La dépression et le déprimé



Documents pareils
SOUFFREZ-VOUS D UN TROUBLE BIPOLAIRE?

La prise en charge d un trouble dépressif récurrent ou persistant

Questions / Réponses. Troubles du sommeil : stop à la prescription systématique de somnifères chez les personnes âgées

Avec un nouveau bébé, la vie n est pas toujours rose

Les troubles non moteurs de la maladie de Parkinson. Comprendre la maladie de Parkinson

La prise en charge d un trouble bipolaire

Se libérer de la drogue

Comportements addictifs

POURQUOI RESSENTONS-NOUS DES ÉMOTIONS?

Guide à l intention des familles AU COEUR. du trouble de personnalité limite

«Tout le monde devrait faire une psychothérapie.»

La migraine : quelle prise de tête!

JE NE SUIS PAS PSYCHOTIQUE!

Migraine et mal de tête : des "casse-tête"

LE Module 04 : SOMMEIL Module 04 :

Ma vie Mon plan. Cette brochure appartient à :

Définition. Recherche sur Internet. Quelques chiffres. Stress et enseignement. Symptômes 3 catégories de causes Le burn out Gestion du stress

Quand le stress nous rend malade

Inventaire Symptomatique de la Dépression et du Trouble Affectif Saisonnier Auto-évaluation (IDTAS-AE)

Les Français et leur sommeil Dossier de presse Mars 2008

Gina Sanders. Troubles du sommeil : banal... mais pas fatal!

ANAMNÈSE Création : Dre Josée Douaire, psychologue

A - Nomenclature des préjudices de la victime directe

LA MÉTHAMPHÉTAMINE LE CRYSTAL C EST QUOI

GUIDE D INFORMATIONS A LA PREVENTION DE L INSUFFISANCE RENALE

Conseils pour le traitement des douleurs persistantes

Nouvelles addictions. Dr Marie VERSCHAVE Praticien hospitalier Service de médecine interne E et addictologie

Entre mal-être et bien être : comment vont les étudiants. Premiers résultats. Damien BERTHILIER Président La Mutuelle des Étudiants LMDE-EPSE

Parent avant tout Parent malgré tout. Comment aider votre enfant si vous avez un problème d alcool dans votre famille.

Les aspects psychologiques de la paralysie cérébrale : répercussions et enjeux dans le parcours de vie.

Questionnaire pour les enseignant(e)s

EN SAVOIR PLUS POUR EN SORTIR

Affirmation de soi, confiance en soi, estime de soi

Aimerais-tu en connaître davantage sur les troubles alimentaires? Clique sur chacune des sections pour avoir plus de détails

Journal de la migraine

Un danger vous guette Soyez vigilant

MIEUX COMPRENDRE CE QU EST UN ACCIDENT VASCULAIRE CÉRÉBRAL AVC

Trouble bipolaire en milieu professionnel: Du diagnostic précoce àla prise en charge spécialisée

Quelqu un de votre entourage a-t-il commis un suicide?

LE SOMMEIL: TRAITEMENT DE L'INSOMNIE

Brûlures d estomac. Mieux les comprendre pour mieux les soulager

Programme intercantonal de lutte contre la dépendance au jeu (PILDJ) Actions neuchâteloises

Troubles psychiques de la grossesse et du post-partum Q19. Psychiatrie adulte Module D Pr Jean Louis Senon Année universitaire

Vivez votre féminité sans souffrir.

Le Bien-être et les jeunes professionnels

Différents facteurs impliqués dans l addiction

Expertis. Étude Stress. Stress. sur le Éléments statistiques. Dr Brigitte Lanusse-Cazalé. Production : Le Laussat.

Mieux informé sur la maladie de reflux

Le guide du bon usage des médicaments

9.11 Les jeux de hasard et d argent

La fibromyalgie Mieux l'évaluer pour mieux la traiter

Chapitre 15. La vie au camp

Le psoriasis est une maladie qui touche environ 2 à 3 % de la population et qui se

La prise en charge de votre insuffisance cardiaque

La migraine. Foramen ovale perméable. Infarctus cérébral (surtout chez la femme)

DEBAT PHILO : L HOMOSEXUALITE

La psychothérapie. Se poser les bonnes questions

Programme internet de traitement du jeu excessif Partie cognitivo-comportementale

Les soins des douleurs chroniques dans les TMS Les échecs thérapeutiques

Bouger, c est bon pour la santé!

Bibliothèque de questions Questions spécifiques aux organismes

Politique du sommeil

Migraine et Abus de Médicaments

COUPLE ET PROBLÈMES SEXUELS

A healthy decision LA DOULEUR

Surfer Prudent - Tchats. Un pseudo peut cacher n importe qui

Conférence sur l addiction au numérique du 21 mars 2013

Qu est-ce que la maladie de Huntington?

N O S L I M I T E S?!

En quoi consistera ce jeu?

Il y a un temps pour tout «Il y a un temps pour tout et un moment pour chaque chose», dit l Ecclésiaste signifiant ainsi à l homme qui veut accéder à

COMMENT AIDER LES ENFANTS EN BAS ÂGE A SURMONTER UN TRAUMATISME

Sommeil, fatigue au volant et jeunes conducteurs

DOMAINE 7 RELATIONS ET RÔLES

Définition, finalités et organisation

Les effets nocifs du bruit sur l'homme

PROGRAMME VI-SA-VI VIvre SAns VIolence. Justice alternative Lac-Saint-Jean

La politique de l entreprise (esprit et incitation au challenge) implique :


La douleur est une mauvaise habitude.

Manque de reconnaissance. Manque de contrôle

HABITAT INDIGNE, SOUFFRANCE PSYCHIQUE. ET DEFENSES DELIRANTES DANS LES EXCLUSIONS (internes et externes) Lyon, 2014

Stress des soignants et Douleur de l'enfant

S ickness Impact Profile (SIP)

Problèmes de rejet, de confiance, d intimité et de loyauté

L intolérance à l incertitude et le trouble d anxiété généralisée

troubles comportementaux aigus et/ou cognitifs tous les intervenants de l entreprise Prise en charge immédiate sur le lieu de travail.

«La capacité à être seul», WINNICOTT

INNOVATION De la rééducation au sport santé. LPG crée le Neuro

Madame, Monsieur, André GILLES, Député permanent chargé de l Enseignement et de la Formation.

EXEMPLE DE LETTRE DE PLAINTE

La rue. > La feuille de l élève disponible à la fin de ce document

Douleur et gestion de la douleur. Renseignez-vous sur les services de soutien et de soins sur

"La santé des étudiants en 2015"

Loin de mes yeux. Chaque personne apprivoise la mort à sa façon, ce qui apporte à cette dernière

Les drogues POUR EN SAVOIR PLUS. 1. L avis du psychologue. 2. Les risques et leur prévention. Quelques chiffres

Pacte européen pour la santé mentale et le bien-être

HARCÈLEMENT CRIMINEL. Poursuivre quelqu un, ce n est pas l aimer!

