Impact des consultants nationaux sur les succès de l expansion d une lutte antituberculeuse efficiente en Inde



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INT J TUBERC LUNG DIS 7(9) : 637-641 2003 IUATLD Impact des consultants nationaux sur les succès de l expansion d une lutte antituberculeuse efficiente en Inde T. R. Frieden,* G. R. Khatri * Regional Office for Southeast Asia, World Health Organization, New Delhi, New Delhi, India ; NYC Department of Health and Mental Hygiene, New York, New York; National Center for HIV, STD and TB Prevention, Centers for Disease Control and Prevention, Atlanta, Georgia, USA ; Directorate General of Health Services, Ministry of Health and Family Welfare, Government of India, New Delhi, India ; FIDELIS, Union Internationale Contre la Tuberculose et les Maladies Respiratoires (UICTMR), Paris, France RESUME CONTEXTE : L'Inde, au cours du développement rapide des services de DOTS. Le développement du DOTS s'est avéré lent dans beaucoup de pays. OBJECTIF : Documenter les méthodes utilisées pour le développement du DOTS de façon efficiente. SCHEMA : Des consultants ont été engagés pour superviser le développement et la mise en œuvre du DOTS. Pour estimer l'impact de ces superviseurs, nous avons comparé les zones avec ou sans superviseurs ainsi que des zones individuelles avant et après la désignation des superviseurs. Les consultants ont été désignés de façon préférentielle dans les zones les plus difficiles : l'absence temporaire de consultants a résulté de l'absence de candidats. RESULTATS : Les zones où des consultants avaient été désignés ont été capables de répondre aux critères prédéfinis et de commencer la fourniture de services DOTS plus rapidement (une préparation médiane de 9 mois vs. 18 mois) que les zones sans superviseurs. Les taux de négativation des expectorations (87% vs., P<0,001) et du succès du traitement ( vs 78%), P<0,001) ont été plus élevés dans les zones avec consultants. CONCLUSION : La désignation de consultants a entraîné une mise en œuvre beaucoup plus rapide de la stratégie DOTS et une meilleure qualité des performances. La poursuite d'une performance efficiente dans ces zones dépendra de nombreux facteurs, mais le besoin de consultants semble décroissant, ce qui suggère qu ils ont fourni des améliorations de longue haleine. L'efficience des consultants locaux pourra avoir des implications importantes pour les efforts visant à améliorer les interventions de santé publique en matière de tuberculose, malaria, SIDA et autres maladies dans les pays en développement. MOTS CLE : tuberculose ; DOTS ; WHO ; supervision LA STRATEGIE DOTS (traitement directement observé, de courte durée) a été recommandée par l'organisation Mondiale de la Santé (OMS) pour la lutte antituberculeuse depuis 1994. 1 Toutefois, en 1999 moins d'un quart des patients dans le monde avait été traité selon cette stratégie. 2 En Inde, les progrès dans l expansion du DOTS, connus sous le nom de Programme National Révisé de lutte contre la Tuberculose (PNRT), ont été lents de 1993 à 1998, puis rapides de la fin 1998 jusqu à ce jour. 3,4 Beaucoup de facteurs ont contribué à l expansion rapide et couronnée de succès de DOTS en Inde. 5 Un facteur important a été l utilisation de consultants locaux engagés par l'oms. Cet article passe en revue les méthodes utilisées pour le recrutement, la formation et la supervision de ce personnel et fournit des estimations minimales de leur efficience et de leur impact, basées sur une corrélation écologique entre la présence de consultants et le rythme et la qualité de l expansion. METHODES La stratégie DOTS réside en une implication politique accompagnée d une détection des cas par l'examen microscopique des frottis, principalement parmi les patients se présentant spontanément dans les services de santé, une fourniture régulière des médicaments antituberculeux, un traitement standardisé de courte durée administré sous observation directe et le suivi systématique ainsi que la responsabilisation pour les résultats du traitement. 1 En Inde, le PNRT est mis en œuvre par district (population moyenne, 2 millions) avec le soutien du gouvernement central et de celui des Etats. Avant le commencement de la fourniture de services, les districts doivent répondre à un certain nombre Auteur pour correspondance : Dr Thomas R Frieden, Commissioner, Department of Health and Mental Hygiene, 125 Worth Street, CN28, Room 331, New York, NY 10013 USA. Tel: (+1 212) 295-5427 or 295-5341. Fax: (+1 212) 295-5426. e-mail: tfrieden@health.nyc.gov [Traduction de l'article "Impact of national consultants on TB control in India" Int J Tuberc Lung Dis 2003; 7(9) : 837-841.]

