ÉVALUATION DE LA FATIGUE MUSCULAIRE



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LES BILANS DE PRÉVENTION Les pratiques, techniques de prévention Mémoires et études cliniques ÉVALUATION DE LA FATIGUE MUSCULAIRE Claire MORANA 1, Stéphane PERREY 1 RÉSUMÉ L exercice mène, à terme, au développement de la fatigue musculaire et peut augmenter le risque de blessures chez le sportif. L évaluation de la fatigue et de ses composantes (centrale et périphérique) peut s effectuer par l utilisation combinée de l électromyographie de surface et de la neurostimulation percutanée. Les tests proposés dans cette étude permettent d apprécier la nature de la fatigue induite par l exercice, mais aussi d apprécier la capacité à repousser le seuil d apparition de la fatigue grâce à un protocole d entraînement. SUMMARY The exercise leads to muscular fatigue development and can increase the risk of athlete's injuries. The evaluation of fatigue and its components (central and peripheral) can be realized with the associated use of surface electromyography and percutaneous neurostimulation. The tests proposed in this study permit to identify the fatigue components induced by exercise, and also to test whether the capacity of delaying the onset of fatigue is improved due to a training program. MOTS CLÉS Électromyographie - Électrostimulation - Entraînement - Tests neuromusculaires KEYWORDS Electromyography - Electrostimulation - Training - Neuromuscular tests 1 Docteur STAPS Laboratoire Efficience et déficience motrices EA 2991 - UFR STAPS Université de Montpellier 1 (34) Cette étude a été réalisée en collaboration avec la Fédération française de tennis Société Française des Masseurs-Kinésithérapeutes du Sport 39 e Congrès national de la SFM Palavas-les-Flots - 21 mars 2009 La prévention des blessures du sportif INTRODUCTION La performance sportive est limitée par de nombreux facteurs, en particulier la fatigue musculaire qui survient lorsque l exercice est intense, prolongé ou répété. La fatigue résultant d un travail musculaire, a récemment été conceptualisée comme une réduction, induite par l exercice, de la capacité du muscle à produire une force ou une puissance, que la tâche puisse être maintenue ou non [1]. Par conséquent, la fatigue commence souvent dès le début de l exercice, même si l individu peut continuer à réaliser la tâche. Le développement de la fatigue peut alors augmenter le risque de blessures chez le sportif. Il est donc important de s intéresser à l évaluation de la fatigue pour détecter sa présence, et surtout éviter son développement. L enjeu réside à circonscrire les impacts fonctionnels de la fatigue afin de la réduire ou d en réduire les effets délétères dans le domaine des pathologies chroniques (capacités physiques réduites dans les maladies neurologiques), de la rééducation (utilisation de l électrostimulation qui induit une fatigue plus importante que la contraction volontaire) et de l entraînement (exercice épuisant pouvant même mener au surentraînement). La fatigue peut se situer à différents niveaux interconnectés : psychologique, physiologique, musculaire et nerveux. Chez le sujet sain, la fatigue est dite aiguë lorsqu elle apparaît de façon plus ou moins rapide au cours de l effort, puis disparaît pendant le repos subséquent car le phénomène est réversible. Pour apprécier le degré de fatigue, l activité musculaire peut être quantifiée pendant et après l effort, grâce à l étude de l activité électrique du 5

ÉVALUATION DE LA FATIGUE MUSCULAIRE La fatigue centrale Durant l exercice prolongé, l apparition de la fatigue ne coïncide pas toujours avec une crise métabolique au sein du muscle, comme par exemple une accumulation de métabolites (phosphate inorganique) ou un épuisement de substrats (glycogène). À ce moment là, la fatigue centrale est avérée par le fait que la fonction musculaire périphérique est préservée au moment où l activité volontaire est défaillante (perte de force). Fig. 1 - Sites potentiels pouvant contribuer à la fatigue centrale (1-3) et périphérique (4-9), d après Enoka [2]. Le trait rouge représente la jonction neuromusculaire muscle (EMG) et à l utilisation de l électrostimulation. La fatigue peut être évaluée dans le temps (i.e. moment d apparition) et quantifiée avec une grandeur physique (e.g. force, puissance). La production volontaire de force est le résultat d une série d événements initiés par les centres cérébraux supérieurs, relayés par la moelle épinière et les motoneurones, pour se terminer au site de production