Les entreprises de montagne ont de l avenir



Documents pareils
COMPTES-RENDUS DES ATELIERS THÉMATIQUES AGENDA 21 COMMUNAUTÉ DE COMMUNES PAYS AUBENAS VALS JUIN PHASE DE DIAGNOSTIC

RÉUNION DES MINISTRES DE L'ALIMENTATION, DE L'AGRICULTURE ET DE LA PÊCHE DES PAYS MEMBRES DU CIHEAM 9ÈME DECLARATION FINALE

Comité stratégique de la démarche Alsace 2030 : des ambitions fortes, une vision partagée

LES PÔLES DE COMPÉTITIVITÉ : FAIRE CONVERGER PERFORMANCE ET DYNAMIQUE TERRITORIALE

DE LA STRATEGIE LEADER. Appel d offres Novembre 2014

Dossier de presse. Semaine nationale de la création reprise d entreprises artisanales. Du 18 au 25 novembre 2011

JURA & TROIS-LACS CONCEPT TOURISTIQUE GLOBAL MASTERPLAN - CONDENSÉ DOCUMENT POUR CONSULTATION DÉCEMBRE 2013

Les bons critères pour choisir son lieu d implantation. Animé par :

Discours d Anne Hidalgo, Maire de Paris

10 ENGAGEMENTS, 30 PROPOSITIONS DE LA MAJORITÉ DÉPARTEMENTALE «Avec vous, une Saône et Loire innovante et attractive»

Dossier de Presse La communauté de communes de Mimizan participe au Salon PROVEMPLOI, à Paris, le 15 octobre 2013.

TIM S.A., une aventure d Homme

Discours de Marylise LEBRANCHU. Echanges avec les étudiants du master collectivités locales de. l Université de Corse, à Corte en Haute-Corse

Le Conseil Général accompagne le déploiement de la société de l information en Gironde

Monsieur le Préfet, j ai porté une grande attention sur le chapitre relatif à la sauvegarde de l emploi et au développement économique.

W Rénovation un engagement fort en faveur de l apprentissage! DOSSIER DE PRESSE < octobre 2011>

LEADER... LE PROJET DU PAYS DE SAINT-MALO : UN OBJECTIF FORT : LEADER ACCOMPAGNE : LES 4 THÉMATIQUES : POUR VOUS ACCOMPAGNER

Dans ce nouveau siècle, aussi inégalitaire que le précédent mais aussi riche

Stratégie Régionale. envers les Jeunes. l Artisanat

Stratégie locale en faveur du commerce, de l artisanat & des services

Position de l ASTEE sur l innovation en matière de services d eau et de déchets

POUR LE DÉVELOPPEMENT DU TERRITOIRE D EST ENSEMBLE

Agence Régionale des Territoires d'auvergne. Gérard Lombardi Marketing Territorial Relations entreprises Emploi

Groupe d Action Local (G.A.L) «Pays SUD : une terre d accueil, des montagnes de Services»

vendredi 17 et samedi 18 octobre 2014 niort / salle de l acclameur Rendez-vous national innover et entreprendre créer son emploi

Dans un monde en mouvement perpétuel, rapide, incessant, il faut saisir. Nous devons être fiers de pouvoir exécuter la décision prise :

Introduction : histoire et concept de l économie sociale Lucile Manoury

LE CONGÉ SOLIDAIRE DEUX SEMAINES POUR AGIR AU SERVICE DE LA SOLIDARITÉ INTERNATIONALE

Dossier de presse. La campagne d information sur les métiers de l artisanat, du bâtiment et les métiers de bouche. Synthèse page 2

PLAN BIO MIDI-PYRENEES , UN PLAN SANS AMBITION

Compte-rendu de la rencontre politique tenue à la Maison du commerce de la Chambre de commerce du Saguenay, lundi le 1er décembre 2008.

