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BELIN Chimie Cours Structure de la matière Atomes, liaisons chimiques et cristallographie Michel GUYMONT BELIN 8, rue Férou 75278 Paris cedex 06 www.editions-belin.com

DANS LA COLLECTION BELIN SUP SCIENCES N. BILLY, M.-A. DUVAL, J. DESBOIS, M. ELIAS, P. MONCEAU, A. PLASZCZYNSKI, M. TOULMONDE CAPES de Sciences physiques. Tome 1. La physique, cours et exercices S. BACH, F. BUET, G. VOLET CAPES de Sciences physiques. Tome 2. La chimie, cours et exercices A. MAUREL Optique ondulatoire, cours Optique géométrique, cours A. MAUREL, J.-M. MALBEC Optique géométrique, rappels de cours et exercices A. MAUREL et G. BOUCHET Optique ondulatoire, rappels de cours et exercices J. BRUNEAUX, M. SAINT-JEAN et J. MATRICON Électrostatique et magnétostatique, cours Électrostatique et magnétostatique, rappels de cours et exercices DANS LA COLLECTION BELIN SUP HISTOIRE DES SCIENCES A. BARBEROUSSE La mécanique statistique. De Clausius à Gibbs M. BLAY La science du mouvement. De Galilée à Lagrange Photo de couverture D. R. Schémas: Laurent Blondel/Corédoc Le code de la propriété intellectuelle n autorise que «les copies ou reproductions strictement réservées à l usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective» [article L. 122-5] ; il autorise également les courtes citations effectuées dans un but d exemple ou d illustration. En revanche «toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, sans le consentement de l auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite» [article L. 122-4]. La loi 95-4 du 3 janvier 1994 a confié au C.F.C. (Centre français de l exploitation du droit de copie, 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris), l exclusivité de la gestion du droit de reprographie. Toute photocopie d œuvres protégées, exécutée sans son accord préalable, constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal. Éditions Belin, 2003 ISSN 1158-3762 ISBN 978-2-7011-3631-8

Sommaire Avant-propos... 5 1. La théorie atomique avant la mécanique quantique... 7 Résultats expérimentaux de la spectroscopie atomique... 8 Interprétation des interactions matière/lumière... 12 Le modèle planétaire et l atome de Bohr... 18 2. La mécanique quantique... 32 La formule de de Broglie (1924)... 33 L équation de Schrödinger des états stationnaires (1926)... 37 Signification physique de la fonction d onde C(x, y, z)... 42 Le principe d incertitude de Heisenberg (1927)... 45 Autres principes de la mécanique quantique... 46 Les opérateurs... 46 Notation de Dirac... 59 3. Méthodes de résolution de l équation de Schrödinger... 64 Résolution de l équation dans des cas simples (1 dimension)... 65 Méthode variationnelle... 82 Méthode des perturbations... 85 4. L atome à un électron... 93 Orbitales atomiques des hydrogénoïdes... 94 Le moment cinétique orbital de l électron... 111 Le spin de l électron... 116 5. Atomes polyélectroniques 1. Principes généraux... 126 L atome à deux électrons indépendants... 127 Principes généraux appliqués à l atome à deux électrons... 130 Description des états des atomes par la configuration électronique... 140 6. Atomes polyélectroniques 2. Les descriptions fines... 156 Le modèle de la charge effective de Slater... 157 Le modèle de Hartree-Fock... 160 Le modèle de Thomas et Fermi... 181 La prise en compte qualitative des interactions interélectroniques... 183 L atome dans un champ magnétique... 195 Énergies expérimentales des orbitales atomiques... 197 7. Les divers types de liaisons chimiques... 202 Introduction. Énergies de liaison et de dissociation... 203 Les liaisons fortes... 203 Les liaisons faibles... 217 Forme géométrique des molécules... 221 Valeurs des énergies de liaison... 223 3

8. Théorie quantique de la liaison chimique 1. Les molécules diatomiques... 229 L approximation de Born et Oppenheimer (1927)... 230 Étude de la molécule H 2... 234 Les molécules diatomiques homonucléaires (étude qualitative)... 255 Les molécules diatomiques hétéronucléaires... 274 Mise en garde à propos de l emploi des symboles s et p... 277 9. Symétrie des molécules et théorie des groupes... 280 Opérateurs de symétrie... 281 Les groupes de symétrie... 282 Les représentations des groupes... 287 Applications des représentations... 297 10. Théorie quantique de la liaison chimique 2. Les molécules polyatomiques 304 Les orbitales moléculaires des molécules polyatomiques... 306 Évolution des orbitales moléculaires (diagrammes de corrélation)... 319 L hybridation des OA et les orbitales localisées OL... 321 LaméthodedeHückel... 329 Les complexes (composés de coordination)... 337 11. Les cristaux et le réseau cristallin... 356 Le réseau tripériodique d un cristal... 357 Les sept systèmes cristallins (syngonies)... 362 Le réseau réciproque du cristal... 365 La symétrie d orientation des cristaux (groupes ponctuels)... 368 Les mailles élémentaires de symétrie maximum (mailles de Bravais)... 371 Les groupes spatiaux... 374 12. Cristallochimie... 380 Les solides classés en quatre types suivant les liaisons... 381 Les orbitales cristallines (OC)... 396 13. Diffraction des rayons X par les cristaux (radiocristallographie)... 405 Production et détection des rayons X... 406 Interaction des rayons X avec la matière... 408 Diffraction par un cristal... 410 Méthodes expérimentales de diffraction X... 418 Réponses aux exercices... 422 Appendice... 441 Bibliographie... 444 Index... 445 4

