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FRAX Identifier les personnes à haut risque de fractures L Outil d Évaluation des Risques de Fractures de l OMS est un nouvel instrument clinique permettant d améliorer la décision thérapeutique Par le D r Eugene McCloskey

Fondation internationale contre l Ostéoporose (IOF) IOF est une organisation non gouvernementale représentant une alliance mondiale de patients, d associations de médecine et de recherche biomédicale, de scientifiques, de professionnels de la santé et de l industrie de la santé. IOF travaille en partenariat avec ses membres et d autres organisations dans le monde, en vue de développer la connaissance de l ostéoporose et d améliorer la prévention, le diagnostic précoce et le traitement de cette maladie. L ostéoporose touche des millions de personnes dans le monde, mais elle est encore mal connue. Les médecins ne la détectent pas toujours, le matériel de diagnostic fait encore souvent défaut ou n est encore pas utilisé à hauteur de son potentiel, et le traitement n est pas toujours accessible aux personnes qui en auraient besoin pour éviter une première fracture. Le nombre des membres d IOF ne cesse de s accroître et a plus que doublé depuis 1999, attestant de l intérêt croissant que la communauté internationale porte à cette grave pathologie. En juillet 2009, on dénombrait plus de 193 associations dans quelque 92 localisations à travers le monde. Les associations membres d IOF représentent 5,33 milliards de personnes, soit 82% de la population mondiale. Pour toute information complémentaire concernant IOF, veuillez vous rendre sur le site : http://www.iofbonehealth.org Qu est-ce que l ostéoporose? L ostéoporose est une maladie entraînant une diminution de la densité et de la qualité du tissu osseux qui affaiblit l ensemble de l ossature et accroît le risque de fractures, en particulier au niveau de la colonne vertébrale, du poignet, de la hanche, du bassin et de l humérus. L ostéoporose et les fractures qui lui sont associées sont des causes importantes de mortalité et de morbidité. Chez les femmes de plus de 45 ans, l ostéoporose est responsable de plus de jours d hospitalisation que de nombreuses autres maladies, comme le diabète, l infarctus du myocarde ou le cancer du sein 1. On estime qu une fracture vertébrale seulement sur trois est détectée au stade clinique 2. 1. Kanis JA, Delmas P, Burckhardt P, et al. (1997) Guidelines for diagnosis and management of osteoporosis. The European Foundation for Osteoporosis and Bone Diseases. Osteoporos int 7:390-406. 2. Cooper C, Atkinson EJ, O Fallon WM, et al. (1992) Incidence of clinically diagnosed vertebral fractures : a population-based study in Rochester, Minnesota, 1985-1989. J Bone Miner Res 7:221-227. Photo de couverture Gilberto Domingues Lontro Os normal Os ostéoporotique International Osteoporosis Foundation Rue Juste-Olivier 9 CH-1260 Nyon Suisse T +41 22 994 01 00 F +41 22 994 01 01 info@iofbonehealth.org www.iofbonehealth.org JournéeMondialeContre l Ostéoporose20October2009

3 Avant-propos L ostéoporose est souvent qualifiée d épidémie silencieuse, car c est une maladie qui ne présente pas de douleurs ni de symptômes, mais qui entraîne progressivement une porosité, une fragilité et un affaiblissement du tissu osseux. A mesure que les os perdent en solidité, le risque de fractures s aggrave et celles-ci se produisent souvent à la suite d un choc mineur ou d une chute sans gravité. Contrairement à la maladie qui en est la cause, les fractures sont tout sauf silencieuses : elles sont des sources majeures de souffrances et d incapacité, affectent la qualité de vie et peuvent occasionner des décès prématurés. Chez les personnes âgées, la mortalité s accroît de façon significative, en particulier en cas de fracture de la hanche. A l échelle mondiale, une femme sur trois et un homme sur cinq de plus de 50 ans subissent des fractures ostéoporotiques, dont les conséquences, sur le plan personnel et du coût de la santé, excèdent en gravité celles d un grand nombre d autres maladies majeures, comme les maladies cardio-vasculaires, les attaques cérébrales ou le cancer du sein. En 2000, les nouvelles fractures ostéoporotiques au plan mondial se chiffraient à 9 millions, dont 1,6 million au niveau de la hanche, 1,7 million au niveau de l avant-bras et 1,4 million étaient D r Eugene McCloskey Chargé d enseignement en matière de maladies osseuses chez l adulte à l Université de Sheffield (Royaume-Uni) Membre du Conseil scientifique de la Fondation internationale contre l Ostéoporose (IOF) des fractures vertébrales cliniques. 51% de ces fractures se sont produites en Europe et dans les Amériques, alors que les autres touchaient majoritairement l Asie du Sud-Est et le Pacifique occidental. On estime qu avec l augmentation des personnes âgées au sein de la population, le nombre de fractures sera deux à trois fois plus élevé au cours des quelques décennies à venir. Mais la situation n est pas désespérée. Il existe en effet de nombreux moyens de protéger la solidité des os et de réduire ainsi les risques d ostéoporose et de fractures. Des modes de vie sains permettent d améliorer la santé des os. Ainsi, faire régulièrement de l exercice physique, adopter une alimentation saine comportant suffisamment de calcium, passer du temps à l extérieur afin de bénéficier de la vitamine D dispensée par les rayons du soleil, s abstenir de fumer ou ne consommer de l alcool qu avec modération sont autant de gestes qui peuvent améliorer le capital osseux. Par ailleurs, plusieurs nouveaux traitements agissant directement sur le squelette permettent de réduire le nombre de fractures parmi les personnes affichant les risques les plus élevés. L identification des individus à haut risque a fait l objet de nombreuses recherches au cours des 20 dernières années et les cliniciens spécialisés dans ce domaine sont parfaitement à même de prendre en charge de tels patients lorsqu ils leur sont adressés. Il faut toutefois bien admettre qu aujourd hui seule une proportion relativement faible des personnes à risque ont accès à un diagnostic posé en temps utile et à des soins appropriés, et qu en dépit des importants progrès réalisés dans le domaine des techniques et des thérapies, l impact du fardeau que font peser les fractures sur la société demeure dans l ensemble inchangé. Ainsi, l on constate que dans des pays disposant pourtant de services médicaux comparativement sophistiqués, le diagnostic et le traitement de l ostéoporose sont encore souvent négligés, même chez des personnes ayant déjà subi une fracture de fragilité ou liée à un faible traumatisme. Cette situation découle du fait que de nombreux gouvernements ne parviennent pas à considérer l ostéoporose et les fractures qui lui sont associées comme une priorité majeure de leur politique sanitaire, ce qui entraîne chez les patients une méconnaissance ou une appréciation insuffisante de leur risque de fractures et un manque de compétences et de connaissances à l égard de cette question chez les médecins et les autres professionnels de la santé. Avec la mise au point de l Outil d Évaluation des Risques de Fractures (FRAX ), les cliniciens du monde entier sont désormais mieux à même d identifier les personnes les plus vulnérables aux fractures. FRAX sera d une utilité particulière dans les régions où les tests de densité osseuse sont rarement accessibles ou inexistants. L outil FRAX, accessible gratuitement sur Internet, est mis à la disposition de tous les cliniciens et professionnels de la santé. Convaincue qu un tel outil représente une étape importante pour faire de la prévention des fractures une priorité des services de santé partout dans le monde, IOF en soutient l utilisation généralisée et le développement. Nous espérons que le présent rapport, qui fournit une description complète de FRAX et esquisse des stratégies d application possibles, permettra de contribuer à la diffusion mondiale de cet important nouvel outil.