26 et 27 mai Discours de clôture de la Présidente du Conseil Général

DOSSIER DE PRESSE Un portail énergie / climat parisien

Etudiants et jeunes diplômés : les aspirations professionnelles

Le développement de la franchise dans le Groupe Casino

HYDROELECTRICITE ARIEGEOISE

Discours à la communauté d affaires française Montréal, 6 février 2014 Résidence du Consul général

Animer une association

Guide Leader + 16 pages 12/07/05 11:20 Page 1. En Pays Portes de Gascogne l Europe est partenaire de vos projets LEADER +

Secrétariat d Etat auprès du Premier Ministre chargé des Technologies Nouvelles

LES SERVICES A LA PERSONNE EN ARTOIS COMM.

Synthèse et capitalisation des réflexions menées. Lors des conviviales 2013,

Investir, Épargner et Produire durablement :

- Communiqué de presse-

Contribuer au Développement de Territoires Solidaires

Compte Rendu Journée de lancement PCT Cœur de Flandre. Michel GILLOEN (Président Pays Cœur de Flandre)

Contact chargées de mission FEHAP Centre : Magali BASTELICA, magali.bastelica@fehap.fr, Nathalie PERPINIAL,

CAHIER DES CHARGES : CERTIFICATION NF X PEPINIERE D ENTREPRISES

Mutualisation des compétences

29 mars Support de correction : Grille d évaluation. Observations générales relatives à l évaluation des copies

COMMUNIQUÉ DE PRESSE 10 mai mutuelles créent le groupe Istya, premier groupe mutualiste français de protection sociale complémentaire

Sondage : les résultats!

PLAN STRATÉGIQUE DE L AFANB

Simul actif : débat au conseil pédagogique : «quelles évolutions de nos formations par rapport aux enjeux énergétiques et environnementaux actuels?

Conseil Interrégional des Chambres des Métiers de la GR 2

RENCONTRES REGIONALES POUR L AVENIR DU BOIS EN BRETAGNE. Thématique : Projets d entreprise et accès aux financements

2) Qu est-ce que la cohésion sociale et l inclusion?

Charte du tourisme durable

Compte rendu de la journée technique du mardi 23 septembre organisée par ODIT France à la Maison du Tourisme Paris

Agenda 21, charte de développement durable et gestion du risque inondation Nicolas Bauduceau CEPRI

LE DON : UN MODELE DE MANAGEMENT AU SERVICE DE LA COOPERATION

Observations sur l avant-projet de loi, Loi sur l aménagement durable du territoire et l urbanisme

étudié pour les étudiants!

Appel à communication

Plan d action de développement durable Le développement durable, une question de culture

Améliorer l organisation et la communication interne à l office de tourisme

DOSSIER de présentation

Le nouveau logo d ERDF réaffirme ses valeurs et son engagement en faveur de la transition énergétique

L immobilier d entreprise artisanale

APFP. Les Pays, moteurs de stratégies de développement territorial et de gouvernance locale. Contribution de l Association de

I/ Présentation de notre association et de notre programme

Intervention de Marisol Touraine. Ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Investir l excellence et la solidarité

Appel à projets 5,2. Se déplacer Se nourrir Se loger Le reste

10 ème Forum IES 2010 Enjeux et Perspectives de l Intelligence Economique Au carrefour des Pratiques REIMS 6-8 octobre 2010

Environ 200 personnes ont participé à cette réunion qui s est tenue à l auditorium de l Hôtel de Ville de Paris.

L'insertion professionnelle des bénéficiaires du RSA en outre-mer

1 er Pôle d Economie Sociale et Solidaire de Midi-Pyrénées «Il faut donner à chacun la possibilité de devenir entrepreneur» M.

