Comment peut-on amener un enfant à



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Transcription:

I.U.F.M. Académie de Montpellier Site de Mende HUGON Lysiane La structuration du temps aux cycles 1 et 2 : Comment peut-on amener un enfant à structurer le temps? Contexte du mémoire Discipline concernée : découverte du monde Classe concernée : PS, GS, CP et CE1 Ecole de Rocles Tuteur du mémoire : Jacqueline Laganne Assesseur :

Année universitaire : 2002-2003 Résumé en français Le temps est un concept inséparable de toute existence. On comprend donc l importance de sa structuration chez l enfant. Mon mémoire traite de la question de la construction de la notion de temps chez l enfant à l école. En effet, celle-ci doit permettre de répondre à ce besoin par la mise en œuvre de pratiques pédagogiques variées qui révèlent que la maturation de la notion de temps nécessite un travail sur la durée. Résumé en italien Il tempo è uno concetto inseparabile di lutta esistenza. Si comprende dunque l importanza della sua strutturazione per il bambino. La mia memoria tratta della questione della costruzione della nozione di tempo per gli giovani bambini alla scuola. Effetivamente questa deve permettere di rispondere a questo bisogno per l attuazione di pratice pedagogice variate che rivelano che la maturazione della notione di tempo necessita uno lavoro da lunga durata.

MOTS CLES : temps - structuration - construction - découverte du monde - apprentissage Mention et opinion motivées du jury

Sommaire INTRODUCTION p 1 1 ERE PARTIE : LA NOTION DE TEMPS : DEFINITION ET COMPLEXITE p 3 I - QU EST-CE QUE LE TEMPS? p 3 1 - Multiplicité de temps p 3 2 - Complexité de la notion de temps p 4 II - L ENFANT ET LE TEMPS p 5 1 - Le temps de l enfant... p 5 2 -... une structuration progressive p 6 2 EME PARTIE : L ECOLE ET LA CONSTRUCTION DU TEMPS p 9 I - LES ENJEUX PEDAGOGIQUES DE LA NOTION DE TEMPS A L ECOLE p 9 1 - L école maternelle : une entrée dans le temps social commun p 9 2 - Le temps : un concept imbriqué parmi d autres p 10 II - LES INSTRUCTIONS OFFICIELLES p 11 1- Le temps qui passe p 12 2- Le langage au cœur des apprentissages p 13 III - LES PRATIQUES PEDAGOGIQUES p 14 3 EME PARTIE : ANALYSE DE PRATIQUES PERSONNELLES p 16 I - L OBSERVATION DES MANIFESTATIONS DE LA VIE VEGETALE COMME MOYEN DE STRUCTURER LE TEMPS 1- L observation quotidienne p 16 2- La comparaison de photos et de schémas p 17 II - LA REALISATION D UN EMPLOI DU TEMPS p 20 1- L emploi du temps avec les PS/GS p 20 2- L emploi du temps avec les CP/CE1 p 22 III - ACTIVITES SUR LES LIGNES DE VIE p 23 CONCLUSION p 26 BIBLIOGRAPHIE p 28 p 16

ANNEXES p 29 INTRODUCTION Donner une définition du temps s avère une chose bien difficile à faire tant le concept de temps désigne dans la langue courante des notions très différentes les unes des autres (le temps qui passe, le temps de la montre, le temps de l attente...). De plus, le temps ne s appréhende que dans l instant, dans la mesure où il ne correspond à rien de matériel. Pour prendre conscience du temps il faut se souvenir ou anticiper : si le présent est accessible (il est l instant vécu), le passé doit être remémoré et reconstruit (il n est plus), et l avenir anticipé (il n est pas encore là). Ce temps n en est cependant pas moins fondamental ; l individu ne peut s y soustraire même si il n en a pourtant parfois pas conscience (l enfant). La construction du temps par l enfant se fait par l acquisition d expériences nouvelles mais également par une maturation intellectuelle et psychologique respectant des stades de développement liés à son âge. Le temps apparaît comme un paramètre essentiel dans l apprentissage. En effet, apprendre à l école c est aussi s inscrire dans la temporalité. De son apprentissage dépendent bien d autres apprentissages tout aussi fondamentaux (comme celui de l espace par exemple). Les Instructions officielles font de l apprentissage de la notion de temps un des domaines fondamentaux de l école et ce dès le premier cycle. En effet, les repères dans le temps permettent de prendre conscience du temps vécu, de se situer dans l environnement social (famille, école), de se projeter dans l avenir (projets, programmations d activités...), de prendre conscience d une chronologie d actions, de situer un fait passé, de relier dans le temps différents événements, et enfin d organiser sa

