ENQUÊTES JOURNALISTIQUES SUR LES RÉALITÉS URBAINES DE L ARC LATIN



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Transcription:

ENQUÊTES JOURNALISTIQUES SUR LES RÉALITÉS URBAINES DE L ARC LATIN Quelles idées, nouvelles tendances et problématiques caractérisent Turin, Montpellier, Majorque et Nuoro? Quelles initiatives sociales et culturelles favorisent le dialogue et la coexistence de leurs citoyens? Qui en sont les protagonistes? Dans les 4 villes, choisies comme lieux représentatifs de l'arc Latin, des enquêtes journalistiques ont été menées dans le but de faire des recherches et de comprendre si ces réalités urbaines peuvent être considérées comme de nouveaux modèles de coexistence, des lieux de défis et d opportunités pour différentes cultures et identités. Le dossier a été réalisé dans le cadre du projet «consolidation et extension de l'arc Latin», coordonné par la Province de Turin (avec la collaboration de Paralleli - Institut Euro-méditerranéen). L Arc latin est un espace de coopération technique et politique en Méditerranée constituée en 2002. Il regroupe 34 Province italiennes, 16 Députations et Conseils Insulaires espagnols et 11 Départements français dans le but de trouver des solutions à des problèmes communs. www.arcolatino.org SOMMAIRE ENQUÊTES : TURIN...pag. 2 MONTPELLIER...pag. 18 MAJORQUE...pag. 23 NUORO...pag. 30 1

TURIN A Turin, il n y a pas que des voitures Il fut un temps, Turin était appelée la Détroit d Italie, désormais, c est Détroit qui demande de l aide à la capitale italienne de l automobile. Cependant, dans l ancienne usine du Lingotto de la Fiat, ce temple du taylorisme, on ne produit plus d automobiles, même si le secteur continue de jouer un rôle moteur, mais plutôt des évènements culturels, comme le Salon du Livre qui connaît un franc succès, auquel participent des écrivains à succès du monde entier. Ou alors, on peut écouter des concerts donnés par des orchestres prestigieux dans l Auditorium conçu par l architecte Piano. Il est indéniable que Turin a réussi à se réinventer après la grave crise des années quatre-vingt dix, en diversifiant son tissu socio-économique : non seulement ville industrielle, mais aussi centre culturel dynamique, enfin capable de valoriser ses joyaux artistiques et historiques. Nombreux sont ceux qui sont liés à son passé de première capitale du Royaume d Italie : des édifices baroques et des châteaux, le prestigieux Musée Egyptien, deuxième au monde de par son importance, après celui du Caire, grâce à des archéologues turinois comme Schiaparelli et Drovetti, qui furent attirés par d autres cultures qui les fascinaient. L antique et le contemporain se mélangent bien dans le chef-lieu piémontais, où la movida des jeunes emplit les places, au bord du Pô, et dans le centre historique restauré, le Château des Rivoli, résidence de la famille de Savoie, est devenu l un des musées d art contemporain les plus reconnus au niveau européen. Le Palais Royal de Venaria Reale, imposant château baroque de la maison de Savoie, après huit ans de restaurations, a retrouvé sa splendeur, et accueille des événements internationaux. La Mole Antonelliana, érigée au milieu du XIXè siècle pour servir de synagogue, emblème de la ville, abrite aujourd hui l un des musées du cinéma les plus connus au monde, et rappelle que c est à Turin qu est née au début du vingtième siècle la Dixième Muse. Mais aujourd hui, Turin est également un pôle important de production cinématographique, avec des structures comme le Virtual Reality & Multimedia Park, le Cineporto de via Cagliari, voisin de la «Commission du Film de Turin et du Piémont» ( Film Commission Torino-Piemonte ) ; et le prestigieux Festival du Film de Turin est un rendez-vous au rayonnement international. Le Salon du Goût et sa créature Terra Madre amènent en automne sur les rives du Po quatre mille paysans, pêcheurs, et producteurs alimentaires de 59 pays, mais surtout la philosophie de la Slow Food pour la défense des économies 2

locales et de la biodiversité. Il n est pas exclu qu après le Prince Charles d Angleterre, grand amateur, Michelle Obama puisse se rendre à la prochaine édition. Capitale des Alpes et point nodal de la Méditerranée Turin joue un rôle important en tant que capitale des Alpes, avec ses stations de ski de renommée internationale disséminées dans toute la province. Ce n est pas un hasard si les Jeux Olympiques d hiver de 2006 ont marqué un tournant, en permettant d attirer les touristes et les investissements. Sa relation étroite avec la Ligurie, avec la mer, est néanmoins indéniable. Ce n est pas un hasard si la recette traditionnelle piémontaise, la Bagna Cauda, comporte une brunoise d anchois. Mais c est le nombre croissant d échanges culturels et économiques avec les pays de la rive sud qui met en évidence les liens de la ville avec la Méditerranée. Preuve en est le rôle important joué par la Province de Turin, dans le cadre de la présidence Saitta de l Arc Latin, en 2007-2008, et actuellement, avec la présidence de la Commission Méditerranée. «Nous avons monté des projets de coopération avec le Liban, Chypre, la Crète, le Portugal, l Espagne, la France, projets focalisés sur le développement durable, sur l environnement : la consommation énergétique, l utilisation du sol, la planification territoriale, explique Elena Apollonio, responsable de la Coopération européenne et des Relations internationales de la Province de Turin, également responsable pour les politiques méditerranéennes. Les Provinces ont joué un rôle important dans le ralliement au Pacte des Maires, voulu par la Commission européenne : «Si 50% des petites communes y ont adhéré, c est justement grâce aux Provinces», ajoute-t-elle. Durant la présidence turinoise de l Arc Latin, engagée également dans l intégration culturelle avec la société civile des rives de la Méditerranée, le Comité des Sages a connu une seconde naissance. Il avait été voulu en son temps par la Commission Prodi d alors : «Un fleuron : des personnalités de grande envergure et de grand prestige travaillent désormais pour l Arc Latin». «L autre merveille dont la Province de Turin peut s enorgueillir, ajoute Apollonio, c est le prix Arc Latin remis dans le cadre du Festival du Documentaire méditerranéen (organisé par le CMCA) : il a été décerné lors de la dernière édition turinoise à un film consacré à l écrivain Tahar Ben Jelloun». Le nouveau tissu social de la ville La ville a su miser sur la diversification, aussi bien culturelle que productive, ce qui a permis d attirer le capital privé ainsi qu un nombre croissant de touristes. Il n est guère étonnant que Turin, ville la plus méridionale d Italie pour l immigration partie des régions du Sud dans les années soixante, au 24e rang pour le revenu par habitant (26 728 mille euros, classement du Sole24Ore), ait attiré ces dernières années de nombreux étrangers à la recherche d un emploi et d une vie meilleure. Un habitant sur sept est étranger. En 2010, sur un total de 910 864 résidents, 124 223 sont étrangers, dont 51 217 Roumains, nation la plus représentée sous la Mole, puis viennent le Maroc (18 963), l Egypte, le Pérou, l Albanie, la Chine, l Egypte. 20% des emprunts contractés dans les banques turinoises le sont par des nonressortissants de l Union européenne. Mais la crise se ressent dans la baisse de dix pour cent du flux d argent envoyé dans les pays d origine. 3