LES FONDS EUROPÉENS EN NORD-PAS DE CALAIS

Compte rendu. Jeudi 21 mai 2015 Séance de 11 heures 15. Mission d information commune sur la banque publique d investissement, Bpifrance

Propreté & Services Associés - Logistique & Manutention - Assistance Aéroportuaire Ingénierie & Maintenance Nucléaire - Décontamination,

UN PROJET SCIENTIFIQUE ET CULTUREL POUR LA SOCIÉTÉ DE LA CONNAISSANCE

Française de Motivation

Travaux d isolation et de finitions (peinture, revêtements, plâtrerie, ) Parc

Charte Mutuelle Existence

Etude de diagnostic territorial et accompagnement de projets en vue de la revitalisation du site de la base aérienne de Brétigny

DOSSIER DE PRESSE Borne électrique test. Installation de la 1 ère borne de rechargement électrique test à Arras

CAHIER DES CHARGES DE L APPEL A PROJETS REGIONAL «INNOVATION» SESSION PLENIERE DES 19 ET 20 JUIN 2014

TOUR DE FRANCE NOUVEAU DIALOGUE FORUM-DEBAT POITIERS

Discours d ouverture de Michèle Bourque présidente et première dirigeante Société d assurance-dépôts du Canada Ottawa mercredi 6 février 2013

Bibliothèque de questions Questions spécifiques aux organismes

CREDIT COOPERATIF. Le Crédit Coopératif BONNES PRATIQUES. 1- Eco-management COOPERATIVE

Vision stratégique du développement culturel, économique, environnemental et social du territoire

Des conseillers en gestion de risques ultra-spécialisés. P. 3. L'innovation au cœur de la stratégie de développement de Bessé P. 5

RÉGION AUVERGNE GRAINES D EMPLOIS. Document support d animation des réunions territoriales Bassin AMBERT

En partenariat avec N AVRIL 2014

LES CLES D UNE BONNE STRATEGIE A L EXPORT

Plan stratégique

entreprendre et réussir en seine-et-marne

L'accessibilité en questions

Transcription:

DOSSIER Les entreprises de montagne ont de l avenir ASSEMBLÉE NATIONALE Faire de la trilogie attractivité-performance-compétitivité la devise de la montagne La loi Montagne de 1985 reconnaît la spécificité des territoires de montagne sur laquelle repose leur droit à la différence et à la solidarité nationale. Au-delà des textes, tout le monde s accorde à reconnaître qu entreprendre en montagne est bien plus difficile qu ailleurs. Marqués par les contraintes liées à l environnement montagnard, aux déplacements et à la saisonnalité notamment, le monde du travail et celui de l entreprise bénéficient également d atouts forts sur nos territoires. Ténacité, innovation, goût de l expérimentation, qualité de vie, engagement fort des collectivités sont autant de raisons de s implanter et de contribuer au dynamisme économique local. Pour autant, nous devons travailler à lever les obstacles pour assurer la compétitivité et la performance de nos acteurs locaux. Donnons à nos entreprises, ici plus qu ailleurs, les moyens d atteindre des sommets. Marie-Noëlle Battistel, secrétaire générale de l ANEM, députée de l Isère PLM 259 avril 2015 7