de la force (i.e. les ponts d union d actine-myosine). Par ailleurs, une optimisation de la commande motrice par l intégration de boucles de régulation nerveuses peut avoir lieu, puisque les motoneurones peuvent non seulement être activés directement par les centres supérieurs, mais aussi par des interneurones spinaux ou des afférences sensorielles. La contraction musculaire implique donc de nombreuses étapes, chacune pouvant être impliquée dans le développement de la fatigue neuromusculaire. Classiquement, le modèle de fatigue utilisé par de nombreux auteurs dissocie les altérations ayant lieu en amont de la jonction neuromusculaire considérées comme des éléments de la fatigue centrale (supra-spinale et spinale), des altérations intervenant après l arrivée du potentiel d action au niveau de la terminaison synaptique de la jonction neuromusculaire, soit la fatigue périphérique (fig. 1). La neurostimulation percutanée est une technique non invasive qui est utilisée pour discriminer les aspects périphériques des aspects centraux à l origine de la fatigue neuromusculaire. Ainsi, la fatigue centrale se définit comme une diminution de la capacité à activer volontairement le muscle au cours de l exercice. Elle peut se situer au niveau spinal par un déclin de l activité motoneuronale et/ou au niveau supraspinal par une défaillance du cortex moteur [3]. La fatigue supra-spinale peut correspondre à une altération de la motivation ou à celle des ordres moteurs en provenance du système nerveux central. Pour pouvoir développer une force maximale, l activation du muscle doit être maximale. En d autres termes, toutes les unités motrices (UMs) doivent être recrutées. La fatigue supraspinale peut aussi provenir d une modification de la quantité des neurotransmetteurs (sérotonine, dopamine, noradrénaline, adrénaline), substances chimiques libérées par les neurones cérébraux à l origine de la motricité [4]. La fatigue spinale, traduisant une moindre excitabilité motoneurale, est en partie due à des modulations des retours d informations sensoriels provenant du muscle qui provoquent des inhibitions pré-synaptiques, récurrentes ou réciproques. La fatigue périphérique La fatigue périphérique implique les mécanismes de l excitation de la fibre musculaire jusqu à la formation des ponts d actine-myosine. L excitabilité de la membrane de la fibre musculaire (ou sarcolemme) peut être altérée en situation de fatigue, se traduisant par un ralentissement de la vitesse de conduction, par une moins bonne efficacité de la transmission des potentiels d action (PA) ou par une réduction de l amplitude du PA propre à chaque fibre musculaire. Cette diminution d excitabilité est due à un fonctionnement 6

insuffisant des pompes sodium-potassium (Na + K + ) qui ne régulent plus les augmentations de K + extracellulaire et de Na + intracellulaire induites par l exercice intense [5]. À l intérieur de la cellule musculaire, la fatigue peut provenir de l accumulation de métabolites, notamment du phosphate inorganique. Celui-ci se lie alors au calcium (Ca 2+ ), réduisant la quantité de Ca 2+ libre, et diminue l activité des ponts d actine-myosine. Le couplage excitation-contraction peut aussi être altéré par une diminution de la libération et de la recapture du Ca 2+ par le réticulum sarcoplasmique, ainsi qu une diminution de la sensibilité des protéines contractiles au Ca 2+ [6]. Le type de fatigue observé dépend en grande partie de la tâche [7]. La revue de littérature sur ce sujet semble montrer que la fatigue centrale est prédominante lors d un exercice continu et prolongé, d autant plus que l intensité de la contraction est faible. La fatigue périphérique est systématiquement observée lors d exercices intermittents, les périodes de repos limitant le développement de la fatigue centrale. Pour évaluer les composantes de la fatigue, l enregistrement EMG de surface et la technique de neurostimulation sont utilisés afin de tester les sportifs de manière non invasive. Ces méthodes vont être illustrées dans le cadre d une étude qui avait pour objectifs d évaluer la fatigue induite par une séance d entraînement de tennis chez des joueurs expérimentés, et de tester l efficacité d un processus d entraînement de 6 mois sur leur capacité à résister à la fatigue. MÉTHODES Sujets Neuf joueurs de tennis (âge 21,2 ± 1,7 ans, poids 78,2 ± 2,9 kg, masse grasse 12,4 ± 2,5 %), classés entre 1/6 et 15, appartenant au Centre national universitaire de tennis de Montpellier, ont réalisé une séance spécifique standardisée