4 Généralités Etant donné la gravité des conséquences de l ostéoporose, la prévention de cette maladie et des fractures qui lui sont associées est considérée comme essentielle à la protection de la santé, de la qualité de vie et de l indépendance des personnes âgées. En mai 1998, la 51e Assemblée mondiale de la Santé adoptait une résolution priant le Directeur général de l OMS de formuler une stratégie mondiale de lutte contre les maladies non transmissibles incluant l ostéoporose. C est dans ce contexte que fut approuvé un programme de travail de l OMS fondé sur le mandat du Centre collaborateur de l OMS de Sheffield. Ce projet bénéficiait également du soutien de la Fondation internationale contre l Ostéoporose (IOF), de la Fondation nationale contre l Ostéoporose des Etats-Unis, de l International Society for Clinical Densitometry (ISCD) et de l American Society for Bone and Mineral Research (ASBMR). Ce programme visait à identifier, puis valider au moyen de l analyse scientifique, les facteurs de risque cliniques sur lesquels serait fondée l évaluation internationale, utilisés seuls ou en association avec des tests de densité minérale osseuse (DMO). Tableau 1 L objectif du clinicien chargé de traiter l ostéoporose Réduire le risque de fractures Identifier les patients présentant un risque particulier de fractures Evaluer correctement ce risque Améliorer la perception qu a le patient de ce risque Fournir des conseils afin de faciliter la compréhension de la maladie, du choix thérapeutique et de l objectif du traitement Traiter : - conseils en matière de modes de vie - agents thérapeutiques L ostéoporose est une maladie si répandue qu elle doit être combattue avant tout au niveau des soins de santé primaires. C est pourquoi l objectif est aussi de mettre au point des algorithmes d évaluation des risques suffisamment souples pour être utilisés dans une vaste gamme de services de santé primaire, notamment dans ceux ne proposant pas de services d ostéodensitométrie (DXA) à tous les patients concernés. L Outil d Evaluation des Risques de Fractures de l OMS, connu sous le nom de FRAX (http://www. shef.ac.uk/frax) est issu de ce programme. L un des objectifs principaux du clinicien est de réduire le risque de fractures par l identification et l évaluation des patients chez qui des risques particuliers ont été décelés.

5 Prédiction des risques de fractures la création du FRAX Le fait qu il était possible d évaluer la solidité des os en utilisant des techniques radiographiques, telles que l ostéodensitométrie (DXA) a conduit l OMS à définir l ostéoporose, en 1994, sur la base de la densité minérale osseuse. Une valeur, le «T-score», de 2.5 de déviation standard (SD), selon la définition de l OMS, est fréquemment utilisée tant comme diagnostic que pour déterminer le seuil d intervention, et le test de la DMO est à l origine de l approche la plus fréquemment adoptée pour évaluer le risque fractuaire. Bien qu il constitue une technique éprouvée, le test de la DMO se révèle parfois limité lorsqu on l utilise seul pour évaluer le risque de fracture. La difficulté principale est sa faible sensibilité. Ainsi, la majorité des fractures ostéoporotiques se produisent chez des personnes présentant des valeurs de DMO supérieures au seuil ostéoporotique et qui sont la plupart du temps situées dans la fourchette de l ostéopénie ( un T-score inférieur à -1 et supérieur à - 2.5 de SD) (voir Figure 1). Ces 15 dernières années, un grand nombre de recherches ont été menées afin d identifier des facteurs autres que la DMO pouvant influencer le risque de fractures, notamment l âge, le sexe, une fracture antérieure, un antécédent familial de fracture, ou encore des facteurs de risque liés à des modes de vie tels que l inactivité physique ou le tabagisme. Certains de ces facteurs de risque sont en partie ou entièrement indépendants de la DMO et, en les combinant avec ceux obtenus par le test de la DMO seule, on obtient une amélioration notable de l évaluation du risque. Inversement, certains Les définitions opérationnelles de l ostéoporose par l OMS, basées sur les valeurs de la densité minérale osseuse (DMO)* Normal DMO pas plus basse qu 1 SD en dessous de la valeur moyenne de l adulte jeune Ostéopénie DMO entre 1 et 2,5 SD en dessous de la valeur moyenne de l adulte jeune Ostéoporose DMO de 2,5 SD ou plus en dessous de la valeur moyenne de l adulte jeune Ostéoporose sévère Ostéoporose en présence d une ou plusieurs fractures de fragilité *basées sur la mesure de DXA à la hanche, vertèbre et poignet N.B. Pour toute déviation standard (SD) en dessous du pic de DMO, le risque de fracture augmente de 50-100%. Les mêmes définitions opérationnelles de l ostéoporose sont provisoirement utilisées pour l homme car il y a insuffisamment de données sur la DMO et les fractures chez l homme facteurs fortement dépendants du test de la DMO peuvent, en principe, être utilisés pour l évaluation du risque de fracture sans qu il soit nécessaire de pratiquer le test. C est pourquoi, l importance accordée à des facteurs de risque correctement validés, qu un test de la DMO ait été ou non pratiqué, peut vraisemblablement améliorer la prédiction d une fracture ainsi que la sélection des personnes les mieux appropriées pour recevoir le traitement. Le Centre collaborateur de l OMS travaillant de concert avec de nombreux chercheurs éminents dans le monde, il a pu recueillir des informations sur les facteurs de risque de fractures auprès de 12 cohortes choisies dans la population et ayant fait l objet d études Figure 1 Fractures ostéoporotiques et densité minérale osseuse (DMO) La DMO est un indice important du risque de fractures, bien que la majorité d entre elles se produisent chez des femmes dont la DMO se situe au-dessus du seuil de l ostéoporose, généralement dans la fourchette de l ostéopénie (Siris et al, 2001)

