LES URGENCES PROCTOLOGIQUES DESC 2014 Caroline de la Rivière urgences Pellegrin
PLAN: 1/ gangrène de Fournier 2/ corps étrangers 3/ rectorragies
I/ LA GANGRÈNE DE FOURNIER Définitions: fasciite nécrosante: infection sévère des tissus mous touchant les fascias superficiel et profond Gangrène de Fournier o forme de fasciite nécrosante génitale, périnéale et périanale. o infection polymicrobienne.origine: génito-urinaire, colorectale, cutanée ou idiopathique o potentiellement létale o cause la plus fréquente de perte de substance de peau génitale
Attention: mode de présentation parfois atypique retentissement général initialement modeste retard diagnostic thérapeutique
Historique: décrit pour la première fois en 1764 1883: Jean-Alfred Fournier, dermatologue parisien decrit 5 cas : hommes jeunes, préalablement sains, Il incrimina, les habitudes pratiquées à l époque, ( ligature nocturne du prépuce pour éviter l énurésie ou comme moyen de contraception masculine dans les adultères de l homme.)
Incidence: L incidence vraie non connue âge : entre 30 et 60 ans quelques cas pédiatriques Les hommes sont dix fois plus atteints que les femmes
Étiologies: identifiée chez 75 à 100 % des patients colorectale 13 à 50 % : o abcès périrectaux et périanaux, o instrumentations rectales, o perforations coliques secondaires à un cancer o diverticuloses, o cures d hémorroïdes, o coït anal urogénitale 17 à 87 % o o o o o sténoses de l urèthre avec extravasation d urine, instrumentations uréthrales circoncision, cure d hernie, implantation de prothèse pénienne infections cutanées o o o o infections cutanées aiguës et chroniques du scrotum, hydradénites suppurées, balanites femmes: o o o traumatismes intentionnels (piercing scrotal). avortements septiques, abcès des glandes de Bartholin épisiotomies. traumatismes locaux
Facteurs favorisants: diabète, présent dans 60 % des cas alcoolisme âges extrêmes mauvaise hygiène VIH malnutrition néoplasies corticothérapie obésité morbide pathologies vasculaires pelviennes cirrhoses atteintes neurologiques de la moelle avec diminution de la sensibilité périnéoscrotale
Physiopathologie: URGENCE progression rapide de la nécrose à partir du périnée vers la paroi abdominale (parfois quelques heures)
Physiopathologie: infection locale adjacente à un point d entrée progression rapide vers une endartérite oblitérante nécrose vasculaire cutanée et sous-cutanée nécrose tissulaire (ischémie locale + effet synergétique de plusieurs bactéries) nécrose tissulaire entretient la prolifération bactérienne
Physiopathologie: porte d entrée suit les trajets anatomiques délimités par les fascias progression rapide ( 2-3 cm/h) endartérite oblitérante -> nécrose vasculaire cutanée et sous cutanée -> tissulaire (ischémie locale + effet des enzymes produites par les bactéries : Héparinases, coagulases,...) cercle vicieux : nécrose tissulaire -> prolifération bactérienne analyse histologique : nécrose des fascias + infiltrat leucocytaire et bactérien dans derme profond + nécrose des vaisseaux. conséquences en pratique: o o contraste cliniques / profondeur de l infection diffusion des antibiotiques limitée
Bactériologie: infection poly bactérienne présence de crépitations (avec ou sans odeur fétide) methabolisme Aérobie: liberation de dioxyde de carbone et d eau : soluble dans l eau : ne s accumule pas dans les tissus combinaison du métabolisme aérobie et anaérobie : production d hydrogène, de nitrogène, de sulfide d hydrogène et de méthane : insolubles dans l eau : s accumulent dans les tissus sous forme d air: crépitations. La flore bactérienne dépend du site d origine: fréquent : Escherichia coli, bactéroïdès, protéus, staphylocoque,streptocoque, Pseudomonas et entérocoque étiologies rectales : anaérobies Gram-négatif étiologies uréthrales: Aérobies Gram-positif rarement : clostridium Les cultures de plaies : environ quatre germes par cas.
