THIBAUDIER Yann 2007/2008 Les haies hautes : avantages ou inconvénients pour l apprentissage des haies basses Introduction De nombreux athlètes commencent leur carrière sur les haies hautes et la terminent sur les haies basses, l inverse est plus rare mais existe toutefois. Les qualités physiques d'un coureur de haies hautes sont différentes de celles d'un coureur de 400h, car les filières énergétiques prioritaires ne sont pas les mêmes. En effet le 110 sollicite davantage la filière anaérobie alactique alors que le 4h la filière anaérobie lactique. On peut donc se demander si le fait de commencer par les haies hautes comprends des avantages pour le coureur de haies basses ou, si au contraire, il peut comprendre certains inconvénients. Le parcours de haies hautes La course de haies hautes est une course de sprint avec une constante rythmique (4 appuis entre deux haies). Le parcours de haies hautes se décompose en trois phases : -le départ (des starting-blocks à la première haie) -les neufs intervalles en quatre appuis -l arrivée (de la dernière haie à la ligne) Ces phases sont reliées par le passage des dix haies. Le franchissement des obstacles. Le franchissement d une haie ne se fait pas dans le but de réussir à la sauter mais dans le but de la passer le plus rapidement possible en conservant sa vitesse pour la reprise après l obstacle. Pour ce faire, la trajectoire du bassin décrit une parabole audessus de la haie mais le sommet de la parabole doit se trouver avant la haie et non pas au niveau de la haie pour permettre une reprise plus rapide derrière la haie.
Le franchissement de la haie comprends trois phases: l impulsion, la phase de suspension et la réception. L impulsion du hurdler est très différente de l impulsion du sauteur en hauteur. En effet, son but n est pas d aller haut ni même loin mais avant tout d aller vite sur l obstacle. Pour ce faire l appui doit être d une grande tonicité pour éviter tout écrasement qui entraînerait une augmentation des forces de freinages, une perte d alignement de la chaîne d extension et qui augmenterait la hauteur et le temps de la phase de suspension. La haie doit être attaquée par le genou jusqu à la hauteur de la latte, avant qu il y ait ouverture du genou, et les bras doivent continuer un cycle de course le plus normal possible même si le bras opposé à la jambe d attaque doit s étendre pour contrer l effet de l ouverture du genou. L alignement pieds-bassinépaules doit être conservé durant toute la phase d impulsion. La phase de suspension consiste à «effacer la haie». En effet l étirement important des ischio-jambiers et des fessiers de la jambe avant, ainsi que du psoas puis des adducteurs de la jambe arrière permettent un retour élastique et très rapide des segments libres à l issue de l esquive de la haie assurant la reprise de course. Au début du décollage, on observe la fermeture plus ou moins marquée de l angle cuissetronc. Les actions des bras permettent de conserver l équilibre en se coordonnant sur l action des jambes. Ce qui caractérise la phase de suspension est donc avant tout l élasticité des muscles car cela évite à l athlète de planer sur la haie. La réception doit permettre le retour immédiat à la technique de course, en retrouvant le même alignement corporel derrière la haie qu au cours de l impulsion. La jambe de reprise se rabat derrière la haie à la verticale du bassin et le plus près possible de la haie. Lors de cette reprise la recherche de grandissement est très importante. Le genou de la jambe d esquive fléchi est alors placé haut dans l axe de la trajectoire pour reprendre le cycle de course. La course inter-obstacles. En haies hautes, l intervalle entre deux obstacles est parcouru en quatre appuis. Cela implique de passer la haie toujours avec la même jambe d attaque. L enjeu durant cette phase est de réussir à reprendre un maximum de vitesse pour pouvoir l utiliser
lors du franchissement suivant. Chacune des trois foulées de l intervalle à une structure différente tant dans l amplitude que dans sa fonction. La première foulée est petite, elle permet la réception du franchissement et la reprise de la course. La deuxième foulée est grande, elle permet une augmentation de la vitesse et une rééquilibration des actions de course. La troisième foulée est moyenne, elle permet la préparation à l impulsion et la mise du centre de gravité sur une rampe de lancement. Toutefois l enjeu du hurdler est de réussir à ne pas traduire cette différence par une arythmie prononcée. Le coureur doit donner à cette séquence de course une structure rythmique lissée avec une cadence élevée. Le départ du parcours de haies hautes. Durant le départ le hurdler doit engendrer le maximum de vitesse tout en se préparant à franchir la première haie. Pour ce faire, il doit privilégier la fréquence à l amplitude durant les huits appuis qui le sépare de la haie car la distance départpremière haie est assez réduite (13,72m pour