Les troubles mentaux dans le contexte de l Assurance de Personne. SCOR inform - Septembre 2012

001_004_VIVRE.qxd 21/07/ :35 Page 1 Vivre avec soi

Transcription:

La dépression et le déprimé Introduction La dépression est l une des maladies psychiques les plus fréquentes dans le monde. On estime ainsi que 5 à 10% des français de 15 à 75 en font une chaque année, et qu environ 20% des français de 15 à 75 ans ont vécu ou vivront une dépression au cours de leur vie. Trop souvent confondue avec la tristesse ou l ennui, la dépression est un trouble qui associe de nombreuses manifestations et qui perturbe à la fois le corps et l esprit de celui qui en souffre. Seul un médecin pourra faire un diagnostic de dépression et proposer un traitement adapté. Le traitement de la dépression repose le plus souvent sur la prescription de médicaments antidépresseurs pendant plusieurs mois. Certaines formes de psychothérapies peuvent aussi être proposées pour aider les personnes atteintes à sortir de la dépression. Il convient, dans tous les cas, de traiter la dépression pendant suffisamment de temps pour éviter la rechute ou l apparition de complications. On recommande 1

de traiter la dépression pendant 6 à 9 mois lors d un premier épisode. Si vous avez souffert de plusieurs dépressions, le traitement est parfois plus long. La dépression est un trouble qui se soigne et dont on guérit. Il convient de trouver le traitement qui est le plus adapté à la personne. Elle doit être correctement prise en charge pour éviter la survenue de complications graves (addictions, autres maladies psychiatriques, troubles cardiovasculaires...) parfois dramatiques comme le suicide. La dépression constitue l un des principaux facteurs de risque connu du suicide. Le risque de décès par suicide est 10 fois plus élevé chez les patients déprimés que dans la population générale. Face à la survenue d idées suicidaires, il convient de ne pas rester seul et d en parler à un proche ou à son médecin. Des solutions existent pour sortir de la dépression. N oubliez pas que la dépression guérit si l on la soigne correctement et avec sérieux. Malheureusement, la dépression peut parfois devenir chronique ou récidiver. Pour éviter qu elle ne revienne, il est généralement recommandé de poursuivre le traitement pendant plusieurs mois après la guérison. Il convient aussi de modifier ses habitudes de vie en favorisant l exercice physique, en apprenant à gérer le stress, en modifiant son alimentation et en préservant son sommeil. 2

La traversée de la dépression doit vous permettre de mieux prendre soin de vous, d être plus à l écoute de vos envies et de vos besoins. Vos proches ne doivent pas être laissés sans informations sur la dépression ; sans l aide d un professionnel ils risquent de ne pas vous comprendre et parfois d avoir des attitudes qui vous apparaitront incompréhensibles. La dépression est étrange aussi pour eux et les fait souffrir. 3

CHAPITRE I DEPRESSION : DE QUOI PARLE T ON? Les mots pour désigner en médecine les maladies de l esprit et ceux employés dans la vie de tous les jours sont souvent les mêmes. Cette confusion peut laisser croire que des troubles comme la «dépression» font partie des émotions et des états d âme de tout à chacun ; que finalement tout cela est «normal» ou «banal». Mais la dépression ne relève pas des états d âme : c est une vraie maladie ; on estime ainsi que plus de 5 à 10% des français en souffriront au cours d une année donnée ; ce phénomène n est pas identique à de la «tristesse», à des «idées noires», aux moments de «blues» ou de «cafard» que chacun peut rencontrer au cours de son existence. La dépression est tout autre chose et c est bien un trouble qui perturbe grandement le corps et l esprit de celui qui en souffre! La vie est ponctuée de toutes sortes d émotions, heureusement. On dit par exemple : «Aujourd hui je suis de bonne humeur. Je suis d humeur inquiète.». Par contre, quand la dépression s installe, toute la gamme des sentiments et des émotions habituels va être perturbée de manière importante et durable ; 4

paralysant la personne qui en souffre dans un univers ou «tout est gris» et parfois «sans espoir». La dépression («trouble dépressif caractérisé» pour les médecins) est un état prolongé qui perturbe l humeur, les émotions et les envies de la personne qui en souffre. Ces perturbations, du fait de leur caractère inhabituel et durable, entraineront une souffrance extrême pour le «déprimé» et son entourage et retentiront sur la vie quotidienne affective et relationnelle. C est la souffrance qu elle entraine, et avec elle, les risques pour la santé et de suicide, qui justifient une prise en charge active qui doit permettre une guérison. 5

Quand penser à la dépression? Si vous avez déjà souffert de dépression, vous connaissez surement déjà les signes qui doivent vous alerter quant à son retour. La dépression a tendance à s installer chez une personne par des manifestations annonciatrices souvent identiques: troubles du sommeil, fatigue, difficultés de concentration, perte de plaisir, tristesse inexpliquée, irritabilité, colère Chez les personnes qui n ont jamais été identifiées comme souffrant de dépression, il convient de penser à ce diagnostic lorsque certains troubles persistent ou se manifestent sans aucune cause. Parmi ces troubles, on peut évoquer comme signes fréquents devant faire consulter un médecin pour rechercher une éventuelle dépression, les manifestations suivantes (surtout si elles surviennent sans raison et durent) : - les troubles du sommeil surtout lorsqu ils sont chroniques avec des réveils nocturnes - une anxiété permanente, inexpliquée - un sentiment de fatigue inexpliquée - l envie de rien, et des difficultés à faire les choses quotidiennes - ne plus avoir envie de sortir ou de voir des amis etc. - se sentir bien, juste quand on dort 6

- des difficultés à supporter les contrariétés de la vie quotidienne (être irritable, se mettre en colère de façon disproportionnée, par exemple au travail, avec sa famille) - des difficultés à supporter le bruit - la présence de douleurs chroniques sans cause apparente ou lorsqu elles ne pas bien soulagées par les traitements - des addictions lorsqu elles sont chroniques ou lorsqu elles rechutent (tabac, alcool, boulimie, jeu...) se manifestant surtout par le fait d avoir besoin de plus fumer, ou d avoir besoin de boire tous les soirs plus d alcool - se mettre en danger - des pensées négatives («je suis bon à rien», «j ai tout raté») - une mauvaise estime de soi. Chacune de ces modifications de caractère ou de comportement, prise de façon isolée, ne constitue pas une «dépression». C est l association de plusieurs de ces manifestations qui doit amener à consulter un médecin ; surtout lorsque les idées noires ou une tristesse inexpliquée vous envahissent et perturbent votre vie quotidienne. Certains états peuvent constituer des facteurs favorisant la survenue d une dépression. Dans les situations suivantes, il convient de consulter son médecin 7

pour rechercher une dépression, surtout si vous vous sentez triste sans raison ou si vous êtes sans énergie ou si vous ne ressentez plus de plaisir. Ainsi si vous avez une affection médicale chronique (diabète, hypertension, cancer, douleurs chroniques...) et que vous avez du mal à équilibrer votre traitement ou que l évolution de cette maladie vous échappe, la dépression peut apparaître. Certaines circonstances de la vie sont plus favorables à la survenue d une dépression ; surtout si vous êtes vulnérable à cette maladie. Il peut s agir de tout évènement pénible ou traumatisant (agression, deuil d un proche, divorce, perte de son emploi) ou bien lors de certains changements majeurs dans votre vie (promotion, naissance d un enfant, déménagement...). Ce n est pas parce que vous êtes confronté(e) à un évènement difficile ou un changement de vie particulier qu il faut considérer comme «normal» un changement d humeur, ou minimiser l apparition d idées suicidaires ou toute autre modification de votre caractère ou de votre comportement. De façon générale, une altération de votre qualité de vie subjective suffit à demander l avis d un médecin. Il ne faut surtout pas hésiter à consulter son médecin de famille au moindre doute ; ceci d autant plus si vous avez des idées suicidaires. 8