25% des mariages célébrés en 2009 ont engagé des couples de nationalités mixtes, ou dont les deux membres étaient étrangers. Une cohabitation entre Italiens de souche et autres plutôt positive. Telles sont également les conclusions d une enquête récente, menée peu avec les élections régionales. En question : quel est le problème principal? Dans les réponses, c est le chômage (63%) qui a obtenu la première place, un problème transversal qui touche tous les âges, et qui augmente avec la crise actuelle, suivi de la pollution, la santé, les transports publics; les nonressortissants de l Union européenne ne sont vécus comme un problème que par 2% de la population. Les camionnettes, les enseignes des magasins avec des logos et des noms d entreprises albanaises, égyptiennes, roumaines, dessinent une nouvelle carte sociale de la ville. Fin 2008, les entrepreneurs étrangers dans la province de Turin étaient 26 815, avec une croissance de +126% par rapport à 2000. La majorité des entrepreneurs roumains, qui représentent 21% de ces étrangers (suivis des Marocains, 15,8%), sont spécialisés dans le bâtiment, les Marocains le sont quant à eux dans le commerce, mais aussi dans les services à la personne, dans le tourisme et dans le bâtiment. A Turin, le GTT est la première entreprise de transports en Italie ayant embauché des contrôleurs d origine étrangère (marocaine, roumaine et albanaise), ayant la citoyenneté italienne : «ponts entre les langues et les cultures, déclare le président Giancarlo Guiati, ils serviront à réduire la fraude, qui crée de gros problèmes économiques pour l entreprise». Les conducteurs de transports publics d origine étrangère représentent eux aussi la diversité. La crise actuelle ne semble pas avoir freiné l entreprenariat étranger : en 2009, on comptait 1158 nouvelles entreprises, 6,3% de plus par rapport à l année précédente. Et les non-ressortissants de l Union européenne, rien qu à eux, pèsent à hauteur de 13% sur le PIB régional, en apportant une valeur ajoutée de presque 15 millions d euros. Ce n est pas un hasard si l association des petites et moyennes entreprises, l Api, dispose d un nouveau service syndical de soutien et de conseil pour les étrangers qui veulent lancer une activité. On compte de nombreux exemples d ascension sociale, comme celui de Iulian Francu, parti employé et devenu entrepreneur, désormais président du C.e.r.To, consortium d entrepreneurs roumains de Turin, qui compte bien une soixantaine de petites entreprises d artisanat qui travaillent dans le bâtiment, ou celui de Fatima Khallouk, Marocaine, propriétaire d une petite entreprise qui propose des services de traduction et d interprétariat. Dans une enquête de l Ires (Institut de recherches économico-sociales, Istituto ricerche economico-sociali) esquissant les différences qui ressortent d une comparaison entre Italiens et étrangers, on découvre que les seconds sont, par rapport aux premiers, plus confiants dans l avenir, qu ils réussissent à épargner plus, qu ils croient aux forces de l ordre et aux institutions, et, surtout, qu ils sont plus satisfaits de leur vie, par rapport aux Italiens qui réussissent pourtant mieux à équilibrer leur budget. Un problème relatif aux attentes moindres qui seraient celles des étrangers? 4

Stop au racisme, Des droits, de la dignité et du respect pour tous, étaient les slogans qu on entendait le plus dans le cortège du 1e mars dernier, lorsque des milliers de travailleurs étrangers se sont mis en grève, peuple jaune [les manifestants portaient un brassard jaune en signe de protestation, ndt], affilié à aucun parti. Porta Palazzo, le plus grand marché d Europe, où un vendeur sur quatre est étranger, était à demi vide. Sans «eux» : des personnes âgées et des enfants laissés seuls, des maisons négligées, des chantiers fermés. «Les immigrés sont une ressource. Sans eux, nous aurons du mal à assister nos aînés... Il faut évidemment leur donner beaucoup de choses, à commencer par l école. Et avec eux il y a aussi la délinquance qui arrive, vu qu elle se déplace en suivant les lois du marché, avait commenté le maire Sergio Chiamparino au quotidien La Stampa. Et un adolescent roumain avait été poignardé dans un jardin public par deux compatriotes, le maire était intervenu: On a failli tomber dans des violences encore plus graves. Histoires de quartiers multiethniques Il y a des quartiers, comme Aurora-Valdocco, dans lesquels il y a bien 52% des enfants et des jeunes ayant entre zéro et 15 ans qui ont des parents nés à l étranger. Tous à l école ( Tutti a scuola ) est un guide réalisé par le conseiller à l Instruction de la Province de Turin, en italien, en albanais, en roumain, en chinois, en arabe, en espagnol, en anglais et en français pour aider les familles et les étudiants étrangers à comprendre notre système scolaire, de la crèche au lycée. 5

