HYGIÈNE DES MAINS ET UTILISATION DES SOLUTIONS HYDRO-ALCOOLIQUES EN RÉANIMATION



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HYGIÈNE DES MAINS ET UTILISATION DES SOLUTIONS HYDRO-ALCOOLIQUES EN RÉANIMATION P. Eggimann (1), D. Pittet (2). (1) Division des Soins Intensifs de Médecine. (2) Service de Prévention et Contrôle de l Infection. Département de Médecine Interne. Hôpitaux Universitaires de Genève, CH-1211 Genève 14, Suisse. E-mail : philippe.eg gimann@hcuge.ch INTRODUCTION La transmission croisée de micro-organismes potentiellement pathogènes par les mains du personnel soignant au cours des actes de soins est à l origine de la plupart des infections nosocomiales. Parmi les mesures destinées à les prévenir, l hygiène des mains, que ce soit par le lavage simple à l eau et au savon, par le lavage hygiénique lorsque le savon est antiseptique, ou par le traitement hygiénique des mains obtenu par friction avec une solution hydro-alcoolique, demeure au premier plan [1, 2]. Malheureusement, l observance de l hygiène manuelle par les soignants est très faible, dépassant rarement 50 % en soins généraux, voire 30 % à 40 % dans certains services de réanimation (Tableau I) [2-4]. Tableau I Observance à l hygiène manuelle, 1981-1999* Auteur Année Lieu de soin Compliance Preston 1981 Service général 16 % Réanimation 30 % Albert 1981 Service général 41 % Réanimation 28 % Larson 1983 Tous services 45 % Donowitz 1987 Néonatologie 30 % Graham 1990 Réanimation 32 % Dubbert 1990 Réanimation 81 % Pettinger 1991 Réanimation chirurgicale 51 % Larson 1992 Néonatologie 29 % Doebbeling 1992 Réanimation 40 % Zimakoff 1993 Réanimation 40 % Meengs 1994 Urgences 32 % Pittet 1999 Tous services 48 % Réanimation 36 % * Adapté de Pittet & Boyce, Lancet Infectious Diseases 2001

366 MAPAR 2003 Cette revue fait le point sur les différentes techniques d hygiène des mains sur les lieux de soins, sur l observance des pratiques et sur les principales raisons de nonobservance, sur les indications et sur les nouvelles recommandations d hygiène manuelle, sur les critères de choix et l acceptabilité des produits disponibles, ainsi que sur l'impact des stratégies de promotion. 1. FLORE CUTANÉE On distingue deux types de flore cutanée : la flore résidente et la flore transitoire : La flore résidente, essentiellement constituée de coques à Gram positif saprophytes comme les staphylocoques à coagulase négative et divers type de corynebacterium joue un rôle important dans la résistance à la colonisation par d autres micro-organismes potentiellement pathogènes. Le lavage ou la désinfection chirurgicale, qui visent à la réduction de cette flore ne seront pas discutés en détails dans cette revue. La flore transitoire, ou de contamination, se compose des micro-organismes récemment acquis de l environnement ou d un matériel contaminé, ou à partir de patients colonisés ou infectés [6]. La flore transitoire la plus courante comprend des bacilles à Gram négatif de type entérobactéries comme Escherichia coli, des coques à Gram positif comme les staphylocoques dorés et des levures comme Candida constituent l essentiel. Les micro-organismes de cette flore se multiplient difficilement à la surface des mains où ils ne survivent pas très longtemps en raison de la combinaison de l effet protecteur de la flore résidente et d un environnement hostile (froid, sécheresse...). Ils sont cependant transmis très efficacement au cours des divers contacts à l occasion des soins [5-7]. 2. LES PRATIQUES D HYGIÈNE DES MAINS L objectif des pratiques d hygiène manuelle sur les lieux de soins, vise à réduire la charge bactérienne de la flore transitoire de 2 à 3 logarithmes au moins [6]. L hygiène des mains inclut le lavage et la désinfection des mains. La terminologie qui est particulièrement riche en français est précisée par le Tableau II. 2.1. LAVAGE DES MAINS Le lavage des mains comprend le lavage simple et le lavage hygiénique des mains. Le lavage simple avec un savon détergent sans propriétés antiseptiques ne permet qu une réduction limitée du nombre de micro-organismes de la flore transitoire. Il est habituellement sans action sur la flore résidente. Le lavage hygiénique des mains, avec utilisation d un savon antiseptique à action désinfectante, permet une réduction significative du nombre de micro-organismes de la flore transitoire. Son action sur la flore résidente est plus limitée. L efficacité du lavage des mains au moyen d un savon antiseptique ou non dépend de plusieurs facteurs. L action des savons antiseptiques dépend de la dose utilisée, et la quantité minimale de 3 à 5 ml est habituellement nécessaire [1]. La technique du lavage des mains doit être enseignée. Les recommandations prescrivent précisément la manière de frotter les mains l une contre l autre, de façon que toutes les surfaces soient en contact avec l agent détergent ou désinfectant. Les pouces, la face dorsale des doigts et des mains et le dessous des ongles sont souvent mal lavés ou désinfectés. La durée du lavage est un autre facteur important, non seulement à cause de l action mécanique mais aussi pour obtenir un temps de contact suffisant afin que l agent désinfectant agisse [1, 6, 8]. Le temps de friction des mains dépend évidemment du type de savon antisep-tique utilisé, mais il ne doit en aucun cas être inférieur à 30 secondes [1, 6].