mémoire. Face à l importance du temps chez tout individu et en particulier à la nécessité de sa construction chez l enfant, on peut se demander comment aborder le temps à l école et par quelles pratiques pédagogiques permettre à l enfant de structurer le temps. Après un éclairage théorique sur le temps, sa complexité et sur la perception qu en a l enfant, je verrai les enjeux pédagogiques d un tel apprentissage à l école et le cadre institutionnel dans lequel doit se faire cet apprentissage. Enfin, j essaierai d analyser dans quelle mesure ma pratique personnelle a permis aux enfants de construire la notion de temps Je ne m intéresserai pas ici au cycle trois dans la mesure où je ne veux pas aborder la dimension historique du temps mais je m intéresserai plutôt aux activités qui vont permettre aux enfants d acquérir les «bases» au niveau temporel qui leur permettront d aborder, au cours du cycle trois, une véritable démarche historique.

1 ère p a r t i e : L a n o t i o n d e t e m p s : définition et complexité

Avant de tenter de cerner comment s effectue la structuration du temps chez l enfant, il me semble essentiel d essayer de définir ce qu est le temps. I - QU EST-CE QUE LE TEMPS? Le temps est d autant plus difficile à définir qu il est multiple et complexe. 1 - Multiplicité du temps Lors du congrès de l A.G.I.E.M. 1 en 1992, dix-huit entrées différentes sur le thème du temps avaient été retenues : celle du philosophe, du physicien, du pédagogue, de l historien... si bien que savants, philosophes et historiens n ont réussi à se mettre d accord sur une définition commune et unique du temps. Définir le temps n apparaît donc pas une chose aisée à faire. On considère bien souvent le temps comme une période pendant laquelle une action ou un événement se déroule, ou encore comme une succession de ces actions ou événements. Mais cette définition ne saurait être complète et certainement pas parfaite. La difficulté de fixer une définition de la notion de temps trouve, pour partie, son origine dans le fait que le temps n est pas une réalité tangible, palpable, matérielle mais plutôt une construction intellectuelle. Il n est en effet pas inné chez l homme qui l a organisé, structuré afin de le maîtriser et de se l approprier. De ce fait, il est une réalité subjective qui varie selon les individus, les

sociétés, les époques. Malgré la tentative de structuration du temps par l homme, le temps est resté pluriel : il existe plusieurs «temps» auxquels l homme est soumis et dont il doit tenir compte dans sa vie quotidienne. Tous les hommes sont ainsi soumis à un temps dit naturel : en effet, tout homme voit sa vie rythmée de façon cyclique et répétée par les saisons, par l alternance des jours et des nuits. En plus de cela, l homme doit composer avec un temps arbitraire et réglementé : le temps conventionnel de la montre et du calendrier, qui rythme le temps social, celui-là même que les groupes sociaux ont instauré pour faciliter la vie collective. Il ne faut pas omettre également le temps personnel, affectif de chaque individu auquel sont affectées des durées variables selon l humeur qui l anime, selon ses sentiments. Il existe enfin un temps qui n appartient pas au temps personnel de l homme mais qui fait partie du passé de l espèce humaine et qui est assorti du devoir de mémoire : il s agit du temps historique. Coexistent ainsi des temps partagés par tous (temps social, temps naturel) et un temps individuel, perçu et vécu par chaque individu selon sa sensibilité (le temps affectif). Ces différents temps nous permettent de cerner toute la complexité de cette notion. En tant que réalité subjective, le temps ne s appréhende donc que dans l instant, et pour prendre conscience du temps qui passe / du temps à venir, il faut se souvenir, se projeter, anticiper. Le temps n appartient pas à l ordre du vu mais à celui du conçu. La notion de temps représente un très haut niveau de synthèse. Pour élaborer le concept temporel, véritable construction mentale, il est alors nécessaire de combiner la multiplicité du temps et ses principales composantes. 2 - Complexité de la notion de temps Le temps n est pas facile à appréhender dans la mesure où il englobe une double triade. En effet, le temps est un concept qui regroupe plusieurs notions dont il faut 1 Congrès des A.G.I.E.M. de 1992 : cf. bibliographie p 28

