REPUBLIQUE DE COTE D IVOIRE ----------------- COUR D APPEL D ABIDJAN ---------------- TRIBUNAL DE COMMERCE D ABIDJAN --------------- RG N 466 /2015 ------------- ORDONNANCE DU JUGE DES REFERES -------------- Affaire : -MONSIEUR ZEIN HISSAM LA SCPA NAMBEYA- DOGBEMIN CONTRE/ -LA SOCIETE PROSUMA LA SCPA DOGUE-ABBE YAO -------------- DECISION : Contradictoire Rejetons l exception d incompétence soulevée ; Recevons monsieur ZEIN HISSAM en son action principale et la société PROSUMA en sa demande reconventionnelle ; Les y disons respectivement partiellement et mal fondés ; Condamnons la société PROSUMA à payer à monsieur ZEIN HISSAM la somme de 4.520.598 FFA au titre des causes de la saisie et ce, sous astreinte de 100.000 FCFA par jour de retard à compter de la signification de la présente décision ; Déboutons le demandeur du surplus de ses demandes et la société PROSUMA de sa demande reconventionnelle ; Mettons les dépens de l instance à la charge de la société PROSUMA. AUDIENCE PUBLIQUE DU 23 FEVRIER 2015 L an deux mil quinze Et le vingt-trois Février Nous, TOURE AMINATA, Juge délégué dans les fonctions du Président du Tribunal de commerce d Abidjan, statuant en matière de référés ; Assisté de Maître KODJANE MARIE-LAURE épouse NANOU, Greffier ; Avons rendu l ordonnance dont la teneur suit : Par exploit d huissier en date du 3 février 2015, monsieur ZEIN HISSAM a fait servir assignation à la Société PROSUMA d avoir à comparaître devant la Juridiction de l exécution du Tribunal de Commerce, à l effet d entendre : -Condamner la défenderesse à lui payer la somme de 4.520.598 FFA sous astreinte de 200.000 FCFA par jour de retard ; -la condamner à lui payer la somme de 10.000.000 FCFA à titre de dommages et intérêts pour tous préjudices subis ; Au soutien de son action, monsieur ZEIN HISSAM expose que suivant exploit en date du 9 septembre 2014, il a fait pratiquer une saisie attribution entre les mains de la société Prosuma par le ministère de maître Konin Assemian, huissier de justice, sur les sommes détenues pour le compte de madame ABOA MADELAINE, pour obtenir paiement de la somme de 4.520.598 FCFA ; Ladite saisie a été pratiquée en vertu d une grosse exécutoire du jugement N 51/2014 du 21 mars 2012 de la section du Tribunal d Agboville ; La saisie a été régulièrement dénoncée à la débitrice saisie le 15 septembre 2014 et aucune contestation n a été faite, même audelà du délai d un mois imparti à cet effet ; Un certificat de non contestation N 3092/2014 du 11 octobre 2014 a été dressé par le greffe du Tribunal de Première Instance d Abidjan ; Bien que ledit certificat ait été présenté au tiers saisi en l occurrence la société PROSUMA, celle-ci a opposé un refus catégorique à sa demande en paiement ; Ce refus engage sa responsabilité conformément aux articles 38, 160 alinéa 2, 164 de l acte uniforme OHADA relatif aux procédures simplifiées de recouvrement et aux voies d exécution ; En effet par son refus, la société PROSUMA a entravé la procédure de saisie, ce qui constitue une faute ; Le demandeur estime qu il y a lieu de condamner la défenderesse au paiement des causes de la saisie et de 1
dommages et intérêts à hauteur de 10.000.000 FCFA ; Il fait noter qu il ressort de la lettre en date du 26 mai 2014 que la majorité des héritiers de feu AHUA BOA KOUASSI ont donné ordre à la société PROSUMA pour se libérer entre les mains de monsieur ZEIN HISSAM ; La société PROSUMA ne peut, dit-il, exciper de moyens de défenses propres au débiteur saisi ; En réplique la société PROSUMA soulève l incompétence de la juridiction de céans au motif que c est une juridiction civile qui a rendu la décision et que la débitrice saisie n est pas commerçante ; La défenderesse fait noter que dans sa déclaration de tiers saisi, elle a pris le soin d indiquer les sommes qu elle détenait exclusivement pour dame BOA MADELAINE, à savoir 4.400.000 FCFA ; Or, le créancier saisissant demande le paiement de la totalité de cette somme, alors qu il ne s est pas agi d une condamnation solidaire ; Elle ne peut se dessaisir de cette somme qui n appartient pas à tous les ayants droit ; Elle soutient qu elle ne s oppose pas au paiement mais à condition que la part qui est due par dame BOA MADELAINE soit précisé ; En ne payant pas dans de telles circonstances, elle n a commis aucune faute et la demande en paiement des causes de la saisie attribution doit être rejetée ; Elle fait noter qu elle ne fait pas preuve de résistance abusive, mais qu il s agit de prendre des précautions pour effectuer un paiement libératoire ; La demande d astreinte n est donc point justifiée ; En la forme DES MOTIFS Sur le caractère de la décision La défenderesse ayant comparu et conclu, il convient de statuer par décision contradictoire ; Sur l exception d incompétence La société PROSUMA soulève l exception d incompétence de la juridiction de céans au motif que la décision dont l exécution est sollicitée a été rendue par une juridiction civile et que la débitrice saisie n est pas commerçante ; Il y a lieu d indiquer que la présente action tend à la condamnation de la débitrice saisie au paiement des causes de la saisie attribution et non à l exécution de la décision évoquée ; Or, la société PROSUMA est une société anonyme et donc une société commerciale par la forme ; L article 49 de l acte uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d exécution 2
