L EXCESSIVE RESPONSABILITE DU COMMISSIONNAIRE DE TRANSPORT EN DROIT FRANÇAIS



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Ornella EDON Master 2 : «Entreprise et droit de l Union Européenne» (Dirigé par le Professeur Jean-Marc PEYRICAL) MEMOIRE DE FIN D ETUDES : L EXCESSIVE RESPONSABILITE DU COMMISSIONNAIRE DE TRANSPORT EN DROIT FRANÇAIS Sous la direction de Monsieur le Professeur Jean-Yves RAULET Année 2011-2012 Soutenance le 18 septembre 2012

REMERCIEMENTS Je tiens, tout particulièrement, à remercier le Professeur Jean-Yves RAULET pour sa disponibilité et les précieux conseils qu il a pu m apporter durant la rédaction des présents travaux et, Maître Nicolas MULLER, mon maître de stage, pour m avoir encouragée et soutenue dans l étude de ce sujet. 2

TABLE DES MATIERES Abréviations... 7 Introduction... 8 Chapitre I : L obligation de résultat du commissionnaire de transport... 15 Section 1 : Les devoirs généraux du commissionnaire envers son client... 15 Sous-section 1 : L obligation de respect des instructions du client... 15 1 : Le principe de respect des instructions du client... 15 A- Les instructions générales... 15 B- La transmission des informations contractuelles au voiturier... 16 2 : Cas des instructions imprécises ou contradictoires du client... 17 Sous-section 2 : Le devoir de conseil du commissionnaire de transport... 18 1 : Le devoir de conseil, une notion variable... 18 A- La nature de l obligation de conseil du commissionnaire de transport... 18 B- Le degré de l obligation de conseil du commissionnaire de transport... 20 2 : Le devoir de compte rendu du commissionnaire envers son commettant... 21 Section 2 : Les devoirs techniques du commissionnaire de transport... 22 Sous-section 1 : Les devoirs du commissionnaire préalablement aux opérations d acheminement... 22 1 : Le choix des moyens de transport et la réalisation des documents de transport... 22 A- Le choix des moyens de transport... 22 B- La réalisation des documents de transport... 25 2 : Les obligations du commissionnaire au regard de la préparation du chargement... 26 A- Les obligations au regard de l emballage et du conditionnement de la marchandise... 26 B- Le contrôle du chargement... 28 Sous-section 2 : Les devoirs techniques du commissionnaire de transport en cours et en fin de transport... 28 1 : Les obligations du commissionnaire en cours de transport... 28 A- Surveillance et suivi de l opération... 28 B- Intervention en cas d incident en cours d exécution des opérations... 29 2 : Les obligations du commissionnaire en fin de transport... 30 A- Vérifications et actions techniques... 30 B- Respect des délais de livraison... 31 3

Chapitre II : La double responsabilité du commissionnaire de transport... 33 Sous-chapitre 1 : La mise en cause de la responsabilité du commissionnaire de transport pour son fait personnel... 33 Section 1 : Les caractéristiques de la «faute personnelle» du commissionnaire de transport... 33 Sous-section 1 : La notion de «faute personnelle» du commissionnaire de transport... 33 Sous-section 2 : La nécessité d un lien de causalité entre la faute et le dommage... 34 Section 2 : Les spécificités de la faute personnelle du commissionnaire de transport... 35 Sous-section 1 : La nature de l obligation personnelle du commissionnaire de transport... 35 1 : L obligation personnelle du commissionnaire de transport : une obligation de résultat?... 35 2 : L obligation du commissionnaire de transport : une obligation de moyen?... 35 Sous-section 2 : Le contenu de l obligation personnelle du commissionnaire de transport... 36 1 : Sur le fondement des articles L132-4 et L132-5 du Code de Commerce... 36 2 : Sur le fondement des us et coutumes en matière de transport... 37 3 : Projet de Contrat Type Commission... 38 Sous-chapitre 2 : La responsabilité du commissionnaire de transport du fait de ses substitués... 39 Section 1 : Le commissionnaire de transport répond de toute la chaîne de transport... 39 Sous-section 1 : La nature de la responsabilité du commissionnaire du fait de ses substitués... 39 1 : Une responsabilité du fait d autrui organisée par la loi... 40 2 : La notion de «substitué»... 41 Sous-section 2 : Le degré de responsabilité du commissionnaire de transport pour le fait d autrui... 41 1 : La nature du dommage entraînant responsabilité du commissionnaire de transport pour le fait d autrui... 42 2 : La sévérité judiciaire en matière de responsabilité du commissionnaire pour le fait d autrui... 42 Section 2 : Les limites à l obligation du fait de ses substitués... 43 1 : Le commissionnaire de transport ne peut supporter une responsabilité plus importante que le substitué... 43 2 : Le droit d action récursoire du commissionnaire de transport... 44 4