absolument tenir compte et qui donneront lieu à des apprentissages particuliers, à savoir : - simultanéité, succession (antériorité / postériorité) et durée - présent, passé et futur Ces composantes de la structure temporelle interviennent dans la formation intellectuelle de l enfant et présentent des difficultés spécifiques dans leur structuration. La construction du schéma temporel va donc être une opération multiple et progressive. Quand on apprend un concept 2, quel qu il soit, on apprend à reconnaître et à distinguer les attributs qui le spécifient ainsi que les relations entre ces attributs ; la facilité d intégration d un concept va dépendre du nombre d attributs de celui-ci et des relations entre eux. Les attributs du concept de temps sont, quant à eux, nombreux : ce sont les différentes composantes citées ci-dessus. De ce point de vue, le temps s avère difficile à appréhender et à intégrer. Le temps est en effet une imbrication de concepts aux relations complexes, c est-à-dire que l utilisation de tous les attributs n est pas nécessaire en même temps (c est la relation soit/soit : un événement appartient soit au présent, soit au passé, soit au futur) et de plus le concept de temps ne se définit que par rapport à un autre élément (avant s oppose à après, l instant à la durée...). Cette complexité donne une idée du chemin que l enfant va devoir parcourir pour s approprier ce concept de temps. II - L ENFANT ET LE TEMPS La construction du temps, et plus particulièrement sa structuration, chez l enfant est longue et progressive. 1- Le temps de l enfant... 2 In «L apprentissage de l abstraction» de B-M BARTH

Appréhender le temps est donc très difficile pour l enfant car c est un concept qui ne se rattache à rien de matériel, qui est abstrait et complexe. L enfant est, comme tout être humain, confronté à la multiplicité du temps. Pourtant il ne perçoit pas le temps comme «multiple». Il le vit au quotidien : le temps n est accessible à l enfant que dans le présent, c est le temps vécu. Par contre le passé doit être remémoré et l avenir anticipé, tâches qui s avèrent difficiles pour le jeune enfant. Avant son entrée à l école, il vit le temps sans en prendre conscience : c est le temps biologique et familial qui rythme son existence. L alternance veille / sommeil, le rythme des repas, lui procurent des sensations diverses de plaisir ou de désagrément qui sont liées à l instant vécu. Le temps de l enfant est ainsi composé d une succession de courtes périodes diversifiées dont il ne se rend pas compte et qui est tributaire des habitudes familiales. L enfant ne vit que pour lui-même un temps réel dans l indifférence totale du rythme des autres. Il ne comprend pas le temps conventionnel. Pour Bernadette BORNACIN 3, il n existe pas «de zones particulières périphériques qui enregistrent le temps : le temps nous le vivons biologiquement..., psychologiquement... nous l apprenons par nos expériences, nous le construisons...». En effet, la perception que nous avons du temps est à la fois limitée et enrichie par notre expérience individuelle. L école, et notamment l école maternelle, va donc aider l enfant à progresser dans sa représentation du temps dans la mesure où apprendre à l école c est aussi s inscrire dans la temporalité. Il va s agir d amener l enfant à se comprendre dans le temps. Ceci doit se faire en tenant compte de l âge de l enfant qui influence ses perceptions dans la mesure où l expérience va s accroître avec l âge. Ainsi, par le biais de l école et sous l effet de sa maturation psychologique, l enfant va progresser dans sa représentation du temps vécu. Il importe alors de s intéresser au point de vue psychologique de cette construction du temps chez l enfant. 2 -... une structuration progressive 3 Dans son intervention lors des AGIEM 92 sur le temps