par mois pendant 6 mois (de décembre à mai). Ils s entraînaient collectivement tout au long de l année au niveau physique (2 fois par semaine, durée : 1 h 30) et tennistique (5 fois par semaine, durée : 2 h). Protocole expérimental Une séance de familiarisation à la neurostimulation a été réalisée la veille de la première séance spécifique. Celle-ci a permis de détecter l intensité optimale de stimulation propre à chaque sujet et d identifier l emplacement des électrodes sur le quadriceps. Avant chacune des cinq autres séances spécifiques, les joueurs se présentaient 30 mn avant pour replacer les électrodes et ajuster l intensité optimale de stimulation le cas échéant. La séance d évaluation spécifique tennis durait 67 mn et était composée de : tests neuromusculaires avant (stimulations électriques au repos) et après (contractions maximales volontaires : CMV) un échauffement de 5 mn ; une période de repos d au moins 6 min pour éviter une influence de l échauffement et des contractions maximales volontaires sur la séance d entraînement (des secousses étaient réalisées sur le muscle au repos afin de vérifier tout effet de potentialisation postactivation) ; quatre exercices intermittents (20 s d effort - 20 s de repos, 10 s/10 s ou 15 s/15 s) intenses au panier de 8 mn chacun, 2 en fond de cours et 2 à la volée ; tests neuromusculaires (stimulations, CMV) immédiatement après le dernier exercice intermittent. Quantification de la force Pour mesurer la force isométrique lors des contractions maximales volontaires (CMV) et involontaires (neurostimulation) au niveau des extenseurs du genou, les sujets étaient assis sur un ergomètre dédié et immobilisés à l aide de ceintures avec velcros positionnées au niveau du tronc et du bassin. L angle du genou était fixé à 80 (0 = extension complète). La cheville était attachée à un capteur de force (DEC 60, Captels, France) relié à l ergomètre. La jambe controlatérale reposait dans le vide. Pendant la contraction, le sujet devait maintenir les bras croisés contre sa poitrine. Électromyographie de surface L activité EMG du muscle vastus lateralis était enregistrée au moyen de deux électrodes de 9 mm de diamètre, en argent/chlorure d argent (Contrôle graphique médical, Brie- Comte-Robert - France), avec une distance interélectrodes de 20 mm. Avant de placer les électrodes, la peau était rasée, 7

ÉVALUATION DE LA FATIGUE MUSCULAIRE D.R. du muscle. Suite à cette stimulation, la réponse EMG (excitation maximale et synchrone de l ensemble des UMs appelée onde M) ainsi que la réponse mécanique associée (sommation des réponses mécaniques unitaires de ces mêmes UMs appelée secousse musculaire) sont enregistrées. La neurostimulation peut être considérée comme une méthode de référence dans l étude de la fatigue neuromusculaire, puisqu elle recrute quasi maximalement le groupe musculaire stimulé [9]. Fig. 2 - Positionnement du sujet sur l ergomètre d extension du genou, et procédure de neurostimulation du nerf fémoral légèrement abrasée et nettoyée avec de l alcool modifié à 70 % afin d améliorer le rapport signal/bruit du signal EMG. La valeur d impédance était mesurée à l aide d un ohmmètre universel et devait être inférieure à 5 kω. L électrode de référence était placée sur la rotule de la jambe opposée. Le signal EMG était enregistré via un système d acquisition (Biopac MP30, Systems Inc., Santa Barbara, CA). Le signal était amplifié (x 1 000) et filtré avec une bande passante comprise entre 30 et 500 Hz. La fréquence d échantillonnage était de 2 000 Hz. La valeur efficace du signal EMG, quantifiée à partir des valeurs de la racine carrée de la moyenne du carré (RMS), rend compte de l activité musculaire globale. Ce paramètre correspond au nombre d UMs recrutées et à leur fréquence de décharge lors d une contraction volontaire [8]. Lors des CMV, la valeur RMS était calculée sur une période de 1 s. Neurostimulation Cette technique consiste à appliquer une stimulation électrique sur le trajet du nerf moteur avec une intensité et une durée suffisantes pour provoquer une réponse maximale Lors des tests neuromusculaires, trois stimulations électriques simples de 0,2 ms espacées dans le temps de 5 s (stimulateur modèle Digitimer DS7 AH, Welwyn Garden City, Hertfordshire - Angleterre) étaient induites au repos au niveau du nerf fémoral à l aide d une cathode positionnée par un expérimentateur dans le creux inguinal (fig. 2). L anode consistait en une électrode adhésive rectangulaire de 50 cm2 (Médicompex S.A., Ecublens, Switzerland) située