LA FILIÈRE DU MEUBLE EN FRANCE EN 1978

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Transcription:

EiiiEEE E rglr- LA FILIÈRE DU MEUBLE EN FRANCE EN 1978 ~..~9..1..? IO ~.:' A. NICKELS Compte tenu de l'interdépendance profonde liant les niveaux fabrication et distribution dans le secteur de l'ameublement, les caractéristiques principales de la filière française du meuble seront traitées, en mettant toutefois l'accent sur l'industrie, niveau de la filière utilisateur et prescripteur essentiel de la ressource bois. LES ACTEURS DE LA FILIÈRE FRANÇAISE DU MEUBLE L'organisation actuelle de la filière française du meuble fait apparaître deux échelons essentiels : le niveau fabrication, relativement diffus et peu concentré ; le niveau distribution, apparemment plus concentré et constituant l'échelon dominant de la filière. On trouve en outre : Les fournisseurs amont de l'industrie du meuble dont les produits vendus aux fabricants constituent 40 % du total des charges d'exploitation, formant un ensemble varié comme le montre le tableau ci-dessous. STRUCTURE DES ACHATS DU SECTEUR AMEUBLEMENT EN BOIS Catégories d'achats Pourcentage par rapport A la valeur totale Produits de l'agriculture 16 Produits en acier et métalliques 14 Produits chimiques, parachimiques et matières plastiques 17 Cuirs et tissus 12 Produits du travail mécanique du bois 19 Produits de l'ameublement 8 Autres 14 TOTAL 100 196

Economie et forêt Des efforts importants sont déployés actuellement pour adapter plus complètement les quantités et qualités de ces fournitures aux besoins précis des fabricants de meubles et sièges, et réduire ainsi certains courants d'importations (tissus d'ameublement, en particulier). Les concepteurs de modèles : la fonction créative est de plus en plus fréquemment intégrée dans la fabrication, sous forme de bureau d'études ou de design intégré à l'entreprise ou de collaboration avec des «designers «spécialisés. L'échelon commerce de gros : sa quasi inexistance est une caractéristique spécifique du secteur français du meuble, impliquant des modalités particulières dans les relations industriel négoce et certains inconvénients (délais de remise à disposition des meubles pour les clients, coûts élevés de livraison...). Les fabricants étrangers et leurs structures d'importation en France : les fabricants étrangers jouent un rôle significatif sur le marché dans la mesure où les importations satisfont environ 18 % des besoins intérieurs et où les caractéristiques de leurs produits (prix, «design «, conception,...) peuvent influencer les goûts et les critères de choix des consommateurs et les critères d'approvisionnement du négoce. Certains de ces fabricants et groupes étrangers se sont implantés directement en France ou ont pris des participations dans des sociétés françaises (VELDA, BEKA, EROP, WELLE, RANGER...), ou ont créé des filiales de montage ou de distribution (CASSINA, CASTELLI,...). Néanmoins, la pénétration étrangère dans le secteur industriel ne serait que de 8 % (d'après le ministère de l'industrie). La demande finale : elle est constituée à 85 % par les ménages consommateurs et à 15 % par les collectivités (administrations, entreprises). STRUCTURE DE L'APPAREIL PRODUCTIF ET DE LA PRODUCTION Les entreprises On distingue : l'industrie du meuble proprement dite (entreprises de plus de 10 salariés), rassemblant environ 1 200 entreprises, réalisant un chiffre d'affaires de 11,5 milliards de francs hors taxes en 1978 (soit environ 85 % du total de la production), pour un effectif voisin de 87 000 personnes. - le secteur artisanal : regroupant petits fabricants et artisans, soit un ensemble diffus de plus de 12 000 entreprises. En fait, l'industrie du meuble seule se compose de deux ensembles distincts : Les petites et moyennes entreprises Elles sont les plus nombreuses, à structure de propriété familiale, souvent monoproduits. Les grandes entreprises industrielles On compte en France environ 200 entreprises de plus de 100 salariés, 80 entreprises de plus de 200 salariés et un nombre supérieur à 20 de plus de 500 personnes. 197 R.F.F. XXXII 2-1980