Jean PIAGET s est longuement intéressé aux stades de développement psychologique de l enfant. Dans son ouvrage «Le développement de la notion de temps chez l enfant», Jean Piaget considère qu avant cinq ans le temps est un temps «intuitif» limité aux rapports de succession et de durée donnés dans la perception immédiate. L enfant ne parvient pas à concevoir l idée de durée et ne dissocie pas le temps de l activité. Seule l activité compte. L enfant est en effet centré sur l acte et est incapable de prendre conscience du temps qui s écoule pendant son action, d anticiper ou de reconstituer certains événements. Il se limite à des impressions. Très lentement et très partiellement, les notions temporelles s étendent vers le futur et le passé, en même temps que se construisent les notions de succession, de simultanéité et de durée. Au stade suivant, les intuitions se transforment en représentations de plus en plus abstraites, les intuitions d espace, de vitesse et de durée s individualisent ce qui permet à l enfant de huit ans de comprendre la relation entre la vitesse et le temps : «plus vite» ne veut plus dire «plus de temps». Dans un premier temps l enfant est moins centré sur l acte prenant conscience du temps qui s écoule pendant l action. Puis l enfant entre dans ce que Jean Piaget appelle le stade des «opérations concrètes de pensée logique». Le système temporel devient donc logique : l enfant différencie dans toutes les situations l ordre spatial et temporel, il sait déterminer n importe quelle succession, quel qu en soit le sens. L enfant passe ainsi de la perception du temps intuitif à la construction d un temps opératoire, consistant en relations de succession et de durée fondées sur des opérations analogues aux opérations logiques. Cependant, contrairement à Jean PIAGET pour qui l enfant ne peut donc pas accéder à la notion de temps avant d avoir atteint le stade des opérations concrètes, le psychologue Jérôme BRUNER considère qu un concept, et notamment celui de temps, ne se construit pas selon des stades de développement mais de manière spiralaire. Pour lui, l enfant n a pas besoin de construire et de maîtriser totalement une notion pour pouvoir l utiliser. L enfant tout au long de son développement appréhende les concepts à

son niveau de compréhension. Il les affine progressivement pour les maîtriser finalement. La connaissance du temps grandit donc au fur et à mesure du développement psychique de l enfant mais aussi grâce à certaines pratiques scolaires. On peut donc se poser la question du rôle de l école dans cette construction et dans cette maturation du concept de temps.

2 ème p a r t i e : L école et la

construction d u t e m p s Les enjeux de la construction de la notion de temps étant fondamentaux, les Instructions Officielles ont mis en place un cadre de référence donnant à l école un rôle important dans la construction et la structuration du temps, que l école permet par de nombreuses pratiques pédagogiques. I - ENJEUX PEDAGOGIQUES DE L APPRENTISSAGE DE LA NOTION DE TEMPS A L ECOLE Avant son entrée à l école, l enfant, comme on l a vu précédemment, ne perçoit pas le temps. Le rôle de l école maternelle va donc s avérer fondamental pour le jeune enfant dans la construction du concept de temps. D autant plus que, de cette structuration, dépendent bien d autres constructions et apprentissages, comme l appréhension de la notion d espace par exemple.

1 - L école maternelle : une entrée dans le temps social commun Lorsqu il arrive à l école maternelle, l enfant doit résoudre un nouvel aspect du temps : passer d un temps vécu individuellement au sein d une famille où il est le centre de toutes les attentions, à un temps vécu collectivement, le temps commun à tous les élèves de sa classe. L école maternelle va assurer ce passage progressif vers la représentation du temps vécu en mettant en place des repères partagés par tous les enfants. Ces repères sont fixés pour faciliter à la fois la socialisation et les apprentissages scolaires. L école maternelle vise ainsi à faire acquérir des repères sociaux permettant à l enfant de modifier entre autre sa relation au temps et de le structurer. L enjeu pédagogique est donc essentiel : l apprentissage du temps en milieu scolaire permettant en effet à l enfant d entrer progressivement dans le temps social commun. Le temps scolaire apparaît comme un temps de transition entre le temps personnel de l enfant et le temps normalisé de la société. Apprendre à vivre le temps commun à l école c est respecter les rythmes et les règles de la vie collective. Ceci permettra à l enfant d entrer dans un passé collectif englobant son vécu personnel et d aller vers le temps des autres. Si ce type d apprentissage n est pas fait avec le jeune enfant, l enfant plus âgé ne saura apprendre l histoire en la comprenant car la compréhension historique dépend de l assimilation par l enfant du temps social qui englobe non seulement son devenir mais aussi celui de toute personne et de toute chose. En donnant des repères au jeune enfant, l école maternelle lui donne les moyens d entrer dans le temps social commun, mais elle lui permet également de construire d autres concepts fortement liés à celui de temps. 2 - Le temps : un concept imbriqué parmi d autres En effet, on ne peut dissocier l apprentissage du concept de temps d autres concepts tout aussi fondamentaux comme notamment l espace. De plus, cet