2 The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease de critères d évaluation prédéfinis, incluant l embauche d un petit nombre de personnels locaux pour aider au fonctionnement du programme et à la formation d un grand nombre de travailleurs de santé. Après les débuts de la fourniture de services, chaque district soumet des rapports trimestriels sur la détection des cas, l évolution des patients (taux de négativation des frottis d expectoration pour les bacilles acido-résistants), les résultats de chaque patient mis sous traitement et la gestion du programme. Le programme bénéficie de fonds du gouvernement central et des gouvernements des Etats de l Inde, de la Banque Mondiale ainsi que de donateurs bilatéraux. Le personnel engagé par l OMS a été financé par l OMS et par l Agence Canadienne de Développement International. Depuis août 1999, les personnels engagés par l OMS, connus comme des consultants médicaux (CMR) du PNRT, se sont vu assigner l assistance au gouvernement de l Etat et du district dans la supervision du programme. Les CMR doivent être médecins et avoir au moins deux ans d expérience. Les vacances de poste sont publiées dans les journaux nationaux et l inscription est assurée par une firme professionnelle. Des postes ont été offerts à de 1% à 5% des candidats ; plus de 80% de ceux auxquels un poste a été offert ont accepté et plus de 90% ont été retenus. La sélection a lieu par un comité conjoint de l OMS, du Gouvernement de l Inde et du gouvernement de l Etat. Les consultants sont formés initialement pendant 2 à 3 semaines, concernant les aspects techniques administratifs et opérationnels du PNRT, l uti-lisation des ordinateurs, l analyse des données, la rédaction, la technique de présentation et 5 jours de supervision sur le terrain avec un superviseur expérimenté. Les CMR se voient généralement attribuer une jeep et un ordinateur portable et sont remboursés pour les appels téléphoniques et l utilisation d Internet liés à leur travail. Ils bénéficient d un per diem pour les visites avec logement. Les salaires sont équivalents aux compensations gouvernementales pour les médecins ayant un niveau similaire de responsabilités. Les CMR font rapport au Gouvernement de l Etat et au Gouvernement Central d Inde ainsi qu à l OMS sur une base mensuelle. Ils sont supervisés sur le plan technique et conseillés par l OMS. Des réunions de l ensemble des CMR ont lieu approximativement deux fois par an ; le personnel de l OMS rend visite aux CMR une ou deux fois par an pour une formation la main dans la main et une supervision. Les activités suivantes sont à charge des consultants : fournir une assistance technique et une assistance pour la formation, la supervision, la mise en œuvre, le suivi et l évaluation du PNRT selon la stratégie du Gouvernement Central ; investiguer les cas d échec du traitement, d abandon, de décès ou de rechute pour en déterminer les causes et les implications qu en résultent pour l amélioration du programme ; rendre visite à l ensemble des unités de tuberculose et à d autres institutions périphériques au sein des districts qui leur sont assignés et selon un schéma régulier ; identifier les problèmes de logistique et proposer des solutions ; apporter de l aide pour la coordination entre les organisations gouvernementales et non-gouvernementales et les médecins privés ; communiquer les informations sur le programme et sur la mise en œuvre de la stratégie en y incluant l état du programme et les rapports financiers. La politique a consisté à désigner un consultant pour superviser la préparation ou la mise en œuvre du PNRT pour des districts dont la population totale est d environ 10 millions d habitants. Toutefois, en raison de la rareté de candidats adéquats, du fait que plusieurs candidats n ont pas commencé le travail comme prévu, en raison des délais et de départs inattendus, certaines zones sont restées pendant un ou plusieurs trimestres