Vente directe et circuits courts : état des lieux et promotion dans la Province de Namur (Belgique)



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Vente directe et circuits courts : état des lieux et promotion dans la Province de Namur (Belgique) M. DE FAYS Observatoire de la Consommation Alimentaire Gembloux Agro-Bio Tech/ULg Mars 2013 1. Introduction Les Circuits Courts de Proximité (CCP) sont caractérisés par un système de commercialisation monétisée, avec au maximum un intermédiaire, dans une proximité géographique et relationnelle entre producteur et consommateur (Maréchal, 2008). A l heure actuelle, les CCP rencontrent un certain succès en Belgique relayé par les politiques (Parlement wallon, 2009). Ils représentent un créneau où producteur et consommateur trouvent une satisfaction réciproque. Cet engouement pour les CCP est dû aux divers avantages que les producteurs, les consommateurs et les pouvoirs publics y trouvent. Pour le producteur, les CCP permettent une valorisation, tant financière que sociale, de leur production et de la main-d œuvre engagée. Le consommateur s oriente vers les CCP pour diverses raisons. Les crises répétées dans le secteur de l industrie agroalimentaires (IAA), encore d actualité récemment, ont entraîné peu à peu une diminution de la confiance du consommateur qui est, sans aucun doute, l une des principales raisons de cette transition vers les circuits courts. Le consommateur veut retrouver des produits frais et sains et une transparence totale dans le système de production. Dans cette optique, les produits vendus dans les CCP sont majoritairement représentés par des produits issus de l agriculture biologique, perçus comme plus sains par le consommateur et produits dans un plus grand respect de l environnement. Les CCP sont également un mode de soutien de l agriculture et de l économie locales. Ce renforcement du soutien de l économie et de la production locale apparaît en opposition au phénomène de globalisation qui a supplanté nos marchés en modifiant nos habitudes de consommation et en rompant le lien entre producteurs et consommateurs. Malgré ce climat favorable au CCP qui pourrait laisser croire à une augmentation des parts de marché de ce mode de commercialisation, il convient de souligner que le nombre d exploitations agricoles est en régression en Belgique et notamment en Région wallonne. Ainsi, celle-ci a perdu en moyenne annuellement 550 exploitations au cours des dix dernières années, soit une perte annuelle de 3,5% par an du nombre total d exploitations agricoles en Wallonie. Ce phénomène limite progressivement le nombre de points de vente en CCP et le potentiel de développement de ce créneau. 1

Pour maintenir l extension des CCP en Wallonie, il faudra, avant toute chose, soutenir et renforcer l agriculture wallonne afin d endiguer la tendance de diminution drastique des exploitations agricoles. Malgré la place qu occupent les CCP aujourd hui, il reste délicat de quantifier la part exacte que représentent ces créneaux de commercialisation dans la distribution des produits alimentaires en Belgique. En outre, les CCP représentent un gain direct pour les agriculteurs wallons en leur attribuant la part habituellement perçue par les intermédiaires de l IAA en circuit classique. Dans certains cas, cette part est évaluée à 60% de la valeur de la vente finale aux consommateurs (Comps et al, 2012). Ce gain pour les agriculteurs est également un gain direct pour l économie wallonne. Par conséquent, les CCP représentent la solution préconisée par les pouvoirs publics pour rétablir une chaîne de valeur plus équitable pour le producteur et pour soutenir l économie et l agriculture locales. 2. Objectif Pour répondre à une meilleure connaissance de l existant, l OCA et GxABT-ULg ont réalisé des études spécifiques sur la situation des CCP en Province de Namur 1. Ces études dressent l état des lieux de la vente directe et en circuits courts, ainsi que leurs caractéristiques en matière de promotion. La Province de Namur a été choisie comme modèle de référence avant d engager une éventuelle nouvelle enquête sur l ensemble de la Région Wallonne. Cet état des lieux est indispensable avant toute proposition de nouveaux axes de promotion en vue de rendre ces deux types de relations plus étroites et plus dynamiques entre producteurs et consommateurs dans l intérêt des deux parties tout en renforçant le secteur. L objectif de la communication est de présenter les principaux résultats qui se dégagent de ces études. 3. Méthodologie Ces états des lieux ont été réalisés en plusieurs étapes : - création d une base de données recensant les exploitations agricoles concernées à partir de listes institutionnelles disponibles 1 La Province de Namur en Belgique est une entité territoriale qui peut être assimilée à un Département français. Elle est située au centre de la Région Wallonne. Avec une SAU de 157.716ha et un nombre d exploitations agricoles fixé à 2.599 en 2010, la Province de Namur est une terre agricole riche avec un sol varié. 2

