Comportement observé des filtres géotextiles dans les ouvrages de drainage



Documents pareils
LES EAUX USÉES. L évacuation des eaux usées. Les eaux vannes (EV) : eaux provenant des cuvettes de WC.

Le bac à graisses PRETRAITEMENT. Schéma de principe. Volume du bac à graisses. Pose

RÉSUMÉ DES PRINCIPALES RÈGLES CONCERNANT LE RACCORDEMENT D UNE RÉSIDENCE AU NOUVEAU RÉSEAU D AQUEDUC ET D ÉGOUT DU VILLAGE

Règlement numéro LA GESTION DES EAUX DE SURFACE ET LES RACCORDEMENTS AUX SERVICES D AQUEDUC ET D ÉGOUT. Avril 2011

ETUDE D UN BATIMENT EN BETON : LES BUREAUX E.D.F. A TALENCE

UNE MEILLEURE CONNAISSANCE

Avant d aller à la recherche d un terrain

ÉTUDES SUR L EAU N 86 MODALITÉS TECHNIQUES DU CONTRÔLE DES INSTALLATIONS D ASSAINISSEMENT NON COLLECTIF DES HABITATIONS INDIVIDUELLES

Guide d installation Agrément n

Les mesures à l'inclinomètre

M. GUILLAUME ^ Alimentation en eau potable /} ( de la Ville de Metz Implantation de nouvelles stations de pompage dans la région de La Maxe-Thur;y

Guide d entretien. de votre assainissement non collectif

Mon installation d assainissement non collectif PRÉSERVER LA RESSOURCE EN EAU ET RESPECTER LES MILIEUX AQUATIQUES. Guide.

Principe d assemblage Structure modulaire CAPENA bassin rectangulaire avec escalier Hauteur panneaux 1,2 ou 1,5 mètres Montage sur pieds

«Silva Cell Investir dans l infrastructure verte»

COMMUNE DE GORGIER. Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, 1. Préambule

STANDARD DE CONSTRUCTION CONDUITS, ATTACHES ET RACCORDS DE

NOTICE TECHNIQUE SSC : Système Solaire Combiné eau chaude sanitaire / appui chauffage maison / appui eau chaude piscine

Copropriété: 31, rue des Abondances Boulogne-Billancourt

nos solutions ouvrages

Présenté par : Dr Asmae Nouira. Novembre Hanoi Journées Scientifiques Inter-Réseaux AUF

Mécanique des sols I. Chapitre I Propriétés physiques des sols. Chapitre II Hydraulique des sols. Chapitre III Déformations des sols

Logiciel pavages drainants mode d emploi

Prévenir les dégâts d eau au sous-sol

5 STATIQUE. 5.1 Généralités

Le système Sika Injectoflex type DI-1 est un canal gonflant, injectable ultérieurement, pour l'étanchement de joints de reprise.

VII Escaliers et rampes

Les Produits MURPHCO Ltée

Etude de diagnostic hydrogéologique du sous sol de Clamart Quartiers Schneider et Centre ville MAI 2013

COMMENT CONSTRUIRE UN CRIB A MAÏS?

accessibilité des maisons individuelles neuves

Installez votre paroi remplie Zenturo et Zenturo Super pour un beau mur décoratif

BeLux Piscine EMINENCE 10m / 5m

R A P P O R T. Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Bref historique

MISAPOR verre cellulaire

Chapitre 5 Mesures géophysiques

Apport des méthodes géophysiques pour la caractérisation de zones fuyardes d une digue de canal

BLUBOX Système de récupération des eaux de pluie

CREATION DE FORAGE, PUITS, SONDAGE OU OUVRAGE SOUTERRAIN

MISE À LA TERRE POUR LA SÉCURITÉ ÉLECTRIQUE

Les techniques alternatives dans la gestion des eaux pluviales. Jean Yves VIAU Directeur Opérationnel

Fiche Technique d Évaluation sismique : Construction basse en Maçonnerie Non-armée, Chaînée, ou de Remplissage en Haïti

QUESTIONS ET RÉPONSES

SOL FORTE ÉPAISSEUR INDUSTRIAL FLORIM

TABLE DES MATIÈRES. 1- Historique Types de ventilateurs et leurs différents usages... 1

Drainage linéaire & stockage des eaux ACO DRAIN. Un tout nouveau concept de drainage. Q-max, drainage et réseau d égouttage en 1!