Un diagnostic souvent tardif... temps moyen au diagnostic : six jours en moyenne installation insidieuse : simple prurit / douleur au niveau des OGE parfois délais de cinq jours avant consultation
Clinique: débute comme une cellulite oedeme, érythéme tension douloureuse, dure exsudative +/- phlyctènes hémorragiques, +/- plaques de cyanose +/- nécrose signes généraux : douleur / fièvre / troubles de conscience/ FR FC œdème et crépitations, apparition de zones rouge foncée progression vers la gangrène extensive crépitation neigeuse : pathognomonique non systématique (<⅓ des cas) Attention nécrose parfois limité «sommet de l iceberg» hyperesthésie puis hypoesthésie possible (atteinte des terminaisons nerveuses)
Pièges: contraste : signes fonctionnels très bruyant /signes physiques peu importants au début caractéristique examen incomplet des OGE / obésité morbide = risques de retard diagnostic
Examens paraclinique: Peu contributifs élévation GB, CRP fréquents mais non spécifiques. anémie :diminution de la masse érythrocytaire, due aux thromboses vasculaires liées au sepsis. Augmentation de la créatinine hyponatrémie et l hypocalcémie fréquentes. L hypocalcémie est secondaire aux lipases bactériennes qui détruisent les triglycérides et libèrent les acides gras qui chélatent le calcium dans sa forme ionisée. hypoplaquettose (sepsis)
Imagerie: peut contribuer: au diagnostic à la recherche étiologique à la conduite thérapeutique mais ne doit pas retarder le traitement
Radio simple: Visualise avec retard la présence d air dans les tissus Ne donnent pas d autres renseignements. oedème scrotal massif avec présence d air dans une gangrène périnéale
Échographie: cherche: un épaississement cutané, des artefacts hyperéchogènes avec cônes d ombres traduisant la présence d air dans les tissus.
Scanner: présence d air dans les tissus relation avec les organes pelviens (fistule digestive tumorale..) épaississement des fascias et infiltration de la graisse sous-cutanée gangrène périnéale sur perforation rectale néoplasique fasciite nécrosante périnéale chez la femme air sous-cutané qui remonte à la paroi abdominale antérieure.
Scanner:
Gangrène de Fournier après cure d hémorroïdes et perforation rectale. Gangrène de Fournier dont la source est une balanite. Après bourgeonnement excessif, rétraction des deux testicules. rougeur et œdème du périnée, du scrotum, de la verge et de la région sus-pubienne ressemblant à une cellulite. Les crépitations s étendent à toute la zone délimitée par le marqueur. Rougeur périnéoscrotale et plaque noirâtre au scrotum droit. La nécrose sous-jacente est beaucoup plus étendue que la nécrose cutanée.
Diagnostic différentiels: devant toute infection des tissus mous des organes génitaux, la possibilité d une gangrène de Fournier doit être évoquée en premier cellulite: signes cliniques initiaux identiques (douleur,œdème, érythème) orchi-épididymite torsion de testicule atteinte scrotale exclusive hydrocèle infectée intertrigo, une mycose gangrène de Fournier débutante dermite aiguë
Traitement: urgence chirurgicale dévastatrice traitement en deux phases : débridement extensif + antibiothérapie parentérale + rééquilibration hydroélectrolytique reconstruction plus ou moins complexe, une fois le processus infectieux jugulé
Traitement médical: restauration d une perfusion tissulaire normale antibiothérapie immédiate : - pénicilline (aérobies Gram-positif et le Clostridium) + aminoglycoside (BGN) + métronidazole ou clindamycine (anaérobies) - champignons à la culture ajout amphotéricine B ou capsufungin Plusieurs combinaisons d antibiotiques sont utilisées : Céfotaxime 2 g/j 3 (ou ceftriaxone 2 g/j) et métronidazole 500 mg/j 3 et gentamicine haute dose (6-8 ml/kg) ; Pipéracilline 4 g/j 4 et métronidazole et gentamicine haute dose ; Bithérapie d amoxicilline-acide clavulanique 3 g/j 4 + gentamicine +/- métronidazole.
