et les agents administratifs qui vont avoir un rôle d animation et de contrôle et qui doivent aussi être au fait de ce que la transition écologique signifie et change pour leur métier. Le thème de la mobilité (douce, y compris dans les nouveaux usages de type autopartage) enfin, a également été abordé. Cinquième point : une fois arrêté le choix des filières prioritaires, la question c est : quelle méthode d intervention adopter? Le groupe a été unanime pour donner la priorité au pragmatisme, c'est-à-dire recenser l existant, les innovations, les expérimentations, essayer de systématiser le fait d avoir ou de réviser de manière multipartenariale les référentiels métiers, les référentiels formations initiale et continue, et évidemment intégrer ces référentiels dans l offre effective de formation. Il y a ensuite un important travail de certification, de labellisation des entreprises, mais aussi des individus, qui peut aider à cadrer et à structurer les efforts sur les filières prioritaires. Faire des lieux de formation, des lieux d apprentissage. On a évoqué notamment, un peu dans la lignée de ce qui existe avec les plans verts, de demander à tous les établissements d enseignement d intégrer la transition écologique dans leur projet d établissement. Faire aussi du lieu de travail un lieu d autoformation et de découverte de nouvelles pratiques. On a beaucoup parlé de projets démonstrateurs, de chantiers pilotes, notamment à nouveau dans le BTP, de l importance de l alternance et de l apprentissage. L ensemble de des actions doit toujours se situer dans une logique de concertation et de mobilisation des écosystèmes. Et avec l idée que la plupart des entreprises sont des TPE- PME pour lesquelles il va falloir des outils simples et accessibles. Et pour le coup, le focus
sur le BTP peut être une bonne façon de s entraîner à mobiliser à la fois les grands groupes et des entreprises plus petites. Les trois derniers points sont : - le premier, l opportunité de faire de la transition écologique un levier d insertion professionnelle, de lutte contre les inégalités et un moyen de ramener vers l emploi des jeunes qui en sont éloignés. Donc, une demande d attention particulière à ce sujet, avec notamment un lien vers l économie sociale et solidaire qui crée ce pont entre l innovation technologique verte et l innovation sociale, et qui peut apporter des choses jusque dans l expérimentation d une gouvernance qui associe les parties prenantes. - Le point du financement a été abordé à plusieurs reprises, pour (ré)affirmer que la BPI est l outil privilégié du financement de la transition écologique, - voir l article 4 de ses statuts -, et certains relevaient que son rôle effectif à date est probablement optimisable sur ce champ. Et A été également abordée sur la question du financement, la nécessité de poursuivre les efforts d utilisation des fonds européens pour financer la transition écologique, notamment sur l emploi. - Dernier point : plusieurs participants ont évoqué l idée (c est à nouveau revenu de manière récurrente) que la transition écologique peut aussi être une opportunité d optimisation organisationnelle permettant de résoudre des problèmes d emploi se posant «en général», au-delà de la transition écologique, et d accélérer ainsi une sortie de crise sur certains champs. Parmi les sujets évoqués, la mise à disposition systématique de guichets uniques de l emploi comprenant un volet sur la transition écologique dans les territoires et qui intègrerait l accompagnement et le financement. Globalement, ce type de guichet unique intégrant accompagnement et financement apparaît en effet plutôt bienvenus sur tous sujets, y compris le BTP. Deuxième point : un travail sur les blocages à la formation professionnelle apparaît nécessaire. Par exemple,, le constat est fait que le manque de proximité du lieu de formation a souvent un effet bloquant. Découlant de ce constat, le pont a été fait sur la nécessité d une convergence entre transition écologique et transition numérique. En d autres termes : il y a sûrement du numérique à mobiliser pour résoudre ce problème-là. Troisième point : le lien entre le transfert de savoir et de savoir-faire d une part et la transition écologique d autre part doit être fait Par exemple, dans le secteur énergétique on a aujourd hui beaucoup de départs en masse liés à la pyramide des âges., Ce défi-là peut être relevé utilisé pour accélérer la transition écologique via les gros efforts de formation initiale qui sont à faire, notamment. Enfin, le besoin d accompagner les individus se fait jour, au-delà des changements de métiers. En d autre termes, changer de métier et d emploi, ce n est pas qu une affaire de référentiels de compétence nouveaux, c est aussi une question de parcours individuels, professionnel et personnel. Il y a donc un réel besoin d accompagner les individus dans la reconnaissance et la valorisation de leur statut. La question du statut des bénévoles associatifs a d ailleurs été évoquée, mais encore, plus fondamentalement, la question du changement d état à l occasion du changement d emploi mérite d être plus et mieux accompagnée. En effet, la transition écologique au niveau individuel, ça va vouloir dire par exemple : passer d un statut de salarié à un statut d artisan ou d entrepreneur, ce qui n est pas forcément un passage facile à faire. Il y a ainsi plus qu un enrichissement des compétences à accompagner, pour passer par exemple, de salarié de grand groupe à un salarié de TPE, PME, etc. Un autre point à résoudre est apparu: le problème de la mixité des métiers, notamment des plus techniques. Peut-être, sans doute, la transition écologique pouvait aider accentuer cette mixité, à coup sûr gage de meilleure qualité de l emploi.
En conclusion, le groupe a insisté, et cela ne vous surprendra pas, sur le fait qu il avait des attentes fortes pour une feuille de route concrète, avec des mesures qui soient suffisamment précises pour être évaluables dans un an, et qu on puisse se dire : est-ce qu on a effectivement avancé sur les sujets abordés? Merci beaucoup.