ConSolidation de talus en béton

3. Artefacts permettant la mesure indirecte du débit

p. 4-5 p. 6-7 p. 8-9 p

Muret Laurentien MC. Classique et Versatile

Le gaz de schistes : son exploitation

Concevoir et organiser son aire de remplissage, de lavage et de stockage des effluents

BACCALAUREAT GENERAL MATHÉMATIQUES

PROGRAMME D HABILETÉS EN FAUTEUIL ROULANT (WSP-F)

DOSSIER TECHNIQUE R-GO SPA. Production et assemblage 100 % Française. 3 Rue Pierre Mendès France ARGENTAN

Jean-Marc Schaffner Ateliers SCHAFFNER. Laure Delaporte ConstruirAcier. Jérémy Trouart Union des Métalliers

Sommaire Page 3 : Chapitre 1er - Dispositions générales

B1 Cahiers des charges

Satisfaction des stagiaires de BRUXELLES FORMATION Résultats 2013

Commune de la Tène Viabilisation de la zone du casino

SOMMAIRE ARTIPRIX PIQUAGES - FORAGES - PERCEMENTS DES MURS FORAGES DANS MURS FORAGES DANS PLANCHERS PERCEMENTS SAIGNÉES SCELLEMENTS

LES MENUISERIES INTÉRIEURES

LES VASES DE LA LOIRE : MODELISATION DE L EFFET DE LA CONSOLIDATION SUR DES INFRASTRUCTURES EXISTANTES

MANUEL DE POSE PANNEAU ACIER. Une structure de hauteur 1m10/1m50 DES PRINCIPES BASIQUES (UN COTE PROFOND 1M50)

«La solution» DESCRIPTION TECHNIQUE

INSTRUCTIONS COMPLÉTES

GUIDE DE BONNES PRATIQUES POUR LA CONSTRUCTION DE PETITS BÂTIMENTS EN MAÇONNERIE CHAÎNÉE EN HAÏTI

MISE EN DÉCHARGE. Une entreprise de Bayer et LANXESS

RÉALISATION DE GRAPHIQUES AVEC OPENOFFICE.ORG 2.3

RETOURS D'EXPERIENCES sur les filières d'assainissement non collectif

Monitoring et suivi du comportement des chaussées

document de travail Phase 2 : groupe de travail Eau et biodiversité

Une onzième machine pour 200 mégawatts supplémentaires de courant de pointe

Hepatex CR. Le panneau à flux laminaire de référence

RELEVE D ETAT DU PONT DES GRANDS-CRÊTS. On a procédé une auscultation visuelle entre le 23 et le 29 mars 2007.

Les sols, terreau fertile pour l EDD Fiche activité 3 Que contient un sol?

Demande préalable pour un projet de création ou de modification d'un plan d'eau

NOTICE DE MONTAGE ET D UTILISATION. Complément à la notice Fleck 5000 SXT. ADOUCISSEURS Mono bloc Classic Bi-bloc Bi-mono

CARNET D'ENTRETIEN D'UNE INSTALLATION D'ASSAINISSEMENT AUTONOME

Sommaire INTRODUCTION / Le contexte général de la commune / L état des réseaux / Le diagnostic des ouvrages d épuration...

UNEP /UNESCO /UNCH / ECA

CREATION D UN GROUPE SCOLAIRE

d'une EXTRACTION AVEC RABATTEMENT DE NAPPE

Appareil de type fauteuil monte-escalier

- MANIP 2 - APPLICATION À LA MESURE DE LA VITESSE DE LA LUMIÈRE

Déformabilité des sols. Tassements. Consolidation

Diamètres 3" 4" 6" 8" Type de Bride PN 16 PN 16 PN 16 PN 16. Orangé-rouge (RAL 2002) Agrément CE/APSAD CE/APSAD CE/APSAD CE/APSAD

GUIDE D'INSTALLATION Lave-Vaisselle

Fonctions de plusieurs variables

Municipalité de la Commune d'arzier - Le Muids. Préavis No 15/2013 Au Conseil communal

S20. Balayeuse autoportée compacte. De taille compacte, sans faire de concession en termes de performance et de fiablilité

Problèmes sur le chapitre 5

Eîude réalisée dans le cadre des actions de Service Public du BRGM 02PIR115. E. Equilbey, J.F. Vernoux. mars 2002 BRCMIRPB 1576-FR

- Tente de réception louée complète (structure, bâches de toit et cotés, piquets)

GUIDE D INSTRUCTION. Montage Entretien

Révision de la numérotation des règlements

K 4 Compact. K 4 Compact, ,

MATHEMATIQUES GRANDEURS ET MESURES

Schalung & Gerüst. Echafaudage de façade

Rapport du Conseil communal au Conseil général concernant une demande de crédit pour l assainissement de la station de pompage des eaux usées du Port