dispose : «La juridiction compétente pour statuer sur tout litige ou toute demande relative à une mesure d'exécution forcée ou à une saisie conservatoire est le président de la juridiction statuant en matière d'urgence ou le magistrat délégué par lui. Sa décision est susceptible d'appel dans un délai de quinze jours à compter de son prononcé. Le délai d appel comme l exercice de cette voie de recours n ont pas un caractère suspensif, sauf décision contraire spécialement motivée du président de la juridiction compétente.» ; Ce texte consacre la compétence du juge de l exécution relativement à toute demande ayant trait à une mesure d exécution forcée ; Aux termes de l article 7 de la loi N 2014-424 du 24 juillet 2014 portant création, organisation et fonctionnement des juridictions de commerce, «les juridictions de commerce connaissent : - Des contestations relatives aux engagements et transactions entre commerçants au sens de l Acte Uniforme sur le droit commercial général ; - Des contestations entre associés d une société commerciale ou d un groupement d intérêt économique ; - Des contestations entre toutes personnes, relatives aux actes de commerce au sens de l Acte Uniforme relatif au Droit Commercial Général. Toutefois, dans les actes mixtes, la partie non commerçante demanderesse peut saisir les tribunaux de droit commun ; - Des procédures collectives d apurement du passif ; - Plus généralement des contestations et oppositions relatives aux décisions prises par le Tribunal de Commerce. - Des contestations et oppositions relatives aux décisions prises par les juridictions de commerce» ; En outre, l article 31 alinéa 2 de la même loi dispose : «La juridiction compétente pour statuer sur toute demande relative à une mesure d exécution forcée ou à une saisie conservatoire est le président du tribunal de commerce ou le magistrat délégué par lui» ; L alinéa 1 er du même article précise : «Tous les cas d urgence sont portés devant le président du tribunal de commerce ou le président de la chambre commerciale spéciale qui a statué ou devant connaître de l appel» ; Il ressort clairement de la lecture combinée de ces textes, que le Président du Tribunal de Commerce ou un juge par lui délégué est compétent pour connaitre des cas d urgence dans les matières relevant des attributions du Tribunal de Commerce ; La société PROSUMA étant commerçante, monsieur Zein Hissam avait la possibilité de l attraire devant la juridiction présidentielle du Tribunal de commerce en paiement des causes 3
de la saisie, conformément aux articles 7 et 31 sus visés ; Il y a donc lieu de rejeter l exception d incompétence soulevée ; Sur la recevabilité de l action principale et de la demande reconventionnelle L action principale a été introduite dans le respect des exigences légales de forme et de délai ; Il sied de la recevoir ; La demande reconventionnelle est connexe à l action principale à laquelle elle sert de moyen de défense ; Il échet de la recevoir conformément à l article 101 du code de procédure civile, commerciale et administrative ; Au fond Sur la condamnation au paiement des causes de la saisie attribution Se fondant sur les dispositions des articles 164 et 38 de l acte uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d exécution, monsieur ZEIN HISSAM sollicite la condamnation de la société PROSUMA en sa qualité de tiers saisi, au paiement des causes de la saisie ; Aux termes de l article 164 sus visé : «Le tiers saisi procède au paiement sur présentation d un certificat de du greffe attestant qu aucune contestation n a été formée dans le mois suivant la dénonciation de la saisie ou sur présentation de la décision exécutoire de la juridiction rejetant la contestation. Le paiement peut également avoir lieu avant l expiration du délai de contestation si le débiteur a déclaré par écrit ne pas contester la saisie» ; En application de ce texte le paiement des sommes détenues par le tiers saisi se fait sur présentation d un certificat de non contestation délivré par le greffe ou d un acte écrit constatant la renonciation du débiteur saisi à contester la saisie ; En outre de l article 38 du même acte uniforme : «Les tiers ne peuvent faire obstacle aux procédures en vue de l exécution ou de la conservation des créances. Ils doivent y apporter leur concours lorsqu ils en sont légalement requis. Tout manquement par eux à ces obligations peut entrainer leur condamnation à verser des dommages et intérêts. le tiers entre les mains duquel est pratiquée une saisie peut également et sous les mêmes conditions, être condamné au paiement des causes de la saisie, sauf son recours contre le débiteur.» ; Le tiers saisi qui refuse de s exécuter peut donc être condamné à payer les causes de la saisie et des dommages et intérêts ; Il est constant en l espèce qu en vertu d une grosse exécutoire du jugement N 51/2012 du 21 mars 2012 de la section du Tribunal d Agboville monsieur ZEIN HISSAM a fait pratiquer une saisie attribution entre les mains de la société Prosuma par le ministère de maître Konin Assemian, huissier de justice, sur 4
