CRISE DE LA DETTE SOUVERAINE ET SON IMPACT SUR L ECONOMIE SENEGALAISE



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Transcription:

CRISE DE LA DETTE SOUVERAINE ET SON IMPACT SUR L ECONOMIE SENEGALAISE La crise de la dette souveraine a fait irruption en Europe à partir de 2011. En dépit des plans de sauvetage mis en œuvre, elle continue de préoccuper les marchés financiers et d ajouter à la morosité de l économie mondiale. L économie sénégalaise peut être affectée à travaux des canaux de transmission qui sont identifiés dans ce qui suit parmi les rubriques de la balance des paiements du Sénégal. Au préalable, il est question de l origine de la crise et de ses différentes manifestations. I. CRISE DE LA DETTE SOUVERAINE : ORIGINE ET MANIFESTATIONS 1.1 ORIGINE DE LA CRISE DE LA DETTE SOUVERAINE L origine de la crise de la dette de la dette souveraine est à rechercher parmi les conséquences de la crise économique et financière qui a marqué l économie mondiale, notamment à partir de septembre 2008 et durant l année 2009, elle-même déclenchée par ce qu il est convenu d appeler la crise des subprimes. a. La crise des subprimes La situation d avant le déclenchement de la crise est caractérisée par un accroissement considérable des risques d emballement de l économie américaine : les dettes des ménages ont atteint 98% du PIB contre 49% en 1979, les produits titrisés connaissent un développement démesuré jusqu au niveau de 12000 milliards de dollars, la dette extérieure des Etats-Unis se situe à 700 milliards de dollars soit 70% du PIB pendant que la dette totale atteint 350 % du PIB en 2007. Cette situation préoccupante a amené la FED (Banque Centrale américaine) à intervenir en relevant sensiblement le taux d intérêt directeur de 1% en 2004-2005 à plus de 5% en 2007. Cela provoque un retournement sur le marché immobilier du fait du renchérissement du crédit. 1

Au départ, la crise s est manifestée par la crise des subprimes et de la titrisation directement corrélée à la crise immobilière. Il y a eu ensuite la crise bancaire, la crise boursière et la crise économique. (i) Crise immobilière, des subprimes et de la titrisation Le marché des subprimes est directement lié à l évolution du marché de l immobilier qui lui est sous-jacent. Le marché des produits titrisés est à son tour étroitement imbriqué aux crédits hypothécaires qui lui sont sous-jacents. La baisse inattendue des prix de l immobilier aux Etats-Unis concomitante à une hausse des taux d intérêt variables a accentué le risque sur les prêts hypothécaires et a conduit en conséquence à la baisse de la valeur des titres pour lesquels les biens immobiliers servaient de caution, entraînant une détérioration de la situation financière des institutions détenant ces titres dans leur portefeuille. Le marché de l immobilier a entamé sa baisse après avoir atteint son pic à fin 2006 début 2007. En ce moment, l indice SPCS20 qui est un indice composite du prix du logement aux Etats-Unis atteint près de 210. Il est descendu rapidement jusqu à 144 en début 2009. 2

Les marchés des crédits hypothécaires et des produits titrisés ont été entrainés dans la même chute. L indice ABX des produits titrisés adossés aux crédits hypothécaires est passé de 100 en janvier 2006 à moins de 20 à fin 2007. (ii) Crise bancaire La crise des crédits subprimes a provoqué une accumulation de créances douteuses au niveau du système bancaire. Il s ajoute les difficultés croissantes à placer les produits titrisés dans un contexte d incertitude plus marquée. Il en résulte une dépréciation très nette des actifs détenus par les banques. Un climat de panique s installe auprès des ménages provoquant un retrait massif des dépôts. Les mouvements massifs de désengagement de ces titres ont entraîné des problèmes de 3