A. NICKELS Le groupe Dumeste-Parisot constitue la première société européenne et française (plus de 1 milliard de chiffre d'affaires HT, plus de 6 000 salariés) ; suivi des sociétés Gautier, Doubinski, Compagnie française du meuble, etc. L'émergence d'un groupe de sociétés dynamiques et structurées témoigne d'une structuration industrielle réelle du secteur productif français, comme le prouve également le tableau suivant : DÉCOMPOSITION DU MONTANT DE LA PRODUCTION SUIVANT LA TAILLE DES ENTREPRISES (1970 et 1974) Taille des entreprises 1970 1974 20 à 50 salariés 23,5 19,5 50 à 100 salariés 20,8 17,1 100 à 200 salariés 22,3 21,8 200 à 500 salariés 19,8 20,4 + de 500 salariés 13,6 20,2 TOTAL 100 100 Cette structuration a été aidée par les pouvoirs publics et l'organisation professionnelle U.N.I.F.A., en particulier au travers des actions du CODIFA (Comité de dévelopement des industries françaises de l'ameublement) et plus récemment de la mise au point de contrats de croissance» avec des entreprises. La production La production totale du secteur ( 1 ) s'élève à 13 milliards de francs hors taxes en 1978. Elle a connu une croissance quantitative très vive au cours de la période 1965-1975, suivant un taux moyen annuel en volume de + 8 %. La structure de cette production par produits est la suivante : STRUCTURE DE LA PRODUCTION PAR PRODUITS EN % Nature des sous secteurs % de la production en valeur % du nombre d'entreprises Meubles meublants 40 48,2 Sièges 30 25,4 Meubles de cuisine 17 12,7 Mobilier scolaire et de bureau 3 2,5 Meubles divers 10 11,2 TOTAL 100 100 (1) Ameublement en bois seulement, hors literie et mobilier métallique. 198

Economie et forêt NOMBRE D'ENTREPRISES AMEUBLEMENT-LITERIE PAR DÉPARTEMENT?- 50 ~ ~ de 30 à 50 de20à30 de10à20 5 10 EFFECTIFS AMEUBLEMENT-LITERIE PAR DÉPARTEMENT 1500 de 1000 à 1500 de 500 à 1000 de 250 à 500. 250 Source E.A.B. Ministère de l'industrie et de la Recherche. t975. 199 R.F.F. XXXII - 2-1980

A. NICKELS On constate que près de la moitié des entreprises sont spécialisées dans la fabrication de meubles meublants (salles à manger, séjours, chambres à coucher) mais ne réalisent que 40 % de la production. Ce sont les sous-secteurs du siège et du mobilier cuisine, où l'on compte proportionnellement le plus de grandes entreprises, qui ont connu les développements les plus rapides ces dernières années. II est également intéressant de considérer deux autres caractéristiques essentielles des meubles produits, à savoir : le niveau de gamme (ou de qualité), - le style des produits. En ce qui concerne la gamme, on peut admettre que la production française se segmente ainsi : 25 % pour le bas de gamme, essentiellement meubles panneaux fabriqués en grande série, - 50 % de gamme moyenne, 25 % de gamme supérieure, où l'on retrouve les bois massifs, les mobiliers contemporains design,... domaine où les marques de qualité NF (normes françaises AFNOR) se développent. Le critère du style correspond lui aussi tant à une segmentation des produits que de la clientèle ; on sait qu'en 1974, les achats des consommateurs français se partageaient (en nombre de pièces achetées) environ en 20 % de mobilier de style, 22 % de rustique, 50 % de moderne et 7 % de contemporain. Depuis, la part du contemporain a régressé au bénéfice des meubles de style et rustique. Photo J.-P. VERNEY Photothèque du Ministère de l 'Agriculture 200