Transcription:

Comportement observé des filtres géotextiles dans les ouvrages de drainage Yves-Henri FAURE, LIRIGM, Université Joseph Fourier de Grenoble mèl : yhfaure@ujf-grenoble.fr 1 Le drainage, arme universelle pour stabiliser les glissements de terrain: l'exemple du Trièves La région du Trièves, dans le sud du Département de l'isère, fait incontestablement partie de ces régions des Alpes Françaises présentant une très grande exposition aux risques de glissement, avec des communes dont plus de 5 % du territoire s'avère en mouvement déclaré ou potentiel. Ici, la présence de gisements massifs (plus de 1 mètres par endroit) d'argiles glacio-lacustres du Quaternaire, aux propriétés mécaniques excessivement médiocres, constitue le premier facteur explicatif des phénomènes d'instabilité. Le drainage demeure le seul remède dont l'efficacité est reconnue pour ralentir ou prévenir les glissements de terrain. Dans le Trièves, compte tenu de la très grande imperméabilité des terrains, les dispositifs de type tranchées, masques, éperons drainants sont très souvent employés pour le drainage de surface (1 à 5 mètres de profondeur) des zones en glissement. Ils se montrent, en effet, très performants en terme de débits interceptés (dans ces couches de surface l'eau circule au travers de cheminements préférentiels) et surpassent les ouvrages de drainage "ponctuel", tels que drains forés verticaux ou sub-horizontaux, qui donnent généralement des résultats décevants dans le contexte hydrogéologique particulier de la région. Les tranchées drainantes sont creusées par terrassement en déblai et formées d'un volume de gravette calibrée, roulée, lavée et à forte perméabilité, séparé du sol en place par un filtre géotextile sur les parois de la fouille avant son remblaiement (fig.1). Le dimensionnement du filtre géotextile est actuellement effectué à l'aide des critères proposés par le CFG (Comité Français des Géosynthétiques). Mais, dans les conditions particulières du drainage dans le Trièves, où on cherche à intercepter les cheminements préférentiels, les courants hydrauliques sont a priori forts et continus: il y a alors risque de mise en suspension des particules de sol, augmentant ainsi le risque de colmatage. Ces conditions critiques de filtration ne sont pas réellement prises en compte dans les critères de filtration. De plus, si le coût de fourniture des géotextiles non tissés reste peu important par rapport au coût final de la tranchée drainante, il est à noter que leur difficulté de mise en œuvre croît exponentiellement avec la profondeur, par le fait, en particulier, que leur présence complique les opérations de blindage des parois de fouille : ce qui fatalement se ressent sur le prix de revient définitif de l'ouvrage. 2 Programme d'étude in situ sur les géotextiles filtrants utilisés en tranchée drainante Dans le contexte des incertitudes techniques pesant sur un domaine d'application d'un produit de fait de plus en plus utilisé, un programme de recherche spécifique a été élaboré en

collaboration avec le Service R.T.M. de l'isère et le soutien du Pôle Grenoblois d'etudes et de Recherche pour la Prévention des Risques Naturels. Ce programme comprenait : - le suivi d'ouvrages drainants existant depuis plusieurs années, - l ouverture de tranchées pour observer l état du dispositif de drainage, - la réalisation in situ en conditions réelles d'exploitation, de tranchées expérimentales permettant de comparer différents systèmes filtrants (avec ou sans géotextile). L objectif de cette étude est de tenter de répondre aux problématiques suivantes : - le géotextile ne se colmate-t-il jamais? dans certains cas? toujours? au bout de combien de temps? - s'il ne se colmate pas, est-il réellement utile? - s'il se colmate, peut-on éviter ou retarder ce colmatage par des critères de choix du produit ou par la mise en œuvre d'un procédé de substitution? 2 m 1/2 buse (φ 14 mm),7 Sol en place,1 Graviers propres 3.5 m Filtre en géotextile (non-tissé) Feuille en polyethylene,8 Drain autoroutier (φ 2 mm) a) Tranchée de Corps b) Tranchée d'avignonet Fig.1 Coupe type des tranchées drainantes 3 Comportement de tranchées drainantes existantes En 1992, il a été choisi de suivre plus particulièrement deux sites où des tranchées drainantes avaient été réalisées depuis près d'une dizaine d'années : à Corps, en 1982, et à Avignonet en 1984. L'objectif est de savoir si les tranchées réalisées avec filtre géotextile jouent le rôle attendu d'une part vis à vis à de la stabilisation du terrain et d'autre part vis à vis du niveau piézométrique au voisinage de la tranchée. 3.1 Tranchée drainante de Corps (Isère): Sur ce site, deux tranchées ont été réalisées en épis en 1982, reliées au point bas (à 4m de profondeur) à un regard de raccordement. Le terrain en place comprend, depuis la surface du sol: - une couche d'environ 1m d'épaisseur de galets arrondis dans une matrice silto-sableuse; - puis une couche de 3 à 4m d'alternance de couches d'argile silteuse, de sable fin avec lits silteux ou argileux, et d'argile varvée; - et enfin à partir de 4-5 m de profondeur une épaisse couche d'argile compacte (>2m).

Il s'agit donc d'un terrain hétérogène avec une couche globalement relativement perméable au dessus du niveau argileux. L'objectif de cette tranchée est de capter les eaux circulant dans cette couche afin d'éviter leur infiltration en profondeur. La tranchée a une forme en V et est constituée de graviers propres sans éléments inférieurs à 1mm. Elle est munie d'un filtre géotextile non-tissé avec à sa base une feuille de polyéthylène, fig.1a, pour collecter les eaux (pas de tuyau drainant). Seule la partie Ouest de la tranchée, d'une longueur de 114m, avec une pente moyenne de 1%, a été instrumentée : 9 piézomètres ont été mis en place à l'amont et 2 à l'aval, fig.2. Du coté amont, il existe un fossé qui est toujours rempli d'eau ce qui donne un niveau de référence (fig.3 et 4). Plusieurs difficultés sont apparues. La première a été le repérage de la tranchée compte tenu du fait que la végétation avait repoussé et qu'aucune marque n'avait été placée. Ensuite, si la profondeur de la tranchée est précisée dans les rapports d'exécution, sa largeur est mal connue: la forme du V est initialement bien définie mais des éboulements peuvent survenir lors du déblaiement et modifier sensiblement la forme et la position de l'interface sol-géotextile. Toutes ces incertitudes apparaissent sur les graphiques représentant les niveaux piézométriques relevés (fig. 3 et 4). Enfin la mesure du débit dans le regard n'a pas été aisée du fait que le tube collecteur de la tranchée débouche au fond du regard sans qu'il soit possible d'utiliser un récipient pour faire une mesure par pesée. Il a été nécessaire d'introduire un tube de petit diamètre entouré d'une chambre à air (assurant l'étanchéité avec le collecteur) pour relever les eaux du drain et pour pouvoir les collecter. 1 m P2 P9 P6 P5 Tranchée drainante fossé rempli d'eau P7 P8 P11 P1 Axe : 4 P1 P3 Axe : 3 direction de la plus grande pente Axe : 1 Regard P4 Axe : 2 Fig. 2 : Plan d'implantation des piézomètres à Corps Les relevés piézométriques ont été effectués pendant l'hiver 1993, au cours duquel ont alterné des périodes pluvieuses et des périodes sèches. On a constaté une faible variation des niveaux piézométriques, sûrement due à la présence du fossé amont rempli d'eau en permanence. Par contre le débit a sensiblement suivi les variations pluviométriques: de,5 l/s à 1,2 l/s à cause sans doute de la présence de venues d'eau à l'extrémité amont de la tranchée (non équipée de piézomètres) constatées lors de sa réalisation. A partir des figures 3 et 4, on peut dire que la tranchée, dans la partie instrumentée, rabat efficacement la nappe du coté amont : compte tenu de l'incertitude sur la largeur de la tranchée on peut penser qu'elle est beaucoup plus large que prévu à cause des éboulements cités dans le rapport d'exécution. Le réseau d'équipotentielles a pu être estimé à partir des mesures piézométriques, fig. 5. Les valeurs au bord de la tranchées ont été extrapolées. La figure 5 montre bien une réorientation de l'écoulement, a priori initialement parallèle à la pente, perpendiculairement à la tranchée. Le géotextile semble jouer son rôle de filtre

correctement: l'eau est claire à la sortie et la nappe est rabattue de manière satisfaisante. Les mouvements de terrains sont stabilisés. Axe : 1 1 (m) Fossé 8 P11 rempli d eau P1 6 4 2 4 8 12 16 2 24 Distance supposée depuis l axe de la tranchée(m) Fig. 3 : Niveaux piézométriques relevés (axe 1) 1 (m) 8 6 4 P4 P3 P2 P7 P1 Fossé rempli d eau 2-16 -12-8 -4 4 8 12 16 2 24 Distance supposée depuis l axe de la tranchée (m) Fig. 4 : Niveaux piézométriques relevés (axe 2) fossé rempli d eau P6 7 P1 P9 P5 P7 P8 P11 6 Direction de la plus grande pente P1 5 4 3 2 P2 tranchée drainante 1 m Fig. 5 : Réseau d'équipotentielles (Corps) Sens de l écoulement