Chapitre III : De la faute lourde à la faute inexcusable... 45 Section 1 : Le dol du commissionnaire de transport... 45 Section 2 : La faute lourde du commissionnaire de transport... 45 Sous-section 1 : La faute lourde du commissionnaire de transport : Le règne de l incertitude... 46 1 : La notion de «faute lourde»... 46 2 : Les moyens de preuve de la faute lourde : Une facilité pour le demandeur... 47 Sous-section 2 : Appréciation de la faute lourde par les juridictions françaises... 48 1 : La technique du faisceau d indices... 48 2 : La diversité d appréciation des juges du fond... 49 Section 3 : La faute inexcusable... 52 Sous-section 1 : Une modification au profit du commissionnaire de transport?... 52 1 : La notion de «faute inexcusable»... 52 A- La définition de la «faute inexcusable»... 52 B- Preuve et lien de causalité... 54 2 : Quel objectif pour le législateur?... 54 Sous-section 2 : Appréciation de la faute inexcusable... 55 1 : L appréciation souveraine des juges du fond... 55 2 : Appréciation concrète des juges du fond... 57 Chapitre IV : Les aménagements au strict régime de responsabilité du commissionnaire de transport... 58 Section introductive : Une prescription annale en faveur du commissionnaire de transport... 58 Section 1 : Les causes d exonération de la responsabilité du commissionnaire de Transport... 59 Sous-section 1 : La force majeure... 59 1 : La force majeure : une notion à géométrie variable... 60 2 : La force majeure : un moyen difficilement admissible pour les juges internes... 61 Sous-section 2 : Autres hypothèses d exonération de la responsabilité du commissionnaire de transport... 64 1 : Le vice propre de la marchandise... 64 2 : Le fait du tiers... 65 3 : La faute du cocontractant... 66 Section 2 : Les mécanismes de limitation d indemnisation au bénéfice du commissionnaire de transport... 68 Sous-section 1 : Les limitations de réparation conventionnelles du commissionnaire en cas de faute personnelle... 68 1 : Variétés et conditions de validité des limitations de réparation conventionnelles... 69 2 : La remise en cause des limitations conventionnelles... 70 5

Sous-section 2 : Les limitations d indemnité bénéficiant au commissionnaire Responsable du fait de son substitué... 70 1 : Limitations légales reconnues au substitué responsable... 70 A- Le principe de la limitation légale... 71 B- Les dispositions du Contrat Type Général... 72 2 : L encadrement du principe d application de plein droit des limitations légales... 75 Conclusion... 77 Annexes... 79 Annexes 1 : Principaux textes... 79 Annexes 2 : Principales jurisprudences... 92 Bibliographie... 118 N.B. Les notes de bas de page reprennent toutes les références utilisées pour la rédaction des présents travaux. Afin d être utiles aux utilisateurs, lesdites références sont toutes reprises au sein de la bibliographie, située en fin d ouvrage. Pour une meilleure compréhension des développements, il est recommandé de se reporter à la rubrique «Annexes» reprenant, dans leur intégralité, les références législatives et jurisprudentielles essentielles. 6

ABREVIATIONS : CMR : Convention de Genève du 19 mai 1956 relative au contrat de transport international de marchandises par route Cass.Com : Chambre commerciale de la Cour de Cassation Cass.Civ : Chambre civile de la Cour de Cassation CA : Cour d Appel T.com. : Tribunal de Commerce BTL : Bulletin des Transport et de la Logistique JCP : Jurisclasseur 7

INTRODUCTION «L avenir n est que du présent à mettre en ordre, le commissionnaire n a pas à le prévoir mais à le permettre 1». Le phénomène de la mondialisation a, dès la fin du XX siècle, considérablement bouleversé tant les rapports que les échanges commerciaux. L apparition de pays émergents a engendré un élargissement important du marché auquel les activités commerciales ont dû s adapter. L internationalisation des échanges n aurait pu avoir lieu sans l existence d une organisation nationale et internationale des opérations de transport de marchandises. En tout état de cause, la pérennité des échanges commerciaux dépend, en partie, de services de transports efficaces. Aujourd hui, toute entreprise commerciale, soit-elle expéditrice ou destinataire, est amenée à se retrouver dans la nécessité de recourir à un professionnel du transport. L Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques (INSEE) définit le transport de marchandises 2 comme étant une activité qui «comprend tout mouvement de marchandises, à échelle nationale ou internationale, à bord d un mode de transport quel qu il soit : ferroviaire, routier, fluvial, maritime ou encore aérien. Le transport de marchandise se mesure sur un trajet donné, d un lieu de départ à un lieu d arrivée, en tonnes.» Les développements du présent mémoire seront majoritairement fondés sur les règles régissant le transport de marchandises par voie routière. Le domaine du Droit des transports, dans son intégralité, demeure trop vaste pour être intégralement traité dans cet ouvrage. A cet effet, l activité mondiale en matière de transport routier continue à croître et ce, malgré les conditions économiques de deux années de crise. Le rapport sur les comptes du transport de l année 2011, effectué par la Commission des Comptes du transport de la Nation, 3 souligne que la production du transport routier de marchandises augmente de 2,3% au niveau national, et continue de s amplifier au niveau international (+1%). En tout état de cause, le transport routier est, de très loin, le mode de transport le plus sollicité, retenant 88% des opérations mondiales. Les raisons du succès du mode routier sont multiples et évidentes. Tout d abord, le transport routier propose une qualité de services confirmée, soumise à une forte concurrence, de par la libéralisation du secteur des transports aux niveaux communautaire et international 4. De fait, le client détient la liberté de choisir, parmi un grand nombre d entreprises de toute taille, le professionnel auquel il aura recours, en fonction des tarifs et de la qualité des prestations. 1 Antoine de Saint-Exupéry, citation reprise par Isabelle BON GARCIN 2 http://www.insee.fr/fr/methodes/default.asp?page=definitions/transports-de-marchandises.htm 3 http://www.developpement-durable.gouv.fr/img/pdf/ref_-_cctn.pdf 4 http://www.senat.fr/rap/r00-300/r00-3002.html 8