6 Qu est-ce que le risque et comment le mesurer? prospectives fondées sur des données individuelles de base dans diverses localisations géographiques. Ces études regroupaient des centres en Europe (les études multicentriques EVOS et EPIDOS ainsi que les centres indépendants de Rotterdam, Kuopio, Lyon, Göteborg et Sheffield), en Amérique du Nord (l étude CaMos au Canada et Rochester aux Etats-Unis, en Australie (l étude DOES) et au Japon (Hiroshima). Les participants à la cohorte ont bénéficié d une évaluation de base décrivant leurs facteurs de risque cliniques de fractures, et un test de la DMO de la hanche a également été pratiqué chez environ 75% de ces personnes. Le suivi a porté sur approximativement 250 000 patients-années chez 60 000 hommes et femmes, au cours desquelles plus de 5000 fractures ont été répertoriées. Ce fichier unique de données a permis d examiner plusieurs facteurs individuels de risque de fractures ainsi que leurs relations avec d autres variables du risque, notamment l âge et la DMO. Pour de nombreux facteurs de risque cliniques, les études épidémiologiques livrent généralement le rapport du risque, ou risque relatif (RR). Cette valeur exprime uniquement le risque d un événement, c est-à-dire d une fracture, chez des individus présentant un facteur de risque, par comparaison avec d autres chez qui celui-ci n existe pas. Les cliniciens qui travaillent dans un domaine particulier de la médecine se sentent à l aise avec cette approche par exemple, la majorité d entre eux reconnaissent qu une fracture antérieure double le risque de fracture à terme, par comparaison avec les personnes n ayant jamais subi de fracture. Un problème surgit toutefois si l on pose la question suivante : «un risque doublé, mais à partir de quoi?» puisque cette assertion suppose que l on connaît le risque absolu de fractures de personnes qui n en ont jamais connues. La mesure à considérer n est donc pas le risque relatif individuel, mais celui de l ensemble d une population (PRR) où l on compare le risque de chacun avec celui de toutes les personnes du même âge et du même sexe. Apporter une réponse à ce dernier point apparaît comme problématique si l on considère que, dans un grand nombre de pays, on obtient plus facilement un taux moyen de risque si l on se fonde sur un ensemble de personnes qui Les facteurs de risque représentés dans ce graphique et utilisés par FRAX contribuent de façon significative à la compréhension du risque de fractures ostéoporotiques en apportant un complément d information par rapport à l âge et au test de la DMO. Le FRAX tient compte de ces facteurs additionnels dans le calcul des probabilités de fractures à 10 ans Figure 2 Le FRAX utilise des facteurs de risque indépendants

7 L accès à l outil FRAX FRAX est ouvert à tous sur le site de l Université de Sheffield (http://www.shef.ac.uk/frax). Le site est non seulement à disposition des pays cités précédemment, mais existe également dans plusieurs langues (allemand, anglais, chinois, espagnol, français, italien et japonais) indépendamment du modèle national choisi. Plusieurs nouvelles versions linguistiques seront disponibles sous peu. Le site donne également des informations plus détaillées sur les facteurs de risque choisis et offre une section de réponses aux questions le plus fréquemment posées ainsi qu un accès à des documents téléchargeables décrivant l environnement et le développement de l outil FRAX. Outre la version Internet, différents calculateurs portables sur papier ou sous forme électronique sont en cours de fabrication. Une nouveauté importante sera l intégration de FRAX dans le logiciel des scanners de DXA qui permettront d effectuer les calculs simultanément avec la mesure de la DMO du col fémoral. Il est également prévu d équiper FRAX de manière à lui permettre de fonctionner de façon autonome sur des ordinateurs ne disposant pas de connexion à l Internet. Enfin, FRAX est en voie d intégration dans plusieurs programmes de prise en charge des patients au niveau des soins primaires. sont toutes du même âge, du moins en ce qui concerne les fractures de la hanche. Cet argument est identique à celui avancé à propos d autres résultats statistiques tels que, notamment, la mortalité. Alors qu il n est pas facile d obtenir des données précises de mortalité dans des sous-groupes de population, même pour les fumeurs par exemple, il est relativement aisé de réunir des statistiques moyennes de mortalité pour l ensemble d une population donnée. La mesure à considérer n est donc pas le risque relatif individuel, mais celui de l ensemble d une population (PRR), où l on compare le risque individuel à celui de toutes les personnes du même âge et du même sexe. Une approche analogue peut s appliquer à des facteurs continus tels que la DMO. L utilisation d une mesure unique comme la PRR permet de combiner les facteurs de risque et de les ajuster en tenant compte de leurs interactions. Si les facteurs de risque que l on a choisis sont totalement indépendants les uns des autres, leur combinaison se révèle particulièrement apte à estimer le risque.