trésorerie chez un grand nombre de banques. La méfiance des institutions financières entre elle s est traduite par une baisse sensible des prêts entre banques, avec pour conséquence une crise de liquidité sur le marché : la circulation des actifs toxiques crée un climat de méfiance réciproque entre les banques affectant sérieusement le marché interbancaire. Les banques sont aux prises avec une crise de solvabilité. Les faillites se multiplient. C est ainsi que par exemple Lehman Brothers qui est la 4ème banque d investissement américaine a été liquidée tandis Merril Lynch a été rachetée par Bank of America pour 50 milliards de dollars. (iii) Crise boursière La crise a été aggravée par l effondrement de la valeur des actions de plusieurs institutions financières sur les marchés boursiers La crise boursière s est traduite par : l effondrement du marché hypothécaire la chute des cours boursiers des banques en difficulté l effet de panique la forte baisse de 20% dans la semaine du 06 octobre 2008 (iv) Crise économique La récession économique s est installée dans les économies développées avant de s étendre à d autres régions. Les facteurs ci-après ont été en jeu : 4

restriction des crédits chute de la valeur des actifs détenus en bourse baisse de la demande solvable baisse de la production, en particulier le secteur financier et le secteur de la construction augmentation du taux de chômage Cette situation est à l origine d une évolution à la baisse des cours des matières premières. b. Des mesures immédiates au plan international Face à cette crise, les pays directement affectés ont engagé des actions au plan national ou régional, en vue de restaurer la confiance et assurer le fonctionnement normal des marchés du crédit et des marchés financiers en général. Il s est agi de : politique fiscale avantageuse envers les ménages par exemple politique budgétaire expansionniste: infrastructures par exemple politique monétaire plus souple: injection de liquidités De manière plus spécifique, l ampleur et la dimension mondiale de la crise ont conduit à des mesures vigoureuses et parfois exceptionnelles par les Etats pour appuyer les institutions financières ayant une importance systémique et prévenir ainsi leur faillite. Dans la plupart des cas, les actions ont consisté en: - une garantie publique explicite des dépôts des banques ; - une garantie publique des prêts interbancaires ; - la mise en place de mécanismes de rachat par les banques centrales et les Etats des créances douteuses et impayés ; - la recapitalisation des institutions en difficulté par l acquisition de leurs actions sur le marché boursier, par des fonds publics ; - les injections massives de liquidité par les Banques centrales sur les marchés monétaires et une baisse concertée des taux d intérêt. Le Gouvernement américain a déployé un plan de sauvetage du système financier dit Plan Paulson mobilisant 700 milliards de dollars. En Europe, de nombreux établissements bancaires ont été touchés par la crise au point de nécessiter leur renflouement par des fonds gouvernementaux. C est le cas par exemple de Bradford & Bingley par l Etat britannique et de Dexia par l Etat français1 et les pays du Benelux, à hauteur de 6,4 milliards d Euros. A cela s ajoute la décision des autorités publiques françaises de garantir les dépôts du système bancaire et de mobiliser 22 milliards pour le financement des PME. 1 C est la première fois depuis les années 90 que l Etat français intervient pour sauver une banque après le sauvetage du Crédit Lyonnais en 1994-95. 2 C M Reinhart & K S Rogoff (2008) : Banking crises : An Equal Opportunity Menace 5