Economie et forêt Photo J.-P. VERNEY Photothèque du Ministère de l 'Agriculture DONNÉES SUR LE COMMERCE EXTÉRIEUR Un déficit commercial important Les échanges s'élevaient en 1978 à : exportations = 1,314 milliard de francs, importations = 3,140 milliards de francs, taux de couverture = 42 %. Ce déficit s'explique autant par l'importance des importations (forte croissance des besoins intérieurs, compétitivité des producteurs étrangers, politique d'approvisionnement des groupements du négoce concentré) que par la faiblesse des exportations qui représentent moins de 8 % de la production intérieure. Néanmoins, les efforts déployés aujourd'hui à l'exportation par la profession et la modération de la demande intérieure font espérer l'équilibre commercial autour de 1984. 201 R.F.F. XXXII - 21980

A. NICKELS Nature et origine des importations L'évolution du montant des importations suivant les types de meubles s'est faite de la manière suivante : EVOLUTION DU MONTANT DES IMPORTATIONS (en millions de francs courants) Types de meubles 1970 1974 1978 Meubles 516,5 1 268 2 184 Sièges 196,2 472 956 TOTAL 712,7 1 740 3 140 Les volumes d'importations les plus importants concernent les sièges ainsi que les salles à manger-séjours qui représentent chacun environ 30 % du total. Néanmoins le taux de pénétration le plus fort est atteint pour les petits meubles et meubles d'appoint. Les principaux pays exportateurs sont les suivants : PRINCIPAUX PAYS EXPORTATEURS (ANNÉE 1978) Pays Montant des exportations vers la France (en millions de francs) o /o du total importé Taux de variation en valeur 1978/1977 Italie 1 190 37,9 + 34 % R.F.A 632 20,1 1 % Bénélux 599 18,8 0 % Pays de l'est 281 8,9 + 29 % Espagne 164 5,5 + 20 % Autres pays 274 8,78 TOTAL 3140 100 + 15 % On constate que plus de 90 % des exportations vers la France émanent de cinq pays (ou groupe de pays pour l'europe de l'est), en particulier du Marché Commun. L'Italie joue un rôle tout à fait essentiel, continuant de développer ses exportations suivant une croissance extrême, au détriment de l'allemagne et de la Belgique, pénalisées notamment par l'évolution de leur monnaie par rapport au franc français. A noter également la part croissante que prennent les importations en provenance des Pays de l'est et de l'espagne. L'Italie exporte principalement des sièges et des meubles (de style ou contemporains, gammes moyenne ou haute mais aussi gamme basse quelquefois) tandis que l'allemagne domine pour les meubles meublants (gammes basse et moyenne) et les meubles de cuisine. 202

Economie et foret Caractéristiques des courants d'exportations Les exportations se composent en 1978 de : meubles 889 millions (374 pour les meubles meublants) - sièges 425 millions Total 1 314 millions La structure géographique des exports est beaucoup plus diversifiée que celle des imports, notamment vers le Moyen-Orient, l'afrique... Néanmoins les pays européens proches constituent le marché client essentiel, en particulier le Bénélux (24 %) et l'allemagne, tandis que l'italie demeure impénétrable (30 millions seulement exportés), ce qui représente pour la France un taux de couverture de moins de 3 %! LA DEMANDE ET LA DISTRIBUTION La demande finale d'ameublement Elle se compose de deux pôles distincts : la demande des ménages (au nombre d'environ 18 millions pour la France) couvrant 85 du total et orientée vers tous les types de produits ; la demande des collectivités et entreprises (15 % du total), orientée plus particulièrement vers le mobilier de bureau et scolaire, les équipements de restauration, etc. On caractérise traditionnellement la consommation de meubles des ménages par le coefficient budgétaire», rapport entre les dépenses d'ameublement et les revenus disponibles des ménages. Ce coefficient a connu une croissance remarquable jusqu'en 1976, passant de 2,4 % vers 1960 à plus de 3,2 % en 1976. Cette progression se traduisant par une croissance annuelle moyenne du marché intérieur d'environ + 10 % par an entre 1965 et 1974, qui s'explique principalement par : une très forte augmentation annuelle des revenus, les immenses besoins d'équipement liés à un effort annuel de construction de logements remarquable jusqu'en 1974 (550 logements mis en chantier en 1974). Cette évolution s'est ralentie et déstabilisée depuis, comme en témoigne le tableau ci-dessous : ÉVOLUTION DU MARCHÉ INTÉRIEUR D'AMEUBLEMENT ENTRE 1973 ET 1977 Marché intérieur (au stade de la production) 1973 1974 1975 1976 1977 Valeur HT en millions de francs courants 8 477 10 934 11 504 14 020 14 817 dont : meubles (6 343) (8 101) (8 619) (10 478) (11 264) sièges (2 134) (2 833) (2 885) ( 3 542) ( 3 553) Indice prix 100 114,8 128,7 135,2 145,4 Taux de variation du marché en volume + 13 6,7 + 16 1,5 203 R.F.F. XXXII - 2-1980