3.2 Tranchée drainante d'avignonet (Isère): La tranchée étudiée se situe en partie haute de la zone en mouvement. Elle a été réalisée en 1984, suite à un important mouvement de terrain affectant un lotissement en construction. Comme sur le site de Corps ( 3.1) le terrain est constitué d'une couche superficielle (une moraine argileuse) d'épaisseur 4 à 5m suivant les endroits, de faible résistance mécanique, reposant sur une épaisse couche d'argile compacte. Cette couche superficielle est une argile silteuse molle de plasticité moyenne, avec des débris schisteux entre 1 m et 1,5 m et apparition de galets vers 2m de profondeur. La tranchée étudiée a une profondeur de 4 m et une longueur de 18 m. Elle comprend un tuyau drainant de 2mm de diamètre placé à la base d'un massif de graviers propres de 3.5m de haut. Le tout est entouré d'un géotextile non-tissé filtrant. La partie supérieure est recouverte d'une couche de tout-venant argileux et d'une demi-buse étanche devant collecter les eaux superficielles (fig. 1b). Seule la partie amont de la tranchée, les 72 premiers mètres jusqu'au premier regard, a été suivie. La présence de cette demi-buse permet de repérer correctement la position de la tranchée drainante mais la largeur de la tranchée reste imprécise, en particulier au niveau du regard où des éboulements importants se sont produits lors des fouilles. Elle a été équipée dans le courant de l'hiver de 9 piézomètres du coté amont (fig.6). Les débits mesurés sont de l'ordre de.8 l/s en période sèche mais sont beaucoup plus élevés en période pluvieuse (.86 l/s). Cependant il a été observé que les ruissellements de surface, importants les jours de pluie (comme le 7 avril 1993, fig. 7 et fig. 9), pénètrent dans la tranchée sous la demi-buse. L'eau est claire à la sortie du tuyau drainant. direction de la plus grande pente P9 P6 6 P3 1 m P8 P7 P5 5 P4 P2 P1Regard Tranchée Axe : 3 drainante Axe : 2 Axe : 1 Fig.6 Plan d'implantation des piézomètres à Avignonet L'examen du profil piézométrique n 1, fig. 7, perpendiculaire à la tranchée, ne laisse pas supposer un rabattement efficace de la nappe et les jours de pluie la nappe affleure à la surface du terrain. Le réseau d'équipotentielles (fig.8) ne montre pas une réorientation de l'écoulement vers la tranchée (il reste orienté dans le sens de la pente) : l'écoulement reste parallèle a la surface du sol. On serait tenter de croire à un colmatage du filtre, mais il faut noter que: - le terrain est beaucoup moins perméable qu'à Corps et sans doute plus homogène (absence de zone sablo-silteuse) mais avec probablement une anisotropie de perméabilité, plus grande dans le sens de la pente;

- si on regarde le niveau piézométrique suivant la ligne de plus grande pente (1,5 % environ), fig. 9, il y a effectivement un rabattement vers le regard, qui joue le rôle de puits drainant: suite aux éboulements cités précédemment, le sol en place a été remplacé par un important volume de graviers autour du regard. P1 Axis : 1 P2 7-4-93 13-5-93 23-9-93 7-2-94 P3 1 8 6 4 2 4 8 12 16 2 24 Distance depuis l'axe de la tranchée (m) Fig. 7 Niveaux piézométriques relevés (axe 1) P9 P6 P3 9 Direction de la plus grande pente P8 8 7 P5 6 P2 5 m P7 P4 5 4 3 P1 Tranchée drainante sens del écoulement Fig. 8 Réseau d'équipotentielles (Avignonet) P1 7-4-93 13-5-93 23-9-93 7-2-94 P5 4 8 12 16 2 24 28 32 36 4 44 48 Distance depuis l'axe de la tranchée ( m) P9 1 8 6 4 2 Fig. 9 Niveaux piézométriques dans le sens de la pente