L idée suicidaire n est en effet jamais banale, ni normale, ni compréhensible. Elle est le plus souvent l expression d un état pathologique qui doit être évalué et pris en charge. 9

La dépression : quelles en sont les manifestations? La dépression se manifeste par la survenue, de manière le plus souvent progressive, d au moins deux phénomènes que les médecins appellent par des mots étranges pour essayer de décrire un état difficile à comprendre pour celui qui en souffre et pour les autres: «la tristesse pathologique de l humeur» et «l anhédonie». Ces deux phénomènes s accompagnent d autres manifestations (anxiété, troubles du sommeil...). Vous souffrez peut être de dépression si au cours des derniers mois : - Vous avez éprouvé peu d intérêt ou de plaisir à faire les choses? - Vous vous êtes senti(e) triste, déprimé(e) ou désespéré(e)? Qu est-ce que la tristesse pathologique de l humeur? En quoi la tristesse de la personne souffrant de dépression est-elle différente du cafard et du découragement que l on peut ressentir face à certaines expériences de la vie? Pour tenter de comprendre ce que ressent la personne «déprimée», il est nécessaire d écouter ce qu elle dit de cet état : «C est comme si je n éprouvais plus d émotions». «Tout est gris tout le temps. Pourtant j ai tout pour être heureux» «j ai honte de ne plus pouvoir ressentir de la joie et ou de la 10

peine Je vis dans un monde gris du matin jusqu au soir. C est tous les jours pareil. Je suis triste sans raison, en permanence et rien n y fait». La tristesse et le découragement font partie des «émotions» habituelles que nous pouvons expérimenter «normalement» dans notre vie de tous les jours. Ce qui caractérise la tristesse de la personne déprimée, c est qu elle est permanente et immuable. Elle est permanente, car elle est présente du matin jusqu au soir pendant plusieurs jours (en général au moins 15 jours). Elle peut varier au cours de la journée (souvent plus importante le matin que le soir), mais cette tristesse (souvent inexpliquée) reviendra le jour suivant : «J attends le soir avec impatience. Mais le lendemain au réveil c est pareil. Mon moral est toujours aussi bas je suis comme morte». La personne déprimée vit ainsi dans une «grisaille permanente / grisaille de tous les jours...». Cette tristesse particulière est immuable ; elle n est généralement peu ou pas modifiée par les événements de la vie : «je devrais être heureux, mon fils a réussi son bac et pourtant je n éprouve rien... rien que de la tristesse» «Je devrais être heureux, je viens d avoir une promotion mais cela me laisse froid». Cette tristesse est particulièrement intense et douloureuse : «C est pire que d avoir une douleur physique. Cela fait bien plus mal que tout ce que j ai connu 11

comme douleurs dans ma vie. Je préfèrerais avoir une blessure dans mon corps, ce n'est plus supportable.». Cette tristesse est souvent incompréhensible, sans raison («j ai tout pour être heureux. Et pourtant je pleure du matin au soir») et elle s accompagne de pleurs inexpliqués («j ai tout le temps envie de pleurer, sans raison Je ne comprends pas pourquoi.»). La constance de cette tristesse et son intensité conduit à un sentiment de désespoir («rien ne peut changer. Je suis ainsi je n y arriverai jamais plus ; tout cela ne sert à rien») qui favorise la survenue d idées suicidaires («je souffre tellement que j ai envie de ne plus me réveiller») et du suicide comme seule issue à cette douleur insupportable. La dépression va ainsi perturber toute la vie émotionnelle de la personne. Associée à cette tristesse, certaines personnes souffrant de dépression décrivent une hypersensibilité émotionnelle qui peut se manifester sous la forme d une grande irritabilité ou d accès de colère inexpliqués : «J ai comme le sentiment d être à la fois anesthésié et hypersensible un rien me touche... Je m emporte pour un rien...». Ces perturbations émotionnelles peuvent aussi se traduire par une anxiété paralysante. L anxiété est une peur sans cause évidente, qui s exprime à la fois 12

dans le corps («j ai une boule dans la gorge») et dans la tête («Je vis avec un sentiment de peur permanente j ai l impression qu il va m arriver une catastrophe... Je ne peux pas l expliquer...»). Cette anxiété peut être permanente ou varie au cours de la journée. Par moments, elle peut «paralyser» la personne l empêchant d accomplir toute action. La présence d une tristesse (pathologique) n est pas la seule manifestation caractéristique de l état dépressif. En effet, la personne qui souffre de dépression est souvent triste mais elle a aussi bien du mal à éprouver des émotions et à trouver du plaisir ; c est ce que le médecin nomme en parlant «d anhédonie». L anhédonie est un terme médical qui désigne le fait que les actions qui habituellement sont agréables ne procurent plus de plaisir. L anhédonie c est «n avoir envie de rien» ainsi que le rapportent si souvent les patients. Habituellement, nous avons dans notre vie un petit (ou un grand!) jardin secret qui nous permet de nous évader et de nous faire plaisir (aller au cinéma, à la pêche, boire un café...). Lorsque la dépression nous envahit, même ces petites choses agréables de la vie ne produisent plus rien en nous : «je n ai même plus envie de faire les magasins qui pourtant est mon grand plaisir». «Même regarder un film ne me dit plus rien» «tout m est égal...». 13