DOSSIER LES ENTREPRISES DE MONTAGNE ONT DE L AVENIR CCI DEUX-SE VRES La qualité de vie et la solidarité en montagne doivent donner envie d entreprendre Dans cet entretien exclusif, André Marcon, président de la CCI France, l établissement national fédérant les chambres de commerce et d industrie, et maire de Saint-Bonnet-le-Froid (Haute-Loire), assure que les entreprises situées en montagne ont souvent davantage d atouts que d autres pour améliorer leur compétitivité. Il compte sur l esprit d innovation des entrepreneurs actuels et futurs pour relever les nouveaux défis, et demande aux élus de la montagne de leur faire confiance et de les accompagner. PLM: Les entreprises situées en montagne sont-elles assez compétitives? André Marcon: Elles sont souvent davantage dans la compétitivité que celles qui sont installées sur d autres territoires. L environnement étant plus difficile en montagne, il faut en effet être un peu plus astucieux qu ailleurs. L entrepreneur de montagne est aussi moins «zappeur». En montagne, ce qui fait la force, c est justement qu on ne «zappe pas». On est sur son terrain. On utilise son terrain. Il en résulte qu en ces temps de crise, il y a moins de gros crashes dans ces petites et moyennes entreprises que dans celles de plaine. Malheureusement, si de nombreuses entreprises de montagne sont les meilleures spécialistes de leur secteur, ou des fabricants de pointe de tel ou tel produit, ils n ont pas toujours le réflexe de dire: «Nous sommes des montagnards.» C est dommage, parce que c est une fierté et, pour beaucoup d autres, une leçon à méditer. Est-ce réellement une raison pour qu un entrepreneur fasse le choix de se localiser en montagne? A.M.: Commençons par nous demander pourquoi on s installait autrefois en montagne. D abord, parce qu on était chez soi. On pouvait avoir Les entreprises situées en montagne ont des atouts de première importance: la qualité et la fidélité de la main-d œuvre. du foncier, on avait une tradition familiale. Il y avait aussi le fait d être sur un bassin de matières premières. Je pense notamment aux bassins miniers. Si on était sur un créneau porteur, c était presque gagné. Avec les années, les procédés de fabrication sont, certes, passés d un mode très artisanal à un niveau plus industriel, comme on peut le voir pour le textile et pour l ameublement. Mais, dans ce contexte nouveau, les entreprises situées en montagne ont des atouts de première importance: la qualité et la fidélité de la main-d œuvre, parce que les salariés sont tellement attachés à leur territoire qu ils ne veulent pas le quitter. Pour un chef d entreprise du présent ou du futur, c est une garantie, et cela ne peut être qu une motivation supplémentaire pour installer et enraciner son entreprise sur un territoire de montagne. Vous évoquez le lien de l entreprise avec son territoire de montagne. Quelles valeurs développe-t-il? A.M.: On le constate tous les jours, les chefs d entreprise de montagne sont beaucoup plus solidaires entre eux parce que les éléments et le paysage sont plus difficiles à maîtriser. Si l on prend l exemple de la Haute-Loire, mon petit département, cela fait deux mois qu il y a beaucoup de neige, mais les entreprises font face ensemble. Ce sont des chiffres d affaires diminués mais elles ne se plaignent pas. Elles se mobilisent tous les jours. Au regard de cette solidarité montagnarde et de cette habitude de se serrer les coudes pour surmonter les difficultés, les chefs d entreprise ne peuvent que se dire «là, on est sur du solide, cela vaut le coup d avoir confiance et d investir». Quels sont les freins à lever pour que le réseau d entreprises soit encore plus dense en montagne? A.M.: Il est évidemment fondamental de donner le plus possible les mêmes chances aux entrepreneurs installés en montagne que celles dont disposent leurs collègues sur d autres territoires ruraux. A cet égard, la notion d accessibilité routière prend de plus en plus d importance. Ai-je besoin de souligner que, lorsqu une entreprise développe une activité industrielle, il est nécessaire que les camions de livraison partent et qu ils reviennent? Des entreprises auront envie de venir dans ces territoires de montagne, à condition que l autoroute soit présente à proximité, à 10, 20 ou 30 km. L avenir passe également par l accès au très haut débit, le THD. D autant plus que sur CG 06 les territoires de montagne, certaines entreprises sont isolées. Si elles ne sont pas très vite connectées, elles sont menacées. Enfin, la main-d œuvre dont je soulignais combien elle est fidèle en montagne, n a pas toujours un niveau de formation qui correspond aux besoins de l industrie d aujourd hui. Quand on recherche certains types de salariés, il arrive que l entreprise n arrive plus à les trouver sur place. C est un problème qui demande des solutions urgentes, notamment des dispositifs de formation extra-souples. L avenir passe également par l accès au très haut débit. Si les entreprises ne sont pas très vite connectées, elles seront rapidement menacées. 8 PLM 259 avril 2015