Traitement chirurgical: Débridement: le plus tôt possible après stabilisation hémodynamique excision de tout le tissu dévitalisé (peau, tissu sous-cutané, fascia) En cas de séparation facile au doigt des fascias et du tissu adjacent : les débrider (atteinte probable) colostomie : atteinte rectale et sphinctérienne étendue, en cas d incontinence fécale (souillure de plaie) Protection des testicules (placés dans des poches sous-cutanées de la cuisse ou recouverts par des pansements) zones débridées et dénudées : recouvertes par des compresses mouillées et essorées. Inspection quotidienne des plaies second look, H 24 à H 48 nécessaire pour éliminer une progression de la maladie Post op: non amelioration de l état général : rechercher une collection profonde intra- ou extrapéritonéale plusieurs temps opératoires souvent nécessaires (contrôle complet de l infection et un bourgeonnement satisfaisant)
Evolution après débridement: H 48 du débridement bourgeonnement
Traitements complémentaires: Soins spéciaux Alimentation entérale ou parentérale besoins caloriques importants choc septique, interventions chirurgicales récidivantes, hospitalisation en réanimation prolongée Entérale hypercalorique à privilégier Parentérale nécessaire dans 41 % des cas oxygénothérapie hyperbare augmente la concentration locale en oxygène facilitation la cicatrisation Diminue la multiplication des bactéries anaérobies efficacité controversée / matériel pas toujours disponible Reconstruction moment de la reconstruction? plaie propre ++
Complications: état septique persistant: méconnaissance de la cause initiale de l infection (ulcère perforé, appendicite, diverticulite ), sous-estimation de l étendue de la nécrose endocardite bactérienne pneumonie secondaire atélectasies Douleurs: après la reconstruction, 50 % des patients avec atteinte pénienne (cicatrices limitant la mobilité) Stress émotionnel: lié à la déformation de l image corporelle consultation psychiatrique œdèmes et cellulites : dans les atteintes étendues, diminution du drainage lymphatique
Pronostic: Dépend de la rapidité du diagnostic ++ Risques de mortalité augmentés: diabétiques alcooliques infections à point de départ colorectale (atypique, gangrène) Age 21-30 ans insuffisance rénale chronique / créatinine sérique à l admission durée des symptômes avant l hospitalisation étendue de la gangrène Malgré le traitement agressif moderne, la mortalité reste élevée, de 16 à 40 %.
Chirurgie dévastatrice:
II/ CORPS ÉTRANGERS Pathologie rare mais de fréquence Hommes 90 % contexte particulier Urgence thérapeutique possibles lésions : rupture, perforation, nécrose
Contexte: Introduction volontaire = 90 % 2 pics : 25-40 ans et > 60 ans Agression sexuelle H + F souvent lésions majeures Ingestion accidentelle Dissimulation (drogue )
Clinique: Le plus souvent, caché ou nié (20 % d aveu d emblée) retard de diagnostic / tentatives infructueuses douleurs abdominales, suintements glairo-sanglants, rectorragie minime, rétention d urine Examen clinique = palpation + T. rectal +++ C.E. perçu au doigt Risque : lésions muqueuses, déchirure, nécrose rupture
Imagerie: ASP face et profil : confirme le + souvent et recherche pneumo et rétropneumopéritoine
Imagerie:
Traitement: sous AG++ Urgence car l œdème fixe le corps étranger Position gynécologique + sondage si globe vésical TR + anuscope (muqueuse) Dilatation progressive Selon le C.E. : pince gainée pour verre ± manœuvres externes repousser Insufflation d air phénomène de succion Après extraction, vérifier muqueuse et ASP Rarement, laparotomie ± rectotomie
III/ LES RECTORRAGIES Hémorragies de sang rouge non digéré extériorisé par voie basse. Par extension définit tous saignements de sang par l anus (hémorragies dig basses + hautes abondantes) Différentes présentations cliniques: Rectorragies terminales: pathologie anale (hémorroïdes..) Hémorragies abondantes de sang rouge pur Diarrhées sanglantes ou glairo-sanglantes
Rappel anatomique:
Etiologies proctologiques: Hémorroïdes (diagnostic d élimination) ulcérations thermométriques, fissure anale.. Tumeurs recto-coliques Rectites inflammatoires (MICI) ou infectieuses ou iatrogène (radiothérapie)
Interrogatoire: motifs fréquents de consultation car angoissant Analyse du saignement : - ancienneté - fréquence - rapport avec la selle - abondance (minime, grande, ou tachant simplement le papier ou les sous-vêtements) - signes d'accompagnement : faux-besoins, ténesmes, épreintes, émissions purulentes ou glaireuses, douleurs anales ou abdominales ; - notion de prise de température précédant le saignement recherche de facteurs favorisant le saignement (trouble de la coagulation, AVK, AAP) ou maladies susceptibles d'être accompagnées de saignements (dysenterie, colite aiguë).
Interrogatoire: orientations: - marginale : saignement minime tachant les sous-vêtements - hémorroïdaire : le sang éclabousse la cuvette en fin de selle - fissuraire : petite traînée de sang sur la selle ou le papier + douleurs Attention: lésion maligne du colon ou du rectum ne peut être éliminé par l interrogatoire!