apprentissage se structure dans le langage et nécessite donc tout un vocabulaire spécifique. La construction mentale du temps est complexe et ne se fait pas indépendamment de celle des autres grandes notions constitutives de l esprit à savoir les notions d espace, d objet, de causalité. On ne peut dissocier temps et espace. En effet, le temps se réfère à une réalité immatérielle qui n est accessible que par le biais de ses effets et conséquences. L âge, par exemple, est interprété spatialement puisque l enfant s appuie sur des inégalités de croissance pour donner un âge, il pense ainsi que les adultes ne «grandissent» plus. La représentation spatiale du temps joue un très grand rôle dans l acquisition de la notion de temps, elle en favorise la perception et développe la mémorisation. Le temps est ainsi une sorte d espace mental où se déroulent les événements. Figurer le temps sur un espace matériellement palpable aidera alors l enfant à passer de la perception à la représentation du temps. La «maîtrise» du temps passe également par l usage d un vocabulaire spécifique organisé selon les principes d antériorité-postériorité, de simultanéité : noms (date, journée, mois), adjectifs (vieux, jeune, ancien,..), prépositions (avant, après, pendant,..), adverbes (aujourd hui, hier, demain,..). C est ce langage temporel qui amène l enfant, de par sa maîtrise, à mieux structurer son système de représentation du temps et à le coordonner avec celui des adultes. Les activités langagières permettent donc à l enfant de verbaliser ses actions et, de ce fait, de comparer ses expériences et ses hypothèses à celles des autres. C est également en parlant de ses expériences que l enfant va montrer comment il structure le temps. Il apprend ainsi à organiser sa pensée selon une chronologie cohérente (avant/après). L enjeu d une pédagogie du temps va ainsi résider dans la maîtrise de cette gymnastique mentale de reconstitution de l ordre temporel. Le langage, comme l espace, assure donc à l enfant une première représentation du temps. Les enjeux pédagogiques sont nombreux et fondamentaux. L école assure la construction de la notion de temps en mettant en place des pratiques pédagogiques progressives et cohérentes sur lesquelles nous nous arrêterons après avoir pris connaissance du cadre institutionnalisé dans lequel se construit la notion de temps.

II - LES INSTRUCTIONS OFFICIELLES Les nouveaux programmes réaffirment le rôle essentiel de l école maternelle dans la construction des apprentissages futurs. Concernant la notion de temps, ce rôle est d autant plus fondamental que c est là que se mettent en place les premiers repères temporels qui permettront à l enfant de rentrer par la suite dans le temps historique. Je m intéresserai donc aux Instructions Officielles des cycles 1 et 2 dans la mesure où je n aborderai pas l Histoire qui constitue l essentiel de l apprentissage du temps au cycle 3. Dans les nouveaux programmes de 2002, le temps apparaît dans deux des grands domaines d apprentissages : le langage au cœur des apprentissages/la maîtrise de la langue et la découverte du monde (le temps qui passe). 1 - Le temps qui passe A la fin de l école maternelle et du cycle 2, l enfant doit être capable de :? reconnaître le caractère cyclique de certains phénomènes, utiliser des repères relatifs aux rythmes de la journée, de la semaine et de l année, situer des événements les uns par rapport aux autres (distinguer succession et simultanéité),? pouvoir exprimer et comprendre les oppositions entre présent et passé, présent et futur en utilisant correctement les marques temporelles et chronologiques,? comparer des événements en fonction de leur durée,? exprimer et comprendre, dans le rappel d un événement ou dans un récit, la situation temporelle de chaque événement par rapport à l origine posée, ses situations relatives (simultanéité, antériorité, postériorité) en utilisant correctement les indicateurs temporels et chronologiques.? distinguer le passé récent du passé plus éloigné,? identifier une information relative au passé en la situant dans une suite chronologique,