Sous la Mole, presque huit inscrits à l université sur cent sont étrangers. En 5 ans, il y a eu une augmentation de 50%, un véritable boom d étudiants étrangers dans les universités turinoises. Turin est en train de devenir une destination convointée pour les jeunes qui arrivent de Roumanie, d Albanie, du Maroc, du Pérou, de Chine, du Cameroun, de France, d Espagne. Il étaient 2 159 en 2005, il sont aujourd hui presque six mille. Le bond en avant le plus surprenant, est survenu à l Ecole polytechnique (Politecnico), grâce à des accords passés avec des universités du monde entier pour les échanges étudiants : on dépasse les 10%. En augmentation, également, les étudiants qui viennent pour de brèves période -6-9 mois- dont le nombre a presque doublé. A partir de l année scolaire prochaine, les élèves étrangers par classe ne devront pas dépasser le plafond de 30% des inscrits, même s ils sont nés en Italie. «Etablir un plafond est un moyen utile pour favoriser l intégration, parce que grâce à cette limite, on évite la création de «classes ghetto», composées uniquement d élèves étrangers», a expliqué Mariastella Gelmini, ministre de l Instruction, suscitant les protestations des syndicats et de l opposition, qui l estiment difficile à mettre en œuvre. La ville est chef de file de la révolte contre le décret sur la sécurité, approuvé en juillet 2009 par le ministre de l Intérieur Maroni : elle accorde l inscription à l école obligatoire, en primaire et au collège, des enfants de personnes en situation irrégulière et de clandestins, sans mentionner les maternelles. De sa propre initiative, la Commune de Turin a décidé d ignorer cette interdiction. Le maire Chiamparino n a pas eu le moindre doute : pas de dénonciation. «Nous avons étendu aux maternelles ce qui est prévu pour l école obligatoire, afin de ne pas créer de discriminations. On compte 200-300 enfants et adolescents, sur un total d environ quinze mille, enfants de clandestins et de personnes en situation irrégulière, qui sont inscrits à l école obligatoire à Turin». Le dernier dossier Caritas souligne que chaque année naissent en Italie 55 à 60 000 bébés étrangers, soit environ 10 % du total des naissances, tandis qu on assiste à une baisse des élèves italiens. Seuls ceux qui viennent d arriver ont des problèmes avec l italien, les autres le parlent parfaitement. Dans l une des écoles de Barriera di Milano, la Gabelli, où il y a 40 ans arrivaient les enfants des immigrés du Sud, qui parlaient en dialecte et avaient des parents analphabètes, on trouve aujourd hui ceux des étrangers, qui sont désormais 65 70 %. «Ici, la population résidente est d origine étrangère : en vertu de quel critère dois-je arrêter de prendre les inscriptions dans un établissement où la scolarité est obligatoire?», 6

commente Nunzia Del Ventola, chef d établissement. Dans les écoles turinoises, il existe déjà un protocole d accueil qui prend en considération les compétences linguistiques de l enfant ainsi que de la famille d origine étrangère. Si nécessaire, on intervient grâce aux médiateurs culturels. Mais comment combattre le risque banlieue et la peur que ressentent les Italiens de souche, convaincus que la présence réelle des non-ressortissants de l Union européenne est à multiplier par quatre? «Avec la philosophie anti-ghetto, et en considérant l immigré comme une ressource plutôt que comme un problème», répond Ilda Curti, conseillère de la Commune à l Intégration, frappée par la phrase d un jeune Marocain durant un congrès : «Je ne me sens pas un problème, moi, c est vous avec vos politiques qui créez les problèmes». On ne peut pas cacher que dans les quartiers les plus dégradés, la vie en commun entre Italiens de souche et étrangers est de plus en plus difficile, et l intégration, laborieuse, comme dans le quartier Aurora, où les habitants sont exaspérés : «Nous vivons avec le couvre-feu». Et il y a ceux qui mentionnent une étude de l Université Catholique de Milan, selon laquelle leurs indicateurs de criminalité sont quatre fois plus élevés que ceux des Italiens du Nord. Ilda Curti réplique : «Autour de cette marginalisation, il y a une économie spéculative, avec ceux que cette marginalisation arrange bien : des loyers très élevés dans des appartements délabrés... L intégration, pour nous, ça signifie trouver un point d équilibre entre les droits et les devoirs, et ce pour tout le monde, autochtones ou non. Elle est liée aux processus des métropoles, à la vie en commun, pas donnée, entre peuples, mais aussi entre classes sociales différentes, entre jeunes et vieux, et à la reconnaissance du droit de l Autre. Ce sont des dimensions difficiles et compliquées, mais je crois que Turin est sur la bonne voie». L administration municipale met actuellement en place des projets de rénovation urbaine pour revitaliser de nombreuses périphéries turinoises ayant un taux élevé de logements sociaux (Falchera, Porta Palazzo, San Salvario, Mirafiori Sud,...). «On intervient sur l espace public, des places aux édifices, mais en même temps, on cherche à stimuler dans la communauté locale la volonté d être des citoyens actifs et responsables, capables de contribuer à un usage social du territoire : y participent les associations de citoyens, les comités spontanés, les commerçants, les résidents, quelle que soit leur origine ethnique ou nationale», ajoute la conseillère, avant de mentionner, avec une pointe d orgueil, les commentaires et les reportages très positifs sur Turin de deux journalistes, l un d Al Jazeera, et l autre du correspondant du Financial Times: «On y respire un air cosmopolite, et à la différence de Rome, les citoyens d origine étrangère n ont pas peur de se faire interviewer. Ça doit bien vouloir dire quelque chose». La crise et les coupes budgétaires mettent cependant en difficulté les gens qui travaillent sur le front de l intégration, comme l Asai (Association d Animation Interculturelle, Associazione Animazione Interculturale), qui propose des occasions de se réunir des activités sportives- et des possibilités de formation et d orientation professionnelle à des centaines d enfants d immigrés de toute nationalité, dans les quartiers à risques, avec 272 volontaires et un groupes d éducateurs professionnels. Le problème qui revient le plus? Celui des mineurs nés en Italie, qui à 18 ans tombent dans la clandestinité. Le réseau G2, créé en 2005 par des enfants d immigrés nés et ayant grandi en Italie, se bat contre cette règle. 7