Quel rôle doivent jouer les collectivités locales pour aider les entreprises? A.M.: Il ne faut pas que leur principale préoccupation soit de faire venir des entreprises en les subventionnant. Si elles viennent s installer d elles-mêmes, tant mieux, mais il faut surtout rendre les territoires de montagne attractifs pour les attirer. De plus, je suis assez réfractaire aux solutions simplistes du type «quel est le bon modèle pour la montagne?». Il n y a pas de modèle type mais des projets d entrepreneurs variés. En revanche, il faut rendre possible leur arrivée, que leur activité soit industrielle, de services ou de commerce. Il en est de même pour les activités de télétravail, permettant d exercer son activité grâce aux moyens numériques. Avant toute chose, les collectivités doivent rendre possible l activité économique existante et tout faire pour qu elle continue à se développer. Tout cela doit occuper nos élus. Je l ai dit, cela va passer par les routes, par le très haut débit, par l aménagement des zones d activités. Cela va passer également par la sécurisation de ces zones d activités, par la formation et l adaptation des personnels à de nouvelles activités. Cela demande enfin aux entreprises de montagne de se remettre en question pour ne pas se scléroser et continuer à innover dans leurs process de fabrication, de distribution et de commercialisation. C est un pari et un défi exceptionnels pour les entrepreneurs et les collectivités locales. L avenir appartiendra à ceux qui sauront «faire avec» plutôt que «faire seuls», et les montagnards sont peut-être davantage capables de prendre ce virage. Quels types de regroupement ou de partenariat faut-il nouer pour que ces entreprises soient toujours plus efficaces? A.M.: L avenir appartiendra à ceux qui sauront «faire avec» plutôt que «faire seuls». Longtemps, le succès de notre société industrielle a été la réussite individuelle de l entreprise qui grossit surtout en rachetant ses concurrents. Cela a marché, mais, demain, dans cette difficulté de croissance que nous rencontrons, il faudra «faire avec ses voisins, avec ses partenaires», monter des regroupements. Parce qu ils sont plus solidaires, les montagnards sont peut-être davantage capables de prendre ce virage. Certes, commencer à travailler avec les entreprises à proximité de soi, ce n est pas toujours évident. Il y a un réel changement de culture à accomplir afin que celui qui fabrique n aille pas chercher les composants de sa fabrication à l autre bout de la France ou à l étranger quand ils existent à côté. C est le bon sens mais cela ne se fait pas encore suffisamment. «Faire avec», c est aussi le credo des grappes des clusters, des pôles d excellence PAROLES DE PREMIERS MINISTRES «Je veux que les territoires de montagne conservent cette capacité de faire émerger les entreprises performantes. Parfois fondée sur des savoir-faire reconnus. Parfois aussi sur de l innovation à l état pur.» Jean-Marc Ayrault, le 29 avril 2013, à Foix «Les montagnes françaises sont on le dit trop peu des fleurons de notre économie.» Manuel Valls, lors du 30 e congrès de l ANEM, le 17 octobre 2014, à Chambéry rurale, des pôles de compétitivité. Il est nécessaire de créer des solidarités et de la matière grise pour innover, se projeter dans des organisations plus importantes sans perdre sa qualité. Cela concerne directement les entreprises et c est le message que j essaie de leur faire passer: «Faire avec et d abord entre vous.» Les entrepreneurs sont-ils assez nombreux sur les territoires de montagne? A.M.: Cette question ne se résume pas seulement à la montagne. Elle est générale. Nous manquons globalement d entrepreneurs qui acceptent de prendre le risque de réussir ou de perdre, alors qu ils sont complètement indispensables au développement économique. Je suis d ailleurs assez navré d entendre qu il faut que l on sécurise la création d entreprise. Si cela devait arriver, nous deviendrions tous fonctionnaires et il n y aurait plus d adrénaline. Il faut donc redonner envie d entreprendre et, sur ce plan, ces périodes de crise sont tout à fait intéressantes. La qualité de la vie et la solidarité en montagne doivent doper cette envie. Aux élus de ne pas décourager ceux qui veulent entreprendre et leur faire confiance. L élu doit prendre en compte et accompagner ce risque. Que recommandez-vous d autre aux élus de la montagne pour encore améliorer la compétitivité des entreprises sur leurs territoires? A.M.: Je leur demande de ne pas voir l avenir uniquement par le prisme de leur microterritoire. Ils doivent penser macroterritoire. De plus, le chef d entreprise a besoin de clarté, de savoir à qui il doit s adresser, quels sont ses interlocuteurs de référence et à qui il peut faire confiance. Il faut aussi des règles du jeu équitables car le paysage économique demande à être organisé et lisible. Il faut redonner envie d entreprendre. La qualité de la vie et la solidarité en montagne doivent doper cette envie. PLM 259 avril 2015 9

