KF/KV REPUBLIQUE DE CÔTE D IVOIRE -------------------- TRIBUNAL DE COMMERCE D ABIDJAN -------------------- RG N 1685/2014 et RG N 2023/2014 JUGEMENT CONTRADICTOIRE Du 27/03/2014 ------------ Affaire : La Société Ivoirienne d Articles de Ménage et d Industrie Divers dite SOCIAM (Maître TOURE MARAME) Contre 1/ Le capitaine commandant le navire «CONAKRY» 2/ Le capitaine commandant le navire «MAERSK CAMEROUN» 3/ la société MAERSK COTE d IVOIRE (Maitres N zi Jean-Claude) 4/ la société Lagune Transit Abidjan dite LTA (SCPA KANGA-OULAYE) 5/ la société STACOTRANS ------------------------ DECISION : Contradictoire Ordonne la jonction des procédures RG N 1685/14 et RG N 2023/14 ; Rejette l exception d incompétence soulevée par la société MAERSK CI, le capitaine commandant le navire «MAERSK CONAKRY» et le capitaine commandant le navire «MAERSK CAMEROUN et se déclare compétent ; Déclare la Société Ivoirienne d Articles de Ménage et d Industrie Divers dite SOCIAM et la société MAERSK CI, le capitaine commandant le navire «MAERSK AUDIENCE PUBLIQUE DU 13 NOVEMBRE 2014 Le Tribunal de Commerce d Abidjan, en son audience publique du Jeudi treize novembre de l an deux mil quatorze, tenue au siège dudit Tribunal, à laquelle siégeaient : Docteur KOMOIN FRANCOIS, Président du Tribunal ; Messieurs KACOU BREDOUMOU FLORENT, ALLAH KOUAME JEAN MARIE, FOLOU IGNACE, WADJA Eugène, NGUESSAN Gilbert et Madame TIENDAGA Giselle, Assesseurs ; Avec l assistance de Maître ANGUI ATSE, Greffier ; Avons rendu le jugement dont la teneur suit dans la cause entre : La Société Ivoirienne d Articles de Ménage et d Industrie Divers dite SOCIAM, au capital de 200.000.000 F CFA ayant son siège social en zone Industrielle de Yopougon 19 BP 819 Abidjan 19, ayan t pour représentant légal Monsieur SEKLAOUI KAMEL de nationalité libanaise demeurant à Abidjan Yopougon Zone Industrielle ; Demanderesse, représentée par son conseil, Maître TOURE MARAME, Avocat au Barreau d Abidjan, y demeurant au plateau, 10, rue du commerce, Immeuble Amiral, 3 ème étage, 01 BP 1246 Abidjan 01, Et d une part ; 1/ le capitaine commandant le navire «CONAKRY», en sa qualité de représentant des armateurs, affréteurs et ou exploitant du navire MAERSK CONAKRY ; 2/ le capitaine commandant le navire «MAERSK CAMEROUN» en sa qualité de représentant des armateurs, affréteurs et ou exploitant du navire MAERSK CAMEROUN ; 3/ la société MAERSK COTE d IVOIRE, Société Anonyme avec Conseil d Administration, au capital de 1.283.000.000 F CFA, dont le siège social est sis à Abidjan, Boulevard de Vridi, 01 BP 6939 Abidjan 01, Défendeurs, représentés par leur conseil Maitres N zi Jean- Claude, Avocat à la Cour ; 1
CONAKRY» et le capitaine commandant le navire «MAERSK CAMEROUN recevables respectivement en leurs action principale et en intervention forcée ; Constate la non conciliation des parties ; Dit la société SOCIAM mal fondée en son action ; L en déboute ; La condamne aux dépens. 4/ la société Lagune Transit Abidjan dite LTA, au capital de 1.000.000.000 F CFA, ayant son siège social à Abidjan zone des entrepôts, lot n 1, zone portuaire 01 BP 5644 Abidjan 01 ; Défenderesse, représentée par son conseil SCPA KANGA- OULAYE, Avocats à la Cour ; 5/ la société STACOTRANS, sise à Marcory centre polygone VGE, 01 BP 11820 01 ; d autre part ; Enrôlée pour l audience du 17 juin 2014, l affaire a été appelée et a fait l objet de plusieurs renvois dont le dernier en date du 17 juillet 2014 pour conciliation ; A cette date, le Tribunal ayant constaté l échec de la conciliation a ordonné une instruction confiée au juge KACOU BREDOUMOU et renvoyé la cause en audience publique du 30 octobre 2014 ; Cette instruction a fait l objet d une ordonnance de clôture N 1094 du 29/10/14. A la date de renvoi, l affaire a été mise en délibéré pour décision être rendue le 13/11/14 ; Advenue cette audience, le Tribunal a vidé son délibéré comme suit : Vu les pièces du dossier ; LE TRIBUNAL Vu l échec de la tentative de conciliation ; Ouï les parties en leurs fins, demandes et Conclusions ; Et après en avoir délibéré conformément à la loi ; FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES Par exploit d huissier du 03 juin 2014, la Société Ivoirienne d Articles de Ménage et d Industrie Divers dite SOCIAM a assigné le capitaine commandant le navire «CONAKRY», le capitaine commandant le navire «MAERSK CAMEROUN», la société MAERSK COTE d IVOIRE, la société Lagune Transit Abidjan dite LTA, et la société STACOTRANS à comparaître devant le Tribunal de Commerce d Abidjan à l audience du 17 juin 2