Avant-propos Cet ouvrage peut se lire à deux niveaux, ou même à trois. Les parties marquées du signe sont plus spécifiquement enseignées en Licence (Licence 3 dans le schéma LMD). Elles ne sont pas indépendantes des autres, qui sont censées être connues ; un étudiant de premier cycle (Licence 1 et 2) peut les sauter sans inconvénient. En revanche, les parties non assorties d une étoile sont autonomes, au prix de quelques redites avec les autres. Cette séparation Premier cycle/licence est valable à la date (2003) de la rédaction de cet ouvrage, jusqu à ce que les programmes changent. Or, on sait par expérience que les programmes sont fluctuants, dans le temps, comme dans l espace : chaque université a les siens propres. Certains domaines de l enseignement actuel peuvent être supprimés, être enseignés plus tôt ou plus tard... Cependant, les fondements demeureront et l étudiant trouvera toujours dans cet ouvrage les outils et les références dont il a besoin. Le troisième niveau de lecture est surtout constitué des encadrés appelés «Approfondissement», mais aussi de quelques prolongements dans le corps même du texte de niveau Licence. J ai voulu traiter plusieurs questions de manière détaillée, ce qui a pu, parfois, alourdir la rédaction. Je garde l espoir que certains étudiants exigeants y trouveront les réponses à des questions qu ils se posent... Quelques mots sur la pédagogie. La cristallographie ne pose guère de difficultés : c est une théorie géométrique, de même que la radiocristallographie, en fin de compte. En revanche, le domaine délicat de la chimie quantique est susceptible de plusieurs présentations, à cause de la théorie quantique elle-même. En effet, les concepts quantiques, qui sont ici indispensables, figurent parmi les concepts intellectuels les plus difficiles à comprendre. À l époque de l élaboration de la théorie quantique, disons approximativement entre 1905 et la Seconde Guerre mondiale, il y eut un grand trouble et de nombreuses discussions parmi les savants concernés. Commencés à propos de l indétermination et de la limitation intrinsèque de l information qu on peut extraire de la nature, les débats ont rapidement débordé sur l épistémologie. Qu est-ce que la connaissance? Et qu est-ce que la compréhension? Quand dit-on qu on a compris quelque chose? On s est aperçu alors que beaucoup de concepts scientifiques qui nous paraissent clairs ne le sont que parce que nous y sommes habitués. Par exemple, les notions classiques de masse, de force, d amplitude en optique, de champ, etc., nous sont familières et pourtant elles sont incompréhensibles pour peu qu on y réfléchisse. Mais les relations entre ces concepts sont éminemment utiles et ce sont ces relations (pas seulement quantitatives) qui constituent la connaissance. Ainsi, un électron est quelque chose de mystérieux, son individualité est d ailleurs suspecte. Mais il a une charge, un spin, une masse... Les grandeurs sont incompréhensibles, mais on connaît leurs valeurs précises et celles-ci entrent dans les relations qui permettent de prévoir ce qui va se passer dans telles ou telles conditions. Voilà ce qu il faut comprendre. Passons maintenant à la pratique. AVANT-PROPOS 5

Une notion n est assimilable (compréhensible) que lorsqu elle est présentée progressivement et rattachée aux autres notions/relations déjà assimilées. Il faut y aller doucement : l étudiant ne peut pas assimiler beaucoup de choses en peu de temps, surtout quand ces choses sont reliées entre elles, car il faut en plus assimiler les liens. Il faut aussi répéter : la redondance est la bienvenue. Bref, la pédagogie est tout le contraire de l axiomatique qui nous communique en un minimum de mots (donc de temps) l information complète (ou supposée telle...). En fait, l axiomatique n est vraiment assimilable que lorsqu on a déjà beaucoup pratiqué la matière enseignée. Depuis von Neumann et Dirac, la mécanique quantique est souvent présentée de façon axiomatique, ou presque axiomatique. C est formidable... quand on connaît déjà la mécanique quantique. Mais trop dur pour un étudiant qui commence. De plus, on risque de perdre le contact avec la physique (au sens grec du terme) et de ne voir que le formalisme. À côté de l axiomatique, il y a les présentations historiques : on décrit les observations et on invente au fur et à mesure les concepts nécessaires pour les interpréter. Il y a des chances pourquecenesoitnileplusclair,nileplusdirect.ilyaunepartdehasardetd errements rectifiés par la suite, qui est ennuyeuse. On sait que certaines matières ne doivent surtout pas être enseignées en suivant l histoire : l électricité et la thermodynamique en sont des cas exemplaires. Il y a encore une troisième façon de présenter les choses : la méthode «axiomatique pédagogique». C est la méthode suivie par Feynman dans la partie quantique de son fameux traité de physique, ouvrage remarquable (malheureusement mal traduit en français) : on y fait de l axiomatique, mais en douceur, progressivement ; le propos est émaillé d expériences réelles (lorsqu elles sont simples), ou conceptuelles. L auteur a fait un travail admirable, et aussi des émules. Mais il me semble que c est encore trop abstrait. J ai opté pour une méthode historique simplifiée, c est-à-dire en sautant parfois des étapes et en prenant quelques raccourcis. Cela permet d introduire les concepts et les relations nécessaires au fur et à mesure des besoins et donc d instiller progressivement l information, en l accrochant à ce qu on connaît déjà. Et comme en chimie quantique, on n a pas besoin de toute la mécanique quantique, quelques omissions possibles soulagent l effort intellectuel demandé à l étudiant, effort qui, malgré tout, reste grand. Il faut s habituer aux concepts qu on ne comprend pas pour pouvoir s en servir sans se tromper. Comme le mouvement, auquel on est habitué depuis notre enfance, et qu on utilise, pratiquement et intellectuellement, comme des virtuoses, bien qu il reste inintelligible... Michel Guymont Orsay, février 2003 6

La théorie atomique avant la mécanique quantique Chapitre 1 Contrairement à ce qu indique son étymologie («a-tome» signifie en grec «indivisible»), l atome est constitué d autres particules, dites élémentaires. C est la constitution détaillée de l atome qui est l objet de ce qu on appelle la théorie atomique. En 1911, Rutherford proposa pour l atome un modèle planétaire où les électrons, chargés négativement, tournent autour d un noyau constitué de protons chargés positivement, la force d attraction électrostatique remplaçant la force de gravitation. Mais nous verrons que ce séduisant modèle ne donne qu un atome instable. Bohr le modifia en 1913 en y injectant des «conditions de quanta». Dans sonmodèle,lerayondel orbitedel électronnepeutprendrequecertainesvaleurs (dites «quantifiées»), qui font intervenir la constante h, introduite par Planck en 1900. Une des deux conditions de quanta de Bohr fait intervenir le photon, particule de lumière inventée par Einstein en 1905, dont l énergie s exprime également à l aide de la constante de Planck. Avec le modèle atomique de Bohr, on peut retrouver toutes les fréquences (ou les longueurs d onde) des raies d émissions de l atome d hydrogène et des ions à un électron, appelés hydrogénoïdes. 1.1 Résultats expérimentaux de la spectroscopie atomique 1 Production des spectres d émission atomique 2 Spectres d absorption 3 Propriétés des spectres atomiques 1.2 Interprétation des interactions matière/lumière 1 L introduction de la constante de Planck 2 L introduction du photon par Einstein 1.3 Le modèle planétaire et l atome de Bohr 1 Le modèle planétaire de Rutherford 2 Le modèle de Bohr des hydrogénoïdes Mots-clés Spectres d émission et d absorption atomique Raies spectrales Corps noir (radiateur intégral) Effet photoélectrique Photon Atome de Bohr Niveaux d énergie 1. LA THÉORIE ATOMIQUE AVANT LA MÉCANIQUE QUANTIQUE 7