Comme la tristesse, ce manque d envie est persistant ; il dure pendant de nombreuses et longues journées et rien ne pourra y changer, surtout pas les sollicitations de l entourage («tu devrais te bouger!») ; sollicitations aux effets dévastateurs chez la personne déprimée. «Tristesse pathologique» et «anhédonie» sont ainsi les deux manifestations centrales et caractéristiques de l état dépressif. De nombreuses autres manifestations vont pouvoir s exprimer chez la personne déprimée, traduisant bien souvent que les capacités de cette personne à faire face aux stress de la vie sont dépassées. Cet épuisement des ressources psychiques se traduit pas l apparition de pensées négatives qui peuvent envahir tout l esprit de la personne déprimée. Ces pensées négatives sont intimement liées à la présence de l humeur dépressive : «Je suis un incapable»... «Malgré l amour de ma famille je n arrive pas à avancer» «je suis égoïste je ne pense qu à moi» «j ai raté ma vie». «Je suis un bon à rien....». Ces pensées négatives sont aussi entretenues par un sentiment de culpabilité souvent éprouvé au cours de la dépression : «J ai commis tellement d erreurs dans ma vie... Je n ai pas su choisir... C est pour cela que j en suis là...». Parfois ce sentiment de culpabilité se rapporte à des choses du passé ; toutefois ce sentiment reste exagéré : «J ai fauté, maintenant je suis puni...». Ce type de 14

pensées constitue un signe de gravité de la dépression 1 et nécessite de consulter en urgence un psychiatre. Dans la dépression, il est malheureusement fréquent d être envahi par des souvenirs désagréables, des échecs ou des fautes et des traumatismes du passé ; traumatismes que la personne déprimée ressasse en permanence («Je n ai que des pensées négatives» «je pense toute la journée aux échecs de ma vie»). De manière plus exceptionnelle, les idées de culpabilité peuvent être très éloignées de la réalité comme dans ce que l on appelle la mélancolie (cf. formes de la dépression). La personne peut alors se reprocher des événements ou s attribuer des fautes passées ; fautes le plus souvent «imaginaires» («Tout est de ma faute la crise. Le chômage... C est la fin du monde...» ; «Il y a 20 ans, j ai oublié de rendre un livre à la bibliothèque. Tout le monde sait que je suis un voleur»). La présence de ces idées délirantes 2 comme par exemple se «sentir ruiné» ou «avoir le sentiment que l on est responsable de toutes les mauvaises choses qui arrivent dans la vie ou dans le monde» doit conduire à consulter un médecin en urgence. 1 Le risque suicidaire est important au cours de la dépression, surtout lorsqu elle est grave. 2 On entend par «idées délirantes» toute pensée qui ne traduit pas la réalité (comment penser que l on est responsable de tous les malheurs du monde?!) 15

Il n y a pas que les pensées qui font souffrir dans la dépression ; le corps aussi est souvent douloureux, surtout lorsque la personne souffre déjà d un mal de dos, de douleurs chroniques ou de rhumatismes («J ai de plus en plus mal au dos... en permanence... cela m épuise...»). Parfois en l absence de douleurs ou de maladies habituelles, la personne souffrant de dépression peut ressentir des douleurs dans ses articulations, son ventre, ses muscles, des maux de tête. C est d ailleurs un motif fréquent qui va conduire cette personne à consulter son médecin. Ces douleurs, surtout lorsqu elles sont chroniques et inexpliquées, peuvent s associer avec un sentiment permanent de tension physique et psychique («J ai mal partout,... Je me sens tendue en permanence mes muscles me font mal. Je n arrive pas à me détendre... Je suis noué en permanence»). L état dépressif traduit l épuisement des ressources personnelles. Cet épuisement se manifeste aussi sous la forme d une importante fatigue. La personne souffrant de dépression se plaindra très souvent de se sentir «fatiguée tout le temps, sans raison tout est un poids». Cette fatigue n est expliquée par aucun évènement ; aucune autre maladie malgré les examens médicaux ne permet de l expliquer. Ni le repos ni le sommeil ne modifient ce sentiment de fatigue et de manque d énergie. Triste, sans envie et fatigué(e) voilà le quotidien de la personne déprimée et de son entourage. Cet état va progressivement perturber la vie physique, affective, relationnelle et sociale de 16

la personne. La personne «déprimée» va se retrouver sans envie, s isoler peu à peu ; parfois se montrer agressive vis à vis de son entourage ou dans son travail ou irritable dans les relations affectives et amicales. L épuisement des ressources personnelles va se traduire, en dehors du sentiment de fatigue et du manque d énergie par de nombreux troubles. Souvent cet épuisement va se manifester sous la forme d un ralentissement des fonctions intellectuelles : «J ai du mal à réfléchir, à me concentrer j ai du mal à me souvenir ; à prendre des décisions... Parfois j ai le sentiment que mon esprit est vide ; que je ne suis plus bon à rien.». Les capacités intellectuelles peuvent apparaître comme altérées ou ralenties. Ce sont surtout la mémoire et la capacité de décision qui sont perturbées lors de la dépression. Même certaines actions simples peuvent devenir pesantes et difficiles («Me brosser les dents ou faire mon café me prennent un temps incroyable. Je ne sais pas par quoi commencer ou comment faire. J ai le sentiment d être devenu idiot.»). Ce ralentissement de l esprit peut aussi toucher le corps et son fonctionnement («j ai beaucoup de mal à faire les actes simples de la vie. Tout me pèse même me lever, me laver. Tout cela est difficile et me prend un temps incroyable. J ai même parfois du mal à parler»). La personne «déprimée» 17

paraît aux autres parfois «amorphe, sans énergie et ralentie...» ; c est ce que les médecins appellent le ralentissement psychomoteur. L épuisement des capacités de la personne va aussi se manifester au travers de troubles des fonctions les plus «élémentaires» de l être humain (fonctions instinctuelles) à savoir l appétit, le sommeil, la digestion et la vie sexuelle. Ces fonctions, communes à toutes les espèces animales, sont nécessaires à la survie et ne peuvent être perturbées de manière durable sans mettre gravement en danger la santé des personnes. Le sommeil est presque toujours perturbé chez la personne souffrant de dépression. Ces perturbations s expriment de manières très variables. Généralement, ce qui prédomine c est le sentiment d avoir mal dormi, que le sommeil ne permet pas de récupérer... Que l on est toujours aussi fatigué au réveil «c est comme si je n avais pas dormi...». Dans d autres situations, c est la durée du sommeil qui va se trouver modifiée. Chacun d entre nous a une durée de sommeil qui lui permet de récupérer. Dans la dépression, on dort trop («Je passe ma journée au lit. Le sommeil est mon refuge» «je dors des journées entières»), pas assez («j ai du mal à m endormir... et puis je me réveille de bonne heure...»), ou de manière décalée ou fractionnée («J ai beaucoup de mal à trouver le sommeil... Après je me réveille plusieurs fois dans 18

la nuit... J ai besoin de dormir dans la journée...»). De toutes les façons, on dort mal quand on est déprimé. Comme le sommeil, l appétit est assez régulièrement perturbé dans la dépression. Appétit et digestion vont d ailleurs de pair. Appétit et transit peuvent être diminués et ralentis («Quand je suis déprimé, plus rien n a de goût»... «La nourriture ne passe pas»... «Je suis constipé»... «Mon transit est ralenti...»). Un amaigrissement parfois important et rapide peut accompagner ce manque d appétit. Chez d autres personnes au contraire, l appétit est augmenté («Je mange toute la journée... n importe quoi n importe comment... C est comme de la boulimie, je me gave pour calmer mon anxiété et mon ennui... Même cela ne me fait pas plaisir... Je me dégoûte...» ). La prise de poids voire l obésité peut ainsi compliquer la dépression. La sexualité de la personne déprimée est elle aussi très souvent perturbée. Ce qui n est pas sans conséquences sur la vie de couple. Généralement, l envie et le désir disparaissent ou s amenuisent («Le sexe ne me dit plus rien»... «Je n ai plus d envie, alors vous imaginez la sexualité...»). Comme pour le sommeil et l alimentation, l activité sexuelle peut chez certaines personnes déprimées apparaître «extravagante» ou inhabituelle («J ai besoin de manger et d avoir des rapports sexuels en permanence pour calmer mon anxiété, mon malaise... 19