- analyse de l offre sur internet - analyse descriptive des modalités de vente et des offres de produits - analyse descriptive des différentes méthodes de promotion - analyse des avantages des circuits courts pour les producteurs et de leurs motivations - validation des observations sur le terrain par échantillonnage, visites de marchés, visites des exploitations, enquêtes auprès des producteurs - évaluation de la rentabilité de la vente de certains produits en vente directe et en circuits courts par estimation du prix de revient et de la marge nette réalisée par le producteur - énumérations des difficultés liées à l implantation - évaluation des perspectives pour les circuits courts 4. Résultats 4.1. Caractéristiques des producteurs impliqués Au total, 146 producteurs impliqués dans les CCP ont été recensés à partir des listes institutionnelles disponibles. Ces producteurs représentent moins de 6% du nombre total d agriculteurs de la Province. Cette part assez faible induit un potentiel encore important de développement des CCP. Les gammes de produits proposés par ces producteurs (tableau 1) sont variées et dépendent de l orientation technico-économique de l exploitation «traditionnelle». Tableau 1. Gammes de produits vendus en CCP recensées dans la Province de Namur, nombre de producteurs par gamme et part de chaque gamme dans l'ensemble. Gamme de Produits Nombre de producteurs Part (%) Animaux laitiers 48 33,0 Animaux carnés 16 10,9 Produits apicoles 16 10,9 Animaux et végétaux 15 10,3 Végétaux fruitiers 12 8,2 Végétaux maraîchers 10 6,8 Végétaux de grandes cultures 9 6,2 Non identifiés 7 4,8 Association de plusieurs produits végétaux 6 4,1 Produits de l héliciculture ou de la pisciculture 5 3,4 Association de plusieurs produits animaux 2 1,4 TOTAL 146 100 La gamme de produits la plus développée en CCP est la gamme des produits laitiers qui concerne 33% des producteurs. Peu d exploitations offrent différentes gammes de 3

produits. Cette spécialisation implique une faible concurrence entre les producteurs dans une même zone géographique. Les observations sur le terrain et les rencontres avec les producteurs mettent en évidence la singularité de chaque exploitation. Elles représentent chacune un cas particulier et le producteur décide, en fonction de ses capacités propres, des moyens à mettre en œuvre pour valoriser sa production, pour assurer sa promotion et pour toucher une plus large clientèle. Bien qu ils se distinguent les uns des autres par leur singularité, les producteurs se rejoignent dans leurs motivations à s orienter vers les CCP et dans les avantages qu ils y trouvent. La vente en CCP est d abord un choix économique et personnel. Les producteurs ont la volonté de rester indépendants et de sortir des standards imposés par l industrie agroalimentaire. Renouer le contact avec le consommateur est primordial pour valoriser la production. La qualité, basée sur la confiance des consommateurs et la transparence totale du système, prime sur les rendements. Le système d exploitation se veut durable sur les plans financier, environnemental et social. 4.2. Modalités de vente Les modalités de vente sont diverses et variées et peuvent être combinées par un même producteur (tableau 2). Cette multiplicité est un atout considérable pour les producteurs. Elle leur permet d adapter leurs ventes aux caractéristiques de leur production, de leur exploitation et de leur emploi du temps. Tableau 2. Modalités de vente en CCP pour 22 producteurs interrogés et part de chaque modalité. Modalités de vente Nombre de Part producteurs (%) Vente à la ferme 21 95,5 Vente à des distributeurs 12 54,5 Vente sur le marché 11 50,0 Livraisons à domicile 7 31,8 Vente de paniers 6 27,3 Commande par Internet 3 13,6 La première modalité de vente est incontestablement la vente sur le lieu de l exploitation. En effet, c est sur le lieu de production que le lien entre le producteur et les consommateurs se crée. La pleine transparence de la production et l échange direct avec le producteur renforcent la confiance des consommateurs et leur fidélité. Les producteurs affirment que la clientèle est fidèle si les produits sont de «qualité». Les consommateurs sont donc satisfaits des produits qu ils achètent. 4

La deuxième modalité la plus employée est la vente à des commerces de détail. Ceuxci représentent une facilité pour le producteur, qui ne doit plus se charger de la vente, et augmente sa notoriété. En troisième position, on retrouve la vente sur les marchés. Elle permet également un contact direct entre producteurs et consommateurs, assure une clientèle fidèle et une augmentation de la notoriété. On rencontre très peu de modalités de vente en collectif qui serait expliqué par un «individualisme» des producteurs. Ces modalités apportent pourtant plusieurs avantages, et une réflexion quant à leur intégration aux CCP est envisagée. La vente en collectif permettrait ainsi un gain de temps pour les producteurs comme pour les consommateurs, une diminution du nombre de transactions, une plus grande visibilité, une promotion plus efficace et touchant davantage de personnes, une clientèle plus large, etc. 4.3. Méthodes de promotion De nombreux moyens de promotion sont utilisés par les producteurs (tableau 3) concernés par les ventes directes. Les moyens sont combinés afin d augmenter les effets et tendre vers une synergie d actions. Il est particulièrement utile d associer moyens institutionnels et moyens personnalisés. Tableau 3. Emetteur des moyens de promotion de 22 producteurs interrogés et importance de ces émetteurs. Émetteurs des moyens de Nombre de promotion producteurs Part (%) Producteur lui-même 22 100 Institutions 9 41 Coopératives 2 9 Distributeurs 2 9 La promotion de l exploitation est réalisée principalement par le producteur lui-même. En effet, les 22 producteurs interrogés réalisent eux-mêmes une partie de leur promotion. Les moyens employés sont divers et adaptés à chaque exploitation (tableau 4). 5

