Communautés virtuelles de praticiens : les défis associés au travail à distance Diane-Gabrielle Tremblay Professeure, Télé-université, Université du Québec à Montréal October 5, 2011 2011 AGM 1
Contexte Économie du savoir et besoin des entreprises de développer la formation et l apprentissage en continu Mais intensification du travail et peu de temps pour permettre aux travailleurs de s absenter afin de suivre des séances de formation De surcroit, il faut transférer de plus en plus de connaissances tacites Il faut également tenir compte des défis associés à une main-d œuvre vieillissante et des besoins de transmettre des connaissances et des savoir-faire October 5, 2011 2011 AGM 2
Définitions L expression de «communautés de praticiens» (CdP) a d abord été utilisée par Lave et Wenger (1991) On a depuis présenté différentes visions et définitions, mais la plupart, sinon toutes, renvoient à l idée du partage d informations au sein d un petit groupe, ainsi qu à la valeur de l apprentissage informel pour un groupe ou une organisation dans son ensemble October 5, 2011 2011 AGM 3
Définitions Plusieurs définitions des communautés de praticiens sont exposées dans Mitchell (2002) et proches de celles que nous utilisons : Les communautés de praticiens sont des groupes de personnes qui partagent un intérêt, une série de problèmes, une passion pour un sujet et qui développent leurs connaissances et leur expertise dans ce domaine en interagissant sur une base régulière (Wenger, McDermott et Snyder, 2002, p. 4, cité dans Mitchell, 2002 p. 12) Un groupe dont les membres partagent leurs connaissances et apprennent ensemble, en fonction de leurs intérêts communs (Lesser et Stork, 2001, p. 831, cité dans Mitchell, 2002 p. 12) October 5, 2011 2011 AGM 4
Quelques autres définitions : Groupes de personnes ayant un répertoire partagé de ressources et une passion commune pour l entreprise conjointe (Wenger et Snyder, 2000, p. 139) Réseaux et clusters informels d employés travaillant ensemble à partager leurs savoirs, à résoudre des problèmes communs et à échanger leurs visions, leurs histoires et frustrations (Lesser et Prusak, dans Lesser et collab., 2000, p. 831, cité dans Mitchell, 2002, pp. 1112) October 5, 2011 2011 AGM 5
Conclusion relative aux définitions Les principaux éléments soulignés ici sont le partage d une préoccupation ou d une problématique, l interaction continue au sein du groupe, ainsi que le partage et l apprentissage en continu Ces éléments contribuent au succès Ces dernières années ont vu se développer l intérêt pour les communautés de praticiens virtuelles, c.àd. travaillant à distance October 5, 2011 2011 AGM 6
Conclusion relative aux définitions Ces communautés virtuelles de praticiens sont bien plus que de simples équipes travaillant à distance On les conçoit comme des groupes entretenant une mission commune, œuvrant à une tâche commune et qui doivent livrer un produit issu d échanges et de partage régulier d information au sein des groupes (c est ainsi que McDermott (1999) définit ces communautés) October 5, 2011 2011 AGM 7
Les conditions de succès des communautés de praticiens Travailler «ensemble» sous la forme d un groupe repose habituellement sur des préalables, et en premier lieu que s instaure la confiance entre les membres du groupe car partager de l information et des connaissances stratégiques n est pas une attitude spontanée Cet élément est encore plus important lorsqu il est question de communautés de praticiens dont on attend des membres qu ils partagent des connaissances tacites, œuvrent à la construction collective de nouvelles connaissances et éventuellement de nouveaux produits ou services (McDermott, 1999, 2001, Wenger et Snyder, 2000; Adams et Freeman, 2000; Recherche de Deloitte, 2001) October 5, 2011 2011 AGM 8
Conditions (2) Parmi les principales autres conditions préalables (évoquées dans des travaux théoriques) on retrouve : l importance du leader ou de l animateur de la communauté l intérêt et la motivation des individus pour le travail collaboratif et le soutien dispensé par l organisation le soutien et la légitimité accordés au groupe par le supérieur immédiat ou des niveaux plus élevés de la hiérarchie les reconnaissances offertes aux participants sous forme monétaire ou non monétaire, voire sous d autres formes (Tremblay, Rolland et Davel, 2000; Tremblay et Rolland, 2000; Wenger, McDermott et Snyder, 2002) October 5, 2011 2011 AGM 9
