L. 1 ) 132-9 132-11 2 ) C.



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Transcription:

Le sort de la clause bénéficiaire acceptée à la suite du décès du bénéficiaire : la caducité (à propos de Cass. 2 ème civ., 10 sept. 2015, n 14-20.017, à paraître au Bulletin) M. Robineau 1 ) Attribution à titre gratuit Acceptation du bénéficiaire C. assur., art. L. 132-9 et L. 132-11 Condition de survie sauf clause de représentation Décès du bénéficiaire Absence de clause de représentation Caducité de la désignation (oui). 2 ) C. assur., art. L. 132-13, al. 2 Prime manifestement exagérée Obligations de rapport et réduction Non application des règles en l absence d héritiers réservataires Cassation Ajout d une condition à la loi. Obs. : Il résulte des articles L. 132-9 et L. 132-11 du Code des assurances que, si l attribution à titre gratuit du bénéfice d une assurance sur la vie à une personne déterminée devient irrévocable par l acceptation du bénéficiaire, cette attribution est présumée faite sous la condition de l existence du bénéficiaire à l époque de l exigibilité du capital ou de la rente garantie, à moins que le contraire ne résulte des termes d une clause de représentation, à défaut, elle est caduque et le capital ou la rente garantie font partie du patrimoine ou de la succession du contractant. Voici un arrêt publié au Bulletin qui, sous les atours de l arrêt de principe, répond à deux questions de droit bien distinctes. Disons-le d emblée, on ne peut qu adhérer quant à la réponse apportée en matière de rapport à succession. L arrêt du 10 septembre 2015 censure en effet une cour d appel ayant jugé que seuls les réservataires sont tenus au rapport à succession alors que cette obligation pèse sur tout héritier. L article 843 du Code civil ne comporte aucune ambiguïté sur ce point : «tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu il ne lui aient été faits expressément hors part successorale». La règle du rapport a en effet pour vocation d assurer l égalité entre les héritiers ab intestat, ou plus exactement de faire respecter les vocations héréditaires (M. Grimaldi, Les successions, Litec, 4 ème éd., 1996, n 662), peu importe qu elles soient celles de réservataires ou de non réservataires. Ce n est qu en cas de dispense légale ou conventionnelle, puisque l auteur de la libéralité peut stipuler une dispense de rapport, que le gratifié ne sera pas tenu de rapporter ce qu il a reçu. L arrêt fait ici indéniablement œuvre de pédagogie. En revanche, il convient de se montrer un peu plus réservé s agissant de la solution retenue en matière de caducité de la désignation bénéficiaire, par suite du décès de celui-ci. Plus précisément, si le principe posé emporte la conviction, la conséquence qui en est tirée paraît pécher par sa généralité. En l espèce, une personne avait souscrit six contrats d'assurance vie pour un montant global de près de 400 000. Issue d une fratrie de trois enfants, elle avait désigné comme unique bénéficiaire son frère encore vie, l autre étant prédécédé. Le bénéficiaire acceptait la stipulation faite à son profit en 2002. Il décédait en 2005. Deux mois plus tard, la souscriptrice modifiait la rédaction de la clause bénéficiaire et désignait par parts égales son neveu et sa nièce, issus respectivement de son frère aîné et de son cadet.