Tableau II Techniques d hygiène manuelle Lavage simple des mains Infectieux 367 But Moyen Synonyme Action visant à éliminer les salissures des mains et à réduire la flore transitoire ou de contamination. Par lavage simple (EAU + SAVON SIMPLE). Lavage des mains. Lavage hygiénique ou traitement hygiénique des mains par friction But Moyen Synonyme OU Moyen Synonyme Action visant à détruire la flore transitoire ou de contamination. Par lavage hygiénique (EAU + SAVON DESINFECTANT). Lavage antiseptique, lavage hygiénique, lavage désinfectant. Par traitement hygiénique (FRICTION HYDRO-ALCOOLIQUE). Friction hygiénique, antisepsie rapide, désinfection des mains. Désinfection chirurgicale des mains But Moyen Synonyme OU Moyen Synonyme Action visant à détruire la flore transitoire ou de contamination et à réduire la flore résidente de manière prolongée. Par lavage chirurgical (EAU + SAVON DESINFECTANT). Lavage chirurgical des mains, désinfection chirurgicale par lavage. Par FRICTION HYDRO-ALCOOLIQUE. Désinfection chirurgicale par friction, antisepsie chirurgicale, friction chirurgicale des mains. La qualité du rinçage est importante, car l effet mécanique de l eau élimine non seulement les micro-organismes, mais également les résidus de savon qui peuvent, à long terme, endommager la peau des mains [9]. Le séchage des mains qui doit être méticuleux est un élément dont l importance est souvent sous-estimée. Il est habituellement réalisé au moyen de serviettes à usage unique, solution adoptée dans la plupart des hôpitaux. Le lavage des mains prend du temps. La durée moyenne de l ensemble de la procédure, pour se rendre au lavabo, se laver les mains conformément aux prescriptions et revenir au chevet du patient est largement supérieure à 1 minute (valeurs extrêmes mesurées : de 37 à 84 secondes) [10]. La banale opération de lavage des mains est donc en réalité un acte complexe dont l efficacité nécessite un savoir-faire difficile à acquérir et à maintenir sans un véritable apprentissage [3, 8]. 2.2. TRAITEMENT HYGIÉNIQUE DES MAINS PAR FRICTION HYDRO- ALCOOLIQUE Le traitement hygiénique des mains est obtenu soit par lavage hygiénique des mains avec un savon antiseptique à action désinfectante, soit par friction manuelle au moyen d une solution hydro-alcoolique. La friction hydro-alcoolique est une alternative qui remplace avantageusement le traditionnel lavage des mains chaque fois que ces dernières ne sont pas visiblement souillées par des liquides biologiques. Bien que le temps recommandé pour la friction soit de 30 secondes, une efficacité optimale est obtenue après un temps de contact de 10 à 15 secondes déjà. Par rapport au lavage des mains, ce geste a l avantage de pou-

368 MAPAR 2003 voir être réalisé rapidement au lit du malade ou au lieu du soin et/ou de sa préparation, sans nécessiter de disposer d un lavabo et de son équipement complémentaire (distributeur de savon, serviettes ou autre dispositif de séchage) [3, 8]. Elle permet en outre d économiser le temps nécessaire au déplacement, au rinçage ainsi qu au séchage des mains mouillées. De plus, compte tenu du fait que la dynamique de colonisation bactérienne des mains des soignants est constante dans le temps et pratiquement linéaire au cours des soins [11], la friction hydro-alcoolique des mains, qui est rapide et efficace, est la seule technique compatible avec l enchaînement des processus complexes de soins, en particulier en réanimation. Au plan microbiologique, les solutions hydro-alcooliques combinent les avantages d un spectre large et d une efficacité sur les bactéries 100 fois supérieure aux savons antiseptiques disponibles sur le marché européen [5, 6]. L alcool perdant une partie de son activité désinfectante en présence de matières organiques, la friction hydro-alcoolique ne peut cependant pas remplacer le lavage à l eau et au savon lorsque les mains sont visiblement souillées par du sang ou tout autre liquide biologique [6, 8]. Le Tableau III compare les différentes techniques d hygiène des mains. Paramètre Elimination de la flore transitoire Elimination de la flore résidente Elimination des souillures Tableau III Comparaison des différentes techniques d hygiène des mains Lavage savon simple Lavage ou traitement hygiénique Savon antiseptique Friction hydroalcoolique Désinfection chirurgicale Lavage chirurgical (eau + savon) 3. OBSERVANCE DES PRATIQUES D HYGIÈNE MANUELLE Friction hydroalcoolique 90 % 99,9 % 99,999 % 99,999 % 99,999 % Aucune action 50 % 99 % 99,9 % 99,999 % +++ +++ - +++ - Durée du traitement 30 s Minimum 30 s 10 à 15 s 3 x 1 min 2 x 1 min Durée de la procédure 60 à 90 s 60 à 90 s 20 s 5 min 3 min Irritation des mains ++ +++ (+) +++ + Bien que l hygiène des mains soit la mesure de prévention des infections nosocomiales de loin la plus simple, la plus efficace et la moins coûteuse, elle est paradoxalement également l une des moins bien suivie. Les recommandations sont peu respectées tant au plan qualitatif que quantitatif. De nombreuses études ont montré que la durée moyenne de contact des mains avec un savon est rarement supérieure à 10 secondes, au lieu des 30 secondes requises. Elles ont également révélé que la mauvaise observance est aussi souvent liée à des contraintes structurelles comme un faible nombre ou une localisation inadéquate des lavabos, ou encore le recours à un savon mal accepté subjectivement [12]. De plus, plusieurs investigations

