La communication du dossier médical d un patient décédé à son ayant-droit Article issu de la lettre d information SHAM N 52 Août 2012 L'article L 1110-4 du code de la santé publique prévoit que le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations concernant une personne décédée soient délivrées à ses ayants droit. Néanmoins, le droit d accès au dossier médical du défunt est encadré par la loi et le règlement. 1 - La réglementation Sommaire 1. La réglementation 2. En pratique - L établissement doit vérifier l absence d opposition du défunt. - L établissement doit vérifier la qualité d ayant-droit du demandeur. - L établissement doit vérifier la recevabilité des motifs invoqués par le demandeur et ne communiquer que les éléments nécessaires à la réalisation de l objectif poursuivi. Articles L. 1111-7, L1110-4 et R1111-7 du code de la santé publique. Arrêté du 5 mars 2004 portant homologation des recommandations de bonnes pratiques relatives à l accès aux informations concernant la santé d une personne, et notamment l accompagnement de cet accès (modifié par l arrêté du 3 janvier 2007). 2 - En pratique L établissement doit vérifier l absence d opposition du défunt La communication du dossier médical n'est pas autorisée si le patient décédé s'y était opposé de son vivant. Si le patient n'avait fait part de son désaccord qu oralement, il sera difficile au praticien d'en apporter la preuve. En pareil cas, il est alors indispensable de consigner, dans le dossier, l'opposition du patient et la date à laquelle elle a été exprimée. CADA, avis n 20083539, 11/09/2008 Maître P., conseil de Madame T., a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 11 août 2008, à la suite du refus opposé par le
directeur du groupe hospitalier de l'institut catholique de Lille (GHICL) à sa demande de communication du dossier médical du défunt père de sa cliente. La commission rappelle qu'en application de l'article L.1111-7 du code de la santé publique, les informations médicales concernant une personne décédée sont communicables à ses ayants droit, dès lors que cette demande s'inscrit dans les trois motifs prévus à l'article L.1110-4, à savoir connaître les causes du décès, faire valoir ses droits et défendre la mémoire du défunt, dans la mesure strictement nécessaire à la poursuite de cet objectif et à condition que le patient ne s'y soit pas opposé de son vivant. En l espèce, il ressort du dossier de soins constitué lors de l hospitalisation du père du demandeur, et notamment d un formulaire intitulé " Environnement familial et social " rempli par une infirmière, qu il s était expressément opposé à ce que sa famille, vivant en France et au Maroc, soit informée de cette hospitalisation. Dans ces conditions, la commission émet un avis défavorable à la communication du dossier médical demandé. L établissement doit vérifier la qualité d ayant-droit du demandeur Les ayants droit sont définis réglementairement comme étant «les successeurs légaux du défunt conformément au code civil» (1). C est donc au sens successoral du terme que la notion d ayant droit doit être entendue, ce qui, selon la CADA (Commission d Accès aux Documents Administratifs), inclut tant les successeurs légaux que testamentaires. En pratique, tous les membres de la famille du défunt ne sont pas successeurs légaux au sens du code civil. Encore faut-il que, compte tenu de la composition familiale, ils justifient effectivement de leur qualité d héritier. La CADA est, par conséquent, régulièrement amenée à préciser l application restrictive qu elle entend donner à la notion d ayant droit. Il s agit d une notion qui s attache au lien juridique, non pas affectif. CADA, conseil n 20104663, 2 décembre 2010 La commission considère, enfin, que les personnes susceptibles de bénéficier de la qualité d ayants droit du défunt au sens des dispositions de l article L. 1111-4 [erreur dans le texte : il s agit en fait de l article L1110-4] du code de la santé publique, sont les mêmes qui peuvent disposer de la qualité d héritier par application des règles générales du Code civil en matière de successions et de libéralités : - d une part, les successeurs légaux sont déterminés conformément aux articles 731 et suivants du code civil, comme l a rappelé l arrêté du 3 janvier 2007 portant modification de l arrêté du 5 mars 2004 portant homologation des recommandations de bonnes pratiques relatives à l accès aux informations concernant la santé d une personne. A cet égard, la commission rappelle que l article 734 de ce code prévoit : «En