les hommes). La solution des huit foulées permet de préparer le rythme nécessaire durant la course inter-obstacles. Malgré la prise de vitesse qui doit se faire à la façon du sprinteur de plat, le hurdler doit aussi se préparer au franchissement de la première haie, c est pourquoi il doit se redresser assez rapidement contrairement au sprinteur. Le franchissement de la première haie est déterminante pour le reste de la course, il faut donc éviter de perdre trop de vitesse à son passage par un manque de préparation lors de la phase de poussée du départ. Courses Nb de foulées Départ/1ere Nb de foulées Inter-haies Distance d attaque Distance réception 110m Haies 8 3 2,20m 1,40m 400m Haies 20-25 13-17 2,25m 1,50m Le parcours de haies basses
La course de haies basses est une épreuve de sprint long avec obstacles. La contrainte est donc de nature technique mais aussi énergétique. Contrairement au parcours de haies hautes, ce n est pas l obstacle qui organise la course du hurdler mais l intervalle. En effet le hurdler doit ajuster ses foulées sur l ensemble de l intervalle pour éviter un ajustement précipité à une ou deux foulées de la haie entraînant une perte de vitesse et d énergie. Le franchissement des obstacles. La technique du franchissement des haies basses est relativement semblable à celle des haies hautes cependant quelques éléments divergent. Les haies sont plus basses mais la longueur du bond de franchissement reste toutefois équivalente à celle des haies hautes car l amplitude des foulées précédant le franchissement est plus grande (voir tableau). Le franchissement de la haie doit être vu comme une continuité de la course et ne doit pas être une phase de latence et de relâchement. Le coureur de haies basses ne peut pas construire sa course sur une constante rythmique du à la fatigue musculaire, le mieux est qu il sache donc prendre son impulsion aussi bien de la jambe droite que de la jambe gauche. Qui plus est, son amplitude naturelle peut l emmener à changer de jambe une haie sur deux. Le parcours de haies basses entraîne également une difficulté majeure qui est celle du franchissement de l obstacle en virage. En effet, le sens de la course sur la piste induit un franchissement préférentiel avec une jambe d'attaque gauche pour éviter la déportation vers la ligne extérieur lors de la phase de suspension. La course inter-obstacles. En fonction de ses capacités techniques et énergétiques, le hurdler essaye d avoir une amplitude de foulée proche de son amplitude optimal sur le plat. En effet, s il sait passer des deux jambes, il n aura pas besoin d adapter sa foulée dans l intervalle de 35m pour tomber sur la bonne jambe à l impulsion. Il pourra ainsi faire soit un nombre impair de foulées ( toujours la même jambe d impulsion), soit un nombre pair ( changement de jambe d impulsion d une haie sur l autre). Cependant il devra toujours adapter plus ou moins sa foulée pour arriver à l endroit idéal pour impulser. Qui plus est, durant le premier et le troisième 100m, les contraintes de la course en virage viennent perturber encore un peu plus le hurdler.
Le départ du parcours de haies basses. Tout comme pour les haies hautes, le départ du parcours de haies basses est primordial car il permet à la fois de produire de la vitesse mais aussi de se préparer au franchissement de la première haie. Mais la distance départ-première haie est bien plus importante en haies basses (45m pour le 400m haies) ce qui laisse à la fois plus de temps pour se redresser mais qui demande aussi une très grande précision pour arriver au bon endroit à l impulsion. De plus, le hurdler organise le nombre de foulées du départ à la première haie en fonction de ses objectifs sur l ensemble de la course ( nombre de foulées par intervalles, jambe d attaque, allure). Quelques questions aux spécialistes français des haies. J.J.BEHM Il vient de publier un fascicule sur un siècle de finales de 400m haies : temps de passage, nombre de foulées entre les haies, tout y est. Retraité, père de trois filles et six fois grand-père, il continue de faire le speaker et de présider le club de l'eol. Il fait aussi l'entraîneur à Tarare et conseille le groupe d'entraînement de Djamel Boudebibah à Bron. Ancien recordman de France, il a participé à de nombreuses compétitions internationales. Il est encore secrétaire de l'association des entraîneurs français d'athlétisme, contributeur unique de la revue «Quatrache» dédiée à 100% au 400m haies et organisateur du meeting du même nom. Les techniques de franchissement des haies hautes et des haies basses peuvent-elles êtres considérées comme «assez semblables»? L'engagement nécessaire au franchissement des haies hautes coûte une énergie dont la dépense serait nocive sur 4H. Sur HH les bras sont moteurs, sur 4H seulement équilibrateurs. Sur 4H le temps de franchissement est souvent décrit par les pratiquants comme "un temps de repos" ce qui n'est évidemment pas le cas sur HH.