Infectieux 369 ont révélé que les soignants connaissaient habituellement mal les indications de l hygiène manuelle, que la perception de leur niveau propre de performance est bien supérieure à la réalité et qu en moyenne, le niveau d éducation sur ce sujet est extrêmement faible. Dans la plupart des études où l observance des soignants à l hygiène des mains au cours des soins a été quantifiée, celle-ci est en moyenne inférieure à 50 % dans les services de soins généraux, et elle avoisine généralement 30 % à 40 % en réanimation [12]. Le Tableau IV résume les principaux éléments impliqués dans les comportements d observance de l hygiène des mains. Certains ont été identifiés au moyen d observation rigoureuse des pratiques couplées à des analyses épidémiologiques et statistiques, permettant de quantifier leur importance et autorisant à les définir comme autant de facteurs de risque. D autres sont mentionnés de façon répétée par les soignants, mais n ont pu être établis comme de véritables facteurs de risques indépendants. Le nombre d opportunités horaires au lavage hygiénique des mains figure parmi les facteurs de risque les mieux étudiés. Plus leur nombre est élevé, moins bonne est l observance. De plus, la relation entre ces deux paramètres est linéaire [3]. En réanimation, il a ainsi été démontré qu une infirmière devrait effectuer un geste d hygiène des mains en moyenne 20 fois par heure de soins [3, 13]. Le respect des prescriptions techniques du lavage des mains à l eau et au savon lui impliquerait d y consacrer au moins 30 minutes, ne laissant que la moitié du temps disponible pour les soins ou leur préparation. On comprend dès lors aisément qu une surcharge en soins soit associée à une diminution de l observance des pratiques élémentaires de soins, voire à un risque accru d infections croisées [3, 10, 12]. 4. INDICATIONS ET NOUVELLES RECOMMANDATIONS La mise sur pied de recommandations précises, basées sur des niveaux de preuve suffisants et détaillées en fonction des différents gestes de soins, ont été difficiles à établir, et les indications à la pratique de l hygiène des mains demeurent le sujet à débat [17]. Au terme d un long processus de revue systématique de toutes les données publiées au cours de la dernière décennie, un groupe d experts internationaux a récemment abouti à la révision des recommandations pour les pratiques d hygiène des mains en milieu de soins sous l égide de plusieurs sociétés et groupements nord-américains [Centers for Disease Control and Prevention (CDC), Healthcare Infection Control Practices Advisory Committee (HICPAC), Society for Healthcare Epidemiology of America (SHEA), Association for Professionals in Infection Control and Epidemiology (APIC), Infectious Diseases Society of America (IDSA)] [18]. Ces recommandations, qui représentent une modification essentielle et fondamentale par rapport aux recommandations précédemment publiées, [1] se composent d une recommandation technique générale (Tableau V) et d'une liste détaillée des indications à l hygiène manuelle (Tableau VI). Elle sont identiques à celles de l avis du Comité technique national des infections nosocomiales, publié en France le 5 décembre 2001 (Tableau VII). A l exception des salissures macroscopiques des mains, comme celles dues aux liquides biologiques ou aux déchets organiques qui nécessitent l action détergente d un savon pour être éliminées, dans toutes les autres situations où un geste d hygiène des mains est requis, compte tenu d une meilleure rapidité d action, d une efficacité antimicrobienne supérieure, et d une meilleure accessibilité par rapport au lavage hygiénique des mains à l eau et au savon, le traitement hygiénique des mains par friction hydro-alcoolique constitue désormais la référence technique en matière d hygiène manuelle. Les recommandations des experts concernent également les aspects techniques de la préparation des mains à la chirurgie, du choix des agents à utiliser et de la protection des mains. Elle comportent aussi des propositions par rapport aux stratégies de promotion de l hygiène des mains y compris les mesures administratives et les indicateurs de suivi [18].