? fabriquer et utiliser divers types de calendriers et y situer les événements étudiés,? mesurer et comparer des durées,? être curieux des traces du passé et les questionner pour les interpréter avec l aide du maître. On distingue à travers ces compétences à acquérir deux choses : d une part la construction et l utilisation de repères temporels et d autre part la sensibilisation aux traces du passé, au patrimoine proche de l enfant. En effet, l école maternelle permet à l enfant de maîtriser les cycles de la vie quotidienne en les anticipant ou les remémorant. L organisation régulière de l emploi du temps et des rituels qui marquent les passages d un moment à l autre ainsi que l utilisation des instruments de repérage chronologique (calendriers) et de mesure des durées (sabliers, horloges..) est un moyen sûr pour conduire les enfants à une meilleure appréciation du temps. L usage régulier des rituels est nécessaire dès la première année de l école maternelle. Progressivement, l enfant sépare les événements des moments où ils se produisent et parvient à ordonner des activités très différentes les unes des autres, en fonction du moment où elles ont eu lieu. Au cycle 2, il ne s agit pas encore de faire de l histoire mais d apprendre à mieux se servir des repères temporels et d aborder les instruments, horloges et calendriers, qui structurent le temps des hommes. Ce qui permet notamment à l enfant d exprimer, de comparer et de mesurer des durées. De plus, dès l école maternelle, la structuration du temps doit être nourrie par le récit ou par le témoignage d événements du passé mais aussi par la découverte d objets ou de réalités du passé. La distinction du passé proche et du passé lointain étant difficile à acquérir par le jeune enfant, il est essentiel de lui offrir la possibilité, par le biais du maître, de lui en faire prendre conscience. Au cycle 2, on aborde le patrimoine proche (ville ou village, quartier,...) de l enfant. Des événements sont ainsi abordés à travers la mémoire des hommes ou retrouvés à partir des monuments du patrimoine.

La structuration du temps au cours des cycles 1 et 2 est donc fondamentale pour aider l enfant à appréhender le temps historique et comprendre plus tard l Histoire. Les Instructions Officielles abordent la structuration du temps dans un autre grand domaine. 2 - Le langage au coeur des apprentissages Comme nous l avons vu dans les enjeux pédagogiques de l apprentissage de la notion de temps à l école, le langage joue un rôle essentiel dans la structuration du temps. La maîtrise des marques verbales de la temporalité 4 permet aux enfants de mieux se situer dans le temps présent, passé, futur et d acquérir un langage d évocation qui leur permettra de donner une origine temporelle (référée au temps objectif des calendriers) à chaque fait. L enfant doit aussi apprendre à situer les événements les uns par rapport aux autres, et ce vocabulaire temporel doit le lui permettre. L enfant doit ainsi être capable de :? rappeler en se faisant comprendre un événement qui a été vécu collectivement (sortie, activité scolaire,...),? comprendre une histoire adaptée à son âge et le manifester en reformulant par ses propres mots la trame narrative de l histoire? rapporter un événement, un récit, une information, une observation en se faisant clairement comprendre A l école maternelle, seul un usage répété de ces multiples manières de marquer la temporalité permet à l enfant d en comprendre le fonctionnement et de les utiliser à bon escient. Par ses interactions avec l enfant, l enseignant joue un rôle essentiel. Au cycle 2, l enseignant continue à développer et à structurer ces multiples formes d expression verbale de la temporalité en particulier dans le cadre du récit. 4 cf. p 10 «Le temps : un concept imbriqué parmi d autres»