À son décès, l assureur leur attribuait les capitaux par parts égales. Insuffisamment allotie à ses yeux, la nièce décidait d assigner son cousin en justice. Étant héritière du bénéficiaire acceptant, sa stratégie consistait à faire annuler les avenants par lesquels la clause bénéficiaire avait été modifiée. Elle obtenait gain de cause après avoir démontré l insanité d esprit de l assurée souscriptrice (la Cour de cassation avait alors à connaître une première fois de l affaire et statuait sur la preuve de l insanité mentale : Cass. 1 ère civ., 20 juin 2012, n 10-21.808 : RGDA 2012. 1090, note L. Mayaux). Le juge en tirait la conclusion que la nièce, demanderesse à l instance, était seule bénéficiaire des six contrats. Il condamnait donc le neveu à restituer les capitaux perçus. Sa décision était confirmée par une cour d appel. Celle-ci écartait l argument du neveu selon lequel les contrats devaient revenir à la succession en l absence de clause de représentation. En effet, aux dires de la Cour d appel, en raison de l acceptation du bénéficiaire, la stipulation faite à son profit était irrévocable. En conséquence, le bénéfice des contrats était entré dans le patrimoine du bénéficiaire, et par suite, à son décès, il devait être attribué à sa fille pour la totalité. La deuxième Chambre civile casse solennellement. Elle commence par énoncer, dans un attendu de principe, qu il «résulte [des articles L. 132-9 et L. 132-11 du Code des assurances] que, si l attribution à titre gratuit du bénéfice d une assurance sur la vie à une personne déterminée devient irrévocable par l acceptation du bénéficiaire, cette attribution est présumée faite sous la condition de l existence du bénéficiaire à l époque de l exigibilité du capital ou de la rente garantie, à moins que le contraire ne résulte des termes d une clause de représentation, à défaut, elle est caduque et le capital ou la rente garantie font partie du patrimoine ou de la succession du contractant». Elle ajoute ensuite que la désignation du bénéficiaire étant devenue caduque à la suite de son décès quand bien même l avait-il acceptée, la Cour d appel qui n a pas relevé l existence d une clause de représentation du bénéficiaire décédé, a violé les textes précités en statuant comme l a fait. Qu il nous soit permis de n être que partiellement convaincu par cette solution. En effet, si la caducité de la clause bénéficiaire acceptée doit être admise, il n est pas sûr qu il faille approuver sans nuance les conséquences qu en tire la Cour. I La caducité de la clause bénéficiaire acceptée en raison du décès du bénéficiaire En matière d assurance vie, par principe, la stipulation pour autrui qui sert de fondement technique à la désignation du bénéficiaire, est soumise au droit commun issu de l article 1121 du Code civil et de la jurisprudence qui l a utilement complété (historiquement au regard de l assurance vie). Certes, le droit des assurances est parfois fortement dérogatoire, notamment lorsqu il transforme la physionomie de l acceptation du bénéficiaire (art. L. 132-9 II, issu de la loi du 17 décembre 2007), mais le principe demeure pour l heure. Du reste, c est bien en raison de la stipulation pour autrui que l assurance vie est «hors succession», au sens où le capital ou la rente payables au bénéficiaire au décès du contractant ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant. En effet, le capital ou la rente sont issus du patrimoine de l assureur et non de celui du souscripteur assuré. Aussi peut-on apprécier la solution commentée en se situant d abord sur le terrain du droit des assurances avant d arpenter celui du droit commun.

A. En droit des assurances, on admet sans difficulté la caducité de la désignation du bénéficiaire en cas de prédécès de celui-ci. Nulle querelle doctrinale ici puisque la règle est affirmée par l article L. 132-9, al. 4, du Code des assurances : «l attribution à titre gratuit d une assurance sur la vie à une personne déterminée est présumée faite sous la condition de l existence du bénéficiaire à l époque de l exigibilité du capital ou de la rente garantis, à moins que le contraire ne résulte des termes de la stipulation». Autrement dit, la loi comporte une présomption légale selon laquelle la désignation du bénéficiaire est assortie d une condition suspensive de survie du bénéficiaire, tout au moins lorsque la stipulation a été faite à titre gratuit, ainsi que le précise le texte. Lorsque la condition est défaillie, le droit du bénéficiaire ne naît pas, résultat que l on rattache classiquement à la caducité (cela dit, en toute rigueur, la condition est une modalité qui affecte l existence même de l obligation. Celle-ci n étant pas née, dire que le droit du bénéficiaire est frappé de caducité est plutôt curieux). Dès lors, faute de bénéficiaire, en application de l article L. 132-11 du Code des assurances, le capital ou la rente garantis font partie du patrimoine ou de la succession du contractant (adde, dans l hypothèse d un décès simultané de l assuré et du bénéficiaire, Cass. 2 ème civ., 1 er juin 2011, n 10-30.430 : Bull. civ. II, n 123 ; AJ fam. 2011. 386, obs. C. Vernières ; D. 2012. 1980, obs. H. Groutel ; RCA 2011. Etude 13 par Ph. Pierre ; RGDA 2011. 1067, note L. Mayaux ; RTD civ. 2011. 544, obs. P. Jourdain ; www.actuassurance.com, sept.- oct. 2011, n 22, analyses par M. Robineau). La loi précise que la présomption est simple, puisqu elle réserve la possibilité d une stipulation contraire. Une telle clause est en effet possible : elle consiste à prévoir un mécanisme de représentation, dont on sait qu il n est pas de droit en matière d assurance vie (v. Cass. 2 ème civ., 22 sept. 2005, n 04-13.077 : Dr. famille 2006, comm. 215, note S. Lambert. Cass. 2 ème civ., 10 avril. 2008, n 07-12.992 : RGDA 2008. 724, note L. Mayaux ; RCA 2008, comm. 206). Lorsqu une telle clause a été prévue, expressément ou implicitement (sur la place de l interprétation en la matière, v. M. Robineau, note sous Cass. 2 ème civ., 13 juin 2013, n 12-20.518, www.actuassurance.com, sept-oct. 2013, n 32, act. jurispr. adde, sur le même arrêt, L. Mayaux, RGDA 2013. 934), il existe bel et bien un ou plusieurs bénéficiaires déterminés ou déterminables, qui sont les représentants du bénéficiaire prédécédé. La condition est alors accomplie et l assureur doit exécuter son obligation à leur profit. Il convient d ajouter, et cela est déterminant ici, que la loi ne distingue pas selon que le bénéficiaire décédé avait accepté ou non la stipulation faite à son profit. Aussi, la caducité de la désignation doit-elle être retenue nonobstant l acceptation, sauf clause prévoyant la représentation ainsi que l affirmaient Picard et Besson (Les assurances terrestres, Le contrat d'assurance, LGDJ, 5 ème éd. 1982, n 509). Telle est en effet la solution retenue par l arrêt annoté. B. En droit commun (et, par extension, en droit de l assurance vie, lorsque la stipulation est faite à titre onéreux), il est acquis que lorsque le bénéficiaire décède, la stipulation faite à son profit ne produit pas ses effets. Tout au moins, en l absence apparente de jurisprudence, c est ce qu enseigne la doctrine (peu fournie sur cette question) dans l hypothèse où le bénéficiaire de la stipulation est décédé avant d avoir accepté (F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Les obligations, Dalloz, Précis, 11 ème éd., 2013, n 536). Elle illustre cette position par l article L. 132-11 du Code des assurances précité bien que celui-ci, comme on l a vu, prévoie la conséquence d une absence de bénéficiaire et non les causes de cette absence. Il est vrai que

