ANDROGENES ANTI ANDROGENES ET CANCER DE LA PROSTATE Professeur Pierre FOSSATI AVRIL 2014 Evolution des connaissances et les prescriptions en France L influence de la Testostérone sur l évolution du cancer de la prostate est reconnue par CH. HUGGINS aux USA qui propose en 1941 la castration chirurgicale ou les oestrogènes dans les formes avancées. Cette attitude sera généralisée et longtemps pratiquée. L équipe de Fernand LABRIE (labo. Endorcr.Mol. et Oncologie de Laval (Québec) en 1981 et 1982 va bouleverser la thérapeutique en faisant deux découvertes fondamentales : la mise en évidence de l action anti gonadotrope d un Agoniste de la LH RH qui baisse le taux de Testostérone plasmatique de 80 à 90% ; ce qui va remplacer la castration irréversible et la démonstration de l action intracrine de la prostate qui transforme la DHA de la corticosurrénale inactive en Testostérone puis en dihydrotestostérone (forme active) sous l action de la 5 α Réductase (5 α R). La Testostérone apportée par la DHA est sensiblement comparable à celle des testicules ; ce qui rend la castration isolée inefficace. La dihydrotestostérone (DHT) provenant de la testostérone testiculaire et celle formée par la DHA dans la cellule prostatique va agir au niveau des récepteurs androgéniques nucléaires de la cellule et permettre l expression de l activité. C est à ce niveau que vont agir les anti-androgènes. La thérapeutique efficace devait donc associer en même temps l agoniste et un antiandrogène non hormonal bloquant les récepteurs des androgènes. Ces informations étaient connues des endocrinologues français dès 1984 ; elles étaient rapportées dans le livre de P. MAUVAIS-JARVIS. Les résultats, très prometteurs, sont rapportés dans les cancers métastatiques, en 1989, par cette équipe. L influence de la DHA est importante : son taux plasmatique étant 500 fois plus important que celui de la Testostérone. L action intracrine s exerce également au niveau d autres tissus en favorisant la densité osseuse et la formation des hématies où l action des anti-androgènes sera néfaste. Page 1 sur 5
LEIBOWITZ et TUCKER aux USA vont associer en 1992 à la thérapeutique hormonale précédente un inhibiteur de la 5 α R ; ce qui va réaliser un Blocage Androgénique Maximal (BAM). Ces auteurs étendent l indication du BAM aux formes localisées dites indolentes ; ce qui soulève polémiques et réprobations chez de nombreux urologues. En France, la castration chirurgicale et les oestrogènes restent longtemps maintenus. En 1972, M. DECLERCQ analyse les effets d un œstrogène de synthèse (DISTILBENE) prescrit par l équipe lilloise du Pr WEMEAU dans les formes évoluées du cancer (diagnostic clinique) avec 16% de survie à 7 ans. En 1986, autorisation de mise sur le marché (AMM) du premier analogue de la LH RH, la TRIPTORELINE (DECAPEPTYL) et d un inhibiteur des récepteurs androgéniques, la FLUTAMIDE (EULEXINE), utilisé au Canada dès 1982. Ces substances seront indiquées par l AMM dans les formes métastatiques et il en sera ainsi pour les substances commercialisées secondairement ; ce qui en limitera l utilisation. Récemment (2011) sur le marché, apparition d un antagoniste de la LH RH (FIRMAGON). Toutefois dès 1987, le Dr M. DECLERCQ utilise l association d un agoniste et d un anti-androgène, le NILUTAMIDE (ANANDRON), responsable de quelques troubles respiratoires (pneumopathie interstitielle 10 à 15% des cas) mais évitant les troubles coliques, fréquents, du FLUTAMIDE (EULEXINE). La pratique de ces médications se fera le plus souvent en 2 temps (AMM) : castration chirurgicale ou hormonale ; puis anti-androgène en seconde intention, après récidive, avec des résultats pas toujours favorables. En 1992, AMM (pour le traitement de l hypertrophie BENIGNE de la prostate) pour le premier inhibiteur de la 5 α R, le FINASTERIDE (CHIBROPROSCAR) : et en 2003 de la forme plus active 5 α 1 et 5 α 2 R, le DUTASTERIDE (AVODART). En 2007, se basant sur les travaux de LEIBOWITZ, l association française ANAMACAP préconise le BAM dès la découverte du cancer localisé ; ce qui soulève peu d enthousiasme. Inspiré et convaincu par LEIBOWITZ, le Dr M. DECLERCQ préconise le BAM à tous les stades du cancer de la prostate dès 2007-2008, associé ou non à la chirurgie prostatique et/ou la radiothérapie ; ce qui n est pas bien accepté dans les milieux urologiques français. Il brave ainsi l AMM et les prescriptions conventionnelles, mais avec succès. Les laboratoires et services d Onco-Urologie vont apporter des précisions et des positions complémentaires. En 2010, Ph. BEUZEDOC et Coll. proposent l utilisation d un inhibiteur enzymatique de l hormonogenèse de la corticosurrénale (pré-androgène et cortisol) en cas de résistance aux antiandrogènes. Le Pr. Olivier CUSSENOT de TENON (Paris) en 2011 apporte une excellente mise au point du traitement anti-androgénique ; et préconise sous sa responsabilité un essai multicentrique (PITIE SALPETRIERE et TENON à PARIS Page 2 sur 5
CHU d ANGERS et de DIJON) du BAM dans les formes localisées. Le banni devient autorisé. L équipe du Pr J.P. BERGERAT réalise la structure moléculaire du récepteur androgénique et de ses sites spécifiques ; ce qui permettrait une nouvelle alternative thérapeutique en inhibant ces sites lors de l échappement aux antiandrogènes : un nouvel espoir pour les formes actuellement incurables. En 2013 avec Jean FRICHET, le DR M. DECLERCQ publie un nouveau livre et les résultats à 10 ans du BAM selon les modalités adaptées au stade de la maladie, avec des résultats remarquables confirmant ce que disait Fernand LABRIE en 1989 : «diagnostiqué tôt, on ne devrait plus mourir du cancer prostatique». Pr. Pierre FOSSATI, Professeur Emérite d Endocrinologie, Métabolisme, Nutrition, CHU de LILLE. Page 3 sur 5
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES Ph BEUZEDOC, A. TOLEDANO, M. ZERBIB L inhibition de la biosynthèse des androgènes, une nouvelle approche thérapeutique dans le cancer de la prostate résistant à la castration. Le journal d Onco-gériatrie Vol.1 n 6 2010, 245-250. O. CUSSENOT Accompagnement thérapeutique et privation androgénique. Urologue Oncologue Hôpital Tenon Paris 20ème Université Paris 6. Conférence scientifique Association Française ANAMACAP 13 rue Portarrieu 86180 AUROS. M. DECLERCQ LES CANCERS DE LA PROSTATE Ce que je crois. Une expérience. Bilan du suivi de 1303 patients rencontrés pendant 20 ans (1989-2008). Livres de diffusion médicale 205 pages. PRINT FORUM 2009. J. FRICHET, M. DELERCQ Cancer de la Prostate Comprendre, anticiper, guérir Du dépistage au traitement. 1 volume Le TAIMAN Editions Edition 2013. C. HUGGINS, C. V. HODGES Studies of prostatic cancer effect of castration, estrogen and androgens injections on serum phosphatases in metastatic carcinome of the prostate. Cancer Res 1941, 1 : 293-309. F. LABRIE, A. DUPONT, A. BELANGER, L. CUSAN, Y. LACOURCIERE, G. MONFETTE, J.G LABERGE, J. EMONG, A.T. FAZEKAS, J.P. RAYNAUD, J.M. HUSSON New hormonal therapy in prostatic carcinoma : combined treatment with an LH RH agonist and anti androgen. Clin. Invest.Med 1982,5 : 267-275. F. LABRIE, A. BELANGER, J. SIMARD, Van LUU THE, CL. LABRIE, Shen Xiang LIN, B. CANOAS et L. CUSAN Impact de l intracrinologie dans la thérapeutique et la prévention des cancers du sein et de la prostate, et de la ménopause. La revue française d Endocrinologie clinique, nutrition et métabolisme. Tome XL n 3, 4, 5 mai octobre 1999 : 169-204. MAUVAIS-JARVIS P., SCHAISON G., BOUCHARD P., MAHOUDEAU J., LABRIE F. Médecins de la Reproduction Masculine FLAMMARION ; Médecine Science 1984 1 volume. B. LEIBOWITZ Protocole scientifique 2007 ANAMACAP. Page 4 sur 5
L. WEMEA, E. MAZEMAN, J. DELHAY, J. BLANKAERT, M. DECLERCQ Résultats du traitement oestrogénique dans le cancer prostatique Lille Chirurgical 1972 ; 27 n 2-3. Page 5 sur 5