Les normes comptables applicables aux PME belges : vers un nouveau cadre européen ou mondial? Ce mémoire avait pour objectif de s inscrire dans l actualité qui entourait la modernisation du droit comptable européen au moment de sa rédaction en 2011-2012. Le droit comptable, servant de base à l élaboration des états financiers, est une matière étroitement liée à l environnement économique. Il doit pouvoir s adapter à cette dernière. Or, le contexte économique de la fin des années soixante et du début des années septante, qui a mené à l élaboration des quatrième et septième directives européennes en matière de droit des sociétés, n est plus celui que nous connaissons actuellement. Même si des amendements ont été apportés aux textes initiaux, datant respectivement de 1978 et 1983, force est de constater que ceux-ci ont peu évolué alors que les objectifs de l Union sont désormais résolument plus tournés vers les petites et moyennes entreprises, considérées comme des acteurs majeurs de l économie européenne. Les normes comptables applicables aux PME représentent donc un enjeu important pour l Union européenne. Afin de moderniser le droit comptable européen, diverses pistes ont été envisagées. Deux d entre elles ont particulièrement retenu l attention. La première concernait l adoption de la norme IFRS pour PME publiée par l International Accounting Standards Board. La seconde s intéressait au projet européen de révision des directives comptables. Le 9 juillet 2009, l IASB a publié la norme internationale d information financière pour les petites et moyennes entités. A travers cette publication, cet organisme international d ordre privé a souhaité répondre à une demande émanant de petites et moyennes entreprises voulant disposer d un référentiel comptable de portée internationale et plus accessible que les Normes internationales d'information financière (IFRS). Après réflexion, l Union européenne n a pas opté pour l application du référentiel «allégé» de l IASB. Initialement, la rédaction de notre mémoire devait uniquement se concentrer sur l analyse de l IFRS pour PME ainsi que son intérêt éventuel pour la Belgique et plus largement pour l Union européenne. Cependant, le 25 octobre 2011, le sujet de notre mémoire a évolué suite à la publication, par la Commission européenne, d une proposition de directive visant à abroger et remplacer les quatrième et septième directives européennes en matière de droit des sociétés. Le projet de directive visait à simplifier les exigences
comptables à destination des petites et moyennes entreprises et à améliorer la comparabilité des comptes annuels au sein de l Union européenne. Suite à cette actualité, l intérêt d étudier exclusivement la norme IFRS pour PME était moindre et il semblait opportun de recentrer le sujet en partie sur le projet de directive. En effet, la proposition diminuait grandement les chances de voir un jour la norme IFRS pour PME s appliquer aux PME belges et plus largement aux européennes. Cependant, il restait intéressant d analyser le contenu de celle-ci afin de comprendre pourquoi la piste de la révision des directives était privilégiée. S intéresser à la modernisation du droit comptable européen n est pas un sujet anodin. Outre son actualité récente, ce sont les discussions sur le projet de directive comptable, entamées pendant la rédaction de notre travail, qui dessineront le droit comptable belge de demain. Le 29 juin 2013, soit près d un an après la finalisation de notre mémoire, la nouvelle directive comptable (2013/34/UE) a été publiée au Journal officiel de l UE. Cette nouvelle directive devra être transposée dans notre droit comptable national au plus tard le 20 juillet 2015. Ce nouvel acte suit le principe de priorité aux PME. Il vise à trouver un équilibre entre, d une part, les besoins des utilisateurs des états financiers et, d autre part, la charge financière nécessaire pour se conformer aux exigences en matière d information financière. Pour ce faire, la directive distingue diverses catégories d entreprises et prévoit pour chacune d elles une série d obligations comptables. Parmi ces catégories, le texte différencie la microentreprise, la petite entreprise, la moyenne entreprise, la grande entreprise et l entité d intérêt public. Les Etats membres disposent de la possibilité d exempter les micro, petites et moyennes entreprises d une série d obligations comptables. De même, apparaissent les notions de petit, moyen et grand groupes. Les exigences varient également en fonction de la taille du groupe. Par exemple, les Etats membres ont la possibilité d exempter les groupes de taille moyenne d établir des comptes consolidés, alors que les petits groupes en sont d office exemptés. La distinction de catégorie se fera toujours sur les critères de taille auxquels nous sommes déjà familiers. A savoir le total du bilan, le chiffre d affaires et le nombre de salariés employés en moyenne au cours de l exercice.