La crise bancaire des subprimes a affecté négativement et de manière significative le budget des Etats Unis et d autres pays avancés ou émergents. Le FMI a donné une première estimation du coût budgétaire pour les Etats Unis de la crise qui s élèverait à 1400 milliards de dollars soit 11% du PIB. Certaines prises de participations dans le capital des banques en sauvetage sont passagères et ne constituent pas des coûts définitifs. Néanmoins le poids budgétaire de la crise est important. De plus il ne se limite pas seulement aux actions de sauvetage du secteur bancaire. Les moins values de recettes fiscales entrent en ligne de compte de même que les programmes de relance économique engagés pour faire face à la crise économique, particulièrement sensible en 2009, qui a résulté de la crise bancaire. Egalement, la montée du chômage consécutive à la récession économique ou au ralentissement de la croissance amène en général les Gouvernements dans les pays développés à déployer les moyens de leurs budgets pour la prise en charge des travailleurs touchés. L effet combiné des différentes mesures d intervention gouvernementale (packages de sauvetage, actions de relance) et de la baisse des recettes liée à la baisse de l activité économique se traduit par une aggravation des déficits budgétaires. Ceux-ci s ajoutent au stock existant de dette publique. Une étude 2 des cas de crises bancaires dans le passé révèle qu en moyenne la dette publique augmente de 86% dans les trois ans qui suivent le déclenchement de la crise bancaire. Cette étude a couvert un échantillon des pays comprenant à la fois des pays développés et des pays émergents. L apparition de difficultés liées au poids de la dette en 2011 c'est-à-dire trois ans après l explosion de la crise bancaire des subprimes en septembre 2008 était par conséquent prévisible au regard des résultats de cette étude. 1.2 MANIFESTATIONS DE LA CRISE DE LA DETTE SOUVERAINE a. Aux Etats Unis Les Etats Unis constituent un premier cas à citer où la situation a été si tendue que la note AAA des bons du Trésor a été rétrogradée par l agence de notation Standard & Poor s. Cette situation de menace d insolvabilité américaine a poussé le Président des Etats Unis et le Congrès à arriver à un accord in extrémis en deux points essentiellement : - Relever le plafond d endettement permissible à court terme - Jeter les bases d une réduction significative du déficit budgétaire à moyen terme Il est à noter que bien qu ayant perdu le triple A, les Etats Unis continuent d emprunter à bon marché sur les marchés financiers. L accord entre le Gouvernement et le Congrès a pu dans une certaine mesure rassurer lesdits marchés. 6

b. En Europe En Europe, des cas de crise de la dette sont apparus en Grèce, Irlande et Portugal tandis que plusieurs autres pays ont été sous la menace et ont dû engager des plans d austérité en guise de mesures de prévention (Espagne, Italie etc.). Cela signifie que les pays en crise ne sont pas en mesure de refinancer leur dette publique sans la rescousse de tierces parties. Chronologiquement, c est vers fin 2009 que des craintes ont fait jour au niveau des investisseurs suite à l accroissement des niveaux des dettes publiques à travers le monde, concomitamment à une vague de dégradations des notes de dettes dans un nombre de pays européens, les agences de notation étant principalement Standard & Poor s (40% du marché des notations), Moody s (40% du marché ) et Fitch Ratings(14% du marché). Les difficultés se sont intensifiées en début 2010 et après. Pour faire face, le Fonds européen de stabilité financière (FESF) a été mis en place et a mobilisé un package de sauvetage de 750 milliards d euros en Mai 2010. La Grèce a reçu un prêt de 110 milliards d euros en mai 2010, l Irlande 85 milliards d euros en novembre 2010 et le Portugal 78 milliards d euros en mai 2011. Ces trois pays étaient les plus lourdement endettés dans l UE en dehors de l Italie dont la dette publique était de 119% du PIB en 2010, Malgré tout, la situation reste tendue jusqu à ce jour (mai 2012). Plusieurs pays européens n arrivent pas respecter les critères de la zone euro de limiter le déficit public et l endettement public en pourcentage du PIB à 3% et 60 % respectivement. Par exemple, le déficit budgétaire de la France a atteint 5.7% du PIB à fin 2011 tandis le taux d endettement s est élevé à. 85% du PIB. Les estimations plus récentes en mars 2012 situent ce taux à 86%. Après la dégradation de la note des Etats Unis en août 2011, c est autour de la France et de huit autres pays de voir leur note dégradée par l Agence de notation Standard et Poor s en janvier 2012. Il est à craindre qu il faudra au moins une dizaine d années à ces pays pour retrouver la note AAA. Comme conséquence directe, le FESF a été rabaissé à AA+. En effet sa note dépend de celles de ses actionnaires c'est-à-dire pour l essentiel les Etats membres de la zone euro. Tout ceci signifie que l accès aux marchés financiers sera plus onéreux pour ces pays et le FESF. Il faut néanmoins noter que dans cette ambiance de crise en Europe, l Allemagne a pu maintenir son triple A. Le tableau ci-après fournit pour quelques pays européens le taux d endettement, le taux de chômage et la notation de Standard & Poor s Pays Dette publique/pib Taux de chômage Notation S & P en mars 2012 Allemagne 81.2% 5.6% AAA Espagne 68.5% 24.1% BBB+ France 86.0% 10.0% AA+ Grèce 165.3% 21.7% CCC Italie 120.1% 9.8% BBB+ Portugal 107.8% 15.3% BB 7