1.1. Résultats expérimentaux de la spectroscopie atomique La spectroscopie est née au XIX e siècle, grâce à l invention des spectroscopes (à prisme et à réseau), qui permettent l analyse d un rayonnement polychromatique en ses composantes monochromatiques. I Définition : On appelle spectre d un rayonnement la répartition des intensités monochromatiques en fonction de la longueur d onde l, ou de son inverse, le nombre d ondes 1/l, ou encore de la fréquence n. 1 2 3 4... Fig. 1.1. Allure d un spectre d émission. 1 Production des spectres d émission atomique En excitant suffisamment (électriquement ou thermiquement) des éléments ou leurs sels (composés ioniques), ils émettent de la lumière (visible ou non) qui, analysée au spectroscope, donne toujours un spectre de raies monochromatiques discrètes (et en plus, éventuellement, un spectre continu). Les raies sont caractéristiques des atomes ou ions monoatomiques. La partie continue du spectre (spectre de bandes) est due aux liaisons entre atomes dans les molécules. En réalité, ce spectre continu est constitué de raies fines très serrées que les spectroscopes modernes arrivent à séparer grâce à leur meilleure résolution. Monochromatique : Constitué d une seule longueur d onde. Polychromatique : Constitué de plusieurs longueurs d onde. Discret : S oppose à «continu». Résolution : La résolution d un instrument donnant une image est sa capacité à séparer deux points très proches. Quand la résolution n est pas bonne, l instrument ne peut séparer les deux points, qui n en forment alors qu un seul, plus ou moins net. En mesurant les nombres d ondes des raies des spectres atomiques, on a rassemblé progressivement une énorme quantité de données, qui ont été inscrites dans des tables. La consultation de ces tables permet d identifier des éléments inconnus d après leurs spectres d émission, par exemple les éléments composant le soleil et les étoiles. Les divers modes d excitation sont électriques (électroluminescence )ou thermiques (incandescence). 8

Excitations électriques Décharge électrique (de quelques volts à quelques centaines de volts) dans un gaz (H 2, O 2,N 2, He,...) sous faible pression (de l ordre de 10 3 à10 4 bar) ou dans une vapeur métallique (sodium, potassium, mercure... ). Alors que O 2,N 2, etc., donnent des spectres de bandes, la molécule H 2 est très facilement dissociée en 2 atomes H dans les conditions d observation et donne le spectre de raies de H. Spectre d arc : on soumet deux électrodes conductrices (C, Fe, Cu, Ni,...), placées éventuellement dans une vapeur métallique (lampe à vapeur de mercure ou à vapeur de cadmium), à une différence de Fig. 1.2. Arc électrique entre électrodes de carbone. potentiel continue (220 V ou moins) ; l intensité est réglée par un rhéostat à environ 4 A. Entre les deux électrodes, qu on écarte légèrement, apparaît un arc lumineux. Une fois l arc amorcé, il subsiste lorsqu on diminue la tension. Le spectre obtenu en analysant cette lumière est le spectre émis par les atomes du métal des électrodes et aussi par les atomes de la vapeur métallique éventuellement présente. Pour produire le spectre d arc d un sel, comme NaCl, on emploie des électrodes en graphite, le charbon positif étant percé d un trou axial rempli d un mélange du sel. Spectre d étincelle : on produit des étincelles entre deux électrodes par décharge d un condensateur (les électrodes peuvent même être liquides). Excitations thermiques On analyse l émission lumineuse de vapeurs métalliques chauffées dans un tube au four électrique. L élévation progressive de la température fait apparaître l ensemble du spectre d arc, puis, pour certains éléments au moins, les raies du spectre d étincelle. Spectre de flamme : on projette une poudre d un corps simple ou d un de ses sels (NaCl, LiF,...) dans une flamme. La température y est relativement basse. La flamme d un bec Bunsen est voisine de 1 700 C, alors que la température d un arc électrique est voisine de 3 000 C. On peut aussi utiliser un chalumeau oxhydrique ou oxyacétylénique, dont la flamme, plus chaude, permet d obtenir les spectres de métaux : zinc, magnésium,... + 2 Spectres d absorption Inversement, si, par exemple, on éclaire un gazavecunelumière«blanche»(c est-àdire contenant toutes les longueurs d onde, telle que la lumière du cratère d un arc électrique pour le rayonnement visible), on constate, après traversée du gaz, l absorption de certaines raies. Ces raies «noires» sont les mêmes que les raies d émission du même gaz ; elles constituent le spectre d absorption. I 1 2 3... Fig. 1.3. Allure d un spectre d absorption. 1. LA THÉORIE ATOMIQUE AVANT LA MÉCANIQUE QUANTIQUE 9

La lumière blanche émise par le soleil comporte de nombreuses raies d absorption dues aux éléments contenus dans la couronne solaire et dans l atmosphère terrestre. 3 Propriétés des spectres atomiques Séries spectrales La plupart des spectres atomiques montrent un enchevêtrement complexe de raies. Mais pour certains atomes ou ions, en particulier pour l atome H, on constate que les raies sont réparties par séries de façon régulière (séries spectrales). Série de Paschen H Série de Brackett H H H Série de Balmer 1/ Série de Lyman Fig. 1.4. Les raies spectrales de l atome d hydrogène. Le spectre complet s analyse en plusieurs séries (Lyman, Balmer, Paschen, Brackett). Sur la figure 1.4 sont représentées les raies d émission caractéristiques de l atome d hydrogène telles qu elles apparaissent sur un film photographique quelque peu idéalisé. Les séries de raies du spectre d émission de H sont complètement séparées et s étendent de l ultraviolet à l infrarouge. Ces séries portent les noms des spectroscopistes qui les ont découvertes : la série de Lyman est entièrement dans l ultraviolet, la série de Balmer est en partie visible, puis, pour des longueurs d onde de plus en plus grandes, viennent successivement les séries de Paschen, de Brackett, et de Pfund (toutes entièrement dans l infrarouge). Historiquement, la série observée la première est la série de Balmer, dont quatre raies sont dans le visible. Balmer (1885) a donné une formule qui permet de trouver le nombre d ondes de toutes les raies de la série qui porte son nom ; converties en fréquences n (en s 1, ou Hz), les raies de la série de Balmer sont données par : ( 1 n53,3 10 15 4 1 ) (1.1) n 2 avec n 5 3, 4, 5, etc. Les raies vont en se resserrant de plus en plus : pour n grand, on ne les distingue plus. Seules les quatre premières raies (n 5 3, 4, 5 et 6), appelées respectivement H a, H b, H g,eth d, sont dans le visible, la fin de la série se trouvant dans l ultraviolet. 10

Les raies de la série de Lyman sont toutes données par une formule analogue : n53,3 10 15 (1 1n ) 2 mais avec n 5 2, 3, 4, etc. & Développement Recherche Nombres d ondes, longueurs d onde et fréquences Les nombres d ondes 1 l (en cm 1 )etleslongueurs d onde l (en Å ou nm) sont mesurés avec une très grande précision, alors que les fréquences ne sont pas directement accessibles à la mesure ; on ne peut les obtenir que par le calcul, avec la formule : n5 u l où u est la vitesse de la lumière dans le milieu traversé (air, par exemple). Dans le vide, la vitesse de la lumière est notée c (c 3 10 8 m s 1 ). Du point de vue théorique, la fréquence est cependant la grandeur la plus intéressante, car c est elle (et non la longueur d onde ou le nombre d ondes) qui reste constante quel que soit le milieu traversé, même si l indice de réfraction varie. C est en fait la fréquence qui doit être associée à la couleur «monochromatique» : au passage de l air dans le verre par exemple, le jaune monochromatique reste jaune, le bleu reste bleu, etc. : leur fréquence reste inchangée. Au contraire, la longueur d onde varie avec le milieu traversé : il y a dispersion, due à l indice de réfraction n 5 l vide /l 5 c/u. C est cette propriété qui est utilisée dans les prismes des spectroscopes à prismes pour disperser un rayonnement polychromatique en ses composantes monochromatiques : l indice de réfraction n étant pas le même pour toutes les longueurs d onde, celles-ci sont réfractées à des angles différents à leur entrée dans le prisme et en sortent ensuite séparées (d où le mot «dispersion»). Un peu d histoire La valeur c 5 299 792 458 m s 1 de la vitesse de la lumière dans le vide a été adoptée comme constante fondamentale à la 17 e Conférence générale des Poids et La vitesse de la lumière Mesures en 1983, et c est à partir de cette valeur, supposée exacte, et de la définition spectroscopique de la seconde qu est maintenant défini le mètre. Principe de combinaison On constate que, pour les séries spectrales observées, la fréquence (ou le nombre d ondes 1 l ) de chaque raie peut s écrire comme la différence de deux termes de la forme T i 5 Const. : ( n 2 i 1 n5const. 1 ) n 2 1 n 2 2 où n 1 et n 2 sont des nombres entiers positifs (n 1 <n 2 ). Les termes T i sont appelés termes spectraux. 1. LA THÉORIE ATOMIQUE AVANT LA MÉCANIQUE QUANTIQUE 11

La constante dépend de l atome et non de la série ; n 1 est caractéristique de la série (pour H : n 1 5 1,sériedeLyman;n 1 5 2,sériedeBalmer...),etn 2 est caractéristique de la raie dans la série. Le principe de combinaison de Ritz (1908) énonce que n importe quelle raie spectrale d un atome peut être déterminée en effectuant toutes les différences possibles entre deux termes spectraux caractéristiques d un atome ou d un ion, numérotés de telle sorte que l accroissement du numéro corresponde à une diminution du terme : n n1 n 2 5 T n1 T n2 Le nombre entier positif n 1 désigne la série spectrale. En effectuant les différences des fréquences de raies d une même série, on trouve les fréquences d une autre série. Par exemple : n 13 n 12 5 T 1 T 3 T 1 1 T 2 5 T 2 T 3 5n 23 La différence des fréquences n 13 et n 12 de deux raies de la série de Lyman donne la fréquence n 23 d uneraiedelasériedebalmer. Laréciprocitéduprincipedecombinaisonn estpasvraie:touteraieprovienteffectivement de la différence de deux termes, mais la différence de deux termes quelconques ne donne pas toujours une raie ; certaines raies sont dites interdites («règles de sélection»). Après l introduction du modèle de Bohr ( 1.3), l expression «terme» ou «terme spectral»estdevenuesynonymede«niveau». 1.2. Interprétation des interactions matière/lumière Àl aubeduxx e siècle, deux explications théoriques de phénomènes apparemment sans relation vont s avérer fondamentales pour toute l orientation future de la théorie atomique. Ces deux phénomènes sont : le rayonnement du corps «noir» (voir plus loin sa définition), interprété par Planck en 1900, et l effet photoélectrique, interprété par Einstein en 1905. Pour chacune de ces interprétations, ces deux physiciens ont été obligés d introduire des concepts entièrement nouveaux dans la science. 1 L introduction de la constante de Planck Nous allons maintenant considérer le rayonnement par incandescence, émis non pas par des atomes ou des molécules séparés (à l état gazeux), mais par un corps condensé (solide) et dans des conditions particulières : lorsque ce rayonnement a atteint l équilibre thermique avec le corps, c est-à-dire lorsque la température du corps et du rayonnement sont les mêmes et que le spectre du rayonnement polychromatique émis est invariable. 12

En 1900, Planck a réussi à expliquer la forme expérimentale du spectre du rayonnement électromagnétique en équilibre thermique avec la matière, c est-à-dire la répartition de l énergie de ce rayonnement en fonction de la longueur d onde. Aucun raisonnement basé sur la physique classique n y était parvenu. Le rayonnement du corps noir Lorsqu on chauffe un matériau solide quelconque à une certaine température, il émet dans tout l espace un rayonnement électromagnétique polychromatique. Lorsqu on augmente progressivement la température T, la couleur de ce rayonnement change, indiquant une modification de son spectre, c est-à-dire que les proportions respectives de ses composantes monochromatiques changent. D abord invisible (infrarouge) aux températures relativement basses, le rayonnement devient rouge sombre, puis, lorsqu on augmente T,il devient plus clair, puis jaune, puis blanc aveuglant (ce qui indique une certaine proportion d ultraviolets). Ces spectres sont tous continus, les couleurs observées étant des moyennes de toutes les longueurs d onde présentes. Si on isole le matériau dans une enceinte thermostatée à une température T fixe, il faut ajouter au rayonnement qu il émet le rayonnement inévitablement émis par la paroi intérieure de l enceinte (qui est à la même température). L expérience montre que, non seulement la quantité totale de rayonnement, mais aussi la répartition spectrale de ses composantes monochromatiques, atteint un équilibre. Ainsi, à une températuret, l enceinte est remplie d un rayonnement qui est émis et absorbé continuellement par le corps et la paroi de l enceinte. Une fois l équilibre atteint, l énergie rayonnante par unitédevolumedansl enceinteetsonspectre ne dépendent que de la température T et non de la nature ou de l état de surface du corps et des Intensité (unité arbitraire) 12 11 10 2 000 K 9 8 7 6 5 1 750 K 4 3 1 500 K 2 1 1 000 K 0 0 1 2 3 4 5 6 ( m) Fig. 1.5. Intensité (unité arbitraire) du rayonnement d équilibre d un corps noir en fonction de l. parois. À chaque instant, le corps et la paroi interne, chauffés, émettent continuellement du rayonnement, et absorbent aussi le rayonnement qu ils reçoivent. Pour que l équilibre ait lieu, il faut qu ils en absorbent autant qu ils en émettent, de façon à ce que la quantité totale de rayonnement présente à chaque instant dans l enceinte soit constante pour chaque fréquence monochromatique. L ensemble corps-paroi interne de l enceinte en équilibre thermique émet toutes les fréquences (radiateur intégral) et absorbe aussi toutes les fréquences : c est donc en même temps un absorbeur intégral, appelé aussi «corps noir». L adjectif «noir» exprime symboliquement le fait que toutes les fréquences sont absorbées. On peut réaliser un corps noir en perçant un petit trou dans la paroi de l enceinte thermostatée. Il en sort une partie négligeable du rayonnement thermique, insuffisante pour perturber l équilibre, mais suffisante pour être étudiée expérimentalement. 1. LA THÉORIE ATOMIQUE AVANT LA MÉCANIQUE QUANTIQUE 13