8 Intégration des facteurs de risque dans FRAX Dans le modèle définitif de l outil FRAX, le risque de fractures chez les femmes comme chez les hommes est calculé à partir de l âge et de l indice de masse corporelle (IMC) établi sur la base de la taille et du poids, ainsi que de variables de risque indépendantes telles que : fracture de fragilité antérieure, antécédent parental de fracture de la hanche, patient actuellement fumeur, traitement à long terme aux glucocorticoïdes par voie orale, polyarthrite rhumatoïde, autres causes d ostéoporose secondaire et consommation d alcool égale ou dépassant 3 unités par jour. On peu aussi ajouter le test de la DMO du col fémoral, de préférence en tant que T-score. Il importe de noter que, pour les femmes comme pour les hommes, le T- score doit être formulé à partir de la base de données NHAHES III concernant les femmes de race blanche âgées de 20 à 29 ans. Dans le modèle définitif du FRAX, le risque de fractures chez les femmes comme chez les hommes est calculé à partir de l âge et de l indice de masse corporelle (IMC) établi sur la base de la taille et du poids, ainsi que de variables de risque indépendantes. Le vaste échantillonnage utilisé pour élaborer l outil FRAX a permis d examiner la relation de chaque fac- Tableau 2 Informations requises pour calculer les probabilités de fractures à 10 ans d un patient pays densité minérale osseuse âge sexe facteurs de risque cliniques - faible indice de masse corporelle - fracture antérieure de fragilité - antécédent parental de fracture de la hanche - traitement glucocorticoïde - patient actuellement fumeur - consommation d alcool (trois unités ou plus par jour) - polyarthrite rhumatoïde - autres cause secondaires d ostéoporose teur de risque avec l âge, le sexe, la durée du suivi et, en ce qui concerne les variables continues (DMO et IMC), la relation du risque avec la variable elle-même, selon une procédure qui n existait pas auparavant. Prenons l exemple d une méta-analyse du test de la DMO du col fémoral publiée par Marshall et ses collègues en 1996, où l on nous dit que, pour chaque diminution d ISD de la DMO du col du fémur, le gradient du risque de fracture de la hauche se situe à 2,6. Ce chiffre indique une moyenne alors que l on observe des gradients de risque sensiblement plus élevés chez des personnes plus jeunes. Cette constatation permet de mieux adapter l impact du Figure 3 Outil de calcul FRAX - Royaume-Uni L Outil FRAX fournit immédiatement le calcul de la probabilité de fractures à 10 ans pour les fractures majeures (vertébrale clinique, avant-bras, épaule et hanche) ou la fracture de la hanche seule, avec ou sans mesure de la DMO du col fémoral.

9 Figure 4 La probabilité de fracture est liée à l âge, à la DMO et au sexe Au lieu d appliquer, en cas de diminution de la DMO, le même risque relatif pour tous les âges, l outil FRAX permet de réaliser des calculs plus individualisés qui prennent en considération la DMO et son interaction avec l âge. test de la DMO à chaque patient en utilisant tel gradient s il a 50 ans et tel autre s il a 85 ans. Le fonctionnement de FRAX a été évalué auprès de 11 cohortes indépendantes d Europe, d Amérique du Nord, d Australie et du Japon qui ne participaient pas à l élaboration du modèle, ce qui a permis de démontrer que l outil FRAX offre un large spectre d applications. D autres évaluations sont en cours dans des études consacrées à des sujets masculins ou a des groupes ethniques n ayant pas encore été étudiés à ce jour. Le fonctionnement de FRAX a été validé dans onze groupes de population en Europe, Amérique du Nord, Australie et Japon.

10 Le calcul des probabilités de fractures dans les 10 prochaines années : préférer le risque absolu au risque relatif Nous savons que certains facteurs accroissent le risque, mais la question de savoir à partir de quel point et jusqu à quel point demeure essentielle puisque que c est sur le risque absolu de fracture que seront fondées les décisions. Pour comprendre la différence entre le risque relatif et le risque absolu, examinons par exemple le cas des billets de loterie au Royaume-Uni. Si une personne achète cinq billets au lieu d un, elle a une chance relative cinq fois plus grande de gagner, ce qui semble très intéressant. Et pourtant, dans l absolu, sa chance de gagner ou de perdre, bien que plus élevée, ne dépassera pas le seuil d une chance sur un peu moins de trois millions, ce qui est un événement on ne peut plus improbable! Bien connaître le risque absolu revêt une grande importance pour les médecins et les autres professionnels de la santé qui souhaitent mettre au point des seuils d intervention. Il est également important pour les patients, car leur niveau de risque peut les inciter à changer leurs modes de vie et à suivre fidèlement les traitements qui leur sont prescrits. Une approche analogue a été adoptée en ce qui concerne d autres maladies, particulièrement pour le risque de maladies cardiovasculaires où, si l on prend en con- sidération simultanément le fait de fumer, la pression artérielle, le diabète ainsi que le taux de cholestérol dans le sang, on peut identifier les patients qui courront un risque élevé dans les 5 à 10 ans à venir. L utilisation des facteurs de risque absolu s applique aux deux sexes, à tous les âges, à toutes les races et à tous les pays, même si l incidence des fractures ostéoporotiques varie largement selon l âge, le sexe, l origine ethnique et la localisation géographique. Le calcul du risque absolu exige de connaître le taux d incidence des fractures et des décès au sein des populations d hommes et de femmes dans une fourchette d âges donnée. Une propriété unique de FRAX par rapport à d autres outils de prédiction des fractures, est que celui-ci examine également l interaction entre les facteurs de risque et la mortalité. Le calcul du risque absolu exige de connaître le taux d incidence des fractures et de la mortalité au sein des populations masculine et féminine dans une fourchette d âges donnée. Il en est ainsi parce que, dans une certaine mesure, la probabilité de fractures est liée au risque individuel de mourir ainsi, on constate que lorsque le risque de décès est élevé, comme c est le cas chez les personnes très âgées, la probabilité de fracture diminue (voir Figure 4). Une propriété unique de FRAX par rapport à d autres outils de prédiction des fractures est qu il examine également l interaction entre les facteurs de risque et la mortalité. Par exemple, FRAX inclut l impact de facteurs de risque, tels que le fait de fumer ou un faible IMC, sur le risque de fracture, mais aussi de décès. Les taux d espérance de vie et de risque de fractures varient considérablement d une région du monde à l autre et les modèle de FRAX doivent donc être calibrés en fonction de l épidémiologie connue des fractures et des décès. Tableau 3 Modèles de FRAX selon les pays Risque très élevé Autriche, Belgique, Suède, Suisse Risque élevé Risque modéré Risque faible Allemagne, Argentine, Chine (Hong Kong), Chine (Taïwan), Etats-Unis (race blanche), Finlande, Italie, Royaume-Uni Etats-Unis (Asiatiques), Etats-Unis (Hispaniques), Espagne, France, Japon, Nouvelle-Zélande Chine, Etats-Unis (Afroaméricains), Liban, Turquie Les modèles du FRAX actuellement disponibles dans les pays répertoriés dans le tableau ci-contre se fondent sur des catégories de risque (probabilité de fractures à 10 ans chez les femmes de 65 ans ne présentant pas de facteurs de risque cliniques). D autres modèles sont en voie d élaboration. Dans les pays ne disposant pas de modèle, on choisira le modèle d un autre pays, en s assurant qu il est représentatif du pays étudié.