Cela me dégoûte à la fois...»). La reprise d une activité sexuelle satisfaisante est un critère de guérison de la dépression. Enfin, la personne qui souffre de dépression, confrontée à une humeur triste, à des idées pessimistes, des pensées négatives, fatiguée de tout, est souvent envahie de pensées de suicide. Comment ne pas penser à soulager sa souffrance et celle que l on impose aux autres, surtout quand les jours sont tous interminables et douloureux. Les pensées suicidaires s insinuent peu à peu dans l esprit de la personne souffrant de dépression («Si je n'étais plus là, ce serait mieux pour tout le monde»... «Si seulement je pouvais ne plus me réveiller...»). Ces pensées de suicide sont d abord fluctuantes, rapidement chassées de l esprit. Dans d autres situations (surtout lorsque la dépression se prolonge et est importante), ces pensées vont devenir presque permanentes, voire continues. Elles vont envahir toutes les pensées de la personne. Malheureusement, le plus souvent dans de telles situations, pour ne pas faire souffrir son entourage, le déprimé en parlera peu ou pas spontanément. Dans les cas les plus extrêmes, le suicide est planifié ; le déprimé élabore alors un «plan» et se procure en secret les moyens d agir. L usage d alcool peut servir de détonateur au passage à l acte suicidaire. 20

De 40 % a 60 % des suicides sont le fait de personnes atteintes de dépression. C est ce risque de passage à l acte suicidaire qui doit conduire à consulter lorsque l on souffre d une dépression. La dépression est un trouble qui se guérit et les pensées pessimistes ou suicidaires peuvent disparaître avec une prise en charge de qualité. Il ne faut jamais hésiter à parler de sa détresse, de ses pensées pessimistes, de la perte d espoir et des envies de suicide à une personne de confiance ou à un professionnel de santé pour sortir de la spirale du suicide. La dépression va ainsi peu à peu «envahir» la personnalité de la personne en modifiant son caractère souvent de façon incompréhensible pour son entourage. Peu à peu la personne souffrant de dépression va s isoler, aura de plus en plus de difficultés à accomplir son travail ou ses tâches quotidiennes. Elle finira par sembler se désintéresser de son entourage ; n ayant plus goût à rien et semblant distante ou irritable. Tout cela est bien évidemment source d incompréhension et de souffrance pour l'entourage. Comment comprendre cette personne qui a changé peu à peu. 21

Tableau I : Différentes manifestations de la dépression 3 Tristesse pathologique : «je suis triste sans raison ; je pleure tout le temps» Anhédonie : «je n ai envie de rien je n arrive pas à éprouver du plaisir» Fatigue : «je suis fatigué ; sans énergie toute la journée...» Idées suicidaires : «si je ne me réveillais pas cela serait mieux...» Troubles du sommeil : «j ai du mal à m endormir ; je me réveille au milieu de la nuit... je ne suis pas reposé au réveil...» Troubles de l appétit/perte de poids : «je n ai plus d appétit ni le goût des aliments» Ralentissement : «tout est long je fais les choses avec lenteur...» Anxiété : «je suis effrayée par un rien... je suis angoissé sans savoir pourquoi en permanence...» Dévalorisation : «je suis bon à rien j ai tout raté...» 3 La présence d une tristesse pathologique et/ou d une anhédonie est indispensable pour porter le diagnostic de dépression. 22

La dépression une maladie fréquente qu il faut prendre très au sérieux! Chaque année, environ une personne sur 10 est frappée par la dépression La dépression est l une des maladies psychiques les plus fréquentes. On estime ainsi qu entre 5% et 10% des personnes entre 15 et 75 ans ont vécu une dépression au cours des douze derniers mois et que près de 20% ont vécu ou vivront une dépression au cours de leur vie. La dépression constitue ainsi, avec les troubles cardio-vasculaires, l affection la plus fréquente dans la majorité des pays industrialisés. La dépression est une affection qui peut mettre parfois la vie des gens en danger si elle n est pas prise en charge. Le risque principal est celui de la survenue du suicide lorsque la dépression est sévère ou dure depuis longtemps. La consommation d alcool ou de drogues peut aussi favoriser l acte suicidaire chez les personnes déprimées. Lors de toute dépression, il convient de toujours pouvoir parler du suicide pour l éviter car la dépression n est jamais un état définitif. Les choses peuvent s améliorer ; des solutions existent et il convient de parler de ses idées de suicide à son médecin ou à une personne de confiance. Face aux idées de suicide, il ne faut surtout pas rester seul(e)!!! 23

La dépression dans ses formes les plus graves, surtout lorsque l appétit est réduit ou inexistant, peut menacer aussi la santé physique de la personne qui en souffre. La dénutrition et la déshydratation peuvent justifier des soins hospitaliers en urgence. Un bilan de santé sera toujours nécessaire lors d une dépression pour en évaluer ses conséquences sur l organisme. Ce bilan permet aussi d éliminer d autres maladies physiques qui pourraient se manifester sous le masque de la dépression (cf. chapitre 2). Lorsque la personne souffre d une maladie chronique (diabète, hypertension...), la survenue d une dépression risque d aggraver cette maladie et de rendre les traitements moins efficaces. La dépression est un trouble qui a malheureusement tendance à récidiver et à se compliquer si l on ne fait rien ou si elle n est pas traitée. Sans prise en charge, les complications sont nombreuses. Il peut s agir de l apparition d autres troubles psychiatriques comme les troubles anxieux qui sont malheureusement très fréquents chez la personne souffrant de dépression. La survenue d addiction au tabac ou à l alcool complique très fréquemment la dépression. L alcool et le tabac aggravent la dépression et favorisent le risque de 24

suicide. Les addictions augmentent le risque de récidive de la dépression et rendent l effet des médicaments (psychiatriques et autres) plus aléatoire. Les mêmes relations entre la dépression et de nombreuses autres addictions (boulimie, jeu pathologique, addiction sexuelle ) ont pu être mises en évidence. Il faut être particulièrement attentif à ne pas faire de sevrage brutal d une addiction lorsque l on souffre de dépression ; le risque d aggravation de la dépression est alors très important. Ici encore, n hésitez pas à consulter votre médecin de famille ou un médecin addictologue qui pourront vous aider. Les relations qu entretient la dépression avec les maladies physiques sont bien documentées. Les personnes qui souffrent de dépression non traitée ont un risque plus élevé de faire dans les années suivant la dépression des troubles cardiovasculaires. Les relations avec certains cancers ont été évoquées mais cela n est pas clairement confirmé. Il apparait toutefois indispensable de traiter la dépression pour prévenir certaines complications médicales. Une fois la dépression «guérie», il conviendra de modifier ses habitudes de vie (poids, alcool, tabac, stress...) et de faire un bilan de santé régulier (cf. chapitre 5). Enfin, les personnes souffrant de maladies chroniques (diabète, hypertension, certains cancers ) sont plus exposées à développer des dépressions. Une fois la 25

dépression installée, si elle n est pas traitée, elle aura tendance à déséquilibrer et aggraver ces maladies chroniques. Face à une fatigue inexpliquée ou à un découragement, si vous souffrez d une maladie chronique, n hésitez pas à en parler à votre médecin. 26