dépourvues de couverture par un CMR. Les zones sans couverture par un CMR étaient généralement celles où l on s attendait à une meilleure performance ; les consultants disponibles ont été envoyés de façon préférentielle dans certaines zones plus difficiles (c'est-à-dire les zones où le développement socio-économique, les programmes d état de lutte antituberculeuse et/ou les systèmes de santé étaient plus faibles). Pour estimer l efficience des consultants, on a comparé les zones avec et sans couverture par CMR. Nous avons analysé les données de l ensemble des 160 districts de mise en application pendant 10 trimestres, ce qui représentait l évaluation de plus de 200.000 patients depuis le début de 1999 jusqu à la moitié de 2001. Les zones dont la mise en œuvre était soutenue par des donateurs bilatéraux (pendant cette période, moins de 5% de l ensemble des districts de mise en œuvre) ont été exclues de l analyse car elles ont utilisé des mécanismes différents de supervision. On a évalué quatre indicateurs d impact séparés : le rythme d expansion, le taux de négativation des expectorations, le taux de guérison et le taux de succès du traitement. Le rythme de l expansion a été défini comme le nombre de mois entre l approbation et le démarrage de la fourniture du DOTS. Le DOTS ne peut commencer en Inde qu après réponse à des critères d évaluation prédéterminés en relation avec l engagement et la formation du personnel. Les taux de guérison et de succès du traitement sont définis selon les directives de l OMS. 6 Pour estimer l impact des consultants, on a comparé la détection moyenne des cas et les taux de guérison en se basant sur les données publiées ou

Impact des consultants nationaux 3 disponibles localement de la façon suivante : taux total de détection des cas sous DOTS : 126 pour 100.000 habitants ; 4 taux de guérison sous DOTS 82% et avec traitement non-dots inférieur à 40% ; 2 taux de létalité chez les patients à bacilloscopie positive traités sous DOTS inférieur à 5% ; 2 taux de létalité chez les patients à bacilloscopie positive traités sans DOTS à 29% ; 7 différence globale dans les taux de létalité entre DOTS et non-dots (tous les patients) : 18%. * RESULTATS Au cours des deux années et demie où les données ont été analysées, des consultants ont été mis à disposition pour 74% de la population couverte, laissant ainsi 26% de la population sans consultant. Avant que les consultants ne soient en place, il avait fallu une durée médiane de 18 mois pour commencer la fourniture de services dans un petit nombre de districts. Dans un beaucoup plus grand nombre de districts, une durée médiane de 9 mois fut nécessaire pour démarrer la fourniture de services depuis l arrivée des CMR. Une différence similaire a été observée dans les districts avec et sans consultants présents au cours de la phase de préparation. Les taux de négativation des expectorations, de guérison et de succès du traitement sont significativement plus élevés dans les districts où les CMR sont en place (Figure 1). Les taux de négativation des expectorations, reflétant l efficience du traitement, sont plus élevés dans les zones avec superviseurs locaux (87% vs., P<0,001). De la même manière le taux de succès du traitement est plus élevé dans les zones munies de superviseurs locaux ( vs. 78%, P<0,001). Ces différences sont très constantes dans le temps comme le montrent les taux de succès de la Figure 2. Une autre façon d évaluer l efficience est de comparer les performances à des standards de performance minimum : 79% des districts bénéficiant de CMR ont des taux de succès supérieurs à 80% par comparaison avec 53% seulement des districts sans consultant ; les taux de négativation sont supérieurs à 80% dans 87% des districts avec consultants par comparaison aux 72% des districts sans CMR. (P<0,001 pour les deux comparaisons). En se basant sur ces données, il est possible d estimer l impact de santé publique des CMR. