Mémoire d Énergie Valero Inc. dans le cadre des consultations de la Commission sur les enjeux énergétiques du Québec

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Mémoire d Énergie Valero Inc. dans le cadre des consultations de la Commission sur les enjeux énergétiques du Québec La place du raffinage et des produits pétroliers dans le bilan énergétique et économique du Québec Octobre 2013 1

C est avec intérêt qu Énergie Valero Inc. a pris connaissance du document de consultation intitulé «De la réduction des gaz à effet de serre à l indépendance énergétique du Québec». Nous sommes heureux d apporter notre perspective dans le contexte de cette consultation qui mènera au cours des prochains mois à l élaboration de la future politique énergétique du Québec. Énergie Valero Inc. Énergie Valero Inc. (Valero), autrefois connue au Québec sous le nom d Ultramar Ltée est depuis 2001 une filiale en propriété exclusive de Valero Energy Corporation. Valero est le plus grand raffineur indépendant au monde avec 16 usines d une capacité totale de raffinage de près de 3 millions de barils de pétrole brut par jour. Les revenus de Valero étaient de 139 milliards $ en 2012 et la compagnie est classée neuvième dans le Fortune 500 avec une capitalisation boursière de 20 milliards $. Valero est l une des plus grandes sociétés de carburants renouvelables avec dix usines de production d éthanol à base de maïs et une nouvelle entreprise de production de diesel renouvelable récemment mise en exploitation. La société détient aussi au Texas un parc éolien de 50 mégawatts, équipé de 33 turbines et est partenaire d Enerkem, un leader dans le domaine de l éthanol cellulosique. La raffinerie Jean-Gaulin de Lévis, avec ses 500 employés permanents, plusieurs centaines de contractuels et des milliers d emplois indirects générés, est une usine de classe mondiale dont la performance la situe parmi les chefs de file. Valero occupe une importante place dans le secteur des ventes commerciales, industrielles et en gros de produits pétroliers. L entreprise fournit en effet les combustibles et carburants à de nombreux commerces, institutions et usines, mais également à d importants acteurs des secteurs du transport aérien, maritime, ferroviaire et routier. Elle approvisionne finalement de nombreuses entreprises actives dans le secteur des ventes au détail, dont le réseau opérant sous la marque Ultramar. La place des produits pétroliers dans le bilan énergétique et économique du Québec Les produits pétroliers représentent 39 % de nos besoins énergétiques au Québec et au moins 95 % des carburants destinés au transport. Chaque jour, les Québécois versent 38 millions de litres d essence et de diesel dans leurs voitures et leurs camions, c est-à-dire environ 14 milliards de litres par année. Tel que le document de consultation le mentionne d ailleurs en page 72, «les hydrocarbures continueront d occuper une place importante dans le bilan énergétique et économique du Québec.» de même que «le pétrole est facile à transporter et possède une très grande densité énergétique; il sera donc une source importante d énergie pour le secteur des transports pour encore plusieurs années.» Certes, divers choix en matière d énergies de remplacement émergent et les politiques publiques tendent à en favoriser l adoption. Pourtant, les besoins énergétiques ne diminuent pas et le pétrole conservera sans aucun doute une place très importante dans nos vies. L Agence internationale de l énergie prévoit une croissance continue de la demande énergétique mondiale, jusqu à 35 % d ici 2035. Même si la part du pétrole exprimée en pourcentage va probablement diminuer dans le portrait global, une plus grande quantité de pétrole sera nécessaire. Nous avons la chance d avoir ici au Québec de l hydroélectricité renouvelable, mais ce n est pas le cas partout ailleurs. Seulement 16 % de l électricité en Amérique du Nord provient de l hydroélectricité et 39 % provient encore de centrales au charbon. Une étude récente réalisée par l Institut économique de Montréal précise que les Québécois consomment 48 % plus d électricité que les autres Canadiens et 90 % plus que les Américains. Ceci s explique surtout par les coûts. Les Québécois consomment par 2

ailleurs moins de pétrole par habitant que la moyenne en Amérique du Nord, mais comptent quand même parmi les plus grands consommateurs d énergie à près de 5 tép / hab / an. Au-delà des diverses utilisations du pétrole dans le secteur des transports, la demande est en croissance pour des produits pétrochimiques dérivés entrant dans la fabrication de médicaments, cosmétiques, peinture, plastiques, fibres textiles, objets de consommation divers et bien d autres choses encore. Il est difficile d imaginer une journée sans produits pétroliers : ils nous rendent simplement la vie plus facile. L industrie pétrolière est un secteur d activités dynamique en constante évolution, dans tous ses aspects. Les technologies que nous utilisons et les produits et services que nous fournissons aujourd hui ne ressemblent en rien à ceux du passé. La technologie automobile, combinée à des formules de carburants plus propres, a réduit les émissions liées au smog et aux pluies acides de 90 % depuis dix ans. De nouvelles normes de consommation des véhicules et de qualité des essences se pointent à l horizon. Environnement Canada étudie en effet sérieusement la possibilité de réduire à nouveau la norme de teneur en soufre dans l essence moteur, ce qui exigera de très importants investissements. Notre compagnie, au Canada, ajoutera finalement plus de 400 millions de litres de biocarburants à nos produits cette année, surtout à nos installations de Montréal-Est. Ceci réduit notre empreinte carbone. Recommandation 1 : Nous recommandons que dans le cadre de l élaboration de sa prochaine politique énergétique, le gouvernement du Québec fasse preuve de prudence et de pragmatisme puisqu il est convenu que nous ne pourrons changer du jour au lendemain nos modes de consommation énergétique. L industrie québécoise du raffinage - La transformation locale du pétrole brut en produits à valeur ajoutée. La raffinerie Jean-Gaulin, implantée au Québec depuis 1971 est néanmoins une «jeune» usine lorsqu on considère qu aucune nouvelle raffinerie de pétrole ne s est construite au Canada, ni aux États-Unis au cours du dernier quart de siècle. En fait, ce sont 6 raffineries qui ont annoncé leur fermeture depuis 2008 dans le nord-est de l Amérique du Nord, y compris celle de Esso à Dartmouth en Nouvelle-Écosse, confirmée il y a quelques semaines. D importants investissements successifs, particulièrement au cours de la dernière décennie, ont été faits à nos installations afin d en accroitre la capacité de production, mais également en améliorer la performance et la fiabilité. Ce sont près de 2 milliards $ qui ont ainsi été investis à Lévis depuis 2001 et 500 millions $ dans nos réseaux de ventes et de distribution. À cela s ajoute la construction, au coût de près de 400 millions $ et la mise en service à la fin 2012 de notre Pipeline Saint-Laurent, lien logistique stratégique permettant dorénavant d alimenter en continu notre terminal pétrolier de Montréal-Est, le plus important du genre au Canada. Avec sa capacité nominale de raffinage de 265 000 BPJ à Lévis, soit environ les 2/3 de la capacité de production du Québec et près de 30 % de la capacité combinée des 7 usines du Québec et de l Ontario, nos dépenses d exploitation et investissements dépassent annuellement les 600 millions $ (dont l essentiel est dépensé au Québec). Fait important à noter : l excellente performance, en particulier en matière d intensité des émissions de GES, qui place la raffinerie Jean-Gaulin loin en tête de peloton à l échelle canadienne (voir la figure 1). 3

Figure 1 Émissions de GES en intensité pour les raffineries canadiennes membres de l ACC en tonnes par m3 de brut traité 15 37 Recommandation 2 : Afin d assurer le maintien en exploitation des deux dernières raffineries au Québec, il est primordial que le gouvernement veille à ce qu un environnement concurrentiel soit maintenu, favorisant la venue de nouveaux investissements qui permettent une amélioration continue de leur efficacité. Ceci est particulièrement important dans un contexte où le Québec pourrait un jour devenir un producteur de pétrole. Un facteur déterminant : assurer un environnement concurrentiel aux raffineurs du Québec L accès à la matière première Le secteur amont de l industrie pétrolière nord-américaine n est pas en simple transformation, il est en complète mutation, et personne n avait anticipé l ampleur et la rapidité des bouleversements en ce moment en cours. Notre défi est de nous adapter, et même de prendre les devants, sinon nous risquons d être marginalisés et devenir non concurrentiels. Comme le montre la figue 2, d importants changements sont en cours concernant l approvisionnement mondial en pétrole brut. Les gisements de brut du bassin de l Atlantique déclinent tandis que la demande croissante des économies asiatiques rivalise avec les économies occidentales pour l accès à la même ressource. Ceci, combiné à la montée en flèche de la production de pétrole brut du centre du continent nord-américain, est en voie de redessiner la carte de l approvisionnement en pétrole. 4