370 MAPAR 2003 Tableau IV Facteurs de risque et raisons de mauvaise observance des consignes d hygiène des mains (adapté de [12-16]) Paramètre Paramètres liés aux soignants Raison rapportée Facteur de risque documenté Médecin (en référence à catégorie infirmière) oui oui Aide ou élève infirmièr(e) (en référence à catégorie infirmière) oui oui Genre masculin (par rapport à féminin) oui (oui) «N y pense pas ; oublie» oui (oui) Interférence dans la relation soignant-soigné oui non Besoins des patients considérés comme prioritaires oui non Port de gants / Croyance que le port de gants dispense de certaines des indications à l hygiène des mains oui oui Manque d évidence scientifique définitive de l impact de l hygiène des mains sur les taux d infections oui (oui) Scepticisme par rapport à l efficacité oui (oui) Absence de participation individuelle active à la promotion de l hygiène des mains oui non Actes à haut risque de transmission croisée non oui Absence de modèle / exemple d un supérieur oui (oui) Peau abîmée / Lésions cutanées oui (oui) Désaccord avec les recommandations établies oui (oui) Paramètres liés à l institution Absence de participation active à la promotion de l hygiène des mains au plan institutionnel oui non Absence de priorité institutionnelle envers l hygiène manuelle oui (oui) Absence de sanctions (punitions/félicitations) administratives oui non Absence de climat de sécurité institutionnelle oui non Paramètres liés aux produits Irritation cutanée par les agents d hygiène des mains oui oui Inaccessibilité des «outils» d hygiène des mains (lavabos, distributeurs de produits) oui (oui) Allergie aux agents d hygiène des mains oui non Paramètres liés au système Recommandations d hygiène des mains inconnues ou non formalisées oui (oui) Recommandations d hygiène des mains inadaptées aux réalités des soins oui oui Inaccessibilité / Absence de lavabos, distributeurs de produits pour l hygiène manuelle, papier pour séchage des mains oui (oui) Manque de temps / Contrainte de temps oui oui Surcharge de travail oui (oui) Manque de personnel / Manque de personnel qualifié oui (oui) Travail en réanimation oui oui Travail durant la semaine (par rapport au week-end) non oui

Tableau VI Indications au lavage ou à la désinfection des mains au cours des soins (traduit et adapté de référence [18]) Degré d'évidence Infectieux 371 Tableau V Recommandation générale au sujet des techniques d hygiène des mains A l exception des situations de souillure macroscopique par des liquides biologiques ou des éléments organiques, pour l élimination desquelles l action détergente d un savon est nécessaire, l hygiène des mains fait désormais référence à la désinfection par friction hydro-alcoolique. Lavage des mains à l eau et au savon (antiseptique ou non) en cas de souillure macroscopique par des liquides biologiques ou des déchets protéiformes. IA Lorsque les mains ne sont pas macroscopiquement souillées, la désinfection par friction hydro-alcoolique est recommandée dans toutes les situations de soins décrites ci-dessous IA (voir 3 à 11). Dans les cas où une solution pour la friction hydro-alcoolique des mains est disponible dans un service de soins, il est recommandé de fournir également un savon non antiseptique; il n est cependant pas recommandé de fournir un savon antiseptique pour éviter la II double utilisation d un tel agent et d une solution hydro-alcoolique. Bien que l emploi d une solution hydro-alcoolique soit vivement recommandé, le lavage hygiénique des mains au moyen d un savon antiseptique peut être envisagé dans les secteurs dans lesquels la charge en soins n est pas excessive, l accès au lavabo facile ou éventuellement pour les soignants ne tolérant par la solution hydro-alcoolique utilisée IB dans l institution. Désinfection (par friction hydro-alcoolique) des mains après contact avec peau intègre IB du patient. Désinfection (par friction hydro-alcoolique) après contact avec liquides biologiques ou sécrétions, muqueuses, peau non intègre ou changement de pansement, sauf en cas de IA souillure macroscopique (voir tableau 4). Désinfection (par friction hydro-alcoolique) des mains entre un site contaminé ou probablement contaminé et un site propre au cours d une séquence de soins chez un même II patient. Désinfection (par friction hydro-alcoolique) des mains après contact avec des objets inertes II situés dans le voisinage immédiat des patients. Désinfection (par friction hydro-alcoolique) des mains avant les soins aux patients sévèrement neutropéniques