Les Instructions Officielles font de la structuration du temps un axe important de l école maternelle et du cycle 2. Mais quelles sont les pratiques qui peuvent permettre de répondre à cette obligation? III - LES PRATIQUES MISES EN PLACE A L ECOLE La construction du temps à l école commence dès la petite section de maternelle et continue tout au long de la vie scolaire et sociale de l enfant. L école amène ainsi l enfant à structurer son temps par des activités variées. La transversalité de la notion de temps explique que la plupart des activités réalisées à l école participent de son apprentissage. Toutes les composantes de la structure temporelle interviennent en outre dans la formation intellectuelle de l enfant et tous les domaines d apprentissage jouent un rôle dans l élaboration du concept de temps. Toutes les activités proposées vont donc s inscrire dans l objectif d atteindre l une ou l autre des composantes du temps. Le schéma 5 ci-dessous nous montre bien que derrière le rituel de la date, la mise en ordre d images séquentielles, l apprentissage de comptines, la compréhension et l élaboration de récits, le compte rendu de l observation de la croissance de plantes, la réalisation d un gâteau ou l anticipation d une fête... se profilent les composantes du temps : simultanéité, succession, durée, emboîtements, évolution, irréversibilité, anticipation. SUCCESSION Reconstituer le film d une journée Raconter ou lire des histoires à épisodes Le calendrier E.P.S.: parcours avec actions successives RYTHME Apprentissage de comptines Activités musicales, rythmiques Danse Le calendrier Les saisons LE TEMPS EVOLUTION DUREE 5 Schéma issu du dossier «Le temps qui passe», publié dans «Education enfantine» n 8 d Avril 1998

Croissance des plantes et des animaux Croissance de l enfant Transformation de la matière Approche de la notion d âge Un paysage : autrefois et aujourd hui Le temps perçu Le sablier La combustion d une bougie La bouteille percée Le calendrier REVERSIBILITE / IRREVERSIBILITE Différents états de la matière La cuisine (cuisson) La mort (évocation) : plantations et élevage, aquarium Il appartient alors à l enseignant de prendre en compte le niveau de la classe (PS, MS, GS, CP ou CE1) et les possibilités de chaque enfant pour répartir les difficultés tout au long d une progression annuelle. 3 ème p a r t i e :

Analyse des pratiques p e r s o n n e l l e s Dans cette dernière partie, je vais exposer et analyser le résultat de séances menées en classe. Les activités pouvant être mise en place à l école sont d autant plus nombreuses que les entrées dans le temps sont multiples. J ai donc dû opérer un choix parmi celles que j ai pu proposer au cours de mes différents stages. Je présenterai dans ce mémoire trois séquences menées dans la classe de PS, GS, CP, CE1 de l école de Rocles : l observation des manifestations de la vie végétale, la réalisation d un emploi du temps et un travail sur les lignes de vie. Je m efforcerai d en analyser les résultats sur la structuration du temps : ces séances ont-elles été efficaces dans la structuration du concept de temps par l enfant?

I - L OBSERVATION DES MANIFESTATIONS DE LA VIE VEGETALE COMME MOYEN DE STRUCTURATION DU TEMPS. Cette séquence reposait sur l observation des manifestations de la vie végétale et sur l évolution dans le temps de plantations. 1 - L observation quotidienne La première séance s organisait en une activité de langage autour des graines et de leur manipulation par les enfants. Les enfants étant en groupe, j ai décidé de mener cette activité de découverte par la mise en scène de l objet mystère contenu dans un sac en tissu. Cette «mise en scène» avait pour but de permettre aux plus petits de pouvoir s impliquer davantage dans la séance et d éviter que les grands, reconnaissant immédiatement des graines ne les écartent. Ainsi, lors de cette séance, les enfants ont émis des hypothèses sur le contenu du sac allant de la graine au caillou en passant par la perle ou la bille. Après le découverte des graines, certaines de ces idées ont persisté (les graines de pois restant des cailloux, même pour les plus Grands). Je les ai amenés à s interroger, après avoir admis qu il s agissait de graines, sur la possibilité que ces graines «poussent» ou non. Il en est ressorti que, pour eux, les grains de café et les graines de maïs ne devaient pas pousser. Après l émission de ces hypothèses, les enfants ont planté les graines. A ce moment là, ils étaient presque tous persuadés que les plantes auraient déjà poussé le lendemain. C est donc cette idée de départ qu il me fallait «corriger» afin de leur faire prendre conscience du temps réellement nécessaire à la germination de graines. Pour cela, j ai mis en place une grille d observation quotidienne et pour permettre aux enfants de remplir plus facilement cette grille, j ai constitué des binômes (un PS/GS avec un CP/CE1). Tous les jours les enfants ont donc observé l évolution des plantations, rempli leur grille et arrosé leurs plantes. Nous avons ajouté à ce dispositif des prises de photos régulières et des dessins.