4 Le site expérimental de Roissard Six tranchées drainantes expérimentales, 12 m de long et 2 à 2,5 m de profondeur, ont été réalisées sur la commune de Roissard (Isère), à une trentaine de kilomètres au Sud de Grenoble en septembre 1993, avec différents filtres géotextiles pour étudier leur comportement dans ce contexte de filtration dans les argiles litées. 4.1 Description Un plan schématique des tranchées de drainage est présenté sur la figure 1. La parcelle est limitée à l Est et à l Ouest par deux ruisseaux et au Sud par une zone marécageuse. La pente est d environ 5 % du Nord au Sud. Les tranchées T1 à T6 ont été creusées au voisinage de la zone marécageuse. Les argiles litées apparaissent à,9 m de profondeur. Une couche d argile marron homogène se trouve entre la terre la terre végétale et les argiles litées (fig. 11). Les premières mesures de niveau piezométrique ont montré que la nappe phréatique se trouvait à environ,3 à,5 m de profondeur. Pendant les travaux d excavation, des venues d eau localisées sont apparues dans les argiles litées, à la base et dans les parois des tranchées, et de petits éboulements se sont produits par endroit. piézomètre P6/3 P6/2 tensiomètre P6/4 P6/5 P6/1 N P3/3 P4/3 P4/4 P5/3 P5/4 P5/5 T6 P1/3 P1/2 P1/4 P1/5 P2/3 P2/4 P2/2 P2/5 P3/4 P3/5 P3/2 P3/1 T3 P4/2 P4/5 P4/1 T4 P5/2 P5/1 T5 Collecteur P1/1 T1 T2 P2/1 Collecteur Zone marécageuse 2 m Figure 1 : Plan du site de tranchées expérimental, et positions des piézomètres et des tensiomètres

.4.9 Terre végétale Argile homogène Argiles litées Profondeur (m) Fig. 11 : Coupe type du terrain Les cinq premières tranchées (fig. 12) sont réalisées avec des graviers roulés. Une tranchée sans géotextile (T1) sert de tranchée de référence. Dans la tranchée T2, uniquement une bande de géotextile a été placée horizontalement entre le gravier et le remblaiement en terre végétale. Son rôle est de filtrer les eaux d infiltration verticales. Dans les tranchées T3, T4, et T5, le filtre géotextile a été placé en «chaussette» autour des graviers : - un géotextile non-tissé aiguilleté (tranchée T3), - un géotextile tissé de bandelettes (tranchée T4), - un géotextile tissé de monofilaments avec une ouverture de filtration d environ 1 mm (tranchée T5). La tranchées T6 est réalisée uniquement avec un géocomposite de drainage (pas de graviers) : un géotextile non tissé aiguilleté entoure une structure drainante thermoformée de 3 cm d épaisseur. Les caractéristiques des géotextiles sont données dans le tableau 1. Tranchée T1 Tranchée T2 Terre végétale Graviers Filtre géotextile Drain Tranchées T3, T4, T5 Tranchée T6 Filtre géotextile entourant les graviers Géocomposite de drainage Fig. 12 : Coupe type des différentes tranchées.

Tableau 1: Caractéristiques des géotextiles Tranchée N Structure du filtre Masse par unité de surface ( g/m 2 ) Epaisseur (mm) Ouverture de filtration (mm) Permittivité (s -1 ) T1 Absence de filtre T2 Non tissé 13 1.6 14 4.6 aiguilleté (*) T3 Non tissé 13 1.6 14 4.6 aiguilleté T4 Tissé de 19.7 11.12 bandelettes T5 Tissé de 2 1 12-15 5 monofilaments T6 Non-tissé 233 1 3. aiguilleté (**) (*) Filtre placé horizontalement en partie haute entre les graviers et la terre végétale. (**) Géocomposite avec une âme drainante thermoformée (pas de gravier) 4.2 Suivi du comportement des tranchées Cinq piézomètres ont été forés pour chaque tranchée, un coté aval (P1) et quatre coté amont (P2 à P5), et cinq tensiomètres ont été placés suivant un ligne verticale près du bord amont de la tranchée pour suivre les effets du drainage sur le niveau de la nappe. Les piézomètres sont ouverts au bout et crépinés sur une hauteur de un mètre. Un pluviomètre de Météo France est disponible à proximité au village de Roissard. Un système de collecte des particules de sol (fig. 13) est placé dans le regard à la sortie de chaque tranchée. La masse de sol transportée et le débit de chaque tranchée sont mesurés périodiquement. Sortie du drain Filtre géotextile Bac de sédimentation Bac perforé Fig. 13 : Système de collecte des particules de sol à la sortie de chaque tranchée.