ou présentant d autres formes d immunosuppression. II Désinfection (par friction hydro-alcoolique) des mains immédiatement avant le port de IB gants précédant l insertion d un cathéter vasculaire. Désinfection (par friction hydro-alcoolique) des mains avant la pose de sonde urinaire ou d autres équipements médicaux invasifs ne requérant pas de procédure chirurgicale. IB Désinfection (par friction hydro-alcoolique) des mains après le retrait des gants IB Afin de faciliter l observance à l hygiène des mains des soignants, en particulier dans les secteurs où la charge en soins est élevée et/ou en cas de manque de personnel, il est recommandé de disposer d une solution hydro-alcoolique soit à l entrée de la chambre, soit directement au chevet du patient, ou dans tout autre endroit adéquat proche du patient, ainsi que de promouvoir l utilisation de flacons individuels de poche que les soignants peuvent transporter avec eux. Classification du degré d évidence : Catégorie IA : application vivement recommandée et basée sur des données scientifiques, cliniques ou épidémiologiques obtenues par des études bien conduites. Catégorie IB : application vivement recommandée et basée sur quelques données scientifiques, cliniques ou épidémiologiques, et un fondement théorique évident. Catégorie IC : application recommandée par une réglementation ou une législation nationale, ou une norme internationale. Catégorie II : application suggérée au vu de données cliniques ou épidémiologiques suggestives ou un fondement théorique rationnel. IA

372 MAPAR 2003 Tableau VII Avis du Comité technique national des infections nosocomiales du 5 décembre 2001 sur la place de la friction hydro-alcoolique dans l hygiène des mains lors des soins 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14. Considérant : Qu une bonne hygiène des mains est essentielle pour la prévention des infections et la transmission des micro-organismes. Que le lavage des mains, méthode traditionnellement recommandée pour l hygiène des mains, se heurte à de nombreuses difficultés techniques et pratiques d applications. Qu un geste d hygiène des mains doit être effectué à de nombreuses reprises au cours d une activité normale de soins aux malades, ce qui est consommateur d une part non négligeable du temps de travail soignant disponible. Que la durée recommandée du lavage des mains n est que très rarement respectée pour les mêmes raisons, ce qui nuit à son efficacité. Que ces difficultés expliquent la mauvaise observance très généralement relevée lors d audits d observance du lavage des mains. L application en pratique ne dépasse que trop rarement 50 % dans les conditions habituelles des soins aux malades. Que, quel que soit le soin, à l hôpital ou au domicile du patient, et/ou lors de son interruption par des événements extérieurs, le lavage des mains est d autant moins bien réalisé que les conditions d organisation sont perturbées ou que les locaux ne se prêtent pas à sa réalisation optimale. Que ce constat concerne l ensemble des professions de santé, médicales, paramédicales et autres personnels non médicaux. Que si des améliorations de cette observance peuvent être obtenues par des audits d observation avec un retour d information aux personnels, et des actions d éducation, les résultats de ces efforts ne sont que très rarement pérennes. Que l efficacité des solutions hydro-alcooliques en terme d élimination de la flore transitoire et résidente portée sur les mains est, dans les conditions d utilisation recommandées, au moins équivalente et souvent supérieure à celle du lavage des mains effectué avec un savon doux ou même un savon antiseptique. Que les gestes de soins où les mains ne sont pas souillées par des liquides ou matières organiques sont largement majoritaires, les mains souillées contre-indiquant l usage de la friction avec une solution hydro-alcoolique. Que la durée d application nécessaire à cette efficacité est nettement inférieure au temps total requis pour le lavage des mains. Que ces solutions peuvent être facilement accessibles aux soignants, à proximité immédiate ou au lit du malade, à tout moment lors des soins, et que ces éléments, ainsi que la durée brève nécessaire à leur application facilitent l organisation du travail des soignants. Que l utilisation des solutions hydro-alcooliques est simple, et ne nécessite pas de matériel supplémentaire, contrairement au lavage des mains. Que la tolérance cutanée de ces produits est meilleure que celle des savons traditionnels, antiseptiques ou non.