A. NICKELS En poussant le détail plus loin, le marché se décompose en 75 % pour les meubles et 25 /o pour les sièges ; pour les meubles, les parts respectives des meubles meublants et des meubles de cuisine sont de 38 % et de 27 /a. Ces sous-marchés connaissent depuis 1975 une évolution nouvelle assez disparate, marquant la spécificité des besoins et des goûts des consommateurs (hausse de la cuisine, baisse des ventes de sièges après des années de très forte progression...). La distribution d'ameublement en France Il faut noter d'abord la quasi-inexistence d'un commerce de gros, intermédiaire entre la fabrication et la vente au client. La structure globale de la vente de mobilier est la suivante : - commerce spécialisé : plus de 65 % du chiffre d'affaires à la consommation qui est de près de 30 milliards de francs toutes taxes comprises ; - commerce non spécialisé (grands magasins, hypermarchés...) : plus de 15 %, dont 5 % environ pour la vente par correspondance ; autres formes de distribution (vente directe, coopératives, artisans, décorateurs...) 15 et 20%. Dans le commerce spécialisé, il faut distinguer : le commerce traditionnel dit d'ameublement général et moyenne, couvrant encore près de 40 /o du marché ; entre souvent indépendant, de taille petite le commerce moderne concentré, aux formes assez diverses (taille des surfaces de vente, formule de vente notamment discount, chaînes de franchise ou groupements très intégrés) mais dont l'homogénéité se fonde sur la puissance et la politique d'achats, une politique de 204

Economie et foré' marque grand public et des critères de gestion et de rentabilité. Les multi-spécialistes (meubles et électroménager) constituant la partie très dynamique de ce commerce concentré, représentent déjà environ 25 % du total du marché. La formule-groupement a été appliquée également par une bonne part du petit négoce traditionnel, mais sans modification profonde de ses comportements. Au total s'est réalisé un vaste mouvement de concentration de la distribution d'ameublement puisqu'aujourd'hui une quinzaine de groupements réalisent à eux seuls environ 50 % de l'ensemble de la vente. Les leaders sont Conforama, la chaîne Européenne-Global, Mobilier Européen- Atlas, Meubléna, Mobilier de France, UFEM-Monsieur Meuble, etc. ainsi que la chaîne particulière Roche-Bobois. Cette concentration explique en partie le déséquilibre des rapports entre l'industrie et le négoce (ces deux échelons étant très rarement liés par des intérêts, des structures communes ou des politiques concertées ou communes) ainsi que la situation difficile d'une partie du négoce traditionnel ayant peu évolué. 205 R.F.F. XXXII - 2-1980