Quelles sont habituellement les difficultés observées pour les coureurs de haies hautes qui se mettent aux haies basses? De n'avoir éventuellement pas travaillé assez long D'avoir une mauvaise jambe Quelles sont les facilités des coureurs de haies basses ayant pratiqué auparavant les haies hautes? La technique L'absence de crainte Selon vous, faire des haies hautes avant de passer aux haies basses constituerait donc plutôt un avantage ou un inconvénient? Un avantage technique indiscutable d'autre part, une aide à la "protection des espèces" comme peuvent l'être les combinées qui évitent une spécialisation précoce et un abus de résistance prématurée. R.LONGUEVRE Technicien reconnu dans l athlétisme, entraîneur de Ladji Doucouré, Linda Ferga et Fanny Gérance, Conseiller Technique National, Président de l AEAPL ( Association des Entraîneurs d Athlétisme des Pays de la Loire ) et président de la Ligue des Pays de la Loire. Les techniques de franchissement des haies hautes et des haies basses peuvent-elles être considérées comme «assez semblables»? Même objectif : perdre le moins de vitesse possible Quelles sont habituellement les difficultés observées pour les coureurs de haies hautes qui se mettent aux haies basses? Problème de souplesse active des fléchisseurs de la hanche de la mauvaise jambe Quelles sont les facilités des coureurs de haies basses ayant pratiqué auparavant les haies hautes? "Qui peut le plus peut le moins" (JJ Behm)
Selon vous, faire des haies hautes avant de passer aux haies basses constituerait donc plutôt un avantage ou un inconvénient? Un avantage si des phases de "déformatage" techniques sont prévues à certaines périodes de l'année. En d'autres termes travail de franchissement des 2 jambes hors des période de travail spécifique. En plus c'est indiqué pour prévenir les pubalgies. Discussion Avantages de faire d'abord les haies hautes Nous avons vu que les techniques de franchissement des haies hautes et des haies basses restent relativement semblables même si dans ce domaine les opinions divergent, notamment par la moindre dépense d énergie recherchée sur les haies basses ( temps de repos?), néanmoins comme le dit R.LONGUEVRE, l objectif reste le même «perdre le moins de vitesse possible». Donc l apprentissage des haies hautes permet d acquérir la technique du franchissement de l obstacle que ce soit pour les haies hautes ou basses. Cela représente donc l avantage principale des haies hautes pour l apprentissage ultérieur des haies basses. En plus, l apprentissage des haies hautes permet d apprendre un certain rythme qui pourra être utilisé au 400m haies. En effet, Même si les haies basses ne demandent pas le même rythme que les haies hautes, celui-ci peut tout de même servir à l approche de la haie pour réguler ses foulées même si l ajustement au 400m haies doit être fait sur l ensemble de l intervalle et pas seulement sur les dernières foulées. Qui plus est, comme nous le dit cette phrase de J.J.BEHM, «qui peut le plus peut le moins». En effet, savoir passer les haies hautes permet «l absence de crainte» sur les haies basses car lors des courses de haies hautes il ne faut pas avoir peur de réellement attaquer la haie, donc l entraînement sur les haies permet d augmenter la confiance en soi et d éviter ainsi la peur de l obstacle qui, avec la fatigue, peut être fatale sur le 400m haies lors des derniers obstacles. Le travail sur les haies hautes avant les haies basses comme nous le rappelle J.J.BEHM permet d éviter «une spécialisation trop précoce et un abus de résistances prématurées» qui entraînent souvent par la suite des problèmes physiologiques (blessures, croissance ) mais qui peut aussi amener à un ennui, un découragement et
au final un arrêt de l athlétisme chez les plus jeunes. Donc la pratique des haies hautes confère à la fois un avantage technique indiscutable mais aussi un avantage psychologique important et une protection des jeunes athlètes. Inconvénients de commencer par les haies hautes Nous venons de voir que les haies hautes présentent de nombreux avantages pour l apprentissage des haies basses, toutefois il existe aussi quelques inconvénients. Tout d abord, nous avons vu que le gros problème de l apprentissage des haies hautes avant les haies basses entraîne le travail d une seule jambe d attaque. Or le hurdler de 400m haies doit pouvoir passer la haie des deux jambes pour ne pas à avoir à s éloigner trop de sa foulée optimale. La technique de la deuxième jambe sera difficile à apprendre une fois que la jambe préférentielle aura déjà assimilé la technique et cette meilleur jambe sera donc utilisée même lorsque c est l autre jambe qui aurait été la plus adaptée