L économie de la zone euro a stagné durant les premiers mois de l année 2012. Après une baisse de 0.3% durant le dernier trimestre de l année 2011, l on avait craint une récession au début de 2012. Mais grâce à une modeste croissance de 0.5% de l économie allemande qui est la principale économie de la zone euro, la récession a pu être évitée pour donner place à une croissance zéro. Il apparaît ainsi que les économies de la zone euro peinent à sortir de la période d incertitudes et à entamer une véritable reprise économique. La monnaie européenne a montré des signes de faiblesse. Vers mi-mai 2012, la valeur de l euro est descendue à $1.28, son niveau le plus bas sur quatre mois. Parmi les pays qui retiennent l attention dans le contexte de la dette souveraine en Europe, il y a l Irlande, le Portugal, l Espagne et tout particulièrement la Grèce qui connaît la crise de dette souveraine la plus aigue, doublée d une crise politique apparue au mois de mai 2012. (i) L Espagne Quatrième grande économie de la zone euro après l Allemagne, la France et l Italie, l Espagne est entrée en récession durant le premier trimestre de l année 2012 durant lequel son économie a connu une baisse de 0.3%. Le taux de chômage de 24.1% semble être parmi les plus élevés d Europe. Comme l indique le tableau ci-dessus, l endettement public de l Espagne se situe à 68.5%. Sa notation BBB+ montre que les investisseurs restent préoccupés sur la situation du pays. Il s ensuit que l Espagne paie plus cher pour emprunter. Par exemple, les taux d intérêt observés sur les émissions obligataires d échéances de 3 ans ont révélé une dose de nervosité des marchés financiers à l égard de l Espagne : en l espace de trois mois (mars-avril-mai), ils sont passés de 2.62% à 4.75%. (ii) L Irlande Dans le cas de l Irlande, la crise de la dette souveraine de l Irlande n était pas liée tant au volume des dépenses budgétaires mais à la garantie offerte à six banques locales qui ont été frappées par la bulle immobilière. La garantie a dû être renouvelée trois fois successives. La dette publique a représenté 96% du PIB en 2010. (iii) Le Portugal Dans le cas du Portugal, la crise de la dette souveraine du Portugal a découlé d un rythme de dépenses excessives sur une longue période. La crise financière est ensuite venue aggraver la situation. La dette publique a atteint 93% du PIB en 2010 avant de grimper encore au niveau actuel de 107.8%. Sa note BB fait partie des plus faibles dans la zone euro. D autre part, le taux de chômage de 15.3% est relativement élevé. Des craintes d un second sauvetage après celui de mai 2010 ont été exprimées dans certains milieux de la politique ou de la finance. 8