De malfamé à trendy Pendant longtemps, le quartier de San Salvario, proche de la gare centrale de Porta Nuova, avec son taux élevé d immigrés clandestins et sa plaque tournante de trafic, ses maisons dévaluées et bradées par ceux qui voulaient à tout prix s en aller, a eu une mauvaise réputation. Aujourd hui, c est un quartier renouvelé, trendy, avec des bars et des restaurants du monde très fréquentés, entre bières, couscous et kebab, où vivent ensemble une centaine de peuples. Les prix de l immobilier ont augmenté de pair avec ce nouveau pouvoir de fascination. Dans une lettre au quotidien de Turin La Stampa, un architecte né dans la ville de parents méridionaux, et retourné à Turin après une absence de 16 ans, fait l éloge de la ville : «Une splendeur!». Bien qu on lui ait déconseillé d aller à San Salvario à cause de la dangerosité du quartier, l architecte a pris une chambre dans un hôtel géré par des Chinois, et ça nous a énormément plu. Nous avons mangé pour 3,50 euros chez un Egyptien qui nous a offert du thé à la menthe. Nous avons parlé en arabe, en anglais et en français. Nous avons acheté des épices marocaines, du café touba. Nous avons trouvé un coiffeur ouvert le 1er Mai (15 euros pour deux), et nous avons quitté San Salvario avec l envie d y revenir, ou d y envoyer un ami». Mais les préjugés n en finissent pas. Un propriétaire de bed&breakfast se plaint d avoir perdu des clients parce que les chauffeurs de taxi avaient tout fait pour les décourager de séjourner dans un quartier mal famé. En avril dernier, à San Salvario, au 14 via Morgari, est née la première agence pour chômeurs étrangers, agence en migration, un projet de l association culturelle Mana Manà. «Aujourd hui ils sont un élément faible de la société : s ils perdent leur travail, ils doivent s en aller d un jour à l autre parce qu ils sont devenus clandestins parce qu ils n ont plus les qualités requises pour renouveler leur permis de séjour». Un point de repère ouvert à tous les habitants du quartier, non seulement pour l emploi, mais aussi pour une série de services : des informations sur les législations, sur les cours de formation, et vers de possibles entretiens d embauche. On prévoit aussi des archives qui reccueilleront toutes les histoires de San Salvario, y compris celles des immigrés. Des vieux Turinois, des immigrés du sud de l Italie et de nouveaux immigrés d autres pays se mélangent à Barriera di Milano, un quartier de vieilles usines, de petites maisons ouvrières du début du vingtième siècle et de grands ensembles des années soixante-dix ; l extrême limite de la ville, qui conduit à l autoroute de Milan ; l un des bastions rouges de la ville. Le quartier donne sur la rive de la Stura; une zone fréquentée par les dealers et les drogués est devenue Toxic Park, mais les gens qui vivent dans ce quartier se sont révoltés contre la marginalisation, à commencer par les jeunes. L an dernier, l Association Barriera (née en 2007 d un groupe de passionnés d art contemporain, afin de promouvoir des initiatives, des expositions et des événements), a donné aux enfants de quatre collèges du quartier un téléphone portable et un stylo, pour qu ils racontent en mots et en images comment ils voient le monde dans lequel ils vivent, qu ils saisissent des moments de vie, de relation aux autres, à la maison ou dans le quartier. Une exposition en est issue, Barriera Mobile, qui a révélé le caractère multiethnique des nouvelles générations turinoises et des jeunes immigrés, en suspens entre deux cultures, avec un mélange d enthousiasme pour la nouveauté, et d inquiétudes, ainsi que de certains regrets pour leur pays d origine. 8

Le secret pour sortir des ghettos réside dans le développement d une politique urbaine qui conjugue actions sociales, reconversion économique et rénovation des structures, sans tomber dans le piège qui provoque les luttes entre les pauvres. Turin semble vraiment être sur la bonne voie. Quelques adresses utiles: - www.integrazionecomune.torino.it - Centro Interculturale della Città di Torino corso Taranto 160 tel. 011-4429704 - www.comune.torino.it/intercultura - www. reteitalianaculturapopolare.org - www.arcitorino.it - www.jawhara.ideasolidale.org - www.ideemigranti.org - ZONAFRANCA SPAZI INTERCULTURALI - via G.Bruno 162 10134 Torino - www.circololettori.it - puntodoc2005ibero.it Stefanella Campana Traduction Marie Bossaert Juin 2010 9

La culture, un défi pour l integration L intégration ne tombe pas du ciel, tel était le titre d une initiative qui a comparé des expériences éducatives européennes, organisée par le Goethe Institut et par les Bibliothèques Municipales Turinoises et nationales, prenant pour point de départ un fait sans appel: un tiers des jeunes qui vivent en Europe viennent de familles d immigrés étrangers. Un titre significatif, pour affirmer que le défi de l intégration n est pas le fruit du hasard, mais exige qu on s implique, à commencer par la culture. Il semble que ce soit là le fil directeur des innombrables initiatives mises en chantier par les institutions et par une myriade d associations. Le Centre Interculturel de la ville de Turin, né en 96 pour offrir aux Italiens de souche et aux migrants la possibilité d une formation interculturelle, ainsi que des occasions de rencontre, de dialogue et de confrontation (par exemple, le festival de cinéma très suivi Mondes Lointains, Mondes proches, avec des films de réalisateurs italiens et étrangers) joue là un rôle important. Désormais, la «cible», ce sont les opérateurs de services, les éducateurs, les médecins et les psychologues, les experts du droit. «Récemment, nous avons lancé une table ronde avec des avocats, des notaires, des magistrats, des experts, qui sont venus en nombre dans un congrès très suivi afin de trouver des réponses aux problèmes nés de l immigration, des controverses qui opposent des systèmes juridiques différents, afin de répondre aux besoins qui naissent du nouveau tissu social de la ville, explique la responsable Anna Ferrero. Les entreprises publiques et privées nous demandent elles aussi des consultations pour la formation». Le centre est à proprement parler un oratoire laïc pour les jeunes de seconde génération bénéficient en compagnie d Italiens d un soutien extrascolaire avec des enseignants bénévoles, et d un lieu de rendez-vous avec des ateliers de danse et de musique, où l on peut mesurer la capacité à être ensemble entre Italiens de souche et autres. Désormais, un nouvel enjeu entrepreneurial : confier à diverses associations des initiatives culturelles payantes (yoga, henné, danse du ventre...). 10