Infectieux 373 Afin d améliorer l observance de l hygiène des mains par les personnels soignants médicaux et paramédicaux dans les conditions normales d exercice des activités de soins, le Comité National Technique des Infections Nosocomiales émet l avis suivant : A. B. C. Une friction des mains avec une solution hydro-alcoolique est recommandée en remplacement du lavage des mains traditionnel par un savon doux ou une solution désinfectante lors des soins et dans toutes les circonstances où une désinfection des mains est nécessaire (lors de contacts avec le patient ou son environnement, en particulier avant tout examen médical entre chaque soin, en cas d interruption des soins). En l absence de contre-indication, ce geste simple et rapide peut être effectué chaque fois que cela est possible, c est-à-dire lorsque les mains sont visuellement propres, non souillées par des liquides ou matières organiques, sèches et en l absence de talc et poudre. L utilisation de cette méthode de désinfection des mains ne dispense pas de l obligation de protection du personnel par le port de gants (non talqués) lors de soins exposant à un contact avec du sang ou des liquides biologiques. Une friction hydro-alcoolique doit être effectuée immédiatement après le retrait des gants. L implantation dans les établissements de santé de cette méthode de désinfection des mains en remplacement du lavage des mains traditionnel doit s accompagner d une large campagne incitative et d explication, sous l égide du Comité de Lutte contres les Infections Nosocomiales et de l équipe opérationnelle d hygiène hospitalière de l établissement de santé, informant les soignants des avantages et des limitées d utilisation de cette méthode. Un programme de formation du personnel soignant médical et paramédical doit être envisagé, en particulier dans les services à haut risque infectieux. Les recommandations originales, ainsi que du matériel didactique, sont disponibles en langue anglaise à l adresse suivante: http://www.cdc.gov/handhygiene. Les recommandations publiées par la Société Française d Hygiène Hospitalière en novembre 2002 sont également disponibles en ligne http://www.sfhh.net/pdf/publications. 4.1. SPECTRE ET CHOIX DES PRODUITS Le spectre d activité, la rapidité d action en fonction des normes européennes et quelques caractéristiques importantes des agents désinfectants utilisés pour l hygiène des mains sont disponibles dans le document de référence de la Société Française d Hygiène Hospitalière cité ci-dessus. Compte tenu du fait que les solutions disponibles à ce jour semblent dotées d une efficacité microbiologique moindre que les solutions standard, l utilisation de gels hydroalcooliques doit pour l instant être considérée avec prudence [19]. 5. ACCEPTABILITÉ DES PRODUITS L inconfort du contact avec le produit désinfectant et son acceptation subjective figurent parmi les raisons régulièrement invoquées par le soignants pour expliquer le mauvais respect des règles d hygiène des mains. La sécheresse de la peau et l irritation des mains diminuent significativement le taux d observance [14]. L utilisation fréquente des solutions alcooliques a la mauvaise réputation de dessécher les mains [7, 8]. Cet effet desséchant est très efficacement contrecarré par l ajout d un émollient (silicone, glycérol). En effet, contrairement aux savons, dont l action déter-

374 MAPAR 2003 gente émulsifie les graisses contenues dans l épiderme qui sont ensuite éliminées par le rinçage à l eau, l alcool épargne le capital lipidique de la peau. Après avoir détruit les micro-organismes, l alcool s évapore rapidement grâce à la friction qui avait permis de le répandre, laissant l émollient se déposer. Au total, il est donc légitime de considérer que la friction des mains par une solution hydro-alcoolique (additionnée d un émollient, comme c est le cas pour une partie de celles disponibles sur le marché) correspond en fait à un graissage des mains. Le recours à des protocoles de désinfection peu agressifs pour la peau et l usage répété au cours de la journée de crèmes grasses hydratantes permettent de réduire la fréquence des dermites d irritation. L application de ces mesures simples est susceptible d améliorer l observance à l hygiène des mains. Par ailleurs, les alcools de type isopropanol désormais utilisés ne sont pas allergisants [6, 7]. En revanche, la plupart des substances antiseptiques contenues dans les détergents sont connues pour leur potentiel allergisant [7]. L allergie à la chlorhexidine semble prouvée mais d une façon générale, elle est très rare. L acceptabilité de l isobétadine et du triclosan est variable et fonction de la préparation. Les principaux paramètres à considérer dans le choix d un agent pour l hygiène des mains sont : Un faible potentiel irritant (émollients). L absence de parfum additionnel. Une bonne compatibilité avec les crèmes pour les mains distribuées dans l institution. Une évaluation préalable dans l institution. Une évaluation du flacon/système de distribution du produit. En outre, Les coûts d acquisition d un produit ne doivent en aucun cas constituer le paramètre principal de sélection. 