Le rayonnement à l intérieur, et donc aussi le rayonnement qui sort par le trou, doivent avoir la même répartition spectrale d intensité que celle qui est caractéristique du rayonnement d un corps noir à la température considérée. Les quanta d énergie Le spectre du rayonnement thermique du corps noir a un maximum d intensité pour une longueur d onde d autant plus petite que la température est élevée (Wien, 1893) : l max T 5 Const. 5 0,298 cm K Par ailleurs, l intensité émise tend vers zéro pour les grandes et pour les petites longueurs d onde (voir fig. 1.5). La théorie classique ne peut expliquer la décroissance des intensités lorsque la longueur d onde tend vers zéro (appelée, de façon imagée, «catastrophe ultraviolette» ). Elle prévoit au contraire que ces intensités croissent indéfiniment lorsque l 0, ce qui est absurde. Planck a pu expliquer toute la forme de la courbe de répartition spectrale des intensités émises par un corps noir à une température T en fonction de la longueur d onde (ou de la fréquence), en supposant que les échanges énergétiques (absorption et émission) entre le corps et le rayonnement se faisaient, non pas de façon quelconque, mais par multiples de petites quantités discrètes, les«quanta»(plurieldequantum) d énergie hn, toutes proportionnelles à la fréquence n du rayonnement. La constante h, depuis appelée constante de Planck, est maintenant déterminée avec une grande précision : h 5 6,626 17 10 34 J s On remarque que les unités de cette constante sont des joules multipliés par des secondes : cette grandeur est une action. C est pourquoi la constante de Planck est aussi appelée quantum d action. Nous ne verrons pas la formule donnée par Planck pour le spectre du corps noir, car nous n en aurons pas l usage. Par contre, l introduction du quantum d énergie hn est d une importance capitale, et va servir constamment par la suite. À partir de 1900, les explications de phénomènes faisant intervenir la constante de Planck devinrent de plus en plus nombreuses. Nous allons en voir un certain nombre. On a appelé «théorie des quanta» l ensemble des concepts et relations qui faisaient apparaître explicitement la constante de Planck. Un peu d histoire Max Planck (1858-1947), physicien allemand, montra la nécessité de décrire les échanges d énergie entre la matière et le rayonnement électromagnétique par des petites quantités discontinues, les quanta, et introduisit la constante h qui porte son nom. C est le 14 décembre 1900 qu il exposa Max Planck devant la Société allemande de Physique sa théorie des échanges énergétiques entre matière et rayonnement. Cette date marque l apparition des quanta dans la science. Planck fut professeur à l Université de Berlin de 1899 à 1927. Il a obtenu le prix Nobel de physique en 1918. 14

2 L introduction du photon par Einstein Il est bien connu que la lumière est un phénomène ondulatoire : c est une onde électromagnétique. Cette description est confirmée par de très nombreuses expériences. Malgré cela, deux expériences fondamentales, l effet photoélectrique et l effet Compton, nepeuvent être expliquées que par l hypothèse d une structure corpusculaire de la lumière : on doit, dans ces deux cas, supposer que la lumière est constituée non d ondes mais de particules (ou corpuscules). Nous ne verrons que le premier phénomène. L effet photoélectrique L effet photoélectrique (découvert par Hertz en 1887) est l émission d électrons par la matière recevant un rayonnement électromagnétique. La lumière visible produit cette émission à la surface de plusieurs corps, en particulier les métaux alcalins (Na, K, Rb, Cs). L ultraviolet la produit dans la plupart des substances. Comme la lumière apporte de l énergie à tous les corps qui l absorbent, il est naturel de penser qu une partie de cette énergie sert à éjecter des électrons, de façon analogue à l émission d électrons d un filament qu on chauffe par effet Joule. On mesure l énergie cinétique des électrons éjectés (appelés photoélectrons) : Sur la fig. 1.6, une lumière monochromatique est envoyée par une fenêtre transparente sur la surface d un matériau dans un récipient où l on a fait le vide. Si des électrons sont éjectés de la surface, ils sont attirés par la grille, chargée positivement, passent à travers, et arrivent sur la plaque collectrice. Ce collecteur est porté à une différence de potentiel V négativeparrapportàlasurfaceémettrice. Ainsi il repousse les électrons et ne collecte que ceux qui ont quitté la surface avec une énergie cinétique au moins égale à V électron-volts. Les électrons moins énergétiques sont repoussés. La mesure du courant i en fonction de V donneuneanalysefidèledeladistribution en énergie des électrons. E c 5 1 2 mv2 Lumière Collecteur Grille Fig. 1.6. Cellule photoélectrique. + Ampèremètre Potentiomètre ( ) + L expérience montre que le nombre de photoélectrons, mesuré par l intensité électrique i, est proportionnel à l intensité de la lumière. D autre part, on constate que l énergie cinétique des électrons éjectés est proportionnelle à la fréquence n du rayonnement 1. LA THÉORIE ATOMIQUE AVANT LA MÉCANIQUE QUANTIQUE 15