l absence de conjoint successible, les parents sont appelés à succéder ainsi qu il suit : / 1 Les enfants et leurs descendants ; / 2 Les père et mère ; les frères et sœurs et les descendants de ces derniers ; / 3 Les ascendants autres que les père et mère ; / 4 Les collatéraux autres que les frères et sœurs et les descendants de ces derniers. / Chacune de ces quatre catégories constitue un ordre d héritiers qui exclut les suivants.» ; que selon l article 756 du même code : «Le conjoint successible est appelé à la succession, soit seul, soit en concours avec les parents du défunt.» ; enfin, que l article 757 dispose : «Si l époux prédécédé laisse des enfants ou descendants, le conjoint survivant recueille, à son choix, l usufruit de la totalité des biens existants ou la propriété du quart des biens lorsque tous les enfants sont issus des deux époux et la propriété
du quart en présence d un ou plusieurs enfants qui ne sont pas issus des deux époux.» - d autre part, l existence d héritiers légaux ne fait pas, par elle-même, obstacle à la désignation d héritiers testamentaires, de même que l existence de ces derniers n exclut pas, par principe, la présence d héritiers légaux. En application de ces règles, la commission estime que la présence d un conjoint successible ne fait normalement pas obstacle à ce que les enfants, ou les héritiers de ceux-ci s ils sont décédés, se voient reconnaître la qualité d ayants droit du défunt au sens des dispositions de l article L. 1111-4 du code de la santé publique. Elle considère également que lorsque plusieurs personnes disposent effectivement de la qualité d héritier, et donc d ayant droit au sens de l article L. 1111-4, chacune d entre elles peut exercer le droit d accès qu il garantit au dossier médical du défunt, dans les limites posées par la décision du Conseil d État. L existence d un conflit entre ayants droit ne peut être valablement invoquée par l établissement pour refuser la communication du dossier à l un d entre eux, dès lors qu il remplit les conditions légales d accès. Ainsi, il ressort de ce conseil rendu par la CADA que le conjoint marié et les enfants du défunt peuvent à la fois coexister et bénéficier de la qualité de successeur légal et donc d ayant-droit. En revanche, tel n est pas le cas des catégories visées au 2, 3 et 4 de l article 734 du code civil (parents, frères et sœurs, grands-parents, nièces et neveux ). Les avis et conseils qui suivent en donnent une illustration. CADA, avis n 20120019, 12 janvier 2012 La commission d'accès aux documents administratifs a été saisie d'une demande de communication d'un dossier médical des parents d'un patient majeur décédé. Elle rappelle que c'est uniquement dans les cas où ils justifient de leur qualité d'ayant droit au sens des articles 734 et 756 du code civil que les membres d'une famille peuvent obtenir communication du dossier médical d'un patient décédé. Elle émet en l'espèce un avis défavorable puisque les documents transmis par les demandeurs (extrait du livret de famille et cartes d'identité) ne suffisent pas à prouver leur qualité d'ayant droit. (Source : Site internet affairesjuridiques.aphp.fr ) CADA, avis n 20092196, 2 juillet 2009 En l'espèce, il ressort des éléments dont dispose la commission que le demandeur souhaite accéder au dossier médical de sa tante afin de faire valoir ses droits, comme le permettent les dispositions de l'article L.1110-4 du code de la santé publique. Cependant, la commission observe que le document produit par Monsieur C. pour justifier de sa qualité d'ayant droit ne permet, au mieux, que d'établir un lien de parenté entre le demandeur et la personne défunte mais non de prouver sa qualité d'ayant droit. La commission estime par conséquent que les informations demandées ne sont pas communicables en l'état à Monsieur C. aussi longtemps que ce dernier n'aura pas établi sa qualité d'ayant droit par un autre moyen (certificat d'hérédité par exemple). CADA, avis n 20080556, 7 février 2008 Madame M. a saisi la commission d accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 31 décembre 2007, à la suite du refus opposé par le directeur