A. NICKELS PRODUITS EN BOIS UTILISES PAR L'INDUSTRIE DE L'AMEUBLEMENT Toutes les données présentées antérieurement sont relatives au secteur dit de l'ameublement en bois, à l'exception donc : du secteur literie. du secteur du mobilier métallique. Ces deux secteurs ont une structure industrielle concentrée et dynamique, réalisant de bonnes performances à l'exportation en particulier pour la literie (sociétés Epéda, Tréca,...). Quant au secteur de l'ameublement en bois qui nous concerne dans cet article, il utilise en fait le bois sous des formes et à des degrés divers : bois massifs, placages, panneaux de contreplaqués ou de particules,... Sur la valeur totale des achats de l'industrie du meuble (représentant eux-mémes 40 % du montant hors taxe de la production), les bois sur pied, grumes et sciages en représentent 16 %, les produits du travail mécanique du bois 19 %, soit au total 35 o/ des achats, auxquels il faudrait ajouter des produits de l'ameublement (9 %) Une estimation des consommations par type de produits bois a été réalisée par le ministère de l'industrie pour l'année 1973 (incluant les consommations de la literie). Consommations de bois et produits bois pour le secteur de l'ameublement-literie (Année 1973). Produits de l'agriculture (bois sur pied, grumes, sciages) 2 270 000 m' Panneaux contreplaqués (multiplis et lattés) Panneaux de fibres bruts Panneaux de particules 140 000 m' 30 000 m' 300 000 m' La consommation totale tous produits primaires confondus s'élevait en 1973 à environ 4 millions de m' et doit en 1978 se situer entre 5,2 et 5,5. millions de m'. LA SPECIFICITE DE LA FILIÈRE FRANÇAISE DU MEUBLE Une analyse objective de l'efficacité de la filière du meuble fait apparaître trois grands facteurs relativement spécifiques au cas français. sources d'une moindre efficacité. Il s'agit : du déséquilibre de la filière au bénéfice de l'échelon dominant négoce ; - du maintien de certains facteurs historiques et structurels propres à l'industrie ; - d'une exploitation insuffisamment rationnelle des ressources forestières nationales. La domination de la filière par l'échelon négoce s'explique par la forte concentration de cet échelon, par son contact direct avec la clientèle, par sa puissance (si ce n'est sa solidité) financière et d'achats mais aussi par un dynamisme interne qui a été longtemps supérieur à celui de l'industrie. Cette domination se révèle néfaste car elle induit des relations industrie-négoce plus conflictuelles que coopératives, préjudiciables finalement aux consommateurs (prix élevés, délais) et aux fabricants (programmation insuffisante des commandes, mauvaise connaissance des besoins de la clientèle, recours fréquents aux importations...). 206