(monochromatique) et non à son intensité. Par ailleurs, aucun électron n est émis pour des fréquences n inférieures à un certain «seuil» n 0,quinedépendquedelanaturedela substance et est indépendant de l intensité de la lumière. Un peu d histoire Heinrich Hertz Heinrich Hertz (1857-1894) est un physicien allemand, contemporain de Max Planck, mais malheureusement mort jeune. Il a découvert en 1887 l effet photoélectrique avec de la lumière ultraviolette. D autre part, en déchargeant un condensateur par une étincelle et en observant simultanément à distance, sous une cloche à vide, l impulsion de courant circulant dans une spire (ce qu on appela plus tard une antenne), il découvrit et étudia les oscillations électriques et la propagation des ondes électromagnétiques, que, depuis, on appelle ondes hertziennes. À la fois expérimentateur et théoricien, il posa les bases théoriques de l électrodynamique entre 1888 et 1889, anticipant le développement de la radio, inventée plus tard par Marconi. Il soupçonna aussi l existence de la radioactivité dès 1888. La théorie des photons Les raisonnements classiques utilisant la nature ondulatoire de la lumière ne purent expliquer le phénomène. Einstein a supposé (1905) que le rayonnement se comportait dans l effet photoélectrique comme un faisceau de particules. Chaque particule est un «grain» (quantum) de lumière (qu on appelle maintenant photon) d énergie E proportionnelle à la fréquence du rayonnement monochromatique qui l accompagne : E 5 hn où h est la constante de Planck. Quand un photon incident est absorbé par la substance, la totalité de son énergie hn est communiquée à un électron dans le matériau. Si cette énergie est supérieure à une valeur minimum hn 0 (n 0 est le seuil), l électron surmonte la «barrière d énergie» hn 0 et sort du matériau avec l énergie : 1 2 mv2 5 h(n n 0 ) 5 ev où V est la différence de potentiel qui annule le courant. hn 0 est appelé travail d extraction car c est le travail minimum qu il faut fournir pour extraire un électron du matériau solide. Il est de l ordre de quelques ev ; un des plus faibles est celui du césium (Cs) : 1,93 ev. Planck pensait que les quanta ne se manifestaient que lors des échanges (émission et absorption) entre matière et lumière. Einstein alla plus loin en conférant une structure discontinue à la lumière elle-même. La formule E 5 hn montreàelleseulequelathéorie des photons n est pas autonome vis-à-vis de la théorie ondulatoire de la lumière puisqu il y figure la fréquence n à laquelle seule une théorie introduisant une idée de périodicité 16

peut donner un sens. Pourtant, dans la représentation ondulatoire de la lumière, l énergie d une onde n est pas déterminée par sa fréquence mais par son amplitude : l énergie est proportionnelle au carré de l amplitude, c est-à-dire à l intensité ; et il n existe aucun lien physique entre l amplitude d une onde et sa fréquence. Dès son invention, le photon est paradoxal. Le nombre de photons qui traversent une surface unité par seconde s identifie à l intensité du rayonnement. Classiquement, le carré de l amplitude du rayonnement monochromatiquedefréquencen est l énergie de l onde ; l intensité est alors la quantité de cette énergie qui traverse une surface unité par seconde (en W m 2 ). En divisant cette énergie par l énergie d un photon de la fréquence correspondante, on obtient l intensité mesurée en nombre de photons par unité de surface et par seconde (voir exercice 3). Outre l énergie, une autre grandeur importante est la quantité de mouvement. La quantité de mouvement d une particule est le produit de sa masse par sa vitesse. C est un vecteur avec trois composantes, comme la vitesse : p 5 m v. Des raisonnements simples ont conduit à attribuer au photon une quantité de mouvement : p 5 hn c 5 h l En effet, la théorie de la relativité donne comme énergie de toute matière ou lumière E 5 mc 2. Un photon a donc cette énergie. On peut alors écrire : E 5 mc 2 5 hn Sa quantité de mouvement étant mc, on en déduit : p 5 mc 5 hn c et E 5 pc La théorie électromagnétique donnait d ailleurs déjà E 5 pc comme relation entre l énergie et la quantité de mouvement p d une onde. La relation p 5 hn,jointeàe 5 hn, a permis en 1923 d expliquer parfaitement c l effet Compton (découvert en 1922), qui est l effet de la diffusion des photons par les électrons. Conclusion : Le photon défini par le couple (E, p) est ainsi «associé» à une onde plane monochromatique (n, l), infinie dans le temps comme dans l espace. Bien qu on dise que c est une particule, un photon n est pas une petite bille. Toutes les expériences tentées pour le localiser ont échoué. Parler de la position du photon en un point particulier de l onde n a pas de sens. On peut seulement dire qu un rayonnement quasi monochromatique de fréquence à peu près définie, émis par une source lumineuse, est formé de paquets (quanta) de rayonnement discrets, les photons, en nombre d autant plus grand que son intensité est élevée. 1. LA THÉORIE ATOMIQUE AVANT LA MÉCANIQUE QUANTIQUE 17

La masse du photon Le photon a une masse au repos nulle. En effet, pour une particule relativiste, l énergie E a une partie «mouvement» et une partie «repos» (dans laquelle m 0 est la masse au repos) : E 2 5 m 2 c 4 5 p 2 c 2 1 m 2 0c 4 m 2 0c 4 est la partie «repos». Le photon, se déplaçant par définition toujours à la vitesse de la lumière (c), est évidemment une particule relativiste. Or, on sait que, pour le photon, E 5 pc. Ce qui implique que m 0 5 0. Cela signifie que le photon n existe pas au repos. Par contre, il a une masse «effective» m : celle qu on trouve en identifiant v 5 c dans l expression générale de la quantité de mouvement p 5 mv. La masse effective du photon est par conséquent m 5 p/c. Avec E 5 pc, on retrouve bien E 5 mc 2 pour son énergie, par ailleurs aussi égale à hn. Un peu d histoire Albert Einstein Albert Einstein (1879-1955) est un illustre physicien théoricien allemand. Né à Ulm, il fit ses études supérieures à Zürich, puis travailla successivement à Berne, Zürich et Prague. Nommé directeur du Kaiser Wilhelm Institüt à Berlin, il émigra dans les années trente aux États-Unis où il devint membre de l Institute for Advanced Studies de Princeton (Massachussetts). Il est l auteur de nombreux travaux de physique, souvent d une importance fondamentale. En 1905, il publie la même année dans les Annalen der Physik trois articles capitaux : l un qui fonde la théorie de la relativité (dite «restreinte»), l autre où il explique l effet photoélectrique par l introduction de la particule de lumière (appelée depuis «photon»), et le dernier sur le mouvement brownien qui apportait des arguments solides en faveur de l existence des atomes et indiquait en même temps les limites de la thermodynamique. On lui doit aussi la relativité générale, avec une interprétation géométrique de la gravitation, et une théorie du champ dit «unitaire». Un autre de ses articles (1917) introduit la nécessité de l existence de l émission stimulée, qui est à la base de la possibilité des rayonnements LASER. Il obtint le prix Nobel de physique en 1921. 1.3. Le modèle planétaire et l atome de Bohr 1 Le modèle planétaire de Rutherford Au début du XX e siècle, on savait, principalement grâce aux études sur la radioactivité, que l atome est composé d électrons (de charge e) et de protons (chargés 1e), dont les 18