Tableau 4. Moyens individuels de promotion des 22 producteurs interrogés et importance de chaque moyen. Moyens individuels de promotion Nombre de producteurs Part (%) Bouche-à-oreille récent 13 59,1 Internet (site individuel) 11 45,5 Venue sur le marché 5 22,7 Panneau sur rue 4 18,2 Bouche-à-oreille ancien (historique de l exploitation) 4 18,2 Dépliants et flyers distribués dans les lieux publics 4 9,1 Publicité dans les médias 2 9,1 Porte-à-porte 2 9,1 Article dans la presse 1 4,5 Journée découverte entreprise 1 4,5 Distribution d une carte de visite 1 4,5 Le bouche-à-oreille est la méthode de promotion la plus répandue parmi les producteurs. Il s agit d une «promotion de proximité» en adéquation avec le système de vente. La création d un site internet est également une méthode très utilisée adaptée à la société actuelle. Elle permet de toucher un public large et de fournir des informations utiles aux consommateurs (plan d accès, horaire, produits proposés, présentation de la ferme, etc). Plus de 40% des agriculteurs interrogés sont membres d associations, d asbl ou de coopératives qui réalisent également une part de leur promotion. En Wallonie, ces institutions sont nombreuses (Agence Wallonne Pour une Agriculture de Qualité (APAQ-W), Office des Produits Wallons (OPW), Saveurs Paysannes, Accueil Champêtre, Nature et Progrès, les Groupes d Action Locale (GAL), les conseils de filières, etc.). Les institutions citées font la promotion des circuits courts par divers moyens : - soutien à la création de réseaux pour aider la structuration de l offre et la mutualisation des moyens ; - actions de communication, de sensibilisation et d éducation à destination du grand public ; - organisation d événements, lieu de rencontre des consommateurs et des producteurs ; - élaboration de répertoires des producteurs du terroir, etc. Les producteurs sont favorables à davantage de promotion de la part de ces institutions. Toutefois, ils insistent sur leur souhait d être encadrés et non d être pas assistés. Ils comptent rester indépendants dans leur promotion. Certains producteurs déclarent que le trop grand nombre d institutions soutenant les circuits courts génère des incohérences et des disfonctionnements organisationnels, 6

notamment parce qu'elles sont orientées. En d autres termes, les institutions sont parfois concurrentes alors qu elles soutiennent les mêmes producteurs. 4.4. Marges nettes Comme mentionné précédemment, les producteurs impliqués dans les CCP misent sur la qualité plutôt que sur le rendement. Les contraintes financières engendrées sont un facteur qui limite le développement des circuits courts. La qualité doit être irréprochable pour renforcer la fidélité de la clientèle et s assurer un revenu régulier et stable. De plus, la marge réalisée par le producteur est supérieure à celle qu il obtient en circuit traditionnel puisqu il n y a pas d intermédiaire. Cette différence compense le prix de revient nécessairement plus élevé vu les quantités produites. Les marges nettes de quelques produits proposés en CCP ont été évalués (tableau 5). Ils sont exprimés à prix courants pour l année 2010. Tableau 5. Estimation du bénéfice de différents produits proposés en CCP. Produits Fraises Pommes Poires Pommes de terre Beurre Glace Fromage à pâte dure Viande en colis (bœuf) Viande en colis (veau) Viande en colis (porc) Miel Marges nettes estimées 4,4 /kg 2,9 /10kg 3,9 /10kg 0,35 /5kg 3,5 /kg 2,5 /litre 9,5 /kg 500 /tête 450 /tête 100 /tête 2 /kg 4.5. Difficultés L investissement lié à l installation et les coûts liés à l activité sont incontestablement les facteurs les plus contraignants. En effet, la création d une structure de vente adaptée est indispensable et engendre un investissement. Il en est de même pour les éventuels achats de matériel nécessaire à la transformation et au conditionnement des produits. Enfin, la production, la transformation et la vente engendrent des frais continus pour le producteur. 7