6. STRATÉGIES PROMOTIONNELLES L identification des paramètres associés à une mauvaise observance des pratiques d hygiène des mains, et l expérience de certaines institutions ont permis d élaborer des stratégies efficaces de promotion de l hygiène des mains (Tableau VIII) [12, 14]. Tableau VIII Eléments de stratégies de promotion de l hygiène des mains (adaptés de [12, 14, 18]) Education des soignants Observation et restitution du niveau de performance. Améliorations techniques/technologiques. Rendre l agent d hygiène des mains facilement disponible, facile à utiliser, proche du lieu de soins. Mettre à disposition la solution pour friction hydro-alcoolique Educations des patients Rappels de l importance de l hygiène des mains sur le lieu de travail Sanctions (punitions/félicitations) administratives. Changer le produit utilisé pour l hygiène des mains Promouvoir/faciliter les soins des mains des soignants (conseil, mise à disposition de crèmes hydratantes ) Obtenir/stimuler la participation active des soignants au niveau individuel et institutionnel. Obtenir/stimuler un climat de sécurité institutionnelle (auquel l hygiène des mains fait partie intégrante). Améliorer le sentiment d efficacité individuelle et institutionnelle Eviter la surcharge de travail, la sur-occupation des lits et les manques de personnel. Combiner les éléments de stratégies 1-12 (favoriser une approche multimodale).

Infectieux 375 Il est important de réaliser que considérés isolément, la plupart des éléments énoncées dans ce tableau ne sont que d une efficacité limitée, et que seules les approches multimodales, c est-à-dire celles combinant plusieurs éléments ont montré une efficacité réelle et durable par une modification effective du comportement des soignants [15, 16]. 6.1. HISTOIRE D UN SUCCÈS Plusieurs études évaluant les pratiques d hygiène des mains par la mesure de l impact sur les taux d infections croisées ont été publiées entre 1977 et 2001. Malgré les limitations méthodologiques de certaines d entre elles (absence de randomisation ou de groupe contrôle simultané, manque de généralisation en cas de situation épidémique, limite de taille des échantillons), toutes établissent un lien direct entre l amélioration de l observance des pratiques d hygiène des mains et la réduction du taux des infections nosocomiales. L impact positif de la promotion de l hygiène des mains a également été démontré en milieu extra-hospitalier, lors d interventions dans des écoles, des jardins d enfants, ainsi qu au sein de certaines communautés [12]. Deux interventions conduites en milieu hospitalier méritent plus spécialement d être citées. Le travail de Larson et collaborateurs [20] rapporte les résultats d une intervention dans laquelle l observance à l hygiène des mains était imposée par le biais de mesures administratives. L observance était mesurée parallèlement aux taux de transmission des staphylocoques dorés résistants à la méticilline (MRSA) et des entérocoques résistants à la vancomycine (VRE). Ces derniers ont diminué respectivement de 33 % et 31 %, et de 85 % et 44 %, dans le service de réanimation bénéficiant de l intervention par rapport à un service témoin n en bénéficiant pas. A Genève, nous avons conduit une intervention multimodale sur le long terme [21]. Après observation des pratiques en décembre 1994, l intervention (mesure répétée à intervalle de six mois de l observance à l hygiène des mains ; restitution de la performance moyenne institutionnelle et par service après chaque période d observation ; promotion de la friction hydro-alcoolique ; promotion de l hygiène des mains par l intermédiaire d affiches murales largement distribuées, renouvelées périodiquement, figurant l importance de l hygiène et des soins des mains, des infections nosocomiales et de l emploi préférentiel de la désinfection hydro-alcoolique par rapport au lavage conventionnel). La campagne de promotion a été largement soutenue au plan administratif et médicosoignant. Les services de maintenance ont été mis à contribution pour l affichage mural et le renouvellement des affiches. Des soignants ont participé à la préparation des affiches murales en collaboration avec l artiste et le service de prévention des infections. Une équipe pluridisciplinaire composée de représentants des divers secteurs et groupes de soignants et collaborateurs de l institution, a été chargée de piloter l évolution des différents aspects organisationnels de l intervention. La méthodologie et les principaux résultats sont décrits à l adresse suivante : www.hopisafe.ch. Globalement, les résultats ont consisté en une amélioration notable et soutenue de l observance moyenne institutionnelle, passant de 48 % en décembre 1994 à 66 % en décembre 1997. L impact de l amélioration de l observance à l hygiène des mains a été une diminution marquée du taux de prévalence des infections nosocomiales, ainsi que de celui de transmission des MRSA [21]. 