(iv) La Grèce La Grèce est entrée dans sa cinquième année de récession et confrontée à une grave crise de la dette. Comme indiqué plus haut, elle a reçu un prêt de 110 milliards d euros en mai 2010 lors de la première opération de sauvetage. La seconde opération de sauvetage a eu lieu un peu moins de deux ans plus tard en février 2012. Il faut rappeler que sur la période 2000-2007, la Grèce a connu une croissance assez forte accompagnée d un afflux important de capitaux étrangers. Mais le Gouvernement grec a entretenu des déficits colossaux dépassant 100% du PIB. D autre part, les secteurs clés de l économie grecque ont été durement affectés par la crise économique et financière mondiale des années 2008 à 2009. Ces secteurs sont le tourisme et l économie maritime. Par voie de conséquence les recettes budgétaires ont accusé le coup. La dette publique a atteint le niveau critique de 143% du PIB en 2010. Elle s est alourdie de plus de 20 points de pourcentage en montant à 165.3% du PIB au début de 2012. Pendant ce temps le chômage au taux de 21.7% traduit la longue et difficile période récession qui frappe l économie grecque. En 2011, celle-ci a régressé de 7%. Une nouvelle baisse de 5% du PIB grec est projetée pour l année 2012. La note CCC accordée à la Grèce par Standard & Poor s reflète la vue des marchés financiers au début de l année 2012, une vue qui classe la Grèce comme le cas le plus préoccupant dans le contexte de la crise de dette souveraine que traverse la zone euro. Les investisseurs détiennent deux tiers de la dette de la Grèce. La seconde opération a porté sur un montant de 130 milliards d euros sous l égide du FMI, de la BCE et de la Commission de l UE. Ce montant a permis de payer les obligations venues à échéance en mars 2012 et d éviter un défaut de paiement qui pourrait se révéler chaotique. Dans cette opération, les investisseurs ont accepté de consentir des pertes sur les sommes échues. En contrepartie, le Gouvernement grec s est engagé à poursuivre le programme d austérité après deux années de suite marquées par des coupes sombres dans le budget de l Etat, ce qui se traduit par des réductions des salaires, des pensions et des effectifs dans le secteur public. L objectif retenu dans le nouveau programme est de ramener le taux d endettement public à 120.5% d ici 2020. Sans les nouvelles mesures édictées, le niveau d endettement resterait encore à 160% à l horizon 2020 selon les promoteurs du plan de sauvetage. II. IMPACT SUR L ECONOMIE SENEGALAISE 2.1 CONJONCTURE ET PREVISION A L ECHELLE INTERNANTIONALE Il ressort de ce qui précède que la crise de la dette souveraine a pour effet de retarder la reprise en Europe et de contribuer à l affaiblissement de la croissance mondiale. Les prévisions initiales ont été revues à la baisse dans le récent Rapport de la Banque Mondiale sur les Perspectives de l économie mondiale. La croissance en Europe est attendue à 0.3% en 2012 contre 1.8% initialement. 9