à la situation et cela sera encore augmenté par la fatigue physique de la fin de course. Le deuxième inconvénient qui ne peut pas être négligé est le relâchement. En effet, comme on en a déjà parlé dans les avantages, la technique des haies hautes et celle des haies basses ne sont pas vraiment identique avant tout pour une question de relâchement nécessaire pour pouvoir tenir longtemps. Pour pouvoir passer l obstacle le plus vite possible comme sur les haies hautes, il n est pas question d être relâché mais quand on veux tenir 400m, il faut savoir être relâché sur l obstacle (toutefois il faut éviter de perdre trop de temps, c est pour cela que la notion de «temps de repos» reste discutable). Donc les haies hautes permettent d assimiler une technique qui doit être plus ou moins modifiée lors des courses de haies basses. Bien entendu, le travail des haies hautes amène principalement l athlète à travailler sur de faibles distances ce qui peux être un handicap lorsque celui-ci souhaitera passer aux haies basses car il manquera crucialement de résistance. Enfin il ne faut pas oublier de rappeler que la technique de franchissement en virage présente des difficultés importantes. Donc bien que le travail des haies hautes entraîne une bonne technique de franchissement, un travail sur haies en virage sera utile à l athlète pour se familiariser avec cette variante de technique. Donc l apprentissage des haies hautes avant le passage aux haies basses peut entraîner un certain nombre d inconvénients d ordre principalement technique mais
aussi physiologique. Quelques conseils pour l entraînement Les constatations que nous venons de faire, nous amène à penser que les haies hautes procurent des avantages non négligeables ainsi que certains inconvénients mais les effets de ces derniers peuvent être réduits en adoptant quelques stratégies simples à l entraînement. Avant tout, comme nous le conseille R.LONGUEVRE pour l entraînement des haies hautes, il faut prévoir des phases de «déformatage» pour ainsi éviter un trop gros déséquilibre d une jambe par rapport à l autre. Bien entendu, ces périodes de travail des deux jambes ne doivent être effectué que en dehors des périodes de travail spécifique. Qui plus est, en plus de permettre de réduire les différences techniques entre jambe préférentielle et jambe non préférentielle, cela est également indiqué pour prévenir les pubalgies (Syndrome douloureux du carrefour pubien). Pour les jeunes, nous avons vu qu il faut éviter de les faire travailler en résistance trop souvent. Toutefois, même pour des hurdlers de haies hautes, une petite séance de résistance de temps en temps ne fait pas de mal et permet de conserver un minimum de puissance et de capacité anaérobie lactique utiles pour le 400m haies. Par exemple un travail spécifique 4H, peut être intéressant une fois de temps en temps (sans aller dans l excès inverse) même chez les jeunes, il permet de découvrir pour certains une nouvelle discipline, d avoir un minimum d entraînement en résistance, de travailler des deux jambes ainsi que de travailler la technique de haie en virage. Avec ces quelques petits conseils pour l entraînement des haies hautes, je pense que l athlète progressera dans cette discipline tout en ayant les bases minimum pour pouvoir se réorienter vers les haies basses si tel est son désir par la suite. Conclusion Nous avons vu au cours de ce dossier qu il existait des similitudes et des différences entres les haies hautes et les haies basses. L apprentissage des haies hautes entraîne donc des avantages et des inconvénients à l apprentissage ultérieur des haies basses. Toutefois en appliquant quelques principes simples à l entraînement des haies
hautes, on peut réussir à conserver les avantages tout en réduisant au maximum les inconvénients. Bibliographie «ATHLETISME 3.Les courses» de Fréderic AUBERT et Thierry CHOFFIN «Les fondamentaux de l Athlé» d Etienne CESARI et de Fabrice LAIGRET «Comprendre l athlétisme, sa pratique et son enseignement» de HUBICHE et PRADET «La reprise après l obstacle» de Florian GAUDIN-WINER in Athlétisme magazine de juin 2007 N 2-500. «Le 400m haies femmes» de Gary WINCKLER in AEFA 4eme trimestre 2002 N 168 «Au printemps La séance spécifique de course du Hurdler» de Alain MERCIER in Athlétisme magazine d avril 2004 N 469 «Face à face : 110m haies A la recherche du geste parfait» de Renaud LONGUEVRE in Athlétisme magazine d Avril 2005 N 479 «Protection des espèces» de Jean-Jacques BEHM in Bisannuel du 4H français automne 96 N 4H 28 «Parcours de haies» compte-rendu du colloque de Lievin en 2000 «Formation du jeune coureur de haies basses» compte-rendu du colloque de Issoudun en 2001