En outre, les mutations économiques de ces dernières décennies ont rendues les opérations de plus en plus complexes, laissant les professionnels s adapter aux langues et usages commerciaux qui diffèrent considérablement d une région à l autre du monde. Néanmoins, il existe une omniprésence des infrastructures routières, permettant aux professionnels du transport routier de maîtriser d une part, les risques pouvant survenir en cours de transport et, d autre part, les règles et pratiques commerciales en vigueur. Les complexités susvisées amènent les ayant droit marchandises à solliciter un seul et unique opérateur qualifié, qui organise et est responsable de l intégralité des opérations de transport. Faut-il entendre par «opérations de transport» l emballage, le conditionnement, l assurance et le stockage et le déplacement de la marchandise. Figure propre au droit français, inconnue des systèmes juridiques étrangers, l unique acteur qualifié pour prendre en charge, seul, la gestion de l organisation complète des opérations de transport de marchandises est le commissionnaire de transport. L exercice de cette profession est réglementé en France depuis 1939, par des dispositions tant légales que réglementaires mais également, de manière indirecte, par les dispositions de la Convention de Genève du 19 mai 1956, relative au contrat de transport international de marchandises par route (dite Convention CMR) 5. Sur le plan législatif, les dispositions des articles L132-3 et suivants du Code de Commerce ainsi que les dispositions du Code des Transports régissent toutes les opérations de commission de transport, qu elles soient terrestres, maritimes ou aériennes, hormis les opération de commissionnaire en douane. De manière générale, l article L132-1 6 du Code de Commerce dispose, «Le commissionnaire est celui qui agit en son propre nom ou sous un nom social pour le compte d un commettant». Plus précisément, l article 1411-1 du Code de Transports 7 précise, «Sont considérés comme Commissionnaires de transport : les personnes qui organisent et font exécuter sous leur responsabilité et en leur propre nom, un transport de marchandise selon les modes de leur choix pour le compte d un commettant». Professionnel investi de la confiance de son client, le commissionnaire gère l affaire comme étant la sienne. La relation contractuelle existant entre l organisateur et son commettant est concrétisée par un contrat de commission. 5 Décret n 90-200, 5 mars 1990 (modifié en 1999 et en 2002) / Décret n 99-269 du 6 avril 1999 portant approbation du Contrat Type Général applicable aux transports public de marchandise / Décret n 2009-1203 du 9 octobre 2009 et le Décret n 2010-561 du 27 mai 2010 / Convention de Genève, 19 mai 1956, dite CMR 6 Annexes 1.1 7 Annexes 1.2 9

Pourtant, bien que la profession de commissionnaire soit réglementée par la loi, le silence règne quant au contrat de commission. C est à la Cour de Cassation qu il est revenu de définir cette notion 8, dont les propos ont été, indiscutablement, repris par les juridictions du fond : «La commission est la convention par laquelle le commissionnaire s engage envers le commettant à accomplir pour le compte de celui-ci les actes juridiques nécessaires au déplacement de la marchandise d un lieu à un autre. Elle se caractérise par la latitude laissée au commissionnaire d organiser librement le transport par les voies et moyens de son choix, sous son nom et sous sa responsabilité, ainsi que par le fait que cette convention porte sur le transport de bout en bout». En pratique, la commission de transport peut revêtir, différentes dénominations, selon les moyens et les modes de transport utilisés. En matière de transport routier de marchandises, le contrat de transport se nomme «Lettre de voiture», constituant la loi des parties. Bien qu aucune forme écrite ne soit imposée, l article L1432-2 du Code des Transports, l article 3 du Contrat-Type Général applicable au transport public de marchandises ainsi que l article 6 de la Convention CMR 9 exigent que tout contrat de transport comporte des clauses spéciales, définissant la nature et l objet de l opération, ses modalités d exécution, son prix, les obligations respectives de l expéditeur, du commissionnaire, du transporteur et du destinataire. En outre, le texte affirme la primauté de la liberté contractuelle. En d autres termes, le contrat de transport implique, pour les cocontractants, une marge de manœuvre suffisante quant à l organisation des opérations. Toutefois, dans l hypothèse où les rapports entre les parties n auraient pas été définis, le contrat de transport tombe sous la coupe de Contrats-Types, institués par Décrets et applicables de plein droit, 10 parmi lesquels il faut compter le Contrat-Type Général auquel le présent mémoire fera référence à de nombreuses reprises. Il est indispensable de préciser que la qualification de «commissionnaire de transport» demeure une spécificité française. Les systèmes juridiques étrangers ne retenant pas de statut particulier applicable à l organisateur de transport. A cet égard, les régimes juridiques britannique, italien ou encore allemand englobent, généralement, la qualification de transporteur à celle de commissionnaire. Ainsi, les intervenants au transport français ne peuvent toujours raisonner en terme de droit national et considérer leurs partenaires comme des «commissionnaires». Au regard de la disparité des régimes juridiques, l élargissement du marché au niveau international et la construction communautaire ont imposé un mouvement d harmonisation. En matière de transport routier international, le droit français doit s effacer au profit de la Convention CMR, consacrant des dispositions communes à tous les Etats signataires. Cette Convention prévaut sur le droit français, sur tous les points dont elle dispose expressément, laissant à ce dernier, un rôle subsidiaire, applicable lorsque la convention reste muette. 8 Cass.Com., 16 fev. 1988 (Annexes 2.3) 9 Annexes 1.2 / 1.4 et 1.5 10 Voir Chapitre IV 10