11 Modèles de FRAX spécifiques de certains pays Dans l outil FRAX actuel (version 3.0, juillet 2009 ; http://www.shef.ac.uk/frax), les modèles sont disponibles pour les pays figurant dans le Tableau 1 et les différentes variables de probabilité de fractures à 10 ans dans certains de ces pays sont affichés dans la Figure 5. Il faut souligner l importance de choisir le modèle de pays approprié. Dans les pays ne disposant pas de modèle de FRAX, on choisira le modèle d un autre pays, en s assurant qu il est représentatif du pays que l on souhaite étudier, notamment sur le plan de l espérance de vie et de l incidence des fractures. FRAX continuera de s étendre à de nouveaux pays aussitôt que ceux-ci auront recueilli ou mis à jour leurs données épidémiologiques sur les fractures, en particulier les fractures de la hanche. Par ailleurs, l origine ethnique influence notablement la probabilité de fractures. Cette caractéristique ressort bien actuellement des modèles de FRAX mis au point aux Etats-Unis, où des données épidémiologiques sur les fractures et la mortalité sont disponibles pour les communautés asiatique, afro-américaine, caucasienne et hispanique. Dès lors que de nouvelles données épidémiologiques seront réunies, de nouveaux modèles seront mis au point pour les mêmes groupes ethniques ou pour d autres, mais dans des régions différentes, et seront intégrées à l outil FRAX. La polyarthrite rhumatoïde comporte un risque de fracture indépendant de celui fourni par le test de la DMO Figure 5 Taux de fractures chez les hommes et les femmes de 65 ans dans différents pays FRAX intègre l épidémiologie de chacun des pays et fournit des taux spécifiques pour chaque pays pour les fractures principales ainsi que les fractures de la hanche (voir figure cicontre). Cela suppose que les taux d intervention seront très différents d un pays à l autre.

12 Intégration de FRAX dans la pratique clinique la mise au point de seuils d évaluation et d intervention L importance de l identification des personnes courant des risques particuliers de fracture est soulignée dans le Tableau 4. Une mesure largement utilisée est le «Nombre de Sujets à Traiter (NST)» pour leur éviter une fracture. Ainsi, si un traitement permet de réduire l incidence des fractures vertébrales de 10% à 5% pendant le déroulement d un essai, alors 5 fractures sont évitées chez 100 patients traités, ce qui donne un NST de 20. On constate que plus le NST est bas, plus le succès du traitement sera grand. Il est important que les seuils d intervention et d évaluation soient définis pays par pays. L intégration de FRAX dans la pratique clinique afin d identifier les patients courant un risque élevé et de permettre la prise des décisions de traitement en toute connaissance de cause peut être comparée à l approche largement utilisée dans la lutte contre les maladies coronariennes. L accès au test de la DMO varie dans une large mesure et un schéma simple de prise en charge peut être proposé aux systèmes de santé afin de les équiper d un accès variable au test de la DMO, comme le montre la Figure 6. La dimension du groupe «moyen» de la Figure 6, pour lequel un test de la DMO serait recommandé, variera selon la région ou le pays considérés. Dans les pays n ayant pas accès à la DXA, il n y aura pas de groupe moyen, alors que dans les pays disposant d un accès limité, ce groupe pourra exister dans une mesure limitée. Il faut donc se poser la question de savoir à quel niveau de probabilité de fracture pratiquer le test de la DMO (seuil d évaluation) et à partir de quel niveau mettre en œuvre un traitement (seuil d intervention). Dans les pays où la DXA est assez largement accessible pour que le dépistage puisse être recommandé (par exemple chez les femmes de 65 ans et plus vivant aux Etats-Unis) le groupe moyen comprendra la majorité des femmes et seul le seuil d intervention devra être déterminé. En règle générale, deux approches ont été suggérées à ce jour pour la mise au point des seuils d évaluation et d intervention. Aux Etats-Unis, les seuils d intervention se sont fondés principalement sur des analyses de coût-efficacité (http://www.nof.org). Pour l Europe, en Allemagne, Autriche, Espagne, Royaume-Uni et Suède, des seuils d intervention ont aussi fait l objet d estimations fondées sur des analyses de coût-efficacité afin de déterminer le taux de probabilité de fracture auquel une intervention au moyen de biphosphonate devient rentable du point du vue du coût. Toutefois, la mise au point des seuils d évaluation et d intervention effectuée au Royaume-Uni reflétait plutôt une mise à jour pragmatique de directives existantes ayant prouvé leur efficacité, notamment pour la mise en œuvre d analyses de coût-efficacité. Tableau 4 Nombre de Sujets à Traiter (NST) pour éviter une fracture par rapport au risque fracturaire de base extrapolé à partir d une efficacité d intervention de 40%. Risque de fractures (%) 0 5 10 20 40 80 Effet du traitement 0 3 6 12 24 48 Fractures évitées Etant donné que les probabilités de fractures à 10 ans varie fortement d un pays à l autre, aucune approche ne peut être exportée et appliquée telle quelle d un pays à l autre. Les seuils d intervention varieront probablement également en raison de différences dans les coûts, en particulier ceux entraînés par les fractures, lesquels varient dans une très large mesure à travers le monde. Il faut encore mentionner la volonté ou la possibilité d engager des frais en faveur d une stratégie. Il est donc très important que les seuils d intervention et d évaluation soient définis pays par pays, qu au-delà des coûts absolus, on s assure que des services pourront être affectés à cette tâche, et que la volonté de la financer existe. Les stratégies de gestion doivent s accompagner d une perspective appropriée d économie de la santé en ce qui concerne l élaboration des directives et les remboursements, et de récentes études ont mis en lumière le développement rapide de recherches prouvant l utilité par rapport aux coûts des interventions dans le domaine de l ostéoporose. Ces analyses suggèrent que des scénarios rentables par rapport à leur coût peuvent être imaginés pour pratiquement toutes les interventions courantes du domaine de l ostéoporose, à part les plus onéreuses. Comme on pouvait s y attendre, l efficacité par rapport au coût s améliore pour tous les âges présentant une probabilité de fractures en augmentation, car plus le risque apparaît comme élevé, plus le nombre de fractures évitées sera élevé. Ces observations illustrent bien que la combinaison d indicateurs de risques indépendants augmente fortement les possibilités d identifier les personnes à haut risque. 0 2 4 8 16 32 NST 50 25 13 6 3