6.2. COÛT-EFFICACITÉ Les frais d acquisition de produits destinés à l hygiène des mains sont parfois l objet d âpres discussions, particulièrement lorsqu il s ajoutent aux savons médicalisés ou non. Il n existe que peu d informations publiées à ce sujet. Boyce a recensé les coûts des produits (un savon médicalisé, un savon non médicalisé et une solution hydro-alcoolique). Pour un hôpital de 450 lits ils correspondaient au total à 25 000 euros par an,

376 MAPAR 2003 soit à 0,80 euros par jour-patient [22] et environ 1,1 euro jour-patient en incluant les consommations du secteur ambulatoire. Il convient cependant d évaluer les coûts associés à l acquisition de produits pour l hygiène des mains dans la perspective du budget de prévention des infections hospitalières. Dans cette perspective, la prévention d une seule infection sévère, telle une infection profonde de plaie chirurgicale, une pneumonie chez un patient ventilé ou encore une bactériémie acquise en réanimation, représente le coût d acquisition annuelle de produits pour l hygiène des mains pour un hôpital de 350 à 400 lits. En comptabilisant les coûts directs associés à l utilisation de solution hydroalcoolique, ceux liés à la réalisation, à la mise en place et au remplacement d affiches murales, avec les coûts indirects liés au temps investi par le personnel soignant et paramédical au cours de la campagne de promotion de l hygiène des mains aux Hôpitaux Universitaires de Genève [21], nous avons déterminé les coûts de notre programme à 66 000 euros par an, soit 1,5 euro par patient hospitalisé. Les coûts additionnels liés à l augmentation de l utilisation de solution hydro-alcoolique représentent 66 centimes d euro par 1 000 jours-patient. Avec un coût moyen d une infection nosocomiale (2 200 euros par infection) et en estimant qu un quart seulement de la réduction observée des infections nosocomiale est secondaire à l amélioration de l observance de l hygiène des mains, la stratégie de promotion est très avantageuse au plan coût-efficacité. CONCLUSION En conclusion, l hygiène des mains au cours des soins doit être considérée comme une mesure incontournable de prévention des infections nosocomiales et de la propagation des résistances bactériennes aux antibiotiques. La révision des recommandations conduit à mettre le traitement hygiénique des mains par friction hydro-alcoolique au premier plan des mesures destinées à améliorer l observance des soignants. Cette amélioration est associée à une réduction des infections croisées, dont l impact économique dépasse largement les frais liés à l acquisition des agents d hygiène des mains. La promotion de l hygiène manuelle nécessite le recours à des stratégies multimodales et doit être considérée comme une priorité institutionnelle. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES [1] Larson EL, CIC 1992-1993 and 1994 APIC Guidelines Committee. APIC guideline for handwashing and hand antisepsis in health care settings. Am J Infect Control 1995; 23:251-269. [2] Jarvis WR. Handwashing--the Semmelweis lesson forgotten? Lancet 1994;344:1311-1312 [3] Pittet D, Mourouga P, Perneger TV, and the members of the Infection Control Program. Compliance with handwashing in a teaching hospital. Ann Intern Med 1999;130:126-130 [4] Semmelweis I. The etiology, concept and prophylaxis of childbed fever [experts]. In: Buck C, Llopis A, Najera E, Terris M, editors. The challenge of epidemiology - Issues and selected readings. Washington, DC: PAHO Scientific Publication, 1988;46-59 [5] Rotter M. Semmelweis sesquicentennial: a little-noted anniversary of handwashing. Curr Opin Infect Dis 1998;11:457-60 [6] Rotter M. Hand washing, hand disinfection, and skin disinfection. In: Wenzel R, ed. Prevention and Control of Nosocomial Infections. 3rd Ed, W&W, Baltimore. 1997;691-709 [7] Larson E. Skin hygiene and infection prevention: more of the same or different approaches? Clin Infect Dis 1999;29:1287-1294 [8] Simon A, Sauvan V, Pittet D. L hygiène des mains au cours des soins, 150 ans après Ignaz Semmelweis. Méd & Hyg 1999;57:1021-1025

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