Figure 2 Mouvement du pétrole brut dans le bassin de l Atlantique Ouest du Canada Mer du Nord Bakken Eagle Ford Méditerranée Moyen-Orient Golfe du Mexique Afrique de l Ouest Mexique Venezuela Brésil Vers l Asie La récession récente et l introduction des biocarburants, ainsi qu une réglementation plus stricte sur les produits qui nécessite des investissements massifs, ont causé la fermeture de nombreuses raffineries plus vulnérables de la côte Est et de l Europe, y compris une raffinerie à Montréal-Est. Ces fermetures sont l inexorable destin des usines devenues non concurrentielles par manque d investissements. La figure 3 illustre les projections de production pour les sables bitumineux canadiens, les champs pétrolifères de Bakken et les gisements récemment mis en exploitation dans l ouest du Texas. Figure 3 Prévisions de production de pétrole nord-américain MMBPJ 18 16 14 12 10 8 6 4 2 0 Pétrole de schiste américain Pétrole canadien Pétrole conventionnel américain 2010 2011 2012 2013E 2014E 2015E 2020E Source: EIA/Consultants, Valero estimés. L Agence internationale de l énergie prévoit que les États-Unis seront autosuffisants en pétrole d ici 2030 et que leur production dépassera celle de l Arabie saoudite d ici 2020, grâce au recours aux technologies améliorées d extraction du brut conventionnel et du brut non conventionnel. Les conséquences sur l économie des États-Unis seront énormes, alors que les importations de brut seront en déclin. Au Canada, l ensemble des raffineries consomme 1,8 million de barils de pétrole brut par jour. La production de pétrole brut dans l Ouest du Canada passera de 2,7 millions de barils par jour qu elle était au début de l an passé, à 4,5 millions de barils par jour d ici 2020. Ceci correspond à deux fois et demie les 5

besoins actuels du Canada et à plus de 7 fois la demande de brut raffiné dans l ouest du Canada. Incontestablement, le pétrole se retrouvera quelque part. Pour une usine comme la raffinerie Jean-Gaulin, le coût d acquisition de la matière première représentait en 2012 de 90 à 95 % de tous ses frais d exploitation. Même un écart de prix d un dollar par baril de pétrole brut a un impact significatif sur sa compétitivité, surtout lorsque l on sait que la marge bénéficiaire nette moyenne du secteur pétrolier aval canadien est de moins de 2 cents par litres (moyenne de 10 ans, tous produits confondus). La figure 4 indique les répercussions récentes de ces conditions d approvisionnement du marché sur le prix du pétrole brut. Comme on le constate, l écart entre le Brent typique extrait de la mer du Nord, par rapport à un brut canadien du centre du continent a beaucoup augmenté. Figure 4 Valeur d acquisition du brut d un raffineur québécois comparativement à un raffineur ontarien 130 120 Brent livré à Montréal 110 $CAN/baril 100 90 80 70 Edmonton Par livré à Sarnia Moyenne 12 derniers mois : 17,54 $/baril 60 janv.-10 juil.-10 janv.-11 juil.-11 janv.-12 juil.-12 janv.-13 juil.-13 Source: NRCAN / Enbridge Sources : 1. Valeur des bruts : http://www.nrcan.gc.ca/energy/sources/petroleum-crude-prices/crude/ 2. Coût pipeline Edmonton-Montréal : Enbridge L enjeu le plus pressant pour assurer que les raffineurs québécois puissent continuer de fabriquer ici les produits pétroliers consommés localement, c est l accès au pétrole brut léger compatible avec nos activités et le moins cher possible. L inversion du pipeline 9b d Enbridge est une nécessité. Ce même pipeline, inversé une première fois en 1998 vers Sarnia, se trouve maintenant dans la situation contraire. La logique économique suggère de le restaurer à son état d origine avec un écoulement de l ouest vers l est. Ce brut a déjà commencé à être envoyé par wagons, navires et pipelines, nouveaux ou redirigés, vers des centres de raffinage partout en Amérique du Nord. Ne pas utiliser ce brut compromettrait notre position concurrentielle et exposerait les activités de raffinage et de pétrochimie restantes au Québec à des risques inutiles. Valero prévoit que le pétrole brut synthétique valorisé ou d autres pétroles légers que nous utiliserons d abord en petites quantités, par le transport ferroviaire déjà amorcé, mais en proportion beaucoup plus importante dans l éventualité de l inversion du pipeline 9b amélioreraient le bilan environnemental de notre raffinerie. Ils sont généralement plus faibles en soufre et génèrent très peu de résidus de pétrole lourd. 6