Pour les pays développés dans leur ensemble, la projection de la croissance a été révisée comme suit: 1.4% au lieu de 2.7% initialement. Les contreperformances sont aussi notées dans le groupe des pays émergents et des autres pays en développement, dont la croissance en 2012 est attendue actuellement à 5.4% contre 6.2% précédemment. Les pays émergents continuent de tirer la croissance mondiale mais on note néanmoins qu ils ne sont pas épargnés par la conjoncture difficile. En ce qui concerne l Afrique Subsaharienne en particulier, c est le ralentissement économique voire la stagnation en Europe et le tarissement des entrées de capitaux qui constituent la principale menace. L Europe est la principale destination de ses exportations : environ 37% des produits non pétroliers exportés. La stagnation qui affecte l Europe dans le contexte de la crise de la dette souveraine impacte directement les exportations africaines et les cours des matières exportées. Elle affecte tout autant les activités touristiques sur le continent et les transferts et mouvements de capitaux vers l Afrique. Le Rapport précité estime que la situation en Europe pourrait grever la croissance en Afrique de 1.3 point de pourcentage en moins. Il cite le Cap Vert, le Sénégal et la Guinée Bissau parmi les pays les plus exposés quant aux incertitudes relatives aux envois de fonds des émigrés. Seule éclaircie dans ce ciel assombri, c est la baisse significative des prix de l énergie, des métaux et minéraux et des produits agricoles par rapport à leurs niveaux de début 2011, tout au moins pour les pays importateurs nets de ces produits. Pour les pays africains exportateurs de ces matières, cette situation ajoute au contraire aux chocs dépressifs. 2.2 CONJONCTURE ET PREVISION DE L ECONOMIE SENEGALAISE L impact de la crise actuelle sur l économie sénégalaise peut emprunter les canaux de transmission suivants: le commerce extérieur à travers notamment les exportations sénégalaises et l évolution de leurs prix comparée à celle des importations, les activités de tourisme et les flux de capitaux. Pour ces derniers, il s agit principalement des envois de fonds des émigrés, de l aide publique au développement et de l investissement direct étranger. a. Transmission des chocs exogènes Les deux tableaux 1 et 2 ci-dessous permettent d illustrer les interrelations entre l économie sénégalaise et le reste du monde sur la période récente, en particulier la période 2008-2010 pour mettre en exergue l ampleur de la crise en 2009 et de ses effets sur les canaux de transmission précités. En effet, comme le montre le tableau 1, l année 2009 apparaît clairement comme l année pendant laquelle l économie mondiale a connu une régression très notable surtout pour les pays développés et la zone euro dont le PIB a connu une baisse significative par rapport à 2008. Les économies dans les différentes régions ont ensuite entamé une reprise en 2010. 10

Tableau 1 : Croissance économique dans le monde (2008-2010) Groupes de pays 2008 2009 2010 Monde 2.8% -0.6% 5.3% Pays développés 0.0% -3.6% 3.2% Zone euro 0.4% -4.3% 1.9% Pays émergents et pays en développement 6.0% 2.8% 7.5% Source : FMI Le tableau 2 à travers les données de la balance des paiements du Sénégal indique assez bien les effets de cette crise où excepté les transferts en capital des administrations publiques, toutes les autres variables accusent le choc de 2009. C est ainsi que les exportations de marchandises à prix courants ont diminué de 7.4% en 2009 par rapport à 2008 avant de remonter de 7.3% en 2010 à la faveur de la reprise économique au niveau mondial et en particulier des pays partenaires commerciaux du Sénégal. La baisse des exportations sénégalaises a eu lieu en dépit de la montée en puissance des exportations de l or en provenance de la mine de Sabodola à partir de 2009. En ce qui les recettes touristiques, la baisse a été de 10.2% et la remontée de 2.7%.Les envois de fonds des travailleurs émigrés et les IDE ont aussi subi le choc de 2009 avec une chute respectivement de 7.5% et 5.6%, suivie d une hausse de 13.5% et 13.4% l année suivante toujours à prix courants. Tableau 2 : Eléments de la balance de paiements du Sénégal (en milliards de FCFA) Rubriques 2008 2009 2010 Exportations de marchandises 960.0 899.2 964.9 Recettes touristiques 243.2 218.4 224.2 Transferts courants des Administrations publiques (nets) 32.5 23.1 33.4 Envois des fonds des travailleurs (nets) 558.9 516.9 586.6 Transferts de capital des Administrations publiques (nets) 99.9 136.7 143.6 Investissements directs (nets) 121.5 114.7 130.7 Source : BCEAO 11