Conditions technologiques? La technologie disponible et le soutien technique sont des éléments souvent cités La plupart des travaux de recherche tendent toutefois à indiquer que les défis organisationnels et en termes de ressources humaines revêtent plus d importance (animation, incitatifs, soutien organisationnel) Il ressort également que la technologie joue un rôle moindre dans le succès ou l échec des communautés de praticiens October 5, 2011 2011 AGM 10
Nos travaux Les communautés auxquelles nous nous sommes intéressée n étaient pas fondées sur un groupe informel existant déjà La plupart, mais pas toutes, se composaient de personnes travaillant sur le même lieu de travail et pour le même employeur Ces dernières années, les organisations se sont intéressées aux équipes travaillant à distance, tout en conduisant un projet commun. C est ce qui nous a poussé à nous intéresser aux communautés de praticiens travaillant à distance October 5, 2011 2011 AGM 11
Nos travaux (2) Les résultats présentés ici sont issus de travaux menés auprès de 9 communautés sur douze financées par le Centre francophone d informatisation des organisations (CEFRIO), un centre de recherche sur l innovation et le transfert qui a appuyé ce projet et ces communautés October 5, 2011 2011 AGM 12
Étapes du développement d une communauté Stade de développement Momentum Potentiel Unification Maturité Transformation Source : Adapté d après Wenger et collab. (2002), p. 69 et Bourhis et Tremblay (2004). Temps October 5, 2011 2011 AGM 13
Difficultés d établissement On peut considérer que 10 communautés sur les 12 étudiées ont été actives à un certain moment, et la plupart d entre elles ont eu besoin de plus de temps que prévu pour s établir (certaines n ayant jamais démarré) Ces résultats peuvent s expliquer par le fait que le concept était nouveau pour plusieurs organisations, mais aussi parce que nombre d organisations ne possédaient aucun groupe informel pouvant abriter de projet de communauté de praticiens les relations sociales de la production ont peut-être été négligées? Il semble donc que les étapes menant à l établissement d une communauté nécessitent davantage de temps que ce que mentionnent les écrits, bien que la plupart des études de cas n indiquent aucun délai défini comme normal October 5, 2011 2011 AGM 14
Protocole Groupes de discussion, enregistrements d incidents critiques, quelques réunions informelles avec les participants Séries de questionnaires d évaluation portant sur des questions organisationnelles et de GRH, adressées en deux fois, la seconde six mois après le démarrage 178 participants ont répondu à l étape 1; 106 à l étape 2 October 5, 2011 2011 AGM 15
Objectifs L objectif consistait à créer des communautés dans des organisations souhaitant développer un type de gestion des connaissances, mais également conduire des recherches sur l établissement, les conditions de réussite et les effets des communautés, ainsi que sur l intérêt à l égard de la participation et les niveaux de satisfaction des participants, entre autres éléments October 5, 2011 2011 AGM 16
Principaux sujets d intérêt présentés ici Rôle de l engagement dans le travail collaboratif, l apprentissage et le succès des CdP Étude comparative des conditions de vie d une CdP et d un modèle normatif Qu estce qui fait que le travail et la collaboration se développent en certains endroits et pas en d autres? Quelles sont les incidences des CdP et leurs répercussions sur l adoption et le développement de la collaboration en d autres lieux? October 5, 2011 2011 AGM 17
Objectifs des CdP : que font les personnes dans des CdP? Différents objectifs s attachant aux communautés de praticiens se retrouvent dans la littérature sur les communautés (McDermott, 1999, 2000, 2002; Mitchell, 2002, etc.), le travail d équipe (Tremblay, Rolland et Davel, 2000; Davel et collab., 2001) ainsi que sur le travail collaboratif (Deschênes; Henri et Lundgren, 2000) Nous avons voulu savoir dans quelle mesure les objectifs généraux des communautés de praticiens, du travail collaboratif, ainsi que du travail d équipe auraient été atteints, avant de décrire les conditions susceptibles d expliquer leur atteinte October 5, 2011 2011 AGM 18