dans le pli glutéal à l opposé de la cathode. Des stimulations doubles de 10 ms d intervalle (doublets) étaient également induites pendant et après les CMV. Paramètres mesurés Les réponses mécanique (amplitude maximale ou peak torque : Pt) et électrophysiologique (onde M) étaient mesurées suite à la stimulation électrique supra-maximale du nerf fémoral, afin de caractériser les éléments de la fatigue induite par l exercice. Ces paramètres renseignent de manière spécifique sur les qualités du muscle (facteurs périphériques), puisque la commande volontaire ne participe pas à la contraction. Plus précisément, la réponse mécanique est un indice du CEC et l onde M reflète l excitabilité de la membrane musculaire (fig. 3) [10]. La RMS calculée au cours de la CMV était normalisée par l amplitude de l onde M au repos (ratio RMS/M), permettant de s affranchir des modifications éventuelles de l excitabilité et donc des changements périphériques pour l interprétation des résultats. Ce rapport est considéré comme un indice de la commande centrale [11]. Le second paramètre mesuré lors des CMV était le niveau d activation volontaire ou NAV. La méthode classiquement utilisée pour quantifier le niveau d activation volontaire des muscles agonistes est représentée par la technique de 8

la secousse surimposée (ou twitch interpolation ) décrite par Merton [12]. Cette technique consiste à surimposer une stimulation électrique percutanée supra-maximale à une contraction maximale volontaire isométrique. Une augmentation de force induite par la stimulation percutanée indique une activation incomplète (i.e. recrutement incomplet des UMs et/ou fréquence de décharge sous-maximale) du muscle étudié, ou d un groupe musculaire comme les quadriceps, c est-à-dire une défaillance au niveau de la commande centrale. Celle-ci peut être quantifiée par le NAV en exprimant l augmentation de la force produite par la stimulation exogène (supra-maximale) pendant la contraction volontaire, en fonction de la secousse évoquée au repos après la CMV, appelée secousse potentiée. Analyse statistique Les données sont présentées en moyenne des 9 joueurs ± l erreur standard (SE). Les paramètres neuromusculaires (CMV, Pt, RMS/M, NAV) étaient analysés avec une ANOVA à deux facteurs [fatigue (pré vs post-séance spécifique) x temps (6 mois)]. En cas de significativité, des tests posthoc LSD de Fisher étaient utilisés. Le seuil de significativité était fixé à p < 0,05. RÉSULTATS ET DISCUSSION Les résultats aux tests neuromusculaires lors de l étude longitudinale sont présentés sur la figure 4 (page suivante). Lors des CMV, la chute significative de force (jusqu à 19,2 ± 2,9 % en janvier) témoignait d une fatigue induite par la séance d exercices intermittents proposée. Lors de la première séance (décembre), cette diminution de force était en partie expliquée par une adaptation de la commande centrale, objectivée par une chute de RMS/M ( 24,9 ± 8,9 %) ainsi qu une chute du NAV ( 14,3 ± 3,5 %). Elle était également due à une altération du couplage excitation-contraction puisque Pt chutait de 13,2 ± 6,7 %. Cette première séance spécifique induisait donc une fatigue importante, impliquant différents facteurs (centraux et périphériques) et pouvant être due à la période de l année où les joueurs ne sont pas encore très performants (début de phase de préparation générale). D.R. Fig. 3 - Localisation des mécanismes potentiels de fatigue et techniques d évaluation correspondantes Schéma du couplage excitation-contraction d après Fitts et Metzger [14] En février, aucune fatigue ne s est produite. L entraînement quotidien des joueurs avait donc permis d améliorer leur résistance à la fatigue. De plus, les exercices intermittents sont connus pour avoir des périodes de récupération qui jouent un rôle important dans la limitation du développement de la fatigue [13, 14]. C est pourquoi le temps de repos doit être choisi avec précaution. Pour s adapter au niveau de forme des joueurs, les exercices ont alors été intensifiés à cette période de l année, en prolongeant le temps d effort à 15 s au lieu de 10 s, et en diminuant le temps de repos à 15 s au lieu de 20 s. Les exercices, rendus plus difficiles en mars, induisaient une perte de force qui était due à une altération du couplage excitationcontraction, puisque Pt diminuait significativement de 9,9 ± 2,2 % et 13,9 ± 3 %, en mars et avril respectivement. Dans cette deuxième partie d étude, la séance spécifique tennis induisait davantage une fatigue périphérique, pouvant s expliquer par le fait que les exercices intensifiés nécessitaient une participation plus importante de la flexion des membres inférieurs (smashs, volées basses) avec moins de temps de récupération, et par l intensité des impacts au sol lors des freinages et des changements de direction. Cette forte sollicitation des quadriceps induisait probablement une altération progressive de la contractilité du muscle [15]. 9