En somme les données ci-dessus semblent établir de prime abord le parallèle entre les difficultés économiques de 2009 des pays de la zone euro et des autres partenaires commerciaux et financiers du Sénégal d une part et d autre part les exportations et les recettes touristiques du Sénégal ainsi que les transferts des émigrés et les IDE. L on s attend à ce que ces variables qu on peut appeler «canaux de transmission» affectent à leur tour la croissance de l économie sénégalaise. La faible croissance de l économie sénégalaise en 2009 trouverait alors une explication à la mesure de l impact de la crise économique et financière mondiale. De la même manière, il faut craindre que la morosité de l économie mondiale, en particulier les difficultés de l économie européenne dans le deuxième semestre de l année 2011 et le début de l année 2012 vont avoir un impact négatif sur l économie sénégalaise et la gêner à retrouver le rythme de croissance d avant la crise. Le tableau 3 donne la corrélation calculée entre les variables dites canaux de transmission et la croissance de l économie sénégalaise ainsi que le sens de la corrélation Tableau 3 : Relation des principaux canaux de transmission avec la croissance économique Corrélation entre canaux de transmission et la croissance économique IDE EXP TRF APD TRM 16.4% 11.8% 24.0% 20.4% 12.7% Sens de la causalité Causalité à double sens Croissance vers EXP TRF vers Croissance APD vers Croissance TRM vers Croissance Note : Toutes les variables sont mesurées en termes de variation relative. Les calculs de corrélation sont effectués sur la période 1997-2011 ; IDE = Investissement Direct Etranger ; EXP = exportations ; TRF = envois de fonds par les émigrés ; APD = aide publique au développement ; TRM = activités touristiques. Source : DPEE Il y a corrélation et le sens de la corrélation est dans le sens attendu, sauf dans le cas des exportations où le sens de causalité part de la croissance économique. Les conditions d offre semblent déterminer le niveau des exportations plus que les conditions de la demande sur le marché international.. Le tableau 3 confirme qu il s agit bien de canaux de transmission dans la mesure où les péripéties et fluctuations de l économie internationale ne sont pas neutres et leurs effets sont d abord visibles et traduits dans un certain nombre de rubriques des comptes extérieurs du Sénégal en l occurrence la balance des paiements et que ces effets finissent par impacter sur la croissance de l économie sénégalaise. 12

b. Situation et perspectives de croissance de l économie sénégalaise La croissance économique a été fortement perturbée ces dernières années. En 2009, elle était tombée à 2.1% sous le poids de la crise mondiale contre 3.7% l année précédente avant de remonter au taux de 4.1% en 2010 à la faveur de la reprise économique mondiale. En 2011, elle a chuté à nouveau jusqu à 2.6% mais cette fois ci les contreperformances du secteur agricole ont constitué le facteur explicatif à titre principal. Pour 2012, les projections situent le taux de croissance économique à 3.8%. Elles tiennent compte déjà de l environnement extérieur qui est assez difficile puisque les incertitudes sur la scène de l économie européenne remontent à plus d un an. La question est de savoir si les différents plans de sauvetage mis en œuvre à ce jour permettront à des économies comme celle de la Grèce à sortir de l ornière et que de manière plus large la zone euro pourra amorcer une phase de relance. Selon des données récentes, les envois de fonds par les travailleurs émigrés se sont inscrits en baisse de 5.9 % durant le premier trimestre de l année 2012 par rapport au même trimestre de l année 2011. En attendant de disposer de davantage de données, cette première indication sur les transferts des émigrés semble refléter la réalité des difficultés économiques qui prévalent dans les pays d accueil avec un taux de chômage élevé et confirmer les craintes sur les effets que cela peut avoir sur les variables dites canaux de transmission. Les données disponibles portent également sur l indice général d activité au Sénégal, indice qui est plus facilement disponible et qui fournit une image imparfaite mais utile de l évolution du PIB. Au premier trimestre de l année 2012, l indice général d activité a augmenté de 1.5% seulement par rapport au même trimestre de l année 2011. Le maintien du taux de croissance économique tel qu indiqué dans les projections de départ à savoir 3.8% voire son dépassement appelle une dynamique de rattrapage à engager sur les deuxième, troisième et quatrième trimestres de l année 2012 avec la contribution venant des différents secteurs (agricole, BTP, manufacturier, tertiaire etc..). Du reste, cet objectif sera d autant plus à portée si dans le même temps l économie mondiale et les économies des principaux pays partenaires commerciaux et financiers du Sénégal amorcent également une phase de relance économique soutenue. Mamadou Ndong Economiste Principal, CEPOD 13