du centre hospitalier régional de Metz-Thionville (service des archives médicales & hôpital Notre Dame de Bon Secours) à sa demande de copie du dossier médical de son oncle, Monsieur M., décédé le 15 novembre 2007. En l espèce, faute pour la demanderesse d avoir justifié de sa qualité d ayant droit de son oncle décédé, dont l épouse est encore en vie, la commission ne peut qu émettre un avis défavorable à la communication du document demandé. Par ailleurs, les concubins et les signataires d un PACS n ont pas la qualité de successeur légal et ce, quand bien même ils seraient bénéficiaires d un contrat d assurance décès conclus par le défunt de son vivant. CADA, avis n 20121675, 5 avril 2012 La commission estime que les bénéficiaires d une assurance sur la vie ou d une d assurancedécès qui ne seraient pas par ailleurs héritiers légaux ou testamentaires, universels ou à titre universel, du patient décédé ne présentent pas la qualité d ayant droit au sens de l article L.1110-4 du code de la santé publique. En effet, leur désignation par les contrats souscrits par le défunt leur donne seulement une créance sur l établissement avec lequel celui-ci a contracté, sans leur ouvrir aucun droit à sa succession. Ces personnes ne sont donc pas au nombre de celles en faveur desquelles le législateur a levé le secret médical. En revanche, ils peuvent se prévaloir de la qualité d ayant droit s ils démontrent qu ils sont successeurs testamentaires. Précisions également qu en cas d enfant mineur en commun, le concubin ou partenaire de PACS a toujours la possibilité, en sa qualité de titulaire de l autorité parentale, d effectuer une demande d accès au dossier médical du défunt au nom et pour le compte de l enfant qui, lui, a bien la qualité d ayant droit. CADA, conseil n 20065578, 22 février 2007 La commission d accès aux documents administratifs a examiné dans sa séance du 22 février 2007 votre demande de conseil relative, d une part, au caractère communicable du dossier médical de Madame H., décédée, à sa cousine par alliance, Madame L., à laquelle elle était liée par un pacte civil de solidarité (PACS) et avec laquelle elle avait conclu un contrat d assurance-décès, d autre part, à la qualité d ayant droit de Madame L. Il résulte de ce qui précède que le dossier médical de Madame H., décédée, n est communicable à sa cousine par alliance que si cette dernière peut se prévaloir de la qualité d ayant droit de la défunte - la circonstance qu un pacte civil de solidarité (PACS) et un contrat d assurance-décès aient été conclus entre ces deux personnes étant, par elle-même, indifférente. Il suit de là que lorsque, comme en l espèce, l auteur de la demande de communication du dossier médical de la personne décédée fait valoir qu il était lié à celle-ci par un pacte civil de solidarité, contrat qui, en l état actuel de la législation, n emporte par lui-même aucun droit sur la succession du défunt en l absence de testament, il revient à l établissement médical de s assurer de la qualité de successeur légal ou testamentaire du demandeur avant de lui donner satisfaction. CADA, conseil 20024128, 17 octobre 2002
Or, sauf dispositions testamentaires particulières, la personne qui entretenait avec le défunt une relation de concubinage n a pas la qualité d ayant droit de ce dernier. Au cas d espèce le dossier médical de la mère ne peut donc être communiqué à l intéressé. En revanche, il a droit à la communication du dossier médical de son enfant également décédé. En pratique, l établissement de santé qui gère la demande d accès au dossier d un patient décédé n est évidemment pas en mesure de se livrer à une enquête circonstanciée de la composition familiale du défunt pour déterminer si le demandeur a bien la qualité d héritier et donc d ayant-droit. C est pourquoi, outre la copie de la pièce d identité, l établissement devra exiger un justificatif attestant sans ambiguïté de cette qualité d héritier et donc d ayant droit : - Le conjoint marié et les enfants pourront satisfaire à cette exigence en communiquant simplement une copie du livret de famille attestant du lien de parenté. - Les autres ayants droit devront, quant à eux, communiquer un acte de notoriété (acte établi par un notaire qui indique quels sont les héritiers du défunt) à l appui de leur demande. L établissement doit vérifier la recevabilité des motifs invoqués par le demandeur et ne communiquer que les éléments nécessaires à la réalisation de l objectif poursuivi. Le droit d accès de l ayant droit est plus limité que celui dont dispose le patient lui-même. En effet, si un patient peut exiger la communication d une copie intégrale de son dossier (à l exception des informations recueillies auprès de tiers n intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant un tel tiers - article L1111-7 du code de la santé publique) sans donner la moindre raison, tel n est pas le cas s agissant de l ayant-droit. En effet, l ayant droit