caractéristiques sont les suivantes : m e 5 masse (au repos) de l électron 5 9,109 10 31 kg ; m p 5 masse (au repos) du proton 5 1 836,15m e 5 1,672 10 27 kg ; e 5 charge élémentaire 5 1,602 10 19 C. Le neutron n a été découvert et identifié sans ambiguïté qu en 1932 par J. Chadwick. Il est électriquement neutre (comme son nom l indique) et a une masse au repos sensiblement voisine de celle du proton : m n 5 masse (au repos) du neutron 5 1,675 10 27 kg. On sait maintenant que c est un constituant important du noyau, qui distingue les isotopes d un même élément, et qu il est responsable de la fission nucléaire. Mais, à l époque des premiers modèles atomiques, il était inconnu. Plusieurs modèles atomiques ont été successivement proposés par divers auteurs ( J. Perrin, J.J. Thomson, Nagaoka), mais le plus séduisant a été le modèle planétaire, proposé par E. Rutherford (1911), qui se basait sur les expériences de Geiger et Marsden (1909). Ceux-ci bombardaient des feuilles de métal mince (quelques mm d épaisseur), de l or par exemple, avec un faisceau de particules a issues d une source radioactive (du radium), chargées 12e. Ces particules a sont des noyaux d hélium 4 2He : 2 protons et 2 neutrons ; l analyse chimique montra que, revenu à l état neutre, ce sont des atomes d hélium. Geiger et Marsden constatèrent que la plupart des particules a (détectées à l époque par leurs impacts fluorescents sur un écran recouvert de sulfure de zinc ZnS) passent sans aucune déflexion. Ils en conclurent que les particules a traversent surtout du vide et donc que les atomes de métal sont presque entièrement constitués de vide. De plus, l étude de la diffusion des particules déviées montra que la masse de chaque atome est concentrée dans un tout petit corps de charge positive 1Ze, qu on appela le noyau (Z est un entier positif ). Les atomes ont un diamètre de l ordre de 1 Å et les noyaux constitués de protons (et aussi de neutrons, mais à l époque on l ignorait) sont 10 4 à10 5 fois plus petits. Dans le modèle atomique de Rutherford, les électrons (chargés négativement) tournent en orbite autour de ce noyau (chargé positivement) comme un système solaire en miniature, la force électrostatique attractive remplaçant la force de gravitation. Ces deux forces étant toutes deux proportionnelles à l inverse du carré de la distance r au centre, elles donnent les mêmes trajectoires elliptiques et hyperboliques. Détermination de la vitesse de l électron Si on prend pour simplifier une orbite circulaire (cas particulier de l ellipse), en se plaçant sur l électron, on «voit» alors le noyau tourner autour de l électron immobile. Faisons le bilan des forces s exerçant sur l électron pour le maintenir immobile (fig. 1.7). 1. LA THÉORIE ATOMIQUE AVANT LA MÉCANIQUE QUANTIQUE 19

Il y a d abord la force d attraction électrostatique (force de Coulomb) : F 5 1 Ze 2 4p 0 r 2 Elle est dirigée vers le noyau (force centrale). Mais la vitesse de l électron (dans le référentiel du noyau), qui est perpendiculaire à chaque instant à cette force, l empêche de tomber sur le noyau. Dans le référentiel de l électron, tout se passe alors comme si il y avait une force effective qui le tire vers l extérieur (force centrifuge) : F cen 5 m v2 r + Ze F F cen e Fig. 1.7. Schéma de l atome planétaire à un électron (orbite circulaire). où m est la masse de l électron ; son accélération est : g5 v2. Les deux forces s équilibrent r (voir la figure 1.7) : F 1 F cen 5 0 On va en tirer une relation entre v et r : 1 Ze 2 1 m v2 5 0 4p 0 r 2 r Ze 2 4p 0r 5 mv2 On en déduit l expression de l énergie cinétique de l électron et sa vitesse : E c 5 1 2 mv2 5 Ze2 8p 0r v 2 5 Ze2 4p 0mr (1.2) Détermination de l énergie totale de l électron L énergie totale E de l électron est égale à la somme de son énergie cinétique et de son énergie potentielle. Calculons son énergie potentielle E p : c est l énergie potentielle d une charge dans un champ électrique. La mécanique nous apprend que la variation de p d énergie potentielle d un système est l opposée de la variation du travail dw effectué par la force (ici, la force de Coulomb) : de p 5 dw 5 F dr On doit calculer l énergie potentielle E p (r) de l électron à la distance r du noyau. Pour cela, on calcule le travail W qu il faut effectuer pour amener l électron depuis l infini (où l on supposera que l énergie potentielle E p ( ) est nulle) jusqu à la distance r du noyau. 20

Connaissant la force F, on peut calculer l énergie potentielle si on sait calculer l intégrale : r r de p 5 F(r)dr r E p (r) E p ( ) 5 Ze2 1 4p 0 r dr 2 E p (r) E p ( ) 5 [ Ze2 1r ( 1 )] 5 1 Ze 2 4p 0 4p 0 r Avec E p ( ) 5 0, on obtient : E p (r) 5 1 Ze 2 4p 0 r Notons que l énergie potentielle est négative. Finalement : Soit : On note la relation : E 5 E c 1 E p 5 Ze2 8p 0r Ze2 4p 0r E 5 Ze2 8p 0r E 5 1 2 E p 5 E c (1.3) On peut démontrer cette relation pour une énergie potentielle en 1/r en partant d un théorème général appelé le théorème du viriel. Critique du modèle planétaire Malheureusement, le modèle planétaire est théoriquement impossible. Selon la théorie de l électromagnétisme, les électrons qui décrivent des orbites, étant des particules chargées accélérées (car ils suivent une trajectoire non rectiligne), devraient constamment émettre un rayonnement de fréquence égale à la fréquence de rotation autour du noyau, perdant ainsi de l énergie. Or l énergie doit se conserver. L énergie ainsi perdue par rayonnement dans l espace doit donc être prélevée sur l énergie totale E de l électron. Cette énergie (électrostatique) est négative, proportionnelle à 1,oùr est la distance électron-noyau : r elle doit donc diminuer, en devenant un nombre négatif de plus en plus grand. Donc r diminue. L orbite devient de plus en plus petite, et la relation E 5 E c montre que l énergie cinétique, et donc la vitesse, est de plus en plus grande. Le rayon de l orbite devenant de plus en plus petit au fur et à mesure que l énergie diminue et la vitesse de plus en plus grande, la fréquence de rotation devient de plus en plus grande et donc la fréquence du rayonnement émis doit augmenter continûment, ce qui ne correspond pas du tout aux fréquences discrètes des raies expérimentales de l émission atomique. D ailleurs, suivant ces hypothèses, l électron tombe en spirale sur le noyau en un temps très court, de l ordre de 10 11 s (voir Approfondissement). En conclusion, l atome planétaire ne peut exister. 1. LA THÉORIE ATOMIQUE AVANT LA MÉCANIQUE QUANTIQUE 21