Toute la législation en vigueur en matière de transport, nationale et internationale, met en exergue les nombreux avantages que présente le recours aux services d un commissionnaire de transport. Tout d abord, l entreprise cliente est déchargée de toute l organisation stratégique de l acheminement de la marchandise. De plus, le commissionnaire de transport devient son unique interlocuteur, permettant la simplification des relations contractuelles. S ajoute-t-il à cela que le commissionnaire se charge de la gestion des risques auxquels il faut nécessairement faire face au cours d une opération de transport à l image des pertes, vols ou avaries, dont les résultats peuvent être préjudiciables aux entreprises expéditrices et destinataires, notamment dans l hypothèse du commerce de produits sensibles ou dangereux. Le professionnel avisé, maîtrise tant les dispositions légales, les types de véhicules, les tarifs applicables aux opérations, les techniques de transport et de manutention que les risques liés à l acheminement des marchandises 11. A toute fin, le commissionnaire de transport élabore une stratégie logistique. En d autres termes, il a recourt à une fonction d organisation commerciale. La logistique est un mode de gestion et d organisation des flux physiques et informationnels permettant d avoir une vision globale des échanges, du chargement à la livraison finale. La logistique permet donc de contrôler les opérations de transport de marchandises et de rationaliser les coûts 12. En conséquence, le commissionnaire revêt, tant un rôle d organisateur, qu un rôle d intermédiaire. «Organisateur», le commissionnaire traite les opérations en son nom personnel et pour son compte. Il détient, à cet égard, une liberté dans le choix des modes et des moyens de transport. Il est, ainsi, distingué du simple mandataire de transport qu est le transitaire, ce dernier n ayant qu une mission très limitée de réception et de réexpédition des marchandises, sur instructions du donneur d ordre. L intérêt de la distinction entre les deux intervenants procède, notamment, du fait que le commissionnaire est garant du fait des transporteurs et autres professionnels dont il utilise les services, tandis que le transitaire, simple mandataire, ne répond que de son fait personnel. De plus, le rôle «d intermédiaire» du commissionnaire lui permet de se distinguer fondamentalement du transporteur. Le contrat de transport pur et simple existe dès lors que l entreprise chargée des opérations déplace, elle-même, la marchandise sans avoir recours à un quelconque substitué. En pratique, les entreprises de transport exercent, tant l activité de commissionnaire que de transporteur. Dans cette hypothèse, l expéditeur ne sait pas toujours en quelle qualité juridique va intervenir l entreprise à laquelle il s adresse. De fait, la jurisprudence consacre le principe selon lequel, sauf disposition contractuelle contraire, l entreprise chargée du transport qui choisit de ne pas l exécuter elle-même acquiert-elle, ipso facto, la qualité juridique de commissionnaire de transport. 11 V.M.TILCHE, «Choisir son partenaire transport, un ou plusieurs prestataires», BTL 1997, P.584 12 La logistique du transport de marchandises en Europe, la clé de la mobilité durable, Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des région COM(2006) 336, final, non publié au journal officiel, Bruxelles, 28 juin 2006 11

Néanmoins, si, lors de la conclusion du contrat, le client a, clairement explicité, à son interlocuteur organisateur que ce dernier devait effectuer, lui-même, les opérations d acheminement alors, la commune intention des parties l emportera et la substitution ne sera pas envisageable. Toutefois, la Cour a, par la suite, tempéré sa position et c est, aujourd hui, au cas par cas, que la qualification de commissionnaire est attribuée 13. En tout état de cause, le commissionnaire est doté d un savoir faire pointu, indispensable à l efficacité des échanges internationaux. Néanmoins, il est évident que ce savoir faire est porteur de responsabilités. Les articles L132-4 et L132-6 du Code de Commerce, auxquels l article L1432-7 du Code des transports 14 opère un renvoi, fixent le régime de responsabilité du professionnel. «Il est garant de l arrivée des marchandises et effets dans le délai déterminé par la lettre de voiture, hors cas de force majeure légalement constatée. Il est garant des avaries ou pertes de marchandises et effet, s il n y a stipulation contraire dans la lettre de voiture ou force majeure. Il est garant du fait du commissionnaire intermédiaire (ou voiturier) auquel il adresse la marchandise.» Le législateur français a fixé les obligations du commissionnaire de transport en termes très généraux, laissant aux juges du fond, la liberté d apprécier, au cas par cas, la responsabilité de ce professionnel. Les juridictions françaises se fondent, par conséquent, tant sur les textes que sur les usages, rendant le régime de la responsabilité du commissionnaire complexe et incertain. Aucune uniformisation des règles de responsabilité n a été mise en place à l échelle internationale, la Convention CMR n évoquant ses obligations que succinctement. De fait, chaque pays dispose de ses propres lois, fixant la responsabilité de l organisateur. Il convient de dégager cinq éléments fondamentaux constitutifs du principe de responsabilité du commissionnaire de transport français. L organisateur est tenu d une obligation de résultat envers son client. Dans ce cadre, le professionnel assume une double responsabilité : de son fait personnel et du fait de ses substitués. De plus, lorsqu il est recherché en raison du fait d un substitué, le commissionnaire de transport ne peut être plus responsable vis-à-vis de son client, que le sous-traitant, ne l est légalement envers luimême. En effet, sa responsabilité ne peut être plus importante que s il avait effectué, par ses propres soins, le transport litigieux. Toutefois, le commissionnaire dispose d un recours à l encontre de ses suivants. 13 Cass.Com., 13 juillet 2010 : «la substitution d un transporteur sans accord de son donneur d ordre ne change pas la qualité de celui qui procède à cette substitution». 14 Annexes 1.1 et 1.2 12