qui souhaite accéder au dossier médical d un défunt doit motiver sa demande étant précisé que l objectif invoqué doit s inscrire dans l une des trois catégories listées par l article L1110-4 du code de la santé publique : - connaître les causes de la mort, - faire valoir un droit, - défendre la mémoire du défunt. En outre, l ayant droit ne dispose pas d un droit d accès général à l ensemble des pièces du dossier patient. Il n est autorisé à accéder qu aux seuls éléments nécessaires à la réalisation de l objectif poursuivi (2). L équipe médicale responsable de la prise en charge du patient doit donc être mise à contribution pour déterminer quelles sont les pièces du dossier qui se rattachent à l objectif invoqué. Tout élément étranger à cet objectif doit être exclu de la communication. En pratique, l objectif annoncé par l ayant droit ne peut donc être la simple reprise littérale de l un des cas listés à l article L1110-4. La motivation doit être circonstanciée pour permettre à l équipe médicale d effectuer le tri des éléments communicables. Précisons que cette exigence ne s applique pas lorsque l objectif annoncé est de connaître les causes de la mort puisqu il s agit d un objectif qui se suffit à lui-même. En revanche, l ayant droit ne pourra pas se contenter d indiquer qu il souhaite faire valoir un droit ou défendre la mémoire du défunt.
CADA, avis n 20094291, 22 décembre 2009 La commission rappelle que le dernier alinéa de l article L. 1110-4 du code de la santé publique, auquel renvoie l article L. 1111-7 du même code, prévoit que le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations médicales concernant une personne décédée soient délivrées à ses ayants droit, dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, défendre la mémoire du défunt ou faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire opposée par la personne avant son décès. L application de ces dispositions à chaque dossier d espèce relève de l équipe médicale qui a suivi le patient décédé, seule compétente pour apprécier si un document composant le dossier se rattache à l objectif invoqué. La commission rappelle, par ailleurs, que si l objectif relatif aux causes de la mort n appelle, en général, pas de précisions supplémentaires de la part du demandeur, il en va différemment des deux autres objectifs. Invoqués tels quels, ils ne sauraient ouvrir droit à la communication d un document médical. Il appartient au demandeur de préciser les circonstances qui le conduisent à défendre la mémoire du défunt ou la nature des droits qu il souhaite faire valoir, afin de permettre à l équipe médicale d identifier le ou les documents nécessaires à la poursuite de l objectif correspondant. Un cas de figure mérite d être précisé : celui dans lequel un ayant droit demande à accéder au dossier d un patient décédé dans le but de vérifier que sa prise en charge n a pas été fautive et ce, dans l éventualité d engager une action en responsabilité civile contre l établissement. Cet objectif qui s inscrit dans la catégorie «faire valoir un droit» implique pour l ayant droit qu il puisse accéder à l ensemble des éléments relatifs à la prise en charge dès lors qu ils sont potentiellement en lien avec le décès. En effet, l équipe médicale ne pourra exclure dans ce cas de figure que les informations particulières parce qu étrangères à la prise en charge litigieuse. Exemple : un patient décédé d un arrêt cardiaque au service des urgences peut avoir confié certaines informations à l équipe médicale sans lien avec la cause de son admission ou de son décès (séropositivité VIH, dépendance alcoolique ). En conclusion, si la communication d informations médicales sur un patient décédé constitue un droit incontestable pour ses ayants droit, il nécessite d être concilié avec le droit au secret qui perdure même après la mort du patient. C est pour cette raison que de nombreuses vérifications s imposent avant tout communication. Muriel MORAND et Marianne HUDRY Juristes SHAM (1) Arrêté du 5 mars 2004 portant homologation des recommandations de bonnes pratiques relatives à l accès aux informations concernant la santé d une personne, et notamment l accompagnement de cet accès (tel que modifié par l arrêté du 3 janvier 2007). (2) L arrêt du Conseil d Etat du 26 septembre 2005 (CE N 270234) puis l arrêté du 3 janvier 2007 portant modification de l arrêté du 5 mars 2004 portant homologation des recommandations de bonnes pratiques relatives à l accès aux informations concernant la santé d une personne ont précisé ce point.