Comme nous l avons souligné, le choix d une nouvelle directive a écarté l IFRS pour PME à vocation davantage mondiale. Les différents points abordés tout au long de notre mémoire laissent à penser que la solution de révision des directives reste le choix le plus adapté et ce, en particulier, compte tenu des objectifs de l Union de favoriser les PME et de réduire les coûts administratifs qui pèsent sur ces dernières. Différentes constatations ont pu être faites dans le cadre de ce mémoire. Premièrement, l analyse du référentiel international pour PME a montré que la norme n était pas adaptée aux petites et moyennes entreprises européennes. Le principal reproche lui étant adressé est sa complexité, peu adaptée aux besoins de ce type d entité. Effectivement, la norme prévoit des traitements comptables qui peuvent poser des difficultés tels les impôts différés, le recours à la juste valeur, Ceci est, en partie, dû au fait que la norme IFRS pour PME a été développée au départ des «full IFRS». Ensuite, le champ d application très étendu constitue un second problème. En visant les PME de manière large (soit toute entité qui n a pas de responsabilité publique), le référentiel conserve un niveau de complexité élevé, peu adapté aux PME telles que définies par l UE. De plus, contrairement aux «full IFRS» qui s appliquent en Europe aux comptes consolidés des sociétés cotées, la norme IFRS pour PME est plus à même de s appliquer aux comptes statutaires des sociétés. Cependant, à l opposé des pays anglo-saxons, un lien étroit existe entre la comptabilité et la fiscalité dans la majorité des pays européens. De ce fait, le référentiel international risquait de rompre ce lien et aurait pu conduire à la nécessité d établir deux jeux de comptes, ce qui aurait été à l encontre des objectifs poursuivis au niveau européen de simplification administrative et de réduction des charges administratives. Deuxièmement, moderniser le droit comptable implique une réflexion sur la finalité de celui-ci. La norme IFRS pour PME s inscrit dans la tradition anglo-saxonne pour laquelle l information est tournée vers l actionnaire. Dès lors, elle ne correspond pas forcément aux besoins des petites et moyennes entreprises européennes dont les techniques de financement diffèrent des PME anglo-saxonnes. De plus, le développement du référentiel international dépend de l IASB, organisme privé sur lequel l Union européenne n a aucun contrôle. A la différence de l Union, son unique intérêt est l acceptation du référentiel pour PME par le plus grand nombre. L accessibilité et la baisse des charges administratives ne constituent donc pas ses priorités.