2014, pour entendre : - Dire et juger que les défendeurs sont responsables des dommages constatés sur sa marchandise ; - En conséquence, les condamner in solidum à lui payer la somme de cent trente quatre millions sept cent soixante quatorze mille cent quarante deux (134.774.142) francs CFA ; - Ordonner l exécution provisoire ; - Condamner les défendeurs aux dépens à distraire au profit de Maître TOURE MARAME avocate à la cour, aux offres de droit ; Au soutien de son action, la SOCIAM explique que suivant connaissement n 866397214 émis le 29 septembre 2013 à SHANGDU (CHINE), il a été transporté, d abord sur le navire «MAERSK CONAKRY», puis sur le navire «MAERSK CAMEROUN» à destination d Abidjan, sa marchandise constituée de quinze conteneurs contenant 7529 cartons de climatiseurs et de pièces détachées pour un poids total de 133936,700 kilogrammes ; Poursuivant, elle allègue qu à l arrivée du navire «MAERSK CAMEROUN» au port d Abidjan le 03 décembre 2013, la société LTA a effectué les opérations de déchargement, de manutentions et de livraison de sa marchandise. Elle précise qu en raison du nombre important de conteneurs, la livraison s est faite successivement les 1 er, 02,19 et 20 février 2014 ; Continuant, elle prétend qu à l ouverture des conteneurs, elle a constaté des manquants ; qu elle a alors invité tous les intervenants à l effet de procéder contradictoirement au dépotage des autres conteneurs en présence de l expert WIGGINS représentant le transporteur maritime ; Qu elle a ensuite requis les services du cabinet d expertise maritime CECA pour contrôler l état des conteneurs dépotés, faire le décompte des manquants et évaluer son préjudice; que l expert désigné, à la fin de ses constatations, a conclu qu il manque 7189 colis soit 95,48% de la cargaison totale, et évalué, suivant la facture fournisseur, son préjudice à la somme de quatre vingt cinq millions trois cent trente quatre mille sept cent un (85.334.70) francs CFA ; En y ajoutant les honoraires de l expert qui s élèvent à cent seize mille six cent soixante sept (116.667) francs CFA, les frais 3
d acconage, de douane et de transport d un montant de cinquante mille sept cent quatre vingt deux (50.782) francs CFA et les frais de procédure, elle évalue son préjudice à la somme totale de cent trente quatre millions sept cent soixante quatorze mille cent quarante deux (134.774.142) francs CFA ; Estimant, par ailleurs, qu aucun des défendeurs n a émis de réserve lors de la prise en charge la marchandise, elle sollicite qu ils soient déclarés responsables des manquants survenus et condamnés in solidum à lui payer la somme totale de cent trente quatre millions sept cent soixante quatorze mille cent quarante deux (134.774.142) francs CFA ; Le capitaine commandant le navire «CONAKRY», le capitaine commandant le navire «MAERSK CAMEROUN» et la société MAERSK COTE d IVOIRE soulèvent in limine litis l incompétence du tribunal de commerce d Abidjan au profit de l English Court de Londres (Angleterre) ; Au fond, ils sollicitent leur mise hors de cause ; Ils allèguent que le connaissement accepté par la SOCIAM contient une clause attributive de juridiction. Qu en effet, l article 26 dudit connaissement attribue la compétence exclusive à la «English High Court of Justice» de Londres pour connaître de leurs litiges ; Qu en outre, le capitaine commandant le navire «MAERSK CAMEROUN» et le capitaine commandant le navire «CONAKRY», attraits en leur qualité de représentant du transporteur maritime, bénéficient d une clause de non responsabilité insérée dans le contrat de transport ; Que les sociétés Abidjan