Observations Les personnes interrogées ont indiqué que le groupe avait su maintenir une interaction et une relation positives au cours du projet qui a duré de 6 à 10 mois La collaboration et l échange d information se sont développées, un résultat important dans la mesure où il s agit de l un des principaux objectifs, sinon le principal que poursuivent les communautés (Mitchell, 2002; Wenger, 1999, 2000) Dans une moindre mesure, les participants ont indiqué que la cohésion de groupe et la complicité s étaient également accrues au fil du temps; c est une observation intéressante, car les communautés October n ont 5, 2011 généralement pas 2011 d échéance AGM fixe 19
Observations Nécessité d évaluer si l intérêt a pu décroître au fil du temps et nuire au partage de l information et à la cohésion On relève toutefois de légers signes qui témoignent de rivalités et de tensions croissantes au fil du temps, en dépit du fait que la majorité des participants ne partagent pas ce point de vue Les travaux sur la collaboration et l apprentissage (Henri et Lundgren, 2000) nous apprennent que la complicité et la cohésion de groupe sont essentiels à l apprentissage et à la collaboration October 5, 2011 2011 AGM 20
Évolution avec le temps D une proposition d échanges informels (en théorie) à une injonction à participer et échanger des idées et des savoirs dans le but de partager avec les autres et de ne pas conserver des renseignements pour soi : des objectifs pas toujours faciles à atteindre en l absence de confiance D un groupe informel à une GRH, un outil de codification et de mobilisation des connaissances (un véritable outil de GC) October 5, 2011 2011 AGM 21
Obstacles Nous avons évalué le succès des CdP sous différents aspects, parmi lesquels l atteinte d objectifs stratégiques et opérationnels des CdP en fonction de variables démographiques Nos analyses n ont révélé que peu de liens évidents si ce n est au regard du sexe et de l âge; ces liens sont présentés ici Nous n avons malheureusement pas pu explorer les cas qui n avaient jamais pris leur essor ou qui s étaient interrompus (devant le refus des entreprises) Des échanges informels ont cependant montré l existence de problèmes associés au contrôle hiérarchique (dont les gestionnaires voulaient conserver la maîtrise); ainsi qu à l image des CdP perçues comme des structures parallèles aux frontières conventionnelles en matière de gestion, etc. Autant de problèmes faisant obstacle à la collaboration October 5, 2011 2011 AGM 22
Commentaires Les femmes consacrent plus de temps que les hommes aux activités de collaboration et d échange, en moyenne deux fois plus que ces derniers, mais tout de même pas beaucoup au total (60 minutes par semaine) Les jeunes semblent apprécier davantage les CdP que les participants âgés de 50 ans et plus Ces deux groupes (les femmes et les plus jeunes) se montrent également plus intéressés à poursuivre l expérience Nombreux sont ceux qui jugent avoir davantage appris que contribué aux échanges (participation périphérique succès mitigé à court terme mais susceptible de se développer moyennant une meilleure connaissance des outils et du fonctionnement des CdP, ainsi que du travail à distance) October 5, 2011 2011 AGM 23
Rôle dévolu à l animateur Le rôle d un animateur est d autant plus important que la communauté virtuelle de praticiens repose entièrement sur les échanges électroniques Dans les cas que nous avons étudiés, toutes les données et les informations collectées indiquent que le rôle de l animateur a été crucial dans le succès de la communauté. Dans un cas, la présence d un animateur à temps plein a garanti une participation plus active : échange d idées, collaboration et création d un site Web Si plusieurs autres variables, telles que la motivation individuelle et la confiance envers d autres participants sont essentielles, le rôle de l animateur peut devenir encore plus crucial en l absence de soutien accordé par la direction ainsi que de l absence de reconnaissance sous forme monétaire ou non monétaire sur le lieu de travail Le changement d animateur (lié au temps requis pour cette activité) a nui à certaines CdP October 5, 2011 2011 AGM 24