Le projet d inversion du pipeline 9b engendrerait un investissement total de près de 200 millions $ pour Valero dont la plus grande partie serait consacrée à nos installations de Montréal-Est. Ceci entraînerait la création d environ 200 emplois dans la phase de construction et 100 nouveaux emplois permanents reliés à l utilisation de navires à la fine pointe de la technologie pour transporter le brut de Montréal à Lévis. Or, le projet d inversion du pipeline 9b d Enbridge, bien qu il soit soumis à l autorité de l Office National de l Énergie (ONÉ), fait également l objet d une analyse par le gouvernement du Québec. Ce dernier doit d ailleurs préciser la façon dont il entend consulter les parties prenantes pour alimenter son analyse. Recommandation 3 : Puisque la réalisation du projet d inversion du pipeline 9b d Enbridge favoriserait l accès à une matière première de qualité assurant la compétitivité des raffineries québécoises, nous recommandons, d une part, que l analyse du gouvernement du Québec soit fondée sur une parfaite compréhension des conséquences que générerait sa réalisation (investissements, consolidation d emplois de qualité, maintien d expertise et fabrication locale), et d'autre part, qu'il ne s'y oppose pas advenant que ledit projet réponde à toutes les exigences en vigueur. Un environnement réglementaire concurrentiel Nous notons tout d abord que dans son document de consultation, le gouvernement du Québec met de l avant un objectif de réduction des émissions de GES de 25 % sur l horizon de 2020, par rapport à l année de référence de 1990. Or, dans un contexte où d importantes réductions ont notamment déjà été faites dans le secteur industriel, il nous apparaît irréaliste de croire qu un tel objectif serait réalisable, à si court terme, sans impacts négatifs majeurs sur l économie québécoise. Recommandation 4 : Valero demande donc au gouvernement du Québec de maintenir la cible officiellement adoptée en 2009, soit une réduction de 20 % des émissions de GES sur l horizon de 2020, en référence à celle de 1990. Nous ne pouvons d autre part passer sous silence l important enjeu que constitue le système québécois de plafonnement et échange de droits d émissions de GES (SPÉDÉ). Avant toute chose, mentionnons que l ensemble des améliorations continues apportées à la raffinerie Jean-Gaulin au courant de la dernière décennie (tonnes métriques équivalentes de GES / an) a représenté au total plus de 145 000 TM / an de réduction d émissions, soit l équivalent de plus de 10 % des émissions de la raffinerie, ou 1 % d amélioration / an, ce qui est considérable. De plus, l entrée en service du pipeline Saint-Laurent à la fin de 2012 engendre la réduction de 37 000 TM / an des émissions de GES reliées au transport de ses produits raffinés vers Montréal. Aussi, l apport de Valero comme distributeur de biocarburants (qui remplacent en partie des carburants conventionnels dans les volumes qu elle commercialise) se traduit au Québec par des réductions annuelles équivalentes en GES* estimées à 100 000 TM / an pour l éthanol et à 110 000 TM / an en ce qui concerne le diesel renouvelable. Or, dans un contexte où la concurrence est continentale, voire mondiale, il est d une importance capitale d être en phase avec les juridictions voisines; l Ontario et les autres états et provinces initialement partenaires ont cependant pris un important recul face à la Western Climate Initiative (WCI). Ainsi, l assujettissement des carburants (secteur des transports) dès janvier 2015 est un enjeu de taille pour Valero et nous préoccupe sérieusement. Nous sommes d avis qu un frais sur le carbone serait, dans les circonstances, le meilleur outil, envoyant un signal clair et transparent à tous les acteurs du marché. La réglementation telle que décrite actuellement favorise les pétrolières qui ne font pas d investissement au Québec. Valero devra assumer des risques financiers importants pour ses concurrents. Nous collaborons depuis le début avec les représentants du gouvernement afin de trouver des solutions à cette importante question. Nous demandons toutefois à ce que l ensemble des risques et impacts sur la production locale soient analysés 7 *Remarque : Ces estimations sont établies à partir du modèle mathématique GHGenius utilisé par le gouvernement fédéral canadien.