La dépression peut prendre différentes formes Plusieurs formes de dépression sont décrites par la médecine. Leur distinction permet surtout de proposer des soins adaptés afin d éviter les risques de suicide et les récidives qui sans traitements efficaces sont malheureusement fréquents. La dépression ou état dépressif caractérisé est la forme la plus typique de dépression. Elle se manifeste, comme nous l avons décrit, par une humeur profondément triste (humeur pathologique) et par l anhédonie. D autres manifestations comme le ralentissement (de l esprit et du corps), la perte de l appétit, les difficultés de concentration, la fatigue, les troubles du sommeil sont associés à cette tristesse pathologique et à l anhédonie (tableau 2). La dépression, en général, surtout lorsqu un traitement adapté est mis en place finira par s améliorer et guérir. La guérison d un état dépressif est caractérisée par une disparition totale et permanente de tous les signes de dépression et par un retour à une vie normale et plaisante. Cela demande souvent plusieurs mois pour arriver. En dehors du risque de suicide, qui est présent tout au long de l évolution de la dépression, ce trouble peut malheureusement, s'il est peu ou mal traité, se 27

chroniciser ou refaire surface / revenir. C est pour cela qu il est nécessaire de soigner pendant plusieurs mois, voire quelques années (en cas d épisodes dépressifs multiples), les personnes souffrant de dépression. Parfois, pour des raisons encore mal connues, on peut malheureusement rechuter malgré un traitement adapté ; ce risque est d autant plus faible que le premier épisode dépressif est correctement pris en charge et traité. Une fois «sorti» de la dépression, il conviendra de toujours mettre en place ce que l on appelle des stratégies de prévention de la rechute. Ces stratégies reposent entre autres sur des modifications de son rythme de vie, sur la prise en compte de ses besoins physiologiques et psychiques, la mise à distance de ses addictions éventuelles et enfin le travail sur certaines de ses pensées qui peuvent constituer une fragilité dépressive 4. 4 Le livre de C Cungi et ID Note : «Faire face à la dépression» (édition Retz) est un outil pour cela. 28

Tableau 2 : Episode dépressif caractérisé Au moins 5 manifestations suivantes pendant 2 semaines avec (1) ou (2) (1) humeur dépressive (2) diminution marquée de l'intérêt ou du plaisir (3) perte ou gain de poids ou diminution ou augmentation de l'appétit (4) insomnie ou hypersomnie (5) agitation ou ralentissement psychomoteur (6) fatigue ou perte d'énergie (7) sentiments de dévalorisation ou de culpabilité (8) diminution de l'aptitude a penser ou a se concentrer ou indécision (9) pensées de mort, idées suicidaires, tentative de suicide 29

La dysthymie est une forme atténuée et prolongée de dépression. La personne semble vivre une dépression atténuée, c est-à-dire que l intensité de la tristesse et des autres symptômes est moindre. La tristesse est moins intense et l anhédonie limitée à quelques domaines de la vie. Cet état, souvent pris pour un «mal-être existentiel» dure depuis au moins deux ans sans répit. Le risque de suicide et de complications est pourtant important comme dans les formes de dépression caractérisée ou plus intense. Il ne faut pas hésiter à consulter et à se faire aider pour éviter la chronicité et les complications. Trop souvent la dysthymie est prise pour la personne, son entourage ou les médecins pour des «troubles» du caractère ou de la personnalité. La dépression saisonnière, est une forme de dépression qui survient toujours au cours de la même période chaque année. Elle débute généralement a l automne, et se termine au printemps, lorsque les journées redeviennent plus longues. Elle est liée a la diminution du temps d ensoleillement. Le recours à la luminothérapie constitue un traitement préventif de ce trouble dépressif. Le trouble bipolaire (anciennement appelé psychose maniaco-dépressive) est une maladie qui associe des périodes de dépression alternant avec des périodes que l on nomme manie (ou hypomanie selon l intensité des troubles) et qui associe une grande excitation, un sentiment d énergie inépuisable, une euphorie 30

ou une irritabilité, avec des pensées qui vont dans tous les sens et un sommeil réduit. Des périodes plus ou moins longues sans troubles, entre les moments de dépression et d excitation, sont possibles. Ces changements d'humeur sont incontrôlables et d apparition plus ou moins brutale. Ce trouble justifie absolument le recours à un psychiatre spécialisé dans la prise en charge de cette maladie, afin de contrôler la survenue des accès dépressifs ou de manie. Le recours à des médicaments régulateurs de l humeur est indispensable. Si vous avez déjà eu des moments d extrême bien-être voire d exaltation intense dans le passé, parlez- en à votre médecin si vous êtes actuellement déprimé. Il ne faut surtout pas prescrire dans ce cas des médicaments pour la dépression sans y associer un médicament thymorégulateur. Dans certaines circonstances, la dépression va se manifester sous la forme d autres troubles ; c est que l on appelle la «dépression masquée». La dépression peut ainsi s exprimer par exemple sous la forme de douleurs persistantes, rebelles aux traitements antalgiques et pour lesquelles aucune cause n a pu être mise en évidence. En dehors des douleurs rebelles sans causes identifiées, de nombreuses manifestations somatiques inexpliquées ou rebelles aux thérapeutiques habituelles (céphalées, migraines, troubles du sommeil, troubles de la libido, amaigrissement, fatigue) doivent faire rechercher par votre 31

médecin une éventuelle dépression. Il est parfois nécessaire de faire ce que l on appelle un traitement antidépresseur «d épreuve» face à ces troubles inexpliqués et chroniques. Il est alors nécessaire de consulter un psychiatre. De même, face à une addiction rebelle (alcool, tabac) que l on n arrive pas à contrôler ou qui rechute malgré tous nos efforts ou une prise en charge cohérente, il est parfois nécessaire de rechercher une «dépression masquée». Ici encore, l avis d un psychiatre apparaît nécessaire. 32