13 Les limites du modèle actuel de FRAX FRAX est un outil bien accepté, mais il y demeure comme toujours un certain nombre de limitations qui doivent être prises en considération par les cliniciens qui l utilisent. Ainsi, plusieurs des facteurs de risque cliniques identifiés ne prennent pas en compte la relation dose-efficacité, mais fournissent des rapports de risque correspondant à une dose ou exposition moyenne. La consommation d alcool ainsi que la prise de glucocorticoïdes (stéroïdes) en fournissent de bons exemples. On possède d excellentes preuves montrant que le risque associé à une consommation excessive d alcool ainsi qu à la prise de glucocorticoïdes augmente si les doses sont élevées et doit faire l objet d un jugement clinique. Par ailleurs, le risque de fractures augmente progressivement avec le nombre de fractures antérieures toutefois, ce problème, à l évidence très important, ne requiert pas de jugement clinique, car il n est guère besoin d un algorithme d ordinateur pour convaincre le médecin de traiter un patient présentant des antécédents de plusieurs fractures. Actuellement FRAX limite le test de la DMO à celui du col fémoral pour la raison qu il existe une grande richesse de données concernant cette partie du squelette. Cette prise de position présente un avantage : pour tout âge et toute DMO, le risque de fracture est approximativement similaire chez les hommes et les femmes. Elle La version actuelle de FRAX n intègre pas les facteurs de risque associés aux chutes, bien que celles-ci occupent une place importante parmi ces facteurs Figure 6 Rôle suggéré de FRAX dans l évaluation du risque de fracture Facteurs de risque cliniques Probabilité de fracture selon FRAX Elevé Envisager un traitement Moyen DMO Nouvelle estimation de probabilité Faible Elevé Faible Envisager un traitement Adapté de Kanis, Rapport technique de l OMS, 2008

14 permet donc d obtenir un T-score tiré d un critère de référence unique (à savoir la base de données NHANES III pour les femmes de race blanche âgées de 20 à 29 ans) comme cela est vivement recommandé. Il y a cependant d autres mesures du tissu osseux qui sont à même de fournir des informations sur le risque de fracture, et l on espère qu elles pourront être incorporées dans des modèles analogues à FRAX lorsque ceux-ci seront dans une phase de développement plus avancée. Il est prévu d incorporer également un grand nombre des causes secondaires d ostéoporose. On distingue la polyarthrite rhumatoïde des autres causes secondaires, car cette maladie vient ajouter un risque de fractures supplémentaire à celui révélé par le test de la DMO. Si l on admet que cela est également vrai pour les autres causes secondaires d ostéoporose, on ne dispose pas encore de preuves suffisantes. C est pourquoi, on préfère faire preuve de prudence et supposer que ces causes constituent une modification du risque de fracture résultant de l absence partielle de tests de la DMO, afin qu aucune augmentation supplémentaire éventuellement constatée lors de l intégration de ce test dans les équations de FRAX ne puisse suggérer l intervention d autres causes secondaires. Enfin, la version actuelle de FRAX n intègre pas les facteurs de risque associés à des chutes, qui sont pourtant très importants. Il faut donc de tenir compte du fait que le risque de fracture peut être sous-estimé dans une certaine mesure en cas d antécédents de chutes. La stratégie du Royaume-Uni Contrairement à la recommandation des Etats-Unis, selon laquelle il faudrait mesurer la DMO de toutes les femmes de 65 ans et plus, il n existe pas actuellement en Europe ou d autres parties du monde de politique de dépistage universellement acceptée permettant d identifier les patients souffrant d ostéoporose ou ceux qui courent un risque de fracture. Les patients sont identifiés d une façon que l on pourrait qualifier d opportuniste, soit en tirant profit d une stratégie de dépistage des cas basée sur la détection d une fracture de fragilité antérieure ou la présence de facteurs de risque significatifs. Le fait que l on reconnaisse que les facteurs de risque clinique et l âge font varier le risque, et par voie de conséquence le coût-efficacité, renforce l opinion selon laquelle le traitement devrait se fonder sur la probabilité de fractures plutôt que sur un seuil unique de test DMO. Au Royaume-Uni, une stratégie de prise en charge a été proposée par le National Osteoporosis Guideline Group (NOGG) (http://www. shef.ac.uk/nogg), groupe chargé de réviser les seuils d intervention qui se fondent sur la stratégie existante du Royal College of Physicians (RCP), mais les exprime en tant que probabilités de fractures. Les deux affirmations les plus importantes mises en avant à partir des directives du RCP et reprises par le NOGG sont que a) une stratégie de dépistage est recommandée, et b) le traitement peut être envisagé et recommandé en l absence de test de la DMO chez les femmes ménopausées ayant subi précédemment une fracture de fragilité. Cette recommandation admet que la mesure Figure 7 Traitement de l ostéoporose fondé sur les probabilités de fractures Grâce à l utilisation de facteurs de risque cliniques, seuls ou en association avec le test DMO, FRAX permet d améliorer le jugement clinique du médecin ainsi que l évaluation du patient.