JANISSET SAS DOSSIER LES ENTREPRISES DE MONTAGNE ONT DE L AVENIR Ces entreprises de montagne qui gagnent L ATOUT SOLIDARITÉ Smoby Toys a retrouvé une seconde jeunesse. C est une entreprise très ancienne, née en 1924, qui a été pendant très longtemps l un des fleurons de l économie jurassienne. Elle a pourtant failli disparaître au début des années 2000 avant d être reprise par un actionnaire allemand, Sieber. Aujourd hui, Smoby Toys, leader français du jouet, compte 420 employés sur plusieurs sites. «70 % de notre activité est toujours dans le Jura, à Lavant-lès-Saint- Claude et à Arinthod, contre 10 % en Espagne et 20 % en Chine», se réjouit son directeur, Thomas Lepaul. La réussite de Smoby Toys est en tout cas liée à l environnement dans lequel l entreprise évolue: en petite montagne et en pleine «Plastics Vallée» où tous les fournisseurs sont solidaires. «De plus, complète DE FIL EN AIGUILLE Basée à Monistrol-sur-Loire (Haute-Loire), Janisset SAS est une référence grâce à ses innovations et à sa diversification. «Je suis né au milieu des métiers à tisser», dit en souriant Franck Janisset, qui est à la tête de l entreprise familiale depuis un quart de siècle. L entreprise a su s adapter aux évolutions et aux nécessités, et d abord pour lutter contre la concurrence asiatique. En 2000, un site de fabrication de fil voit le jour à Hong Kong. Un autre ouvre ses portes deux années plus tard en Roumanie. De nombreuses opportunités existent pour créer, implanter ou développer des entreprises sur les territoires de montagne. Trois dirigeants en témoignent. le jeune patron, nous avons la chance d avoir des salariés très bien formés, expérimentés et motivés.» Smoby Toys vient d investir 40 millions d euros dans une nouvelle usine et une nouvelle plate-forme logistique. Thomas Lepaul souligne que le conseil général, la préfecture et les élus des communes ont une belle part dans la réussite de l entreprise. «Nos interlocuteurs ont envie de nous accompagner et sont très disponibles, souligne-t-il. Nous nous voyons souvent, notamment aux rencontres du club de rugby d Oyonnax.» En 2008, c est à Hô-Chi-Minh- Ville, au Vietnam, que Janisset SAS installe un autre site de fabrication. Aujourd hui, le groupe compte 180 personnes, dont 35 en France et s est imposé dans l industrie du luxe. S il reconnaît que son raisonnement est très industriel et que ses arguments ne s adressent pas à toutes les catégories d entreprises, reste qu à ses yeux le cadre de vie qu offrent les zones de montagne est propice à l installation de nouveaux entrepreneurs et donc au développement économique de ces territoires. Au demeurant, Franck Janisset observe que, de nos jours, de plus en plus de jeunes ont envie d aller s installer en montagne. «Lorsque l on met dix minutes pour se rendre à son travail, on vit plus agréablement que lorsqu il faut faire une heure et demie de trajet matin et soir», fait-il remarquer. Et, de fil en aiguille, il s engage: «Ceux qui veulent créer des entreprises sur nos territoires, nous les accueillons à bras ouverts.» DR LES TROIS SPHÈRES D ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES EN MONTAGNE La sphère productive est orientée vers les marchés extérieurs au territoire sur lequel l entreprise est implantée. Elle regroupe l agriculture, l industrie, le secteur de l énergie, les services aux entreprises, le transport de marchandises, le commerce de gros. La sphère de l économie présentielle (de proximité) concerne les services aux particuliers, la construction, la santé, l action sociale, le commerce de détail, les activités financières, le transport de voyageurs. La sphère publique relève des trois fonctions publiques: d Etat, territoriale et hospitalière. UNE IDÉE BIEN DANS LE VENT La Balaguère, spécialiste du voyage aventure et du voyage à pied, qui tire son nom d un vent pyrénéen, a été créée il y a trente ans par Vincent Fontvieille, nouveau président de l APEM (1). Son idée: faire partager son amour des Pyrénées en y exerçant un métier et y organisant des randonnées. Le pari a été gagné, sans doute au-delà de ses espérances, mais la trajectoire de Vincent Fontvieille n a pas varié: contribuer à ce que les vallées soient des terrains de vie et qu elles donnent envie d entreprendre. S il est bien sûr évident que les élus de la montagne poursuivent le même but, le président de l APEM leur demande de penser plus largement au développement économique de leur territoire. «Trop longtemps, regrette-t-il, dans nos régions, le tourisme a été la panacée et la seule solution. Maintenant, il faut préparer le terrain afin que des entreprises de toute nature puissent venir s implanter sans rien enlever à la beauté de nos paysages. Elus et responsables locaux ont à travailler ensemble dans ce but.» A Arrens-Marsous, commune de 700 habitants dans les Hautes-Pyrénés, La Balaguère emploie trente-cinq personnes, une soixantaine d accompagnateurs et plusieurs centaines de prestataires. «Ça n a jamais aussi bien marché», fait remarquer Vincent Fontvieille. La Balaguère a su s adapter et s ouvrir vers d autres destinations. Sans que la montagne ne perde un arpent de son âme. (1) Assemblée pyrénéenne d économie montagnarde. 10 PLM 259 avril 2015