Turin, avec son identité plurielle et diverse, est la première ville en Italie à avoir institué le service civil pour les jeunes immigrés âgés de 18 à 25 ans, résidents à Turin, qui en est cette année à sa 4e édition. Il y a 25 bourses d études par an, mais l an dernier, 125 demandes sont arrivées. «Ils font preuve de maturité, ont soif de participer et d être des citoyens actifs», souligne la conseillère à l Intégration Ilda Curti, en rappelant qu à partir de l année prochaine un «hub» culturel ouvrira dans un ancien bureau municipal, géré par les jeunes, «où la créativité multiculturelle, le melting pot auront un espace physique». Ilda Curti Le projet «Maintenant ou jamais» était lui aussi tourné vers la seconde génération d immigrés (nés et ayant grandi à Turin, ou nés dans leurs pays d origine, et ayant ensuite rejoint leurs familles). Il s est déroulé de 2007 à 2009 sur les territoires de Barriera di Milano et de Vanchiglia, pour favoriser le processus d intégration des nouveaux citoyens, considérés comme des ressources à valoriser. Une initiative de la Commune de Turin pour ces générations qui vivent un paradoxe : à 18 ans, elles perdent la nationalité italienne. «Le défi est d investir sur leur avenir, sur la normalité», déclare la conseillère Curti. Seront-elles des personnes en suspens entre deux cultures ou au contraire appartenant à deux cultures, devenant ainsi un élément important de cohésion sociale? Espérons que la seconde hypothèse l emporte. Turin est Capitale Européenne 2010 des Jeunes. Une impulsion pour cette ville plurielle. Avec le slogan Our time is Y-our time, et grâce à un fond Futura, d environ 9 millions d euros alloués par le précédent conseil de centre gauche de la Région, Turin s est transformé en un grand laboratoire créatif, accueillant des jeunes de divers pays et d innombrables événements qui s étalent de l environnement au théâtre, de l art à la musique. «En effet, à Turin, il y a énormément de mobilisation pour l intégration, le dialogue interculturel, pour la création d occasions permettant une connaissance réciproque. Je crois à titre personnel qu investir sur la culture et sur l éducation ne peut que donner de bons résultats en retour. Peut-être qu il faudrait faire plus pour sensibiliser les gens dans la rue, ceux qui ont du mal à se reconnaitre dans les changements de la ville, éventuellement avec des initiatives au niveau des arrêts de bus», commente Anna Ferrero. 11

Les lieux de la créativité Des jeunes Italiens et étrangers se rendent dans les dix centres ouverts par le Réseau TO&TU de la ville de Turin (avec la coopérative CISV et l association MIAO), pour laisser de la place à l action des jeunes, où peuvent trouver refuge les langages et expériences divers, et surtout, la socialisation de la confrontation. El barrio, situé à Falchera, périphérie nord de la ville, est l un de ceux-ci. Lieu à l abandon, il est devenu en 2002 un lieu coloré, avec quatre salles à disposition, pour ceux qui veulent proposer ou fréquenter des ateliers ou des activités liés aux énergies renouvelables et à la solidarité internationale, à l expression corporelle et aux arts de la scène, à l audio, à la vidéo et au graphisme. Les couloirs sont utilisés pour des expositions et des installations artistiques; il y a une salle de sport dotée d un équipement lumières, audio et vidéo, pour les concerts, les événements, les spectacles : danse, musique, théâtre. Nous rencontrons de jeunes musiciens italiens et d origine étrangère, qui ont créé ensemble une chanson inédite qui parle d immigration. Et dans un clip vidéo, ils racontent leur quartier. Dans la politique interculturelle de la ville, le cinéma occupe un espace important. L association culturelle Puntodoc, depuis 2005, facilite des échanges de connaissances, de matériel et de projets dans le champ audiovisuel et artisticoculturel entre les associés ; elle promeut les projets qui interviennent avec des initiatives à caractère culturel et social dans des contextes de difficulté et de privation. Depuis 2006, elle organise FLORES, un festival de documentaires sur les droits des femmes et des mineurs dans le monde, produite par M.A.I.S, et réalisée avec la collaboration des associations Baretti, Documè, Libera, Emergency, Almaterra, Scambiaidee, Cittadini per San Salvario, Université de Turin, Conseil à l Egalité des Chances de la Province de Turin et centre culturel italo-arabe Dar al Hikma. Les archives vidéo di MAIS sont constituées aujourd hui d environ 200 documentaires, reportages, films de fictions, interviews, matériaux brut, etc., dont elle a produit un catalogue. Et c est à Turin qu est né le Concours littéraire national Langue Maternelle, créé par Daniela Finocchi. Il fait partie du projet permanent de la Région Piémont, qui le promeut en même temps que le Salon International du Livre, et il est destiné aux femmes étrangères résidant en Italie, avec une section consacrée aux femmes italiennes. Les trois gagnantes de l édition 2010 ont été : Kamela Guza (Albania), Leila Mirkamali (Iran), Monica Vodarich (Croatie), pour la Section Femmes Italiennes, Marina Crespo (Italie), toutes primées lors de la journée de clôture du Salon du Livre. Les nouvelles sélectionnées ont été rassemblées dans un livre. «Le concours a vu augmenter le nombre des participantes : 260 cette année. Les thèmes abordés par les autrices ont privilégié non seulement le souvenir et les origines, mais aussi les confrontations entre les différentes cultures ; de très nombreuses participantes étaient jeunes voire très jeunes (la même gagnante, Kamela, a 24 ans). Une expérience qui permet d approfondir des thèmes d actualité, dont l importance sociale est fondamentale, tels que les secondes générations, l identité, le dialogue interculturel, les nouveaux langages, la valeur ajoutée des ateliers d écriture et d auto-narration, raconte Daniela Finocchi (turinoise, avec une mère originaire des Pouilles et un père d Ombrie), aux prises avec un concours qui s est amplifié et ramifié en mille initiatives éparses en Italie, également dans des écoles, des 12