La dépression est-elle différente suivant le sexe? La dépression semble être un trouble plus fréquent chez la femme que chez l homme ; deux fois plus de femmes que d'hommes font un trouble dépressif. Beaucoup de facteurs pourraient expliquer cette différence (état hormonal, stress lié aux rôles sociaux des femmes...). Toutefois, aucune explication ne permet de comprendre cette différence. La dépression chez la femme s exprime assez souvent, en dehors de la tristesse de l humeur, par des manifestations anxieuses, des troubles du sommeil ou des troubles des conduites alimentaires. Chez l homme, la dépression n est pas toujours facile à repérer et est souvent «masquée» par d autres comportements. La plus grande fréquence de la dépression rapportée chez la femme est aussi probablement liée au fait que les hommes souffrant de dépression ont beaucoup moins tendance à demander de l aide (niant souvent leur maladie) ou à être pris en charge par les médecins. En effet, la dépression chez l homme, surtout au début, a tendance à se manifester de manière un peu différente de ce que l on décrit dans les manuels des médecins ou dans la presse. La dépression chez l homme a tendance à se manifester par des «troubles du caractère», de l irritabilité, des accès de colère ou de violence et de l agressivité. Ces modifications du caractère peuvent être les seuls signes visibles de la dépression chez l homme. On peut aussi voir, associée à ces troubles du comportement, une augmentation de la consommation 33

d alcool et de tabac qui aggrave les difficultés relationnelles. C est aussi chez l homme souffrant de dépression que des comportements sexuels excessifs sont les plus fréquemment rapportés. Ces signes et symptômes peuvent masquer les symptômes plus typiques de la dépression (tristesse pathologique, anhédonie.). Toutefois, le désarroi de ces hommes et la dépression finiront par se manifester par un désespoir immense et un ralentissement majeur avec désintérêt pour toute activité. Le risque suicidaire est alors maximal. Il convient de ne jamais oublier que les hommes réussissent plus souvent leur suicide que les femmes. La dépression est souvent synonyme de faiblesse pour bon nombre d hommes. Cette image de la dépression ne facilite surement pas l acceptation des soins et la demande d aide des hommes déprimés. 34

La dépression s exprime-t-elle différemment suivant les âges? Si les principaux signes de la dépression sont la présence d une tristesse permanente (tristesse pathologique) et une perte d'intérêt ou de plaisir (anhédonie), à certaines périodes de la vie, ce trouble peut se manifester (surtout au début) de manière atypique ou particulière, et malheureusement se révéler au détour d une tentative de suicide. Ainsi, chez l adolescent, la dépression peut parfois être prise pour «une crise d adolescence» avec repli sur soi, désœuvrement, sentiment d être incompris ou irritabilité. Un fléchissement scolaire et un isolement avec perte des centres d intérêt doivent toujours conduire à consulter un médecin pour prendre en charge rapidement une dépression. De la même façon, l apparition de conduites à risque (fugues, automutilation), de troubles des conduites alimentaires (anorexie, boulimie) ou d abus de substances toxiques peuvent être les premières manifestations de la dépression. Ici encore un avis médical est indispensable pour ne pas laisser la dépression s installer et éviter ses dommages. Chez le sujet âgé, la dépression peut parfois s exprimer de manière surprenante. Si le vieillissement est un processus naturel et inéluctable, il ne s accompagne 35

pas nécessairement d un désespoir ou d une perte des intérêts. Certaines circonstances sont toutefois «à risque» pour la dépression. Il s agit de la mise à la retraite (surtout lorsqu elle est peu ou pas anticipée), de l entrée en maison de retraite, du veuvage, de la perte d un animal de compagnie et de la multiplication des maladies. Il convient dans toutes ces situations d être particulièrement attentif à l apparition d une tristesse, d un repli ou d une perte d intérêt, pour éviter le développement d une dépression. Le risque de passage à l acte suicidaire est très important chez le sujet âgé ; le suicide se manifestant parfois sous la forme d un «laisser-aller» ; d une anorexie ; d un abandon des soins». Le plus difficile face à un sujet âgé est de penser à la dépression et ne pas attribuer à tort : un ralentissement, des difficultés de mémoire, un «laisseraller», à l âge. Le recours à un avis spécialisé est indispensable en cas de doute. 36

Quelles sont les causes de la dépression? Les causes de la dépression ne sont malheureusement pas encore connues de façon précise. Cela est d ailleurs le cas pour de nombreuses maladies. En revanche, même si les causes restent inconnues, des traitements efficaces sont disponibles. La dépression est un trouble complexe. Des facteurs biologiques, sociaux, environnementaux, psychologiques et culturels peuvent, seuls ou en combinaison, contribuer à cette maladie. Les causes de la dépression sont probablement un mélange de différents facteurs, pouvant varier d une personne à l autre, impliquant des éléments biologiques, psychologiques et sociaux. La disparition de ces «facteurs déclenchants» ne permet malheureusement pas de guérir la dépression. De nombreux facteurs, seuls ou associés, sont actuellement suspectés de participer à la survenue d une dépression. Les débats anciens entre «inné» (la génétique) et «acquis» (les événements de la vie) restent toujours d actualité mais n apportent pas de réponses claires pour comprendre et prévenir la dépression. 37

La place jouée par l hérédité est maintenant mieux connue. On ne peut toutefois pas parler de «gène» de la dépression. Aucune anomalie génétique ne semble pouvoir expliquer la survenue de la dépression. Cela n empêche pas, que parfois dans certaines familles, la dépression va se répéter de génération en génération (surtout dans certaines formes de trouble bipolaire). On estime cependant que si dans certaines familles le «poids» de la génétique est possible, il ne peut à lui seul expliquer la survenue de la dépression. Ce «poids» familial donnera tout au plus une «vulnérabilité» ou un risque plus élevé que pour les autres de voir une dépression survenir. Mais la survenue d une dépression n est pas inéluctable. La dépression peut survenir après des stress, des surmenages ou des évènements douloureux de la vie (chômage, divorce, deuil...). La répétition de ces événements peut certainement épuiser ou affaiblir les résistances psychiques de certaines personnes et favoriser la survenue d une dépression et sa récidive. On décrit, de manière plus surprenante, la survenue de dépression à la suite d événements heureux ou d'une promotion professionnelle. Le rôle joué par les événements de la vie dans le déclenchement de la dépression est manifestement très différent d une personne à l autre et d un moment à l autre de la vie. Cet épuisement des ressources sera d autant plus rapide que l on est sujet à un «terrain» familial de dépression ou que l on a été victime dans son enfance de 38

traumatismes ou de violences. Pris isolement ces évènements de vie ne sont toutefois pas «la» cause unique de la dépression. On décrit parfois comme «vulnérabilité» ou facteurs de prédisposition à la dépression, des manières ou des façons de penser (cf. prise en charge psychologique). Les personnes qui ne s autorisent pas beaucoup de plaisir, qui fonctionnent surtout par «obligation» («Je dois»... «Il faut que»... «Si je ne fais pas... Alors je ne suis pas quelqu un de bien»...), qui ont une mauvaise image d eux même ou une faible estime de soi («Je suis nul(le)»... «Je ne vaux pas grand-chose». «Je suis moche...») sont plus sujettes à faire une dépression. L aide que peut vous apporter un psychologue est très importante pour vous sentir mieux avec vous-même et vous éviter de faire une dépression. N hésitez pas à consulter un psychologue ayant une formation reconnue. On pense par ailleurs, que l usage ou l arrêt de «drogues» ou de substances comme l alcool peuvent, chez des personnes vulnérables constituer un facteur précipitant pour la survenue d une dépression. On a ainsi pu montrer que chez près de la moitié des personnes qui fument de manière régulière, on retrouvait l existence d une ou plusieurs dépressions au cours de leur vie. Dépression et «addictions» vont s aggraver mutuellement. Si vous souffrez de dépression, 39