afin d éviter que cela ne freine d éventuels investissements, si le Québec procédait trop rapidement en imposant ce fardeau financier additionnel. La redevance verte pose déjà un problème quant à la récupération des coûts; l impact financier du SPÉDÉ sera beaucoup plus important. Recommandation 5 : Dans ce contexte, nous recommandons la mise en veille pure et simple du SPÉDÉ jusqu à ce que les juridictions limitrophes se soient ralliées au concept. Conclusion Les analyses internationales démontrent qu au moins jusqu à l horizon 2035, les produits pétroliers continueront d être essentiels au bilan énergétique global. Le gouvernement du Québec reconnaît d ailleurs cette réalité en y faisant référence dans le document sur lequel s appuie la présente consultation. Le Québec, par son positionnement géographique et ses abondantes ressources naturelles, peut compter sur plusieurs atouts de taille. À une époque où les frontières ne font plus obstacle aux biens et aux personnes, son économie est toutefois tributaire de celles des états voisins. Il importe donc de tenir compte de cette réalité d intégration économique nord-américaine au moment de revoir les politiques publiques qui dicteront nos choix collectifs de la prochaine décennie. Dans ce contexte, nous sommes d avis qu il doit y avoir la plus grande cohérence possible entre les provinces et les territoires sur le marché canadien, de même qu avec les états américains voisins. La stratégie actuelle voulant que nous procédions seuls (à l exception de la Californie) avec la mise en place d un marché de carbone n envoie pas les bons signaux économiques et provoquera assurément un affaiblissement de la compétitivité du Québec face à ces mêmes partenaires économiques. Les Québécois doivent pouvoir conserver leur mobilité afin de maintenir leur compétitivité, leur prospérité et leur sécurité. L offre de carburants du futur sera plus diversifiée : les biocarburants, le gaz naturel, l électricité et l hydrogène auront tous un rôle à jouer. Chacun trouvera finalement sa niche. Toutefois, nous sommes d avis que les produits pétroliers feront résolument partie de l ensemble. Dans ce contexte, il vaut mieux pouvoir compter ici sur une industrie locale du raffinage concurrentielle et efficace : c est là le souhait que nous exprimons. Nous demeurons, il va sans dire, à la disposition du gouvernement du Québec pour les prochaines étapes du processus qui mènera à l élaboration de sa nouvelle politique énergétique. 8

Annexe Sommaire des recommandations formulées dans ce mémoire : 1) Recommandation 1 : Nous recommandons que dans le cadre de l élaboration de sa prochaine politique énergétique, le gouvernement du Québec fasse preuve de prudence et de pragmatisme puisqu il est convenu que nous ne pourrons changer du jour au lendemain nos modes de consommation énergétique. 2) Recommandation 2 : Afin d assurer le maintien en exploitation des deux dernières raffineries au Québec, il est primordial que le gouvernement veille à ce qu un environnement concurrentiel soit maintenu, favorisant la venue de nouveaux investissements qui permettent une amélioration continue de leur efficacité. Ceci est particulièrement important dans un contexte où le Québec pourrait un jour devenir un producteur de pétrole. 3) Recommandation 3 : Puisque la réalisation du projet d inversion du pipeline 9b d Enbridge favoriserait l accès à une matière première de qualité assurant la compétitivité des raffineries québécoises, nous recommandons, d une part, que l analyse du gouvernement du Québec soit fondée sur une parfaite compréhension des conséquences que générerait sa réalisation (investissements, consolidation d emplois de qualité, maintien d expertise et fabrication locale), et d'autre part, qu'il ne s'y oppose pas advenant que ledit projet réponde à toutes les exigences en vigueur. 4) Recommandation 4 : Valero demande au gouvernement du Québec de maintenir la cible officiellement adoptée en 2009, soit une réduction de 20 % des émissions de GES sur l horizon de 2020, en référence à celle de 1990. 5) Recommandation 5 : Nous recommandons la mise en veille pure et simple du SPÉDÉ jusqu à ce que les juridictions limitrophes se soient ralliées au concept. 9