prisons et des ateliers. Les prix spéciaux ont été attribués à : Alia Alloh (Palestine), Veronica Orfalian (Arménie), Leoreta Ndoci (Albanie), Simone Silva (Brésil). La nouveauté 2010 : le Prix Spécial de la Fondation Sandretto Re Rebaudengo, qui ouvre une nouvelle section du Concours, destinée aux images. A partir de cette année, en effet, il sera possible de concourir non seulement avec un récit, mais aussi avec une photographie. Les clichés sélectionnés seront alors exposés à la prestigieuse Fondation d art contemporain, au cours d une exposition qui aura lieu à l automne 2011. Et le jury attribuera un Prix à la meilleure œuvre. Le nombre toujours croissant de participants, les dizaines d initiatives qui se déroulent sur l ensemble du territoire national tout au long de l année, les marques de reconnaissance (comme l oblitération philatélique que les Postes Italiennes dédient pour la deuxième année au Concours) s accompagnent de collaborations avec des organismes et institutions, et ont conduit à la naissance d une véritable communauté élargie, qui continue à s exprimer et à discuter durant toute l année, également grâce à la création d un blog. Je parle comme toi Il y a celles qui maîtrisent déjà l italien, et celles qui l apprennent, parfois en même temps qu une autre langue, en allant le dimanche sur la place, à Porta Palazzo, près du marché aux poissons. Sous les kiosques blancs, où sont disposés en grand nombre chaises et tableaux, tout le monde peut suivre des cours d italien, de chinois, d arabe, avec l aide de 25 étudiants universitaires bénévoles (grâce aussi à un protocole d entente avec la faculté de Sciences de la Formation) ou de langue maternelle étrangère. «On apprend surtout à utiliser la langue comme outil communication avec ses semblables, comme un pont qu on jette pour vaincre la défiance et les peurs», déclarent les organisateurs de l agence The Gate, qui travaille depuis fin 1996 à la rénovation, à la sécurité et à l intégration du quartier. «Lingua in piazza» («Langue sur place»), auquel participent 400-500 personnes, permet surtout aux «grands» de mieux apprendre les langues, durant sept mois dans l année. Et c est ainsi qu on peut être amené à tomber sur un rom, comme le raconte Ilda Curti, qui va à Porta Palazzo pour apprendre le chinois, un désir qu il a toujours eu et qu il a désormais réussi à réaliser. Ou alors on peut aller aux bains publics de via Aglié, pour se laver, mais aussi pour goûter un menu melting pot, voir un film documentaire sur Srebenica, écouter un mélange de musique africaine, tout en voyant un spectacle et des expositions artistiques. La créativité de la Turin plurielle, c est aussi celle-là. Un restaurant apprécié, qui sert des plats exquis de la cuisine arabe, et un hammam très fréquenté côtoient depuis 2000 le centre culturel italiano-arabe Dar al Hikma. Son président, l écrivain iraquien Younis Tawfik, est le protagoniste de 13

débats avec des intellectuels, des écrivains, des artistes (pour n en citer que quelques-uns, Tahar Ben Jelloun, Nawal Sa adawy, Liana Badr, Battiato). C est un lieu d accueil, de formation professionnelle, d enseignement des langues italienne et arabe, de culture et de musique. La Biennale des Jeunes Artistes européens et méditerranéens BJCEM, association qui compte 71 membres de vingt pays différents, née en 1985 pour promouvoir la créativité, les échanges et les relations pacifiques, a son bureau opérationnel à Turin (où s est tenue une édition en 1997). Son président est Luigi Ratclif, qui en est à son second mandat, le secrétaire général est le Turinois Alessandro Stillo, l un des concepteurs de la Biennale : «La prochaine édition aura lieu du 13 au 22 octobre à Casablanca, la première fois sur la rive Sud, et comme toujours, elle constituera un fil rouge entre les jeunes créateurs des pays méditerranéens, âgés de 18 à 30 ans, dans divers domaines : architecture, cinéma, vidéo, créations numériques et industrielles, photographie, écriture, gastronomie, musique, théâtre, danse...» Stillo, fort de sa longue expérience, explique comment l art s est avéré un instrument puissant pour surmonter jusqu aux différends politiques entre les jeunes. «A la Biennale de Naples, en 2005, des Palestiniens et des Israéliens ont créé ensemble une vidéo pour filmer la construction du mur «Art sans mur» («Art without wall»). Et tout ça, comme s il n y avait jamais eu de problèmes entre les jeunes des pays d ex-yougoslavie» Immigrés intégrés Karim Metref, algérien de Kabylie, éducateur-journaliste, bloggeur beaucoup d emplois précaires- vit depuis 2001 à Turin : «Je suis immédiatement tombé amoureux de la ville : elle est vivante, dynamique, et elle cherche à faire face aux problèmes. La ville donne beaucoup d espace aux initiatives culturelles des myriades d associations qui, avec un budget proche de zéro, s inventent des choses incroyables, comme le Festival sur le cinéma lié aux thèmes du travail, comme les Bains de via Aglié...» Il admire les interventions faites dans des quartiers difficiles comme Porta Palazzo et San Salvario, «mais il faudrait faire plus aussi dans d autres quartiers plus périphériques». Karim fait partie d un Collectif d Immigrés de toutes les nationalités, un mouvement politique autogéré détaché des partis, né il y a quelques mois: «On se retrouve chaque semaine pour discuter de nos problèmes et avancer des propositions, des solutions. On va sur les marchés pour parler aux gens, pour nous faire connaître, pour favoriser le dialogue et vaincre la peur de ce qu on ne connaît pas». Le mouvement prend de l ampleur, et ils pensent déjà se rendre à un congrès régional, puis donner vie à un comité national. Karim anime un blog sur la littérature étrangère et il est l auteur entre autres de Tagliato pour l exil (édition Mangrovie), où il raconte son expérience de la double identité et de la double absence du migrant. Murat Cinar a quitté Istanbul il y a sept ans et il s est marié avec une Turinoise. Vidéo-reporter, photographe, expert d Internet, il a travaillé au laboratoire Videocommunity, à San Salvario, et il est le créateur du Festival Cinéma du Travail, une expérience internationale que, grâce aussi au soutien d organisateurs turcs, il a réussi à faire venir cette année à Turin. Trois soirées qui ont rencontré un franc succès, avec des films italiens et étrangers, des lectures de livres, des débats avec des experts : «Pour moi, Turin est comme un village où tout le monde se connaît. 14