ÉVALUATION DE LA FATIGUE MUSCULAIRE D.R. Fig. 4 - Pourcentage de chute (moyenne ± SE) entre pré et post-séance spécifique tennis de la contraction maximale volontaire (CMV), de l amplitude de la secousse (Pt), du rapport RMS/M du vastus lateralis, et du niveau d activation volontaire (NAV), de décembre à mai, à *** p < 0,001, ** p < 0,01, * p < 0,05 1. La fatigue périphérique peut être due à des altérations au niveau : A- du sarcolemme B- du couplage excitation-contraction C- de la moelle épinière D- du cortex moteur 2. La fatigue centrale peut être due à des altérations au niveau : A- du sarcolemme B- du couplage excitation-contraction C- de la moelle épinière D- du cortex moteur 3. La fatigue centrale se mesure avec : A- l amplitude de l onde M L absence d altération au niveau de la commande centrale pouvait être due à un entraînement et une préparation à la compétition optimaux et/ou à un habitus aux exercices intermittents proposés. CONCLUSION QUIZ B- l amplitude de la force évoquée par stimulation C- le rapport RMS/Onde M (RMS étant la valeur efficace du signal EMG) D- le niveau d activation volontaire 4. L excitabilité du sarcolemme se mesure avec : A- l amplitude de l onde M B- l amplitude de la force évoquée par stimulation C- l amplitude de la force volontaire Réponses page 65 Les tests proposés ont permis d évaluer la capacité des joueurs à s adapter à la progressivité de l entraînement et à repousser l apparition de la fatigue au fil des mois. Cette évaluation témoigne de l amélioration de l état de forme des sujets. En pratique, ces tests neuromusculaires représentent une approche dans l évaluation de la fatigue neuromusculaire des membres inférieurs et de ses composantes au cours de l entraînement et pourraient être utilisés dans un processus de rééducation. Ainsi, la prévention des blessures pourrait passer par une évaluation précise de la fatigue, pour tenter ensuite de repousser son apparition par un entraînement individualisé. Bibliographie [1] Barry BK, Enoka RM. The neurobiology of muscle fatigue: 15 years later. Integr Comp Biol 2007;47(4):465-73. [2] Enoka RM. Neuromechanics of human movement. In: Human kinetics. Leeds, 2002. [3] Taylor JL, Gandevia SC. A comparison of central aspects of fatigue in submaximal and maximal voluntary contractions. J Appl Physiol 2008;104(2):542-50. [4] Meeusen R, Watson P, Hasegawa H, Roelands B, Piacentini MF. Brain neurotransmitters in fatigue and overtraining. Appl Physiol Nutr Metab 20097;32(5): 857-64. [5] Fowles JR, Green HJ, Tupling R, O Brien S, Roy BD. Human neuromuscular fatigue is associated with altered Na + K + ATPase activity following isometric exercise. J Appl Physiol 2002;92(4):1585-93. [6] Allen DG, Lamb GD, Westerblad H. Skeletal muscle fatigue: cellular mechanisms. Physiol Rev 2008;88(1):287-332. [7] Enoka RM, Stuart DG. Neurobiology of muscle fatigue. J Appl Physiol 1992;72(5): 1631-48. [8] De Luca CJ. The use of surface electromyography in biomechanics. J Appl Biomech 1997;13:135-63. [9] Millet GY, Martin V, Lattier G, Ballay Y. Mechanisms contributing to knee extensor strength loss after prolonged running exercise. J Appl Physiol 2003;94(1): 193-8. [10] Behm DG, St-Pierre DM. Effects of fatigue duration and muscle type on volun tary and evoked contractile properties. J Appl Physiol 1997;82(5):1654-61. [11] Millet GY, Lepers R. Alterations of neuromuscular function after prolonged running, cycling and skiing exercises. Sports Med 2004;34(2):105-16. [12] Merton PA. Voluntary strength and fatigue. J Physiol 1954;123(3):553-64. [13] Ratel S, Lazaar N, Williams CA, Bedu M, Duche P. Age differences in human skeletal muscle fatigue during high-intensity intermittent exercise. Acta Paediatr 2003;92(11):1248-54. [14] Fitts RH, Metzger JM. Mechanisms of muscular fatigue. In: Poortmans RJ (ed) Medicine and sport science. Principles of exercise biochemistry. Basel : Karger, 1988 : 49-94. [15] Girard O, Lattier G, Micallef JP, Millet GP. Changes in exercise characteristics, maximal voluntary contraction, and explosive strength during prolonged tennis playing. Br J Sports Med 2006;40(6):521-6. 10