15 de la DMO peut être parfois appropriée s il existe une fracture de fragilité antérieure, en particulier chez les femmes plus jeunes et chez les hommes. Une des recommandations les plus importantes est qu un traitement puisse être envisagé et recommandé en l absence de la DMO chez les femmes post-ménopausées ayant subi précédemment une fracture de fragilité. La voie prise par le traitement est analogue à celle apparaissant dans la Figure 6. Elle commence par une évaluation de la probabilité de fractures chez une personne présentant un ou plusieurs facteurs de risque et son classement dans une catégorie de facteurs de risque, fondé sur des facteurs de risque cliniques, en association avec l âge, le sexe et l IMC, notamment un IMC insuffisant exprimé par une valeur de <19kg/m 2. Après cette évaluation de la probabilité de fracture, certains patients courant un risque élevé peuvent se voir offrir un traitement excluant le test de la DMO, comme le recommandent le RCP et les Directives européennes. Il semble que de nombreux cliniciens pratiquent le test de la DMO, mais c est souvent pour des raisons autres qu une intervention, par exemple surveiller la réponse au traitement. Dans d autres exemples, la probabilité peut apparaître si faible que la décision de ne pas envisager un traitement peut être prise sans qu il faille effectuer un test de la DMO. Ainsi une femme en bonne santé, ayant commencé sa ménopause et ne présentant aucun facteur de risque clinique sera tout à fait rassurée et n aura aucune raison d entrer dans un processus de dépistage. La dimension de la catégorie moyenne de la Figure 6 est en grande partie déterminée, au Royaume- Uni, par les deux affirmations tirées des directives du RCP. Pour des raisons opérationnelles, la stratégie est représentée par des graphiques tels que ceux que l on trouve dans la Figure 7, avec un transfert automatique de données entre les sites de l outil FRAX et du NOGG, comme on peut le constater si l on utilise l outil de calcul du Royaume-Uni dans le site du FRAX (voir la Figure 3) et que l on active le bouton du NOGG apparaissant à côté du calcul des probabilités. Si elle était totalement exécutée, la directive préconiserait un traitement chez une femme de 50 à 54 ans sur 4 et 1 femme de 75 à 79 ans sur 2. Il importe de constater que cette directive se fonde sur un argument clinique plutôt que de s inspirer de considérations de coût-efficacité. Toutefois, la stratégie est étayée par une analyse de coût-efficacité démontrant que les combinaisons du facteur de risque résultant des probabilités de subir une fracture majeure à 10 ans de plus de 7 à 8% sont inférieures à un seuil de 20 000 (année de vie ajustée par la qualité de la vie), pour autant que le coût de l alendronate soit estimé à 90 par année. Une approche analogue à la mise au point de seuils pourrait aisément être appliquée dans d autres modèles de pays.

16 FRAX en pratique clinique Les risques de fractures tels que déterminé par FRAX peuvent être utilisés par le clinicien pour décider des mesures à prendre. Il pourra par exemple, en se fondant sur les directives du NOGG au Royaume-Uni, estimer que : Si les risques de fractures sont faibles, des conseils concernant le mode de vie sur l alimentation et l exercice seront préconisés, mais il n est pas nécessaire de prescrire des médicaments. Si les risques sont élevés, le clinicien recommandera un traitement. Si les risques sont moyens, un test DXA est normalement indiqué. Les risques fractuaires calculés à partir de FRAX seront alors recalculés et l on devra décider si un traitement est approprié ou non. On pourra également prescrire un traitement aux femmes ayant déjà subi une fracture après la ménopause sans qu il soit nécessaire de calculer le risque qu elles courent. NOGG National Osteoporosis Guideline Group (Royaume-Uni)t NOF National Osteoporosis Foundation (Etats-Unis) Femme âgée de 67 ans, allemande Poids : 65kg, Taille : 162 cm, (IMC 24,8) T-score CF : -2,5 (ostéoporose) Pas d autres risques cliniques Probabilités de fracture à 10 ans (%) Fractures ostéoporotiques majeures = 10% Fracture de la hanche = 3,4% Recommandations du NOGG pour le Royaume-Uni et équivalent Conseils concernant le mode de vie et soutien psychologique Recommandations de la NOF pour les Etats-Unis et équivalent Traitement de la patiente Femme âgée de 55 ans, chinoise Poids : 58kg, Taille : 165 cm, (IMC 21,3) T-score FN : -1,9 (ostéopénie) Fracture traumatique Suit un traitement glucocorticoïde Diagnostic de polyarthrite rhumatoïde Probabilités de fracture à 10 ans (%) Fractures ostéoporotiques majeures = 11% Fracture de la hanche = 3,0% Recommandations du NOGG pour le Royaume-Uni et équivalent Traiter la patiente Recommandations de la NOF pour les Etats-Unis et équivalent Traiter la patiente (sur la base d une probabilité de fracture de la hanche) Homme âgé de 66 ans, italien Poids : 80kg, Taille : 180 cm, (IMC 24,7) Antécédent familial de fracture de la hanche Fumeur Consomme 3 unités ou plus d alcool par jour Probabilités de fracture à 10 ans (%) Fractures ostéoporotiques majeures = 9,3% Fracture de la hanche = 2,9% Recommandations du NOGG pour le Royaume-Uni et équivalent Mesurer la DMO, réévaluer le risque de fracture Recommandations de la NOF pour les Etats-Unis et équivalent Mesurer la DMO, réévaluer le risque de fracture