5 Principaux résultats De septembre 1993 à juin 1999 les niveaux piézométriques, les tensiomètres, le débit, la masse de particules collectée et la pluviométrie ont été relevés rériodiquement. 5.1 Comportement type, exemple de la tranchée T3 Les graphiques ci-dessous (figure 14) montrent les variations de la pluie, des débits et des niveaux piézométriques de la tranchée T3 pendant cette période. La piézométrie et les débits suivent des fluctuations saisonnières été hiver alors que ce n est pas le cas pour la pluviométrie : la couche superficielle d argile homogène (>,5 m d épaisseur) régule le débit d infiltration verticale dans le sol. La majeure partie du débit provient de la couche d argile litée et la nappe suit les variations saisonnières. On observe un bon rabattement de nappe du coté aval de la tranchée (piézomètre P1). Un essai de perméabilité en place a été effectué dans les argiles litées par injection d eau dans différents piézomètres. Le coefficient de perméabilité apparent de la couche d argile litée est très élevé, supérieur à 1-5 m/s. Cette couche d argile fonctionne comme une couche très perméable en raison des fissures et des cheminements préférentiels. Les mêmes observations peuvent être faites pour les autres tranchées. Précipitations cumulées mensuelles (mm) 3 25 2 15 1 5 4 3 2 1 juil-93 nov-93 mars-94 juil-94 nov-94 juil-93 mars-95 juil-95 nov-93 nov-95 mars-94 mars-96 juil-94 juil-96 nov-94 nov-96 mars-95 mars-97 juil-95 juil-97 nov-97 mars-98 juil-98 nov-98 mars-99 juin-99 nov-95 mars-96 juil-96 nov-96 mars-97 juil-97 nov-97 mars-98 juil-98 nov-98 mars-99 juin-99 Débit (l/mn) Hauteurs piézométrtiques / fond de la tranchée 2 1,5 1,5 -,5 juil-93 nov-93 mars-94 juil-94 nov-94 mars-95 juil-95 nov-95 mars-96 juil-96 nov-96 mars-97 juil-97 nov-97 mars-98 juil-98 nov-98 p3 p1 mars-99 juin-99 Fig. 14 : Pluviométrie, débits et niveaux piézométriques P1 et P3 (cf. fig. 1) pour la tranchée T3

5.1.1 Débit dans les tranchées On notera, tableau 2, que le débit à la sortie de la tranchée T1 est très faible tandis que celui de la tranchée T2 est le plus élevé. L influence de l hétérogénéité du terrain et des circulations d eau est clairement mise en évidence : dans les deux tranchées il n y a pas de filtre géotextile entourant les graviers. Il est probable que les argiles litées à l amont de la tranchée T1 sont beaucoup plus homogènes et moins perméable. Par la suite la tranchée T1 ne sera pas prise en considération puisque son comportement hydraulique est peu significatif par rapport aux autres tranchées. Tableau 2: Débits moyens mesurés pendant six ans Tranchée N Débit moyen (l/mn) T1.8 T2 18.8 T3 5.9 T4 6.3 T5 6.5 Les cinq autres débits (tranchées T2 à T6) sont représentés sur le même graphique (fig. 15). Les débits suivent la même périodicité saisonnière. La tranchée T2 se distingue des autres tranchées non seulement par des valeurs maximales de débit plus élevées mais aussi et surtout par une diminution beaucoup plus lente au printemps. Débit (l/mn) 5 45 4 35 3 25 2 15 1 5 T2 T3 T4 T5 T6 juil-93 nov-93 mars-94 juil-94 nov-94 mars-95 juil-95 nov-95 mars-96 juil-96 nov-96 mars-97 juil-97 nov-97 mars-98 juil-98 nov-98 mars-99 juin-99 Fig. 15 : Débits mesurés pour les tranchées T2 à T6 5.1.2 Piézomètres Sur la figure 16 sont représentés uniquement les niveaux d eau dans les piézomètres P3 des différentes tranchées. L évolution des autres piézomètres est très semblable. On observe la même périodicité été - hiver. Comme pour les débits, les niveaux piézométriques restent plus élevés au printemps pour la tranchée T2 que pour les autres tranchées