A toute fin, et contrairement à celle du transporteur-voiturier, la responsabilité du commissionnaire n est pas d ordre public, ce qui lui permet de décliner toute garantie dans le cadre d opérations particulièrement délicates. Il est à précisé, de nouveau, que ce régime demeure spécifiquement français en ce que dans la plupart des pays européens - le commissionnaire n assume qu une simple obligation de moyen, ne répondant que de ses fautes personnelles. En effet, le Spediteur allemand, le Freight forwarder britannique, l Expéditeur belge ou néerlandais mais encore le Spedizioniere italien assume, une responsabilité moins étendue que le commissionnaire français. A cet égard, le droit français se démarque comme étant, sur la scène internationale, le plus sévère à l encontre de ce professionnel. En tant que de besoins, la Convention CMR, qui s applique à «tous les contrats de transport de marchandises par route» 15 a tenté de procéder à une légère harmonisation des règles applicables en matière de transport routier. N ayant pourtant pas directement vocation à tempérer le droit français, cette Convention met en relief sa rigueur. En effet, cette Convention n évoque pas la qualité de «commissionnaire» mais envisage que le «transporteur» procède à «l organisation du transport par transporteurs successifs». De plus, chacun des voituriers successifs assume la responsabilité de l exécution du transport total. Il n existe donc pas, au niveau international, de responsabilité pour le fait d autrui 16. Au regard des dispositions de droit international, la jurisprudence française a distingué les rapports du commissionnaire de transport avec, d une part, son client et ses confrères commissionnaires et, d autre part, avec les transporteurs et les intervenants aux opérations d acheminement. Le droit français s applique, d un coté, entre les commissionnaires de transport et, de l autre, entre le commissionnaire et son client. A titre d exemple, le droit français est applicable à un contrat de commission conclu entre une société de transport française et son client hollandais. En revanche, les rapports de l organisateur avec ses substitués seront gouvernés, en cas de transport international de marchandises, par la législation spéciale de la CMR. On obtient, ainsi, une juxtaposition de contrats et une dualité de régimes juridiques. Cependant, le principe de non cumul des responsabilités reste applicable, que le transport soit national ou international. Ce Principe Général du Droit suppose que la responsabilité du commissionnaire de transport ne peut être recherchée, tant sur le plan contractuel que sur le plan délictuel. Toutefois, le régime de responsabilité français, intraitable soit-il, auquel est soumis le commissionnaire de transport est assorti de mécanismes d aménagements. 15 CMR. art. 1, Annexes 1.5 16 CMR. art.34, Annexes 1.5 13

Il existe tout d abord, des causes d exonération permettant à l organisateur de transport d échapper à sa responsabilité. De plus, à supposer que la responsabilité du commissionnaire soit engagée, ce dernier bénéficie d un mécanisme de limitation d indemnisation. Néanmoins, ces limitations ne peuvent s appliquer lorsque le professionnel a commis une faute inexcusable remplaçant la notion de faute lourde imposant une réparation intégrale du préjudice. Garant de ses substitués, le commissionnaire est également tenu pour responsable de la faute inexcusable commis par ces derniers. Au regard de ces développements introductifs, le présent mémoire a pour objet de mettre en relief la rigidité de la responsabilité du commissionnaire de transport en droit français dont les règles sont, en partie, dictées par la jurisprudence. Il sera question, notamment, de procéder à des comparaisons ponctuelles avec les régimes juridiques étrangers mais, surtout, avec les dispositions internationales. Au regard de la mission du commissionnaire de transport et du pouvoir d appréciation empirique des juges du fond, en quoi la responsabilité de ce professionnel paraît-elle excessive en droit français? Préalablement à l analyse juridique du sujet, il s impose de présenter, dans un chapitre premier, la nature de la responsabilité du commissionnaire de transport, perçue comme étant une obligation de résultat. Le second chapitre sera consacré à l analyse de la double responsabilité du commissionnaire de transport français, responsable de son fait personnel mais également garant de ses substitués. La rigidité du système juridique français sera d autant plus mise en exergue dans le troisième chapitre du présent mémoire, qui développera en détail la notion de faute lourde et nécessairement, le régime de la faute inexcusable du commissionnaire de transport. Néanmoins, le quatrième chapitre a pour objet de présenter les aménagements prévus par la loi, dont ce professionnel peut bénéficier, afin d alléger sa responsabilité ou même de s en exonérer. 14