TRIBUNE À FRANÇOIS BROTTES,président de la commission des affaires économiques de l Assemblée nationale François Brottes est député de la 5 e circonscription de l Isère depuis 1997. Il a récemment présidé la commission d enquête sur les coûts de la filière nucléaire et celle qui a examiné le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte. Maire de Crolles (Isère) de 2005 à 2014, et président de la communauté de communes du Grésivaudan de 2009 à 2012, il ne s est pas représenté à ces deux fonctions par respect pour le non-cumul des mandats. ASSEMBLÉE NATIONALE La montagne doit cultiver son esprit de conquête La montagne est, par nature, terre d innovation, car les difficultés géographiques et climatiques imposent de trouver des solutions originales en productions agricole ou forestière, mais aussi en assainissement et en construction de bâtiments. Elle est par ailleurs abondante en ressources naturelles, que ce soit l eau, le bois, la biodiversité, l air, l espace ou les paysages La montagne a toujours su profiter de ses atouts pour développer soit de l activité touristique, soit de l industrie. L hydroélectricité de montagne, la houille blanche, a ainsi marqué l histoire industrielle de ce pays. La reconnaissance des produits de montagne, en agroalimentaire, est aujourd hui un gage de qualité pour le consommateur. La montagne sait transformer ses handicaps en atouts. Elle doit ne jamais perdre cet esprit de conquête, cet esprit, parfois «mission impossible». Nous en avons chaque jour des exemples et des témoignages: bon nombre d entreprises, dans tous les massifs, sont autant, voire mieux que d autres, capables de produire et d exporter. Le caractère des gens qui vivent dans ces territoires est aussi une valeur ajoutée pour les entrepreneurs. Ce sont des gens courageux, exigeants avec eux-mêmes, et solidaires. Cette force et cette compétence naturelle méritent d être plus valorisées qu elles ne le sont. La montagne propose également des solutions de pluriactivité en raison du mode de vie, souvent saisonnier. Ce qui offre des solutions d emploi aux entreprises qui permettent d adapter leur production sans pénaliser les salariés. L engagement actuel du gouvernement auprès des entreprises, en faveur de leur compétitivité, en soutien à leurs efforts de recherche et pour tenir leurs coûts, bénéficie à toutes les entreprises du territoire. Il n y a pas une aide spécifique pour la montagne, mais les attractions métropolitaines à la mode proposent souvent des cadres de vie et d emploi qui ne génèrent pas la même fidélité d engagement en faveur de l entreprise. Enfin, la bataille que nous menons pour maintenir les industries électro-intensives dans les vallées, avec des tarifs adaptés, vise aussi à pérenniser ces activités dans les territoires de montagne, qui servent la dynamique d implantation et l épanouissement de la sous-traitance. La montagne doit donc plus que jamais transformer ses handicaps en atouts, puis valoriser ses atouts en savoir-faire, pour que ses entreprises s en emparent et les transforment en vecteurs de leur compétitivité. Le rôle éminent de l APEM en faveur du développement économique des Pyrénées L Assemblée pyrénéenne d économie montagnarde (APEM) a été créée en 1997 à l initiative des trois chambres consulaires des Pyrénées: l Association des chambres d agriculture des Pyrénées (ACAP), les chambres des métiers et de l artisanat (CMA Pyrénées), et les chambres de commerce et d industrie (CCI Pyrénées). Depuis dix-huit ans, l objectif de l APEM est de rassembler les acteurs économiques