selon certains auteurs, la solution de l article L. 132-11 du Code des assurances a valeur de principe général pour toutes les hypothèses de stipulation pour autrui (C. Larroumet et D. Mondoloni, Rép. civ., V Stipulation pour autrui, n 36). Même s il convient d être prudent lorsque l on manie le raisonnement a contrario, les mêmes auteurs (F. Terré et alii) laissent entendre qu une fois l acceptation survenue, le droit du bénéficiaire serait consolidé et que son décès serait sans effet (contra, J.-L. Aubert, note sous Cass. 1 ère civ., n 90-20.262, D. 1992, jur. p. 493). Dès lors, les héritiers du bénéficiaire acceptant mais prédécédé seraient investis du droit de créance contre le promettant, par le jeu du droit des successions. D une certaine manière, la condition d existence du bénéficiaire serait remplie en raison du principe de continuation de la personne du défunt, au détriment du caractère intuitu personae de la désignation effectuée à titre gratuit. Quoi qu il en soit du droit commun, la solution de l arrêt s explique immédiatement par l absence de représentation en matière d assurance vie. Pour qu un bénéficiaire existe lors du dénouement du contrat, or hypothèse de désignations en sous-ordre, il suffit d avoir prévu cette représentation dans la clause bénéficiaire pour éviter que le capital ou la rente garantis ne tombent dans la succession du souscripteur assuré. Cette conséquence doit d ailleurs être examinée avec attention. II L intégration des capitaux dans la succession du souscripteur assuré en raison de la caducité de la clause bénéficiaire A. Ayant estimé que la clause bénéficiaire initiale était caduque, la Cour de cassation retient logiquement que les capitaux litigieux figurent dans la succession du souscripteur assuré. Il y a là une application de l article L. 132-11 du Code des assurances qui doit être approuvée. En l absence de clause de représentation, l héritière du bénéficiaire prédécédé ne pouvait se prétendre bénéficiaire par représentation, conformément à l article L. 132-9 I, al. 4, du même code. Elle «perd» ainsi la moitié des capitaux, tout au moins sur le plan civil. Sur le plan fiscal, elle perd le bénéfice du régime dérogatoire de l assurance vie (qui, même si les primes ont été payées après 70 ans offrira, un avantage avec l abattement certes global de 30 500 prévu par l article 757 B du CGI ; avantage bien plus conséquent évidemment lorsque s applique le prélèvement de l article 990 I, après abattement individuel de 152 500 ). B. Seulement, dans son attendu de principe, la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation énonce qu en raison de la caducité de la clause, le capital ou la rente garantie font partie du patrimoine ou de la succession du contractant. Elle ne semble prévoir aucun tempérament ni aucune exception. Qu il soit permis de ne pas la suivre sur cette voie. En l espèce, la souscriptrice avait modifié la clause bénéficiaire à la suite du décès de celui qu elle avait d abord désigné. Certes, les avenants portant modification avaient été ensuite annulés pour insanité d esprit. Il n en demeure pas moins que l existence de ceux-ci aurait pu inciter la Cour à envisager le sort du capital ou de la rente dans la situation où de pareils avenants eussent été valables. L attendu de principe tel qu il est rédigé laisse entendre qu une fois la stipulation pour autrui acceptée, aucune modification n est possible. C est indiscutablement vrai lorsque le bénéficiaire est en vie car, comme l indique l article L. 132-9 I, al. 1 er, du Code des assurances, l acceptation empêche par principe la révocation (sous réserve de certaines exceptions, prévues par le Code des assurances, comme l hypothèse de la tentative de meurtre