les sommes détenues pour le compte de madame ABOA MADELAINE, pour obtenir paiement de la somme de 4.520.598 FCFA ; Cette saisie n ayant pas été contestée, un certificat de non contestation N 3092/2014 du 11 octobre 2014 a été dressé par le greffe du Tribunal de Première Instance d Abidjan et présenté au tiers saisi en l occurrence la société PROSUMA qui a bel et bien déclaré détenir des sommes d argent pour le compte de la débitrice saisie ; Toutefois, malgré la signification du certificat de non contestation de ladite saisie attribution, la société PROSUMA refuse de s exécuter, prétextant que la décision de condamnation servant de fondement à la saisie n est pas suffisamment explicite et qu elle ne comporterait pas de condamnation solidaire. Or, il est constant d une part que ladite décision comporte bien condamnation de la débitrice saisie au paiement des sommes saisies, et d autre part, qu il n appartient pas au tiers saisi d apprécier la régularité et le bien fondé de la décision servant de fondement à la saisie et d opposer ainsi au créancier saisissant, des exceptions que seul le débiteur saisi peut lui opposer ; Il doit simplement en application des articles 38 et 164 sus visés, se contenter au vu du certificat de non contestation de payer les causes de la saisie, à défaut il s expose au paiement desdites causes ; Il y a donc lieu de condamner la société PROSUMA à payer Mr ZEIN Hassan la somme de 4.520.598 FFA au titre des causes de la saisie ; Sur la condamnation au paiement de dommages et intérêts S il est constant qu en application de l article 38 sus visé, le tiers saisi s expose au paiement des dommages et intérêts outre celui des causes de la saisie, encore faut-il que s agissant des dommages et intérêts, la preuve d un préjudice soit rapportée ; En l espèce, monsieur ZEIN HISSAM se contente d affirmer qu il subit des préjudices sans en rapporter la preuve ; Il n établit pas qu il subit un préjudice autre que les causes de la saisie dont il a été privé ; Il y a donc lieu de le débouter de cette demande en paiement de dommages et intérêts ; Sur le bien fondé de la demande reconventionnelle La société PROSUMA sollicite reconventionnellement être désignée séquestre de la somme saisie ; Toutefois cette demande n est pas justifiée ; En effet le législateur faisant obligation au tiers saisi de payer les causes de la saisie dès la présentation du certificat de non contestation, celui-ci ne saurait user de voies détournées pour se soustraire à cette obligation ; C est d ailleurs la raison pour laquelle la société PROSUMA a été condamnée au paiement des causes de la saisie ; 5
En l espèce, la demande de séquestre qui au demeurant ne repose sur aucun motif légitime, est juste un moyen pour la société PROSUMA de ne pas exécuter ses obligations de tiers saisi ; Il y a lieu de la débouter de cette demande mal fondée ; Sur la demande d astreinte La société PROSUMA fait véritablement preuve de résistance injustifiée pour exécuter une obligation légale lui incombant ; L astreinte visant à combattre une telle résistance, il y a lieu d y faire partiellement droit, en ordonnant l exécution de la décision sous astreinte de 100.000 FCFA par jour de retard à compter de la signification de la décision ; Sur les dépens La société PROSUMA succombant, il sied de lui faire supporter les dépens ; PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de voies d exécution, et en premier ressort ; Rejetons l exception d incompétence soulevée ; Recevons monsieur ZEIN HISSAM en son action principale et la société PROSUMA en sa demande reconventionnelle ; Les y disons respectivement partiellement et mal fondés ; Condamnons la société PROSUMA à payer à monsieur ZEIN HISSAM la somme de 4.520.598 FFA au titre des causes de la saisie et ce, sous astreinte de 100.000 FCFA par jour de retard à compter de la signification de la présente décision ; Déboutons le demandeur du surplus de ses demandes et la société PROSUMA de sa demande reconventionnelle ; Mettons les dépens de l instance à la charge de la société PROSUMA. ET AVONS SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER. / 6
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