des Pyrénées autour d un projet global de développement durable des territoires de montagne pyrénéens. Elle accompagne le développement économique à travers la construction et l animation d un observatoire socio-économique: le SIG-Pyrénées. Au niveau institutionnel et politique, l Assemblée pyrénéenne d économie montagnarde représente l interconsulaire pyrénéen pour les problématiques économiques intersectorielles, et donc transversales, comme l accès aux technologies de l information et de la communication (TIC), la transmission ou la reprise d activités, la valorisation des identités du massif. Au niveau opérationnel et technique, l APEM a pour ambition d intégrer l innovation et les usagers des TIC dans l ingénierie territoriale pyrénéenne. En outre, l APEM et MACEO, son homologue du Massif central, fort de trente ans d expérience, viennent de mettre leur expertise et leur complémentarité en commun afin de mieux encourager le développement éco- nomique de leurs territoires de montagne. La réussite des deux structures est incontestable. Le conseil d administration de l APEM vient cependant d affirmer sa volonté d assumer plus fortement un rôle de représentation des acteurs économiques, et de peser de tout son poids auprès des collectivités territoriales, des institutions, des élus et des techniciens pour favoriser le développement de l économie pyrénéenne, tous secteurs confondus, et par conséquent de l emploi. De nouvelles pistes de travail ont été définies: orienter davantage le débat et les actions publiques vers l économie, développer l attractivité du territoire, affirmer le caractère remarquable, et unique, du massif pyrénéen et se mettre encore davantage au service des acteurs économiques. LE «CAHIER D ESPÉRANCE» DES CCI DE MONTAGNE Bien qu ils partagent des préoccupations communes et spécifiques (accessibilité, mobilité, faible densité et vieillissement de population, climat et incidences sur la consommation d énergie), les territoires de montagne sont fortement attractifs grâce à la qualité de leur environnement, de leur production et de leur compétitivité. Pour optimiser le potentiel de ces territoires, le réseau des cinquante-huit chambres de commerce et d industrie (CCI) de montagne, implanté sur tous les massifs français, contribue activement à leur développement économique, social et environnemental. Dans leur «Cahier d espérance», ils ont défini plusieurs objectifs: l Sensibiliser les autorités publiques nationales et européennes aux spécificités des territoires de montagne et à la nécessité de leur accorder des ressources suffisantes à leur développement. l Faire de la diversité et des richesses naturelles des montagnes des moteurs économiques et sociaux tout en préservant l équilibre environnemental fragile de ces territoires (utilisation des ressources naturelles, inscription du développement économique dans la transition écologique ). l Décloisonner les filières en facilitant les partenariats entre les différents acteurs du territoire (entreprises, laboratoires de recherche, universités, écoles) et en apportant des solutions au problème de la saisonnalité et de la pluriactivité (actions de formation, valorisation des compétences spécifiques). l Rendre les territoires de montagne accessibles et connectés en développant des modes de transports innovants et performants dans un souci d équilibre environnemental et en assurant la progression des usages numériques. Toutes les actions et la représentation des outils de l APEM sont consultables sur le site www.apem.asso.fr PLM 259 avril 2015 11