n arrêtez pas tout seul le tabac, l alcool ou les drogues. Cela pourrait aggraver la dépression. N hésitez pas à en parler à votre médecin ou consultez un spécialiste des addictions. Enfin, le risque de survenue de dépression est malheureusement plus important lorsque l on a déjà fait une ou plusieurs dépressions. Dans bon nombre de situations, le premier épisode de dépression va passer inaperçu pour la personne et l entourage ; il guérira souvent sans prise en charge spécialisée mais pourra laisser des séquelles psychiques ou psychiatriques voire des complications. Ces séquelles vont constituer un facteur de vulnérabilité pour un nouvel épisode de dépression. Sans un traitement efficace, les séquelles de chaque épisode de dépression risquent de s aggraver et rendent les traitements de moins en moins efficaces. C est pour cela qu il convient de traiter la première dépression et de faire disparaître toutes les manifestations de la dépression grâce à une prise en charge adaptée. 40

La dépression une «maladie du cerveau»? Si l on ne connaît pas les causes de la dépression, on peut dire maintenant que le fait d être déprimé est aussi lié à des perturbations du fonctionnement du système nerveux central. De nombreuses données scientifiques montrent qu en dehors des facteurs (environnementaux, psychologiques, génétiques...) ayant favorisé la survenue d une dépression, l activité de certaines régions cérébrales ainsi que le fonctionnement des neuromédiateurs 5 cérébraux sont profondément et durablement perturbés au cours de la dépression. De nombreuses études scientifiques ont ainsi pu mettre en évidence au cours de la dépression, des perturbations de zones cérébrales impliquées dans des processus comme les émotions, la mémoire et la prise de décision (amygdale, hippocampe, lobe préfrontal...). Ces perturbations sont parfois présentes avant que la dépression ne se manifeste cliniquement et que la personne n en ressente les signes. Dans la majorité des 5 Les neuromédiateurs sont des substances chimiques qui permettent la communication entre les cellules du cerveau. Les neuromédiateurs le plus souvent connus pour être perturbés dans la dépression sont la sérotonine, la noradrénaline et la dopamine. 41

cas, avec un traitement bien conduit et suffisamment prolongé, ces perturbations cérébrales vont s estomper et se normaliser. Ces données témoignent du fait que la dépression fait souffrir le cerveau et la personne. La dépression est un trouble complexe. Des facteurs biologiques, sociaux, environnementaux, psychologiques et culturels peuvent, seuls ou en combinaison, contribuer a cette maladie. La disparition de ces facteurs ne permet pas de guérir de la dépression. 42

CHAPITRE II CONSULTER UN MEDECI N Quand on souffre de dépression, il est indispensable d aller voir son médecin de famille ou un médecin généraliste. En effet, seul un médecin pourra poser le diagnostic de dépression et vous aider à sortir de cet état. Comment savoir si l on souffre de dépression? La dépression peut survenir après des événements de vie traumatisants comme une rupture, un chômage, la perte d un être proche Si vous souffrez de manière prolongée de douleurs inexpliquées, si vous vous sentez fatigué(e) en permanence sans raison, si vous avez des difficultés à trouver le sommeil ou si vous vous réveillez plusieurs fois dans la nuit angoissé(e) ou bien si vous ruminez des événements passés, peut être souffrez-vous de dépression? Seul un médecin pourra porter le diagnostic de dépression. 43

Si vous répondez par oui au deux questions suivantes, la probabilité de souffrir d une dépression est élevée et il conviendra alors d aller consulter sans attendre. Au cours du dernier mois : Avez-vous éprouvé peu d intérêt ou de plaisir a faire les choses en permanence? Vous êtes-vous senti triste, déprimé(e) ou désespéré(e) en permanence? Si la personne répond «oui» a l une ou l autre des questions de dépistage de la dépression, un médecin doit examiner l état psychique de la personne, ainsi que ses difficultés interpersonnelles et sociales dans le quotidien. Prenez rendez-vous avec votre médecin. Souvent les médecins sont débordés ; demandez, lors de la prise de rendez-vous, qu il vous consacre plus de temps que d habitude pour lui exposer vos difficultés ; surtout si vous avez des idées de suicide. 44

Pourquoi les médecins de famille recourent-ils au diagnostic de dépression? Le diagnostic de dépression permet au médecin de déterminer : - si vous êtes malade ou pas. De nombreuses perturbations physiques peuvent s exprimer sous la forme d une dépression et il convient de pouvoir éliminer une cause organique avant de parler de dépression. - De quel type de dépression vous souffrez. Suivant le type de dépression (dépression caractérisée, dépression saisonnière, cyclothymie, trouble bipolaire...), votre médecin pourra vous proposer le ou les traitements les mieux adaptés à votre état (psychothérapie, médicaments ) et dans certains cas (trouble bipolaire, dépression grave ou résistante...), il vous orientera vers un spécialiste. Aucun examen complémentaire, ne permet actuellement de faire le diagnostic de dépression malheureusement. Seul un entretien avec un médecin permettra de porter le diagnostic de dépression. Le diagnostic de dépression se fera à partir de questions comme celles-ci 6 : - E tes-vous triste, déprimé(e) ou mélancolique la plupart du temps? 6 Seul un médecin pourra faire le diagnostic de dépression. Ces questions sont données à titre indicatif pour vous aider à préparer l entrevue avec votre médecin. 45

- Avez-vous perdu intérêt envers les activités que vous trouviez agréables auparavant ou avez-vous cesse d y prendre plaisir? - E tes-vous fatigue (e) ou sans énergie la plupart du temps? - Avez-vous de la difficulté a dormir ou dormez-vous trop? -Avez-vous de la difficulté a vous concentrer ou a prendre des décisions? -Votre appétit ou votre poids ont-ils change? -Vous sentez-vous coupable ou inutile? -Ressentez-vous de l anxiété ou de l inquiétude? -Avez-vous l impression de ne pouvoir continuer ainsi, avez-vous songe a la mort ou a mourir? S il vous est venu des idées suicidaires ou des pensées de mort récurrentes, consultez! Si les idées suicidaires sont permanentes et que vous n arrivez pas à joindre un médecin, n hésitez pas à vous rendre aux urgences. Avant de poser un diagnostic de dépression, il est nécessaire d éliminer celui de maladies physiques (problèmes thyroïdiens, certaines formes de diabète...). Votre médecin pourra alors être amené à vous prescrire quelques examens 46