Le deuxième facteur le plus contraignant est l importance du temps de travail que requiert une telle activité. Les producteurs exercent quatre métiers : agriculteur, transformateur, communicateur et vendeur. Ces trois dernières activités supplémentaires représentent un temps de travail additionnel conséquent (tableau 6) et ne sont pas envisageables pour tous les producteurs. Tableau 6. Répartition du temps de travail pour la production, la transformation et la vente de produits en CCP. Temps Temps Temps production transformation vente Moyenne 47 % 40 % 25 % Ecart-type 22 % 13 % 15 % Une troisième difficulté qui peut être rencontrée est le manque de différenciation entre les produits offerts par les circuits courts et les produits de qualité différenciée proposés dans la grande distribution. La différenciation est peu évidente pour le consommateur et il peut avoir tendance à s orienter vers les produits proposés en grande surface par facilité et par gain de temps. Enfin, le manque de notoriété au début des activités de vente peut représenter une difficulté pour se lancer. C est pourquoi la promotion reste un facteur crucial. 4.6. Perspectives Les perspectives de développement des circuits courts semblent plutôt positives et d autant plus si la promotion est renforcée et si le soutien des instances publiques est maintenu. La concurrence est encore assez faible et ne sera pas une contrainte pour les producteurs impliqués dans les CCP. Il est important de signaler que les circuits courts ne concurrencent pas les circuits traditionnels. Ils viennent simplement les compléter et diversifier l offre pour répondre aux nouvelles demandes des consommateurs. Avant de se lancer dans les CCP, il convient pour le producteur de réaliser une analyse de l offre présente et une évaluation de la demande potentielle. Il choisit ensuite ses modalités de vente et ses méthodes de promotion. Le développement est généralement progressif et croît avec la notoriété de l exploitation et l augmentation de la clientèle. 8

5. Conclusion Ces résultats mettent en évidence la volonté des producteurs de renouer le contact avec les consommateurs en privilégiant la qualité des produits. Plusieurs exploitations étudiées écoulent la totalité de leur production en vente directe ou en circuits courts, montrant que ce mode de commercialisation est viable et constitue un système à part entière. Dans la Province de Namur, il existe une multitude de modalités de vente, ce qui se révèle être un véritable atout pour les producteurs. Cependant, les modalités de ventes individuelles sont plus présentes que les modalités de ventes collectives. Ces dernières apporteraient pourtant de nombreux avantages, et une réflexion sur leur intégration auprès des producteurs wallons serait intéressante. Les structures de ventes directes les plus fréquentes sont les points de vente à la ferme et au marché qui représentent des lieux de rencontre privilégiés entre producteurs et consommateurs. Les commerces de détail ont également un succès dans les CCP car ils représentent un intermédiaire facile pour les producteurs qui ne doivent plus se charger de la vente. Les moyens de promotion utilisés sont nombreux et variés (panneaux, prospectus, dégustations, sites web, etc.). Ces moyens sont généralement combinés pour créer une synergie d actions. Il est particulièrement utile d associer des moyens institutionnels et des moyens personnalisés. De plus, les ventes directes s inscrivent dans les circuits de proximité géographique, culturelle et relationnelle; la communication avec les consommateurs doit par conséquent user de moyens adaptés, c est-à-dire une promotion de proximité. Malgré les difficultés d installation liées principalement à l investissement et au développement d une notoriété auprès des consommateurs, les perspectives d installation restent favorables pour les producteurs car la concurrence est assez faible. Les CCP sont généralement intégrés dans des réseaux. Ce soutien améliore leur visibilité et leur notoriété auprès du grand public. Rappelons toutefois que la diminution du nombre d exploitations agricoles en Région wallonne diminue le potentiel de nouveaux points de vente en CCP et qu il reste beaucoup de d innovation à trouver pour arrêter cette tendance. En particulier, les nombreuses initiatives de soutien doivent être mieux coordonnées si elles se veulent efficaces. 9

6. Références bibliographiques COMPS S., 2010. Etat des lieux de la vente directe et en circuits courts des produits agricoles en province de Namur. Gembloux Agro-Bio Tech-ULg, 93p. COMPS S. & LEBAILLY P., 2012, Les circuits courts en Wallonie : estimation de l impact sur l économie globale. Gembloux Agro-Bio Tech-ULg, 3p. Déclaration de Politique Régionale wallonne, Une énergie partagée pour une société durable, humaine et solidaire. Parlement wallon, session extraordinaire 2009, 16 juillet 2009, pp.83 à 88. LANNOY C., 2012. Etat des lieux de la promotion des ventes directes de produits agricoles alimentaires en province de Namur. Gembloux Agro-Bio Tech-ULg, 70p. MARÉCHAL G., 2008. Les circuits courts alimentaires : Bien manger dans les territoires. Paris : Educagri. 214 p. 10