Troisièmement, la proposition de directive présente certains avantages qui en font un choix plus judicieux que le référentiel international pour PME. En outre, son développement est indépendant de l IASB. La directive définit clairement les notions de petites, moyennes et grandes entreprises tout en créant un cadre européen plus adapté à leurs besoins. Afin que toutes les entreprises soient classées de manière similaire au sein de l UE, le projet de directive prévoyait dans sa version initiale une harmonisation maximale en proposant des seuils fixes définissant les différentes catégories d entreprises. De cette manière, il n était plus possible pour les Etats membres de transposer ces seuils à la baisse, ce qui avait pour but d améliorer la comparabilité. Néanmoins, les seuils prévus par le texte dans sa version initiale ont été modifiés suite au débat sur la proposition de directive. En ce qui concerne la catégorie des petites entreprises, les seuils initiaux ont été réduits pour atteindre actuellement 8 millions pour le chiffre d affaires et 4 millions pour le total du bilan. Cependant, par rapport au projet initial, les Etats membres disposent désormais de la possibilité d augmenter ces seuils jusqu à 12 millions pour le chiffre d affaires et jusqu à 6 millions pour le bilan. Cette option proposée par le texte final ne favorise pas l harmonisation comptable mais offre plus de flexibilité aux Etats membres constitués à titre principal d un tissu de PME, comme c est le cas en Belgique. Dans l optique d améliorer la comparabilité des états financiers au sein de l UE, la nouvelle directive diminue de manière générale le nombre d options mises à disposition des Etats membres. Auparavant, une multitude d options existaient suite aux multiples compromis nécessaire à l adoption de ces directives. En limitant les options offertes aux Etats membres dans le cadre de la transposition en droit national de la nouvelle directive, la Commission veut favoriser l harmonisation comptable. En effet, cela permet d éviter la création d obligations différentes entre les Etats membres qui surviendraient à la suite de la transposition en droit national. Le processus qui a mené à l élaboration de la nouvelle directive démontre qu une plus grande harmonisation comptable ne pourra s effectuer sans une perte de souveraineté des Etats membres. La difficulté de concilier les avis des Etats membres, dont les intérêts et orientations politiques divergent, représente un frein à l harmonisation. Ce dernier implique le recours à des options transposables au gré des Etats membres. Enfin, il conviendra d être attentif aux risques liés à une simplification à outrance des obligations des plus petites catégories d entreprises. On pense notamment aux dispositions relatives aux micro-entreprises qui proposent une série de simplifications dont la possibilité pour un Etat membre d exempter ce type d entreprise de l obligation de publier des comptes annuels. En effet, la nouvelle directive définit un sous-groupe d entreprises, les micro-entités
pour lesquelles un cadre particulier a été créé afin de simplifier les obligations en matière d information financière à fournir. L Union européenne estime que ces entreprises sont soumises aux mêmes règles comptables que des sociétés plus grandes malgré leurs ressources restreintes. De plus, elles ne sont, pour la plupart, actives que localement et leurs besoins en matière d information financière sont très limités. Les entités pouvant bénéficier de dérogations liées au régime des micro-entités sont celles qui, à la date du bilan, ne dépassent pas plus de deux des trois limites suivantes: un total du bilan de 350.000 euros, un chiffre d affaires net de 700.000 euros et un nombre moyen de 10 travailleurs au cours de l exercice. Ces simplifications relatives aux micro-entreprises sont disponibles sous la forme d une option. Sa possible transposition dans certains Etats membres et pas dans d autres pourrait conduire à une comparabilité moindre et à une concurrence déloyale. De plus, des seuils comptables européens trop élevés impliqueraient qu une majorité d entreprises des plus petits pays ne serait soumise qu aux exigences les plus faibles en matière de droit comptable. De trop faibles exigences limiteraient le rôle de la comptabilité à l établissement d une base fiscale, omettant son utilité en tant qu outil de gestion et d information pour les tiers. En outre, en période de crise, la réduction des exigences de publication ne devrait pas rassurer les investisseurs. La nouvelle directive ayant été publiée au Journal officiel de l Union européenne, il sera intéressant d observer quelle sera l attitude adoptée par les Etats membres, notamment en ce qui concerne les exemptions liées aux micro-entités. Quelle qu en soit l issue, on constate d ores et déjà, à travers cette nouvelle directive, une volonté du législateur européen de favoriser les PME. Même si la Commission a écarté l adoption de la norme IFRS pour PME, elle ne renie pas pour autant l intérêt des normes IFRS. Ces dernières ont constitué et constitueront sans nul doute une source d inspiration non négligeable. Le lecteur souhaitant obtenir plus de détails sur la nouvelle directive comptable peut consulter le texte au départ de l adresse suivante : http://eur-lex.europa.eu/lexuriserv/lexuriserv.do?uri=oj:l:2013:182:0019:0076:fr:pdf