CHAPITRE I : L OBLIGATION DE RESULTAT DU COMMISSIONNAIRE DE TRANSPORT FRANCAIS En France, le principe de responsabilité du commissionnaire de transport procède d une obligation de résultat envers son commettant, au sens de l article 1147 du Code Civil. En d autres termes, il est responsable de la bonne fin de l ensemble des opérations qui lui sont confiées. La rigueur de cette obligation impose que le commissionnaire de transport respecte de nombreux impératifs, fondés sur des usages. Il s agit, juridiquement, des «devoirs généraux» (Section 1) et des «devoirs techniques». (Section 2) Section 1 : Les devoirs généraux du commissionnaire envers son client Le commissionnaire est l organisateur des opérations de transport. Afin que ces dernières se déroulent efficacement, le contrat de transport conclu entre ce dernier et son commettant doit être précis et détaillé. A l évidence, le commissionnaire de transport a le devoir de respecter les instructions données par son client (Sous-section 1) mais il doit, préalablement à la réalisation des opérations, tenir son rôle de conseil avisé. (Sous-section 2) Sous-section 1 : L obligation de respect des instructions du client Sous peine de voir sa responsabilité engagée, le commissionnaire de transport qui agit sous les ordres de son commettant, doit formellement respecter toutes les instructions qui lui sont transmises ( 1). Toutefois, dans l hypothèse d instructions imprécises ou ambiguës, le commissionnaire de transport a, le cas échéant, l obligation de demander des informations complémentaires à son commettant. ( 2) 1 : Le principe de respect des instructions du client Le commissionnaire de transport doit, lui-même, tenir compte des instructions générales données par son client (A) avant de les transmettre à ses éventuels substitués. (B) A- Les instructions générales Il ne s agit pas d un principe propre au droit des transports. Il va de soi, conformément au droit des obligations, que les termes du contrat constituent la loi des parties. L organisateur doit s y conformer. Cet impératif est commun à de nombreux systèmes juridiques, à l exception du droit britannique qui permet au commissionnaire de dévier les instructions du client, dès lors que les intérêts de ce dernier sont préservés. La violation desdites instructions ne constitue donc pas une violation au contrat 17. 17 BIFA STCs, art.6 15

En outre, la transmission des informations par le client au commissionnaire de transport doit répondre aux exigences posées par l article L3222-4 du Code des transports 18 qui dispose, «En vue de l exécution d un contrat de transport routier de marchandises, le cocontractant de l entreprise de transport est tenu, préalablement à la présentation du véhicule au chargement, de transmettre à celleci, par écrit ou par tout autre procédé permettant la mémorisation, les informations nécessaires à l exécution du contrat, la liste des prestations annexes convenues ainsi que son acceptation des différentes durées prévues pour la réalisation du contrat». Ces dispositions se retrouvent dans le Contrat-Type Général applicable aux transports publics de marchandises pour lesquels il n y a pas de Contrat Type spécifique 19. Le commissionnaire de transport se met à l abri de toute poursuite dès lors que les dispositions légales susvisées ne sont pas respectées. Toutefois, les mentions ou précisions, figurant sur d autres documents que le contrat de transport tels que des factures ou un contrat de vente, sont inopposables à l organisateur de transport. Bien que le contrat de vente soit, le plus souvent, conclu préalablement au contrat de transport, ces deux conventions sont juridiquement autonomes et ordinairement conclues entre des parties distinctes. La chambre commerciale de la Cour de Cassation a rappelé, le 1 er juin 2011 20 : «Il résulte du principe de la relativité des conventions que ni le commissionnaire de transport, ni le transporteur ne sont fondés à opposer les clauses du contrat de vente auxquelles ils sont étrangers ni à se prévaloir de ces clauses pour se soustraire à leurs obligations ; que ces derniers doivent se tenir aux seules dispositions du contrat de transport.» Toutefois, paraît-il évident que le commissionnaire doit se conformer aux précisions stipulées par le contrat de vente, dès lors que celles-ci sont reprises dans sa lettre de mission. Le respect de ces instructions, par le commissionnaire ne suffit pas, ce dernier doit les transmettre à son substitué, sous peine de voir sa responsabilité engagée. (B) B- La transmission des informations contractuelles au voiturier Il existe, une obligation d information du commissionnaire de transport envers ses substitués, en application, par ricochet, des dispositions de l article L3222-4 du Code des transports susvisé. De même, le Contrat Type Général, applicable de plein droit au contrat de transport, précise en son article 3 21 que le donneur d ordre se doit de transmettre un certain nombre d informations, notamment celles ayant trait aux spécificités de la marchandises, et données susceptibles d avoir une incidence sur la bonne exécution du contrat de transport. 18 Annexes 1.2 19 Contrat Type Général : Décret n 99-269 du 6 avril 1999 portant approbation du contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandise pour lesquels il n existe pas de contrat type spécifique, C.T.G.,art.3 Informations et documents à fournir au transporteur (Annexes 1.4) 20 Cass.Com., 1 er juin 2011, n 10-19108 (Annexe 2.4) 21 Annexes 1.2 16