Economie et forêt La trop petite taille moyenne des entreprises de fabrication, l'origine et le maintien d'une structure de propriété familiale d'une majorité d'entreprises expliquent un dynamisme et une compétitivité quelquefois limités, qu'il s'agisse de réaliser une véritable politique d'exportation, d'investissement à long terme, de recours au financement extérieur ou à des cadres spécialistes extérieurs au secteur. L'interface entre les exploitations forestières, les scieries et les fabricants de meubles témoigne d'un degré réel d'irrationnalité technico-économique, où l'on observe à la fois de très importants courants d'exportations de feuillus indigènes (chênes vers l'allemagne en particulier) et en même temps d'importants achats de bois à l'étranger destinés aux utilisateurs de l'industrie du bois ne pouvant trouver sur le marché français les qualités, les prix et les conditions de garantie satisfaisants. Ce domaine fait l'objet d'études et de mesures qui devraient à long terme améliorer cette situation. L'accent mis à dessein sur certaines spécificités négatives ne doit pas faire oublier la place très importante de l'industrie française du meuble (3 e place européenne), la structuration efficace et la jeunesse d'une partie de l'appareil productif, le redressement progressif de la balance commerciale en même temps que les atouts profonds que cette industrie présente pour l'avenir, tenant en particulier à la qualification de sa main-d'oeuvre et à la grande flexibilité et adaptabilité de l'appareil de production. PERSPECTIVES A MOYEN ET LONG TERME Les quatre dernières années ont sans doute marqué la fin de l 'époque d'une double croissance remarquable, à la fois des besoins du marché intérieur et de la production, augmentant à un rythme annuel moyen d'environ + 8 /o. Le défi essentiel qui est posé aujourd'hui à ce secteur important de l'économie nationale (chiffre d'affaires de 13 milliards de francs hors taxe, 85 000 salariés sans compter les 60 000 salariés de la distribution) est double : -- la reconquête de la demande intérieure ; la lutte contre la concurrence internationale. La reconquête de la demande intérieure La croissance remarquable des besoins jusqu'en 1974 était liée à la forte progression des ressources et à l'ampleur de l'effort de construction de logements qui créait automatiquement des besoins quasi obligatoires de premier équipement de logements, ainsi d'ailleurs qu'à la structure démographique très favorable de la population (générations de l'après-guerre). Ces différents facteurs évoluent aujourd'hui de façon modérée (revenus) sinon négative (baisse de la construction de logements et de la démographie). En outre, le consommateur est également attiré par la consommation d'autres biens ou services (télévision couleur, chaîne hi-fi, loisirs et vacances...) qui peuvent avoir la priorité par rapport à l'acquisition de meubles, toujours coûteuse. Aussi apparaît-il nécessaire que la profession mobilise suffisamment la demande potentielle d'ameublement, en provoquant en particulier le développement d'un marché de renouvellement par des campagnes de promotion, par des produits de qualité adaptés à la demande, ce qui nécessite impérativement une collaboration plus étroite et fructueuse entre les différents niveaux de 207 R.F.F. XXXII - 2-1980

A. NICKELS la filière, en particulier entre l'industrie et le négoce (détermination des besoins en quantité et qualité, par le biais notamment de panels et d'études prospectives, création de modèles, niveaux de prix, présentation des produits...). La lutte contre la concurrence internationale L'importance que revêt la place du bois et des produits bois dans la fabrication, l'importance également du coût de la main-d'oeuvre, mettent le secteur de l'ameublement au premier rang des industries appelées dans l'avenir à une délocalisation de la production et à l'émergence de nouveaux foyers de l'offre venant concurrencer ou au contraire coopérer ou s'intégrer aux productions actuelles. La part grandissante des importations en provenance des Pays de l'est, de l'espagne, de certains pays africains ou asiatiques témoigne de cette réalité et du potentiel de changement de la carte de l'offre. De même, la récession des marchés intérieurs de concurrents européens traditionnels a déjà entraîné un net renforcement de leurs efforts d'exportation (voir l'exemple de l'italie). 208

Economie et forêt Cette accentuation du degré concurrentiel du marché national et international, conjugué avec la modération quantitative de la demande intérieure (voir ci-dessus) imposent à l'industrie française et à l'ensemble de la filière : - une accentuation des efforts de compétitivité et de dynamisme qui exigent le maintien sinon le renforcement de leur investissement productif (machines, automatisation, manutention) et de l'organisation générale de la chaîne productive ; - une politique volontariste et efficace d'exportation, répondant en outre à l'exigence de l'équilibre de la balance commerciale ; une participation active et à long terme à ce processus de délocalisation de la production à l'échelle mondiale, capable de garantir la sécurité des approvisionnements, la compétitivité des produits fabriqués (installations d'usines sur place ou contrats de collaboration et d'assistance) en même temps que les intérêts des nouveaux pays producteurs ; une réelle coopération des différentes professions concernées en France par ces problèmes de l'ameublement. Alain NICKELS ex-collaborateur du BIPE 122 ay. Charles-de-Gaulle 92522 Neuilly spécialiste du développement industriel ONUDI CENTRE INTERNATIONAL D'ÉTUDES INDUSTRIELLES P.O. Box 400 A-1400 VIENNE (AUTRICHE) 209 R.F.F. XXXII 2-1980