Durée de vie de l atome planétaire Calculons le temps mis par l électron d un atome H (Z 5 1) pour tomber en spirale sur le noyau dans le cadre du modèle planétaire. La perte d énergie par unité de temps, de/ dt, est égale à l énergie du rayonnement émis par l électron accéléré. Ici, il faut emprunter à la théorie électromagnétique l expression qui donne l énergie de rayonnement émise par unité de temps par une charge d accélération g : 2 e 2 3 4p 0c 3 g2 L énergie perdue doit donc être égale à l énergie émise pendant la même unité de temps : de dt 5 2 e 2 3 4p 0c 3 g2 5 2 e 2 v 4 3 4p 0c 3 r 2 5 2 e 2 e 4 3 4p 0c 3 (4p 0) 2 m 2 r 4 Par ailleurs, en remplaçant E par l expression de l énergie totale (éq. 1.3), on trouve : de ( ) dt 5 e2 d 1 8p 0 dt r Donc, en égalant les deux expressions : e 2 8p 0 d dt d dt ( ) 1 5 2 e 2 e 4 r 3 4p 0c 3 (4p 0) 2 m 2 r 4 ( ) 1 5 4 e 4 r 3 (4p 0) 2 m 2 c 3 r 4 e 4 dr r 5 4 2 3 (4p 0) 2 m 2 c 3 r dt 4 r 2 dr 5 4 3 (4p 0) 2 m 2 c dt 3 Intégrons les deux membres, le premier membre entre deux positions r 1 et r 2, et le deuxième membre entre les instants correspondant à ces positions (appelons Dt cet intervalle de temps) : r1 3 r2 3 5 4 (4p 0) 2 m 2 c Dt 3 Pour calculer le temps Dt mis par l électron pour passer de sa position initiale r 1 5 r àla position finale r 2 5 0 (électron sur le noyau), on remplace par ces valeurs : Dt 5 (4p 0)2 m 2 c 3 r 3 4e 4 1 Or : 5 10 7 c 2 9.10 9 SI. 4p 0 On donne pour l hydrogène (voir le calcul dans le modèle de Bohr, éq. 1.8) r 5 0,529 Å. Donc : Dt 5 1014 m 2 r 3 4ce 4 5 1014 (9,1 3 10 31 ) 2 (0,529 3 10 10 ) 3 4 3 3 3 10 8 3 (1,6 3 10 19 ) 4 Dt 5 1,6 10 11 s. e 4 e 4 2 Le modèle de Bohr des hydrogénoïdes En reprenant le modèle planétaire et en ajoutant deux hypothèses supplémentaires, N. Bohr a construit un modèle d atome stable valable pour les hydrogénoïdes, c est-àdirelesatomesouionsàunseulélectron(h,he 1,Li 21,Be 31,...). L idée de Bohr est que l atome planétaire ne peut effectivement pas exister, sauf lorsque l électron suit certaines orbites particulières sur lesquelles il ne rayonne pas, donc sur lesquelles la théorie électromagnétique est en défaut. Mais comment trouver ces orbites, si elles existent? Bohr s est arrangé pour imposer des conditions qui permettent de retrouver le principe de combinaison, et en particulier la formule de Balmer (éq. 1.1), lorsque l atome émet ou absorbe un rayonnement électromagnétique. 22

Les grandeurs mécaniques importantes à considérer dans tout problème physique sont l énergie E et la quantité de mouvement p 5 mv. Si, dans le système ont lieu des rotations au lieu de translations, plutôt que la quantité de mouvement, il est plus intéressant de considérer le moment cinétique : L 5 mvr, produit de la quantité de mouvement par la distance r du point où l on considère cette quantité de mouvement. (Plus précisément, le moment cinétique est un vecteur L qui est, par définition, le produit vectoriel de r par la quantité de mouvement p 5 m v : L 5 r p.) Bohr a introduit deux hypothèses de «quantification», l une sur le moment cinétique et l autre sur l énergie. Le mot «quantification» signifie que les grandeurs considérées ne peuvent varier que par «quanta», c est-à-dire, comme on l a déjà dit pour le rayonnement du corps noir, par quantités discrètes, multiples d une unité quantique minimale. Un autre exemple de quantification était en fait déjà connu depuis des années à l époque, mais n était pas alors considéré comme tel : la quantification de la charge électrique, qui ne peut varier que par multiple du quantum minimum d électricité e 5 1,6 10 19 C. Un peu d histoire Niels Bohr Niels Bohr (1885-1962) est un physicien danois. Il a proposé le modèle atomique qui porte son nom en 1913. Plus tard, il introduisit le principe de complémentarité qui stipule que les propriétés ondulatoire et particulaire d un système sont exclusives et ne peuvent se manifester simultanément. Il anima à Copenhague un Institut de Physique théorique, fondé en 1921. Cet institut devint un centre où séjournèrent de nombreux jeunes physiciens qui, par la suite, acquirent une grande notoriété, comme W. Heisenberg ou L. Landau. Il étudia aussi la fission nucléaire des noyaux lourds. Il obtint le prix Nobel de physique en 1922. Première hypothèse de Bohr La première hypothèse de Bohr est la quantification du moment cinétique orbital L de l électron : L 5 r mv 5 n h (1.4) 2p Le moment cinétique de l électron en mouvement sur son orbite ne peut prendre comme valeurs que des multiples entiers n de l unité h/2p, où h est la constante de Planck. Les orbites ainsi définies, que Bohr a appelées «orbites stationnaires», sont les seules compatibles avec la stabilité de l atome. Expression du rayon des orbites permises (orbites stationnaires) Bohr introduit ainsi une première fois la constante de Planck h dans l atome. On avait déjà une relation (éq. 1.2) entre la vitesse v de l électron et le rayon r de son orbite, qu on 1. LA THÉORIE ATOMIQUE AVANT LA MÉCANIQUE QUANTIQUE 23