Terminal et Lagune Transit Abidjan (LTA) ont pris en charge la marchandise sans émettre de réserves de sorte que le transporteur maritime est présumé avoir livré la marchandise conformément au connaissement ; Bien plus, elle fait valoir que les expertises réalisées par les cabinets CECA et CSM-CI à la demande de la SOCIAM ne leur sont pas opposables au motif qu ils n ont ni assisté à celles-ci, ni y été invités ; Au demeurant, ces rapports, selon elle, n ont aucun caractère probant car se fondent sur des suppositions ; La société LTA sollicite, pour sa part, sa mise hors de cause au motif que la SOCIAM n a pas formulé de réserve lors de la livraison de la marchandise ; 4
Dès lors, conformément aux dispositions de l article 3-6 de la convention de Bruxelles du 25 août 1924, elle bénéficie de la présomption de livraison conforme ; Elle fait valoir, en outre, que la demanderesse ne peut pas lui imputer des manquants dès lors qu elle a procédé, en l absence des parties, à l ouverture des conteneurs après leur livraison et pendant que la marchandise était dans ses locaux, comme l atteste la correspondance du 24 février 2014. Elle estime, en conséquence, que c est à tort que la SOCIAM lui impute la responsabilité des manquants, alors qu il est avéré qu elle a manipulé les conteneurs litigieux avant toute expertise contradictoire ; La société STACOTRANS n a ni comparu ni conclu ; Suivant un second exploit d huissier du 07 juillet 2014, la société MAERSK CI, le capitaine commandant le navire «MAERSK CONAKRY» et le capitaine commandant le navire «MAERSK CAMEROUN» ont assigné la société Abidjan Terminal CI en intervention forcée. Ils soutiennent qu à l arrivée du navire «MAERSK CAMEROUN» au port d Abidjan, les conteneurs litigieux ont été déchargés par la société Abidjan Terminal qui les a gardés sur son terre-plein, dans l attente de leur remise à la société Lagune Transit Abidjan ; Que lors des opérations de déchargement, la société Abidjan Terminal n a pas émis de réserve, si bien qu ils bénéficient de la présomption de livraison conforme. En conséquence, ils sollicitent la mise en cause de la société Abidjan Terminal ; La société Abidjan Terminal objecte, pour sa part, que les rapports d expertise établis à la requête de la SOCIAM, la mettent hors de cause, imputant la responsabilité des dommages à la société LTA et au transporteur maritime ; En la forme SUR CE Sur le caractère de la décision Tous les défendeurs ont eu connaissance de la présente procédure pour avoir été assignées à personne ou en la personne de leur représentant et fait valoir leurs moyens et prétentions. 5
Il y a lieu de statuer contradictoirement. Sur la jonction des procédures Les procédures N 1685/2014 et 2023/2014 étant connexes ; il est nécessaire pour une bonne administration de la justice, qu une seule décision intervienne sur les deux contestations. Il y a lieu pour cela d ordonner leur jonction. Sur le taux du ressort L article 8 de la loi organique n 2014-424 du 14 juillet 2014 portant création, organisation et fonctionnement des juridictions de commerce dispose que «Les tribunaux de commerce statuent : - en premier ressort, sur toutes les demandes dont l intérêt du litige est supérieur à un milliard de francs CFA ou est indéterminée ; - en premier et dernier ressort, sur toutes les demandes dont l intérêt du litige n excède pas un milliard de francs CFA.» L intérêt du litige en l espèce qui est de cent trente quatre millions sept cent soixante quatorze mille cent quarante deux (134.774.142) francs CFA, n excède pas un milliard de francs CFA. Il convient donc de statuer en premier et dernier ressort. Sur l exception d incompétence du tribunal de commerce d Abidjan La société MAERSK CI, le capitaine commandant le navire «MAERSK CONAKRY» et le capitaine commandant le navire «MAERSK CAMEROUN», se fondant sur l existence d une clause attributive de juridiction insérée dans le connaissement, soulèvent, l incompétence du tribunal de commerce de ce siège ; Toutefois l article 11 alinéa 2 du code de procédure civile commerciale et administrative dispose que «s il y a plusieurs défendeurs, l action peut être portée indifféremment devant le tribunal du domicile ou, à défaut, de la résidence de l un d eux». De plus, il est de jurisprudence constante que l existence dans le connaissement d une clause attributive de compétence ne peut paralyser la saisine des juridictions nationales lorsque le litige 6