17 Résumé L évaluation des risques de fractures est à la base de toutes les stratégies visant à combattre le problème de plus en plus préoccupant représenté par les fractures ostéoporotiques. L outil FRAX fournit cette évaluation par le biais des soins primaires et il est également accessible aux patients. Il peut jouer un rôle crucial tant en prescrivant le traitement à bon escient et en fournissant une éducation en matière d ostéoporose, qu en définissant les facteurs de risque et l état de la santé osseuse en général. Le FRAX ne doit pas être considéré comme un modèle absolu, mais plutôt comme une plateforme technologique destinée à se développer à mesure que de nouveaux indicateurs de risque seront validés et que de nouveaux modèles de pays spécifiques seront élaborés. Il n en demeure pas moins que le modèle actuel constitue une contribution appréciable en permettant d améliorer l évaluation des patients par l intégration dans la démarche poursuivie de facteurs de risque cliniques, seuls ou en association avec le test de la DMO. Glossaire Comment utiliser FRAX dans votre pays Les associations nationales contre l ostéoporose ont la capacité d intensifier l utilisation de l outil FRAX dans leur pays si nécessaire. Elles peuvent : Travailler auprès d associations de médecins pour leur faire connaître FRAX grâce au kit de diapositives disponible sur le site d IOF. Mettre à jour les directives nationales de prise en charge de l ostéoporose en vue d inclure l utilisation de FRAX afin de permettre de prendre les décisions cliniques en toute connaissance de cause. Consulter les directives d organismes tels que le NOGG, le NOF ou le ESCEO afin d en tirer des exemples montrant comment FRAX peut être intégré dans les directives nationales. Ces documents sont disponibles sur le site Internet de l IOF à l adresse suivante : http://www.iofbonehealth.org/healthprofessionals/national-regional-guidelines/evidencebased-guidelines.html Références SD T-score Validé Cohorte RR PRR AR GR EVOS EPIDOS CaMos DOES Déviation standard Nombre de déviations standards situées endessous ou au-dessus de la moyenne répertoriée chez de jeunes adultes du même sexe Confirmé par la recherche scientifique Groupe sélectionné au sein de la population Risque relatif Rapport des probabilités de survenue d un événement entre un groupe exposé et un groupe non exposé Risque relatif individu-population Risque entre un individu et un segment de la population du même âge et du même sexe, opposé à l ensemble de la population Risque absolu Probabilité numérique de survenue d un événement au cours d une période donnée Gradient de risque Augmentation du risque de fracture à chaque changement d unité du facteur de risque (DMO, par exemple) Etude européenne de l ostéoporose vertébrale Etude épidémiologique de l ostéoporose Etude canadienne multicentrique de l ostéoporose Etude épidémiologique de l ostéoporose de Dubbo (Australie) Dawson-Hughes, B. (2008). Implications of absolute fracture risk assessment for osteoporosis practice guidelines in the USA. Osteoporos Int 19(4): 449-58. Fujiwara, S. et al. (2008). Development and application of a Japanese model of the WHO fracture risk assessment tool (FRAX). Osteoporos Int 19(4): 429-35. Kanis, J.A. et al. (2008). European guidance for the diagnosis and management of osteoporosis in postmenopausal women. Osteoporos Int 19(4): 399-428. Kanis, J.A. et al. (2008). FRAX and the assessment of fracture probability in men and women from the UK. Osteoporos Int 19(4): 385-97. Kanis, J.A. et al. (2008). Case finding for the management of osteoporosis with FRAX-assessment and intervention thresholds for the UK. Osteoporos Int 19(10): 1395-408.(www.shef. ac.uk/nogg) Kanis, J.A. et al. (2007). The use of clinical risk factors enhances the performance of BMD in the prediction of hip and osteoporotic fractures in men and women. Osteoporos Int 18(8): 1033-46. Kanis, J.A. on behalf of the WHO Scientific Group (2008). Assessment of osteoporosis at the primary health-care level. Technical Report. Sheffield, WHO Collaborating Centre, University of Sheffield, UK.(www.shef.ac.uk/FRAX) Siris, E.S. et al. (2001). Identification and fracture outcomes of undiagnosed low bone mineral density in postmenopausal women. Results from the National Osteoporosis Risk Assessment. JAMA 286:2815-2822 Tosteson, A.N. et al. (2008). Cost-effective osteoporosis treatment thresholds: the United States perspective. Osteoporos Int 19(4): 437-47.

FRAX constitue un progrès majeur en matière d évaluation du risque de fracture. Il apportera ainsi une aide précieuse aux cliniciens du monde entier qui s efforcent d identifier les personnes ayant le plus besoin d être traités Professeur John Kanis Président d IOF FRAX Un nouvel outil clinique permettant d améliorer la décision thérapeutique FRAX a été mis au point par l Organisation mondiale de la Santé (OMS) afin d évaluer le risque de fractures couru par les patients. Il se fonde sur des modèles de patients individuels intégrant les risques associés aux facteurs de risque clinique, avec ou sans test de la densité minérale osseuse (DMO) du col fémoral. Les modèles de FRAX ont été créés grâce à l étude de cohortes de population d Europe, d Amérique du Nord, d Asie et d Australie. Une forme sophistiquée du FRAX existe sous forme informatisée. Plusieurs versions papier simplifiées, basées sur le nombre de facteurs de risque sont disponible et peuvent être téléchargée à partir du site de FRAX à l usage des personnes travaillant dans le domaine des fractures (http://www.iofbonehealth.org) Les algorithmes de FRAX fournissent une probabilité à 10 ans de fractures de la hanche et une probabilité à 10 ans de fractures ostéoporotiques majeures (vertébrale clinique, avant-bras, hanche, épaule). www.iofbonehealth.org Auteur Dr. Eugene McCloskey Rédactrices Judy Stenmark IOF Laura Misteli IOF Conception graphique Gilberto Domingues Lontro IOF August 2009 2009 International Osteoporosis Foundation La Journée mondiale contre l Ostéoporose 2009 bénéficie du soutien illimité de subventions éducatives versées par les Gold Sponsors internationaux ci-dessous.