En tout état de cause, il a le devoir de transmettre toutes les instructions qu il reçoit de son commettant aux agents qu il se substitue, sans y retrancher ou ajouter, en signalant notamment les particularités de la marchandise à transporter. Sur le plan jurisprudentiel, la Cour de Cassation ainsi que les juridictions d appel sont formelles sur ce point. La Chambre commerciale de la Cour de Cassation a décidé, le 30 mars 2010 22 que «La société Tramar n a pas exactement respecté les instructions données par la société Moiroud en demandant à la société Transports Dubus de livrer à 9 heures alors qu elle avait reçu pour seule instruction de livrer dans la journée du 9 août sans prescription d horaire précis ; que l arrêt relève ensuite qu une telle instruction de livraison matinale imposait à la société Transports Dubus de prendre en charge la marchandise dès le vendredi. Que le vol est survenu dans la nuit du vendredi au samedi que la mauvaise transmission des informations reçues par la société Tramar présentait un caractère fautif ayant contribué à la réalisation du dommage». Egalement, la Cour d Appel de Paris reconnaît dans un arrêt Riand c/ Ziegler et autres 23, qu il est évident que le commissionnaire qui ne transmet pas au transporteur effectif les instructions d un contrat-cadre conclu avec son client, est responsable de toute anomalie survenant pendant l acheminement de la marchandise. Dans le même registre, est-il nécessaire de relever l attendu prononcé par cette même Cour d Appel, relativement à une affaire JM Fret c/ Chanel Coordination et autres 24, selon lequel «constituerait une grave défaillance contractuelle dès lors qu'il appartient au commissionnaire de réunir l'ensemble des informations propres à permettre l'exécution complète et dans les meilleures conditions de sa mission et de les communiquer au voiturier». Ainsi, le commissionnaire de transport ne peut s exonérer de cette obligation de transmission des informations vis-à-vis du transporteur en soutenant, sans en justifier, que son commettant ne lui a pas donné d indications suffisantes. A cet égard, le commissionnaire de transport doit veiller à la qualité des instructions données par son client. Il peut arriver que ce dernier fasse état d instructions imprécises ou contradictoires, situation que le commissionnaire doit savoir gérer. ( 2) 2 : Cas des instructions imprécises ou contradictoires du client Tout contractant est en mesure de ne pas donner son accord à un contrat présentant des difficultés d interprétation 25. En effet, le commissionnaire de transport peut recevoir des instructions qui lui apparaissent «ambiguës, obscures, incorrectes ou risquées.» Dans cette hypothèse, il lui appartient, sous couvert 22 Cass.Com. 30 mars 2010, n 09-11916 23 CA Paris, 2 juillet 2008, Riand c/ Ziegler 24 CA Paris, 8 avril 2009 - JM Fret c/ Chanel Coordination et autres 25 CA Paris, 11 juillet 1975 17

de sa qualité de conseiller, de faire clarifier les instructions données par son client 26. En tout état de cause, le commissionnaire de transport engage sa responsabilité dès lors qu il ne réclame pas, de son propre chef, des précisions quant aux informations et ordres transmis par son commettant. Dans une affaire K Line Air Service c/ Christian Bernard Diffusion et autres 27, la Cour d Appel de Paris a jugé que l organisateur de transport qui ne se conforme pas à une lettre d instruction, car celleci ne lui paraissait pas suffisamment explicite, engage sa responsabilité en ce qu il avait le devoir de réclamer des précisions complémentaires auprès de son client. Dans une telle hypothèse, le commissionnaire de transport a le strict devoir d interroger son commettant ou, à défaut, d émettre des réserves claires et précises sur ce point, afin d être en capacité d invoquer une éventuelle faute de ce dernier 28. Néanmoins, pour éviter que le commettant émette des instructions imprécises ou contradictoires, l organisateur professionnel doit remplir son rôle de conseiller. (Sous-section 2) Sous-section 2 : Le devoir de conseil du commissionnaire de transport Tout professionnel a, par principe, une obligation de conseil envers son client, impératif auquel le commissionnaire de transport n échappe pas. La jurisprudence, très abondante en matière de droit des transports, précise que le devoir de conseil du commissionnaire de transport est à «géométrie variable». ( 1) A ce devoir de conseil, s ajoute un impératif de «compte rendu» des opérations, que le professionnel doit respecter envers son commettant. ( 2) 1 : Le devoir de conseil, une notion variable En 1980, la notion de «devoir de conseil» du commissionnaire de transport a été consacrée par la Cour de Cassation 29. Dans un premier temps, la nature de cette obligation a été clairement définie et encadrée. (A) En outre, la jurisprudence considère, de manière constante, que le devoir de conseil s applique avec plus ou moins de force selon si le commettant est «profane» ou s il est qualifié de client «expérimenté». (B) En d autres termes, cette construction jurisprudentielle est une notion variable, dont les tenants et aboutissants sont interprétés au cas par cas. A- La nature de l obligation de conseil du commissionnaire de transport A l évidence, le commissionnaire de transport doit conseiller son client sur le déroulement des opérations de transport. 26 CA Lyon, 3 ème chambre civile, 19 décembre 2002 27 CA Paris, 26 mars 1997 28 CA Paris, 5e ch. A, 1er juin 2005, no 04/01582, Lectra c/ DFDS Transport 29 Cass. com., 18 juin 1980, no 77-13.613 (Annexes 2.4) 18