T2 - P3 T3 - P3 T4 - P3 T5 - P3 T6 - P3 3 2.5 2 1.5 1.5 août-93 déc-93 avr-94 août-94 déc-94 avr-95 août-95 déc-95 avr-96 août-96 déc-96 mars-97 juil-97 nov-97 mars-98 juil-98 hauteur / fond de la tranchée (m) nov-98 mars-99 juil-99 Fig. 16 : Niveaux piézomètriques P3 mesurés pour les tranchées T2 à T6 5.1.3 Masse de sol collecté La masse de sol collecté en moyenne par jour est la plus faible dans la tranchée T3 tandis qu elle est la plus élevée dans la tranchée T5, Tableau 3. Ces résultats sont en accord avec la dimension des ouvertures de filtration du géotextile utilisé. Mais si on relie cette masse de sol collecté au volume d eau drainée, la performance du non-tissé de la tranchée T6 n est pas si bonne comparée à la tranchée T2 sans filtre géotextile. Dans les tranchées T3 à T5, le géotextile entoure les graviers et lors du remplissage de la tranchée le gravier vient «plaquer» le filtre contre le sol. Au contraire, dans la tranchée T6 le filtre non-tissé entoure une âme drainante rigide et sans doute que le contact n est très bon entre le sol et le filtre. Ceci favorise l érosion du sol à l amont du filtre. On notera que des graviers directement en contact avec un massif de sol cohérent fissuré avec des cheminements préférentiels donnent des résultats satisfaisants vis à vis de la rétention du sol. Tableau 3: Valeurs moyennes des masses de sol collecté. Tranchée N Masse de sol (g/j) Concentration (g/m 3 ) T2 2.5.14 T3 1.25 T4 3.1.74 T5 3.6.72 T6 1.8 2.15 La dimension des plus grosses particules collectées est très semblable pour toutes les tranchées, inférieure à 1 microns (fig. 17). Néanmoins on constate que la granulométrie de l argile litée est sensiblement plus fine que le sol collecté. Notre système de collecte des particules n est pas parfait pour retenir les plus fines particules : celles-ci n ont pas assez de temps de transit dans le premier bac pour y sédimenter et peuvent aussi passer au travers du filtre du second bac.

1 9 8 Passant cumulé (%) 7 6 5 4 3 2 1 T2 T3 T4 T5 T6 Argile litée.1.1.1.1 1 Diamètres des particules (mm) Fig. 17 : Granulométrie du sol collecté en mars 1999 et d un prélèvement d argile litée 5.1.4 Tensiomètres Les tensiomètres ont été placés près des tranchées entre,45 m et 1,65 m de profondeur. La position de la nappe, définie par une pression interstitielle nulle, est déterminée par interpolation entre les points successifs où la pression positive devient négative. L objectif est d évaluer l effet d un colmatage éventuel. En fait l hétérogénéité du terrain et l anisotropie de perméabilité du sol rend très difficile l interprétation des résultats : quelques fois la pression s annule non pas à une seule profondeur, mais à plusieurs endroits (fig. 18). Des calculs d écoulement par la méthode des éléments finis ont été faits (Vagner 1999). Ils confirment l influence d une forte anisotropie horizontale sur l écoulement au voisinage de la tranchée et la distribution des pressions interstitielles obtenue est en accord avec le profil évalué à l aide des tensiomètres. Pression intertitielle (cm de hauteur d'eau) -1-8 -6-4 -2 2 4 6 8 1 12 14 16 18 Profondeur (cm) 2 4 6 8 1 12 14 1/11/98 24/11/98 8/12/98 pente 1/1 16 18 Fig. 18 : Profil tensiométrique, tranchée T4

6 Conclusion Le suivi du comportement hydraulique de tranchées drainantes dans le contexte des argiles litées du Trièves n est pas aisé à cause de la présence de cheminements préférentiels d écoulement. Ces cheminements préférentiels rendent le massif très hétérogène et globalement perméable. Des investigations plus fines sont nécessaires, à savoir: - le repérage correct des tranchées, en particulier concernant la position de l'interface sol géotextile dans le cas des tranchées anciennes, - la détermination de la surface libre au voisinage immédiat de la tranchée (hauteur de suintement) quand cela est possible, - une meilleure connaissance des terrains en place: stratification, perméabilité, - le démontage partiel des tranchées pour examiner l'état du filtre géotextile, - la comparaison des niveaux piézométriques avec ceux théoriquement attendus. La structure du géotextile a principalement de l influence sur la masse de sol érodée, plus que sur l écoulement lui-même. C est à dire qu aucun colmatage n a été observé après plus de six ans de suivi même avec le géotextile ayant l ouverture de filtration la plus petite. D un autre coté, et c est un aspect important à considérer, la cohésion des argiles litées est suffisamment élevée pour empêcher l érosion du sol dans la tranchée sans filtre géotextile grâce au bon contact exercé par les graviers qui maintiennent le massif de sol argileux. REFERENCES Faure Y.H, Kehila Y., Farkouh B. (1996) : Behaviour of Experimental In-Situ trench drains in varved Clays, Geofilters 96, Montreal, Canada, May 1996, pp 543-553. Vagner Ph. (1999): Comportement hydraulique de tranchées drainantes avec filtre géotextile dans les argiles litées, Exemple des tranchées de Roissard - DEA Mécanique Conception et Géomécanique, Université Joseph Fourier de Grenoble, France, 62 pages.