Soutien organisationnel L appui de la direction et le soutien organisationnel sont souvent jugés essentiels pour l établissement et la pérennisation des communautés de praticiens (Mitchell, 2002) Nos études de cas sont intéressantes de ce point de vue car nous n avons observé que peu de communautés, voire aucune, faisant appel à la participation-collaboration de membres émanant de différentes organisations, voire, de membres ne se connaissant pas auparavant et devant travailler ensemble à distance En règle générale, nos groupes n ont bénéficié de peu ou d aucun soutien organisationnel ou d appui de la direction de la part de leur employeur, d autant plus que, dans certains cas, ce dernier n avait pas eu connaissance du projet (projet d ordre professionnel) October 5, 2011 2011 AGM 25
Incitatifs, reconnaissances ou récompenses? On mentionne souvent que des incitatifs, des récompenses ou diverses formes de reconnaissance peuvent être très utiles pour appuyer la participation (Mitchell, 2002), comme cela est le cas pour le travail d équipe (Tremblay et Rolland, 2000) Les employeurs reconnaissent peu l activité des CdP (dans l évaluation du rendement, le parcours de carrière ou d autres évaluations), ce qui constitue une source d insatisfaction), mais il semble que la participation à ces activités soit dans une certaine mesure reconnue par les collègues ou les pairs de la même catégorie professionnelle. Il s agit d un point positif en vue d une nouvelle October 5, 2011 2011 AGM 26 collaboration
Qu est ce qui explique certains résultats négatifs tout le monde n estil pas désireux de collaborer et d apprendre? Sentiment de peu apprendre ou pas assez Manque de temps pour participer, échanger Manque d engagement dans un projet donné (les CdP devraient être ouverts, alors que la plupart sont des projets particuliers) Sentiment d être contraint de participer, de partager, de faire preuve de motivation, de devoir collaborer Il est impossible d imposer aux travailleurs de participer ou de collaborer, mais il existe des façons de motiver des équipes pour qu elles travaillent à distance October 5, 2011 2011 AGM 27
Conclusion Ces résultats montrent que les participants partagent un intérêt, résolvent certains problèmes On observe une interaction relativement régulière, mais pas dans tous les groupes (CdP) On relève certaines formes régulières de collaboration et de partage d information, avec quelques apprentissages croisés, comme ce fut particulièrement le cas dans une CdP du secteur de la santé où ce modèle a permis une réaffirmation de l identité professionnelle CEPENDANT, les participants jugent avoir davantage appris que contribué aux échanges (participation périphérique, passive) October 5, 2011 2011 AGM 28
Conclusion (2) Parmi les principales conditions préalables, on citera l importance du rôle du leader ou de l animateur de la communauté, l intérêt et la motivation des individus à travailler ensemble en tant que groupe et le soutien accordé par l organisation (Wenger, McDermott et Snyder, 2002) Nous avons indiqué le peu de soutien accordé par les employeurs et par l organisation qui favorise la communauté. Pourtant, dans certains cas, l animateur de la communauté avait de toute évidence très largement compensé le manque de soutien ou de reconnaissance dans d autres domaines October 5, 2011 2011 AGM 29
Conclusion (3) Ces résultats tendent à indiquer que le facteur crucial du développement d une collaboration pourrait être la qualité et le dynamisme de l animateur et du leader L identité professionnelle et la reconnaissance professionnelle par les membres de la même catégorie professionnelle jouent sans aucun doute aussi un rôle important dans la motivation; les participants ont en effet indiqué que cette reconnaissance était plus importante que celle de l organisation qui les employaient. Le cas en dehors de l organisation les employant s est révélé être le plus fructueux = des résultats qui peuvent être intéressants pour les membres du RCDR La cohésion de groupe et la complicité semblent également être des facteurs essentiels comme l indique la littérature sur le travail collaboratif (Henri et Lundgren, 2000), de même que les relations sociales qui s instaurent dans les milieux de travail apparaissent cruciales pour développer la confiance et la cohésion nécessaires à une collaboration La collaboration et les CdP ne peuvent être imposés à une organisation (quelques cas n ont jamais réellement démarré) October 5, 2011 2011 AGM 30
Diane-Gabrielle Tremblay Professeure, Télé-université, Université du Québec à Montréal www.teluq.uqam.ca/chaireecosavoir dgtrembl@teluq.uqam.ca