Ça me désole pourtant que les gens qui auparavant semblaient curieux envers les étrangers en aient peur maintenant...» Il avoue qu Istanbul lui manque : «C est une ville pleine d énergie, mais qui est devenue trop chaotique. La qualité de vie à Turin est meilleure». Passionné de football, Murat a pris de belles photos au Baloon mondialito, tournoi de football amateur étranger, qui rassemble un millier de personnes âgées de 16 à 45 ans, subdivisées en 28 équipes de pays différents. Pas seulement un match, mais aussi un moment de rencontre avec sa propre collectivité et celle des autres, expliquent les associations de promotion du sport Uisp et Csi. Parfois divisés par les méfiances et par d âpres compétitions commerciales, les divers peuples se retrouvent passionnément unis par le football. Edith Elise Jaomazava gère à Moncalieri, aux portes de Turin, où elle vit actuellement, une entreprise qui importe la meilleure vanille Bourbon directement depuis Madagascar. Mariée, 4 enfants, elle a fondé il y a six ans la SA.VA, une entreprise spécialisée dans l import et la commercialisation des épices cultivées depuis des générations dans la province malgache de Sambava. La Sa.Va est une activité entrepreneuriale, qui donne du travail à beaucoup de gens, employés dans les exploitations agricoles des cultivateurs exploitants d épices à Madagascar. Son objectif est de créer un marché extérieur pour des épices de haute qualité et de provenance directe, qui satisfont une demande toujours croissante de produits naturels comme la Vanille bourbon par exemple, supplantée depuis les années 80-90 par la vanille synthétique à cause de la forte augmentation des prix qu a subi cet épice. «Je n emploie que des travailleurs étrangers, déclare Edith. En plus d être leur chef, je tiens aussi souvent lieu de maman. Je les console dans les moments de difficulté, si nombreux, que les étrangers rencontrent quand ils tentent leur chance en Italie. Quand je peux, je cherche aussi à pourvoir aux papiers et aux permis de séjour de mes salariés». Les difficultés, pour sa part, elle les a surmontées, et haut-la-main, au point de se voir décerner le prix de l Immigré de l année, le MoneyGram Award 2010. 15

Viorica Nichifor, roumaine, journaliste, vit depuis 10 ans à Turin, où elle coordine le site de la Commune qui donne des informations en différentes langues aux étrangers. «Désormais, Turin, c est chez moi. Et, tant que citoyenne, je voudrais que la ville fonctionne au mieux. C est sûr, il y a des lieux que j aime plus, comme San Salvario, surtout le vendredi et le samedi soir, où tu perçois cette conscience de vivre dans une ville pour tous, où tu vois les gens heureux d être là. Elle collabore aussi au Consulat de Roumanie, un observatoire depuis lequel Viorica s est fait sa propre idée de l évolution de l immigration à Turin : Ce n est pas une ville hostile. J ai la sensation que le niveau de vie en commun est meilleur que celui de la politique. Les Turinois font preuve de sens civique, de responsabilité. Viorica est aussi présidente de l ANSI, l association de presse interculturelle des journalistes étrangers, reconnue par la FNSI et ayant son siège à Turin, où est née, entre autres, l Antenne d Information Interculturelle, grâce à Paralleli-Institut Euro-méditerranéen du Nord Ouest, avec la collaboration de l Ordre des Journalistes et des professeurs de l Université de Turin, pour inciter les médias à prêter attention à tous les citoyens, de souche ou non, avec justesse, sans préjugés ni discriminations. Les femmes C est un fait avéré que les premières à avoir ressenti le besoin de créer un lieu d accueil et de dialogue entre Italiennes de souche et immigrées ont été les femmes. L ambitieux projet du Centre Interculturel Alma Mater (largement salué par Le Monde) a été lancé le 8 mars 1990 et a été réalisé grâce au soutien de la Commune de Turin, de la Commission Régionale pour l Egalité des Chances, de nombreuses associations de femmes, et de femmes syndiquées. «Un lieu pratique et symbolique d intermédiation entre les femmes et la ville». Le Centre, véritable laboratoire interculturel, est géré par l association Alma Terra. L engagement se fait à 360 degrés : promouvant des initiatives productrices de revenus, c est un lieu d un grand soutien pour l immigration féminine, au niveau des besoins de santé et de réconfort affectif dans les moments les plus difficiles. La décision de créer le Hammam, le premier véritable bain turc en Italie, semblait répondre à ces exigences. «L idée forte a été de renverser le stéréotype de la migrante comme nécessiteuse, et de réévaluer les capacités, les talents personnels des migrantes, souvent invisibles à elles-mêmes, en utilisant leurs compétences dans le domaine économique également», explique Marité Calloni, actuelle présidente du Centre, précédée par d autres femmes d origine étrangère. On réalise ainsi des cours de formation pour médiatrices, les figures-pont de communication entre les migrants et les services de la ville, des insertions qualifiées dans les banques et les centres 16

informatiques, des cours de remise à niveaux des métiers du soin. Et une crèche fonctionne à l intérieur de la structure. Depuis fin 1994, un centre juridique y donne des conseils juridiques sur le droit de la famille, le droit aux études et à la santé, la protection des mineurs, les législations sur l immigration, l acquisition de la citoyenneté italienne. Sa mission? Faire prendre conscience de ses droits à la femme migrante et renforcer sa position dans la sphère privée». Stefanella Campana Traduction Marie Bossaert Juin 2010 17

MONTPELLIER Les visages de Montpellier «Au premier abord, un sentiment d opulence.» Dans les premières pages de son dernier roman, «Le quartier de la fabrique» (1) Gianni Pirogi, un auteur de polar installé à Montpellier donne une vision plutôt inhabituelle de la capitale de la région Languedoc Rousillion. «Pourtant, entre la gare et le centre, s étend une zone délaissée, comme une poche de tiers-monde. ( )» Interviewé par le quotidien régional «Midi Libre», l écrivain persiste : «Derrière le vernis, l architecture bien entretenue, Montpellier connaît des problèmes énormes.» (Midi Libre, 11 mars 2010). Certes, l auteur est également travailleur social. Il n empêche, Montpellier fait partie de ces villes dont les apparences sont trompeuses. Peut-être faut-il s y perdre et on s y perd facilement- pour mieux la connaître. Mémoires Gitanes Eitans Une mosaïque La ville est célèbre pour son centre, l Ecusson, un quartier historique aux monuments prestigieux. Petites rues étroites, pavé luisant. Et un flot de boutiques. La place de la Comédie est le lieu de rendez-vous des étudiants, qui semblent souvent être les seuls habitants de la ville, tellement ils sont nombreux (60 000, selon l Académie). C est dans ce décor que la ville a pris son essor dés le Moyen- Age. Dans les publications des institutions, l hospitalité est associée au passé marchand de la ville. «Au Moyen-Age déjà, Montpellier instaure une tradition d accueil lorsque Gênois, Pisans, vénitiens et autres marchands de la Méditerranée ( ) trouvent à l intérieur de ses murs de quoi échanger, s établir et mener à bien leurs affaires», explique un ouvrage édité par la communauté d agglomération. A l occasion de la restauration du mikvé, la bain traditionnel juif, la ville entretient son «mythe fondateur» en rappelant aux Montpelliérains un édit de 1181, décidé par le seigneur de la ville, Gulillhem VIII qui encourage «toute personne sans distinction de nationalité, ni d origine à enseigner la médecine en pleine liberté et 18