sur la personne de l assuré, prévue par l article L. 132-24, al. 3, ou importées du droit commun lorsque l assurance vie réalise une donation indirecte et que les causes de révocation des donations sont alors applicables). En revanche, il convient d admettre que lorsque le bénéficiaire acceptant est décédé, le souscripteur retrouve pleine liberté pour rédiger la clause bénéficiaire (v. Picard et Besson, préc.), sauf clause de représentation. Admettre le contraire reviendrait à interdire au souscripteur d adapter l opération de couverture de risque à la situation née du décès du bénéficiaire initial et, finalement, à nier la dimension assurantielle du contrat. Cela reviendrait également à occulter l intuitu personae qui est au cœur de toute désignation bénéficiaire effectuée à titre gratuit. Il est dommage que l attendu de principe ne comporte pas cette précision, dans un arrêt qui fait pourtant œuvre de pédagogie. Matthieu Robineau L arrêt : Attendu, selon l arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (1ère Civ. 20 juin 2012, pourvoi n 10-21. 808), que Germaine X... a souscrit six contrats d assurance sur la vie au bénéfice de son frère René X... ; que celui-ci est décédé le 4 janvier 2005 ; que, par avenants du 17 mars 2005, elle a désigné en qualité de bénéficiaires, à parts égales, Mme Marie- Christine X..., fille de René, et M. Jean-Pierre X..., fils de son autre frère, antérieurement décédé ; qu elle est décédée le 21 décembre 2005 en laissant pour seuls héritiers sa nièce et son neveu précités ; qu à la demande de Mme Marie-Christine X..., un jugement a prononcé la nullité de ces avenants pour insanité d esprit de leur signataire et dit que Mme X... est la seule bénéficiaire des six contrats ; Sur le premier moyen : Vu les articles L. 132-9 et L. 132-11 du code des assurances ; Attendu qu il résulte de ces textes que, si l attribution à titre gratuit du bénéfice d une assurance sur la vie à une personne déterminée devient irrévocable par l acceptation du bénéficiaire, cette attribution est présumée faite sous la condition de l existence du bénéficiaire à l époque de l exigibilité du capital ou de la rente garantie, à moins que le contraire ne résulte des termes d une clause de représentation, à défaut, elle est caduque et le capital ou la rente garantie font partie du patrimoine ou de la succession du contractant ; Attendu que pour confirmer ce jugement, condamner M. X... à restituer à Mme X... une somme de 195 131, 18 euros et rejeter la demande tendant à voir dire que le contrat Plurivalors doit revenir à la succession faute de comporter une clause de représentation, l arrêt retient que René X... avait accepté le bénéfice de ce contrat par lettre recommandée du 5 avril 2002 ce dont la compagnie d assurance lui en a accusé réception le 19 avril 2002, le souscripteur en étant avisé ; que, conformément à l article L. 132-9 du code des assurances, la stipulation en vertu de laquelle le bénéfice de l assurance est attribué à un bénéficiaire déterminé devient irrévocable ; que dès lors, malgré le décès de René X... intervenu avant celui de Germaine X..., le bénéfice de ce contrat est entré dans le patrimoine de Marie- Christine X..., fille unique de René X... ; Qu en statuant ainsi, alors que la désignation de René X... était devenue caduque à la suite de son décès quand bien même l avait-il acceptée, la cour d appel qui n a pas relevé l existence d une clause de représentation du bénéficiaire décédé, a violé les textes susvisés ;

Et sur le second moyen : Vu les articles 843 du code civil et L. 132-13, alinéa 2, du code des assurances ; Attendu que, pour rejeter la demande de rapport des sommes versées au titre des primes manifestement excessives des six contrats d assurance sur la vie, l arrêt énonce que M. X... et Mme X... ne sont pas des héritiers réservataires de leur tante, qu ils ne sont donc pas tenus au rapport d une éventuelle donation et qu en application des articles 843 et 863 du code civil et de l article L. 132-13 du code des assurances, les règles du rapport à succession et celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers ne s appliquent pas aux sommes versées par le contractant à titre de primes, même exagérées, en l absence d héritiers réservataires ; Qu en statuant ainsi, alors que la qualité de réservataire est indifférente à l obligation de rapport pesant sur tout héritier, la cour d appel, ajoutant une condition à la loi, a violé les textes susvisés ; PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l arrêt rendu le 24 avril 2014, entre les parties, par la cour d appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d appel de Nîmes ;