concerne également d autres personnes que les parties qui l ont accepté. En l espèce, hormis la société MAERSK CI, le capitaine commandant le navire «MAERSK CONAKRY» et le capitaine commandant le navire «MAERSK CAMEROUN», la société SOCIAM a attrait les sociétés LTA et STACOTRANS dont le siège social se situe à Abidjan et partant dans le ressort territorial du tribunal de ce siège, et qui n ont pas du reste accepté le connaissement allégué. Il ya lieu, pour tout cela, de rejeter l exception d incompétence et de se déclarer compétent pour connaître de la présente contestation. Sur la recevabilité de l action de la SOCIAM et de l intervention forcée La SOCIAM a régulièrement introduit son action. Il y a lieu de la recevoir. L assignation en intervention forcée de la société MAERSK CI du capitaine commandant le navire «MAERSK CONAKRY» et du capitaine commandant le navire «MAERSK CAMEROUN est régulière. Il y a lieu de la recevoir également. Au fond Sur la demande principale en réparation La SOCIAM sollicite la condamnation de tous les défendeurs à lui payer la somme de cent trente quatre millions sept cent soixante quatorze mille cent quarante deux (134.774.142) francs CFA en réparation de son préjudice. Le tribunal constate que la SOCIAM, au moment de la réception de sa marchandise, n a pas émis de réserve contre l un quelconque des intervenants. Il s ensuit qu elle est présumée avoir reçu sa marchandise exempte de tout dommage. Elle prétend que la marchandise a subi des avaries. Il ressort cependant de sa correspondance en date du 24 février 7
2014 produite aux débats que la société SOCIAM a procédé unilatéralement à l ouverture des conteneurs litigieux, et que, c est après avoir constaté des manquants, qu elle a requis les services d un expert. Les conclusions du cabinet d expert et conseil en assurance (CECA) confirment d ailleurs cela. En effet, le cabinet CECA affirme qu il a procédé du 24 au 27 février 2014 à des «opérations de constat sur un lot de marchandises dépotées des conteneurs..». Dans la mesure où c est elle qui a de son propre chef et hors la présence de tiers procéder au dépotage des conteneurs qu elle a reçus sans réserve, il ne peut être soutenu que les manquants existaient avant la livraison des conteneurs, ceux-ci pouvant, comme le disent les défendeurs à juste titre, être du fait de la SOCIAM elle-même. Dans ces conditions, il ya lieu de la déclarer mal fondée en sa demande en réparation et de l en débouter. Sur l exécution provisoire La société SOCIAM ayant été déboutée de sa demande, il y a lieu de déclarer sa demande d exécution provisoire sans objet, rien n étant à exécuter à son profit. Sur les dépens La société SOCIAM succombe. Il convient donc de mettre les dépens à sa charge. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement, en premier et dernier ressort ; Ordonne la jonction des procédures RG N 1685/14 et RG N 2023/14 ; Rejette l exception d incompétence soulevée par la société MAERSK CI, le capitaine commandant le navire «MAERSK CONAKRY» et le capitaine commandant le navire «MAERSK CAMEROUN et se déclare compétent ; Déclare la Société Ivoirienne d Articles de Ménage et d Industrie 8
Divers dite SOCIAM et la société MAERSK CI, le capitaine commandant le navire «MAERSK CONAKRY» et le capitaine commandant le navire «MAERSK CAMEROUN recevables respectivement en leurs action principale et en intervention forcée ; Constate la non conciliation des parties ; Dit la société SOCIAM mal fondée en son action ; L en déboute ; La condamne aux dépens. Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jours, mois et an que dessus ; ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./. 9
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