à y tenir école.» L université de Médecine de Montpellier, la première d Europe, est souvent citée en exemple pour son excellence, fière elle aussi de ses influences arabes et juives. Comme en héritage, quelques manifestations mettent en avant la nécessité du dialogue interreligieux (conférences de l Institut Maïmonide, le festival international interreligieux de musique sacrée Finalement, Montpellier est restée une mosaïque. Aujourd hui, seul un habitant sur 4 est originaire de la ville. Comme de nombreuses villes en France, elle s est construite au gré des soubresauts de l histoire. L historienne Suzanna Dukic le souligne dans la revue «Hommes et migrations» (2) : «Le Languedoc Roussillon est devenu, à l ère des grandes migrations politiques et de travail, un des plus importants pôles nationaux d immigration au 19e et au 20es.» Montpellier fut d abord une terre d accueil pour les immigrés venus d Espagne. La décolonisation bouleverse la composition de la société française. De nombreux rapatriés d Algérie s installent dans le Languedoc en 1962. Dans les années 60, à la faveur d un accord de main d œuvre entre la France et le Maroc, l immigration marocaine s affirme dans la région et surtout à Montpellier, dans les quartiers du Nord-Ouest de la Ville. Aujourd'hui, à la Mosson, selon un animateur socio-culturel, plus de 40 nationalités sont représentées. La ville organise une journée pour accueillir les nouveaux arrivants, ils sont chaque année entre 3000 et 4000 (3). Sur le site web de la municipalité, le discours du maire, Hélène Mandroux précise: «Ici, il y a le respect des communautés, il n y pas de communautarisme.» Les acteurs socio-culturels, ne sont pas tous d accord avec ce constat. Ce qui est sûr, c est que la mixité est devenue un des enjeux de cette ville en constant devenir. L expérience de la Chapelle C est en s éloignant du centre que la ville se découvre, se révèle, montre tous ses visages. Il suffit de parcourir les deux récentes lignes du tramway qui ont largement contribué à désenclaver la banlieue. Des chantiers, partout. Des quartiers neufs, des quartiers pauvres. Certains semblent avoir surgi la veille. La circulation est chaque jour déviée. Le tramway est lui aussi en travaux. Cette fois, il va mener jusqu à la mer et on ne pourra plus jamais dire que Montpellier n est pas méditerranéenne. Dans le prolongement de Figuerolles, le quartier du centre villle où vit une majorité de populations d origine du Magreb, il faut prendre le bus pour rejoindre la petite cité gitane Gély. Si les Montpelliérains la connaissent, c est aussi gràce à sa Chapelle, qui est devenu un «lieu de fabrique artistique» en 2000. Le musicien Etienne Schwarcz, son directeur, est l'artisan de sa transformation. «Il y a des gens du quartier que je croise depuis longtemps, au moins 20 ans. Avec mes compagnons de l époque, on cherchait un lieu à Montpellier. Cette église, qui était désaffectée, nous a intéressé, avec son environnement. Il y avait beaucoup de curiosité, une envie de partage. Alors oui, il nous a fallu du temps, beaucoup de temps même.» 19

Mémoires Gitanes Eitans Lily Barliardo habite en face de la Chapelle. Sa porte semble toujours ouverte aux voisins, aux amis, aux voyageurs. Présidente de l association des femmes de la cité, Gypsi Catala, elle est la première à aller frapper à la porte des artistes, pour leur demander ce qu ils comptent réaliser. «Je me demandais si ça allait marcher, la culture dans notre quartier. Aujourd hui, c est très important. Peut-être ça a permis un rapprochement entre nous et le reste de la population Ce qui concerne la Chapelle, ça nous concerne». Et vice-versa. Quand un décès se produit dans le quartier, la Chapelle baisse le rideau et annule le spectacle. «On n est pas un endroit à part. C est un lieu artistique ouvert sur son territoire. C est un lieu de vie. Mais attention, ce n est pas non plus un lieu de culture gitane, ça serait affirmer l existence d un ghetto.» Ça et là, avec le temps, des soirées aux influences gitanes ont vu le jour. Des expositions photos, comme «Mémoires Gitanes» restituent le passé de la communauté, son histoire dans la ville mais aussi son quotidien, ses joies, ses tristesses. Le réseau La boutique d écriture n est pas très loin de Gély sur le Faubourd Figuerolles. Là aussi, on précise que l endroit est «ouvert à la circulation.» Crée en 1992, par deux écrivains Hervé Piekarski et François Bon, l'association organise chaque semaine des ateliers d'écriture pour les enfants et les adultes et a entrepris un travail sur la langue. «On oublie que le Français n'est pas seulement hexagonal. On avait envie de faire découvrir les multiplicités de la langue française, notamment dans l'hémisphère Sud.» explique la directrice Line Colson. Des écrivains du monde entier sont passés par la boutique. Avec des jeunes, l'artiste français d'origine sénégalaise Insa Sané a réinventé la scène du balcon de «Roméo et Juliette.» Jean- Luc Raharimanana, malgache exilé qui a fui la censure, lui a travaillé sur l'histoire des indépendances. L'écrivain haïtien Gary Victor a entrepris une recherche sur les écritures radiophoniques. «On est très attaché à l'hétérogénéité des publics.» La 20