En outre, les avis sont très partagés quant à la nature de l obligation de conseil. Certains auteurs considèrent que ce devoir résulte des principes généraux du droit contractuel et qu il est inhérent à l exercice de l activité de commissionnaire de transport. Pour ainsi dire, le devoir de conseil justifierait sa rémunération. D autres estiment que le devoir de conseil devrait être précisé dans le cadre d un Contrat Type fixé par décret, notamment parce que les juges confèrent, à ce devoir, un très large domaine d application, y insérant toujours davantage d obligations, au détriment du commissionnaire de transport. Les praticiens du droit, notamment les avocats, se retranchent derrière cette seconde théorie, considérant qu il ne faut pas alourdir la responsabilité du commissionnaire de transport par des obligations trop pesantes. Le régime français demeurant, à l heure actuelle, suffisamment sévère et incertain. En effet, le commissionnaire à qui l on confie l organisation d une opération de transport est présumé maîtriser toutes les réglementations et usages, même étrangers, éventuellement applicables. En pratique, il peut s agir, le cas échéant, de connaître les normes de poids et de dimensions des véhicules 30, les règles en matière de circulation 31. L effort de recherche et de documentation qui incombe au commissionnaire de transport peut, éventuellement, dépendre de la qualité de son client. Pourtant, l organisateur voit sa responsabilité engagée s il se conforme aux informations données par son commettant, sans procéder à des vérifications, notamment en matière d évolution législative. Par ailleurs, de nombreux auteurs et praticiens se sont interrogés sur la nécessité, pour le professionnel, d informer son commettant sur l existence de limitation d indemnité applicable à l opération. Ces limitations seront, à l évidence, minutieusement étudiées dans le chapitre IV du présent mémoire. Dans les strictes limites des règles de droit et de l adage selon lequel «nul n est censé ignorer la loi», la question ne devrait pas se poser. Pourtant, dans l hypothèse où ces limitations sont d origine contractuelle, elles ne peuvent être effectives que si le client en a eu clairement connaissance 32. En outre, si les aménagements sont prévus par la loi, alors, le caractère officiel et légal les rend réputées comme étant connues de tous. 30 CA Paris, 18 févr. 1969, BT 1969 31 CA Paris, 5e ch., 9 juill. 1981, Varillon c/ Egico et autres 32 CA Paris, 21 nov. 1984, BT 1985. En l espèce, application des limitations car figuraient au verso du contrat connu et accepté par l expéditeur 19

A titre d exemple, la Cour d Appel de Versailles a jugé, dans une affaire Kertainer c/ Navigation & transports et autres 33 que les dispositions de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924 amendée, prévoyant un plafond d indemnisation en cas de perte de marchandises, s appliquent de plein droit. En l espèce, la Cour fonde notamment sa décision sur le fait que le donneur d ordre était un «professionnel de l expédition.» Néanmoins, le commissionnaire manque à son devoir de conseil dès lors qu il n informe pas un «expéditeur occasionnel» sur la limitation d indemnité applicable aux opérations de transport et ne l incite pas à procéder à une déclaration de valeur de la marchandise 34. De fait, le devoir de conseil doit être adapté à l opération de transport considérée et au profil du client, selon si, ce dernier est profane ou expérimenté. (B) B- Le degré de l obligation de conseil du commissionnaire de transport Les juridictions françaises apprécient le respect du devoir de conseil du commissionnaire de transport avec plus ou moins de sévérité selon la personnalité du commettant. En effet, un client devra être davantage informé s il est considéré comme profane plutôt que s il est considéré comme étant expérimenté. La Cour de Cassation, a jugé, dans une affaire Davigel c/ SGS du Chili qu un professionnel averti a pour mission d informer son cocontractant du caractère éventuellement inadéquat de la méthode utilisée pour effectuer des test d humidité sur de la marchandise alimentaire. En l espèce, la Haute Cour ne retient pas la responsabilité du commissionnaire en ce que le cocontractant connaissait inévitablement la fiabilité de la méthode mise en œuvre pour «avoir participé à de nombreux travaux d étude à ce sujet» et qu il était suffisamment averti sur la question. En toutes hypothèses, le commissionnaire de transport n a pas de devoir de conseil envers un important chargeur 35, ni même envers un autre commissionnaire ou un transporteur auquel il aurait recours pour effectuer les opérations de transport, ces deux acteurs étant supposés connaître les réglementations en vigueur en matière de transport de marchandises. Néanmoins, les clients profanes doivent recevoir, avec rigueur et implication, des conseils avisés et précis de la part du commissionnaire de transport. La jurisprudence est allée jusqu à préciser que «le devoir minimum de conseil d un commissionnaire de transport pourrait consister à dissiper la confusion visiblement en train de s instaurer dans l esprit du client.» 36 33 CA Versailles, 12e ch., 31 mai 2001 34 CA Paris, 6 janv. 1982 35 CA Aix-en-Provence, 2e ch., 29 mars 1988, no 85/8318 36 CA Paris, 4 juill. 1990, pourvoi rejeté par Cass. Com., 1er déc. 1992, no 90-19.611 20