Examen clinique: Mise en condition: minutieux avec douceur pour un examen complet et surtout indolore position genu-jugale (joue sur la table) sujet non valide en décubitus latéral gauche bon éclairage centré sur l'anus Inspection: recherche visuelle d'une anomalie de surface : ulcération, tuméfaction, orifice, écoulement anormal. recherche d'une procidence rectale (demander au malade de pousser)
Examen clinique: Le toucher comporte trois temps : externe, anal et rectal - région péri-anale : - induration - écoulement déclenché par pression du doigt - canal anal : - tonicité de l'appareil sphinctérien - recherche un rétrécissement - dépression bordée d'une induration (cryptite, point de départ des abcès et fistules anales) - Petites saillies (thrombose interne) - formations papillomateuses, - plus avant dans le rectum : - recherche d'une lésion pariétale (tumorale) - intra-murale (abcès de la couche longitudinale du rectum) - voire extrinsèque (prostate, utérus, adénopathie)
Examen complémentaire: L'anuscopie doit pouvoir être pratiquée par tous les praticiens contre indiquée en cas de contraction douloureuse appareil métallique (stérilisé) ou mieux un jetable. bon éclairage lubrifié, Introduction progressif et avec délicatesse Retrait du mandrin : la muqueuse rectale basse (teinte, fragilité, épaisseur, plages hémorragiques, purpuriques, enduit purulent, ulcérations, lésion tumorale basse) retrait progressif visualisation : zone hémorroïdaire interne, la ligne pectinée, le canal anal souspectinéal. toujours complété par une rectoscopie rigide. La rectoscopie +/- préparation par mini lavement Une biopsie rectale
Fissure anale: Modes de révélation: douleur vive ou modérée au moment du passage de la selle. rythme à trois temps: disparition quelques minutes après la selle puis réapparition plusieurs heures constipation par crainte de l exonération. Parfois douleur soit moins intense, intermittente ou remplacée par une simple gêne ou par un prurit. rectorragie, avec ou sans douleur.
Examen: déplissement des plis fissure en forme de raquette à bords nets à peine surélevés fond rouge +/- fibres du sphincter interne fissure évoluée : épaississement des bords :capuchon mariscal Pas de toucher rectal (très douloureux) en général pôle postérieur de l anus, parfois pôle antérieur Attention: Toute fissure d aspect inhabituel -> explorations complémentaires (prélèvements )
Traitement: Médical : ramollissement des selles régularisation du transit antalgiques topiques locaux traitement radical : fissurectomie (myotomie partielle du sphincter interne de l anus ou sphinctérotomie latérale interne) dérivé nitré en applications locales et l injection de toxine botulique : en cours d évaluation.
Hémorroïdes:
Hémorroïdes: 4 types de troubles : La crise œdémateuse : pesanteur au niveau de l anus démangeaisons inflammation des hémorroïdes (souvent internes) cède généralement en quelques jours (traitement médical) La thrombose hémorroïdaire : caillot sanguin au niveau d une hémorroïde douleur anale intense, brutale boule dure et violacée disparaît en quelques jours (traitement médical) +/- évacuation du caillot en urgence. Les saignements (rectorragies) : sang rouge de faible abondance lors de la défécation. peut causer une anémie Le prolapsus hémorroïdaire : extériorisation réductible ou non d hémorroïdes internes.
Thrombose hémorroïdaires externe: hémorragie sous-cutanée de la marge anale Le caillot +/- œdème plus ou moins important douleur brutal, intense et continue perception d une tuméfaction douloureuse empêche parfois la position assise La douleur n est pas augmentée par la défécation tuméfaction bleuâtre très douloureuse à la palpation Elle est souvent entourée d une tuméfaction œdémateuse Sans traitement, la douleur cède en 2 à 7 jours et la tuméfaction régresse (marisque) excision sous anesthésie locale. thrombose œdémateuse ou vue tardivement: traitement médical (régularisation du transit, paracétamol, AINS par voie orale et pommade contenant des corticoïdes)
Thrombose hémorroïdaires interne: rare douleur vive perceptible au toucher rectal (petites masses arrondies douloureuses) traitement le plus souvent médicamenteux (pommade aux corticoïdes et des AINS per os) excision si besoin prolapsus hémorroïdaire thrombosé ou «prolapsus étranglé»: prolapsus irréductible, douloureux + thrombus multiples et œdème important réintégration du prolapsus, repos, AINS par voie orale traitement chirurgical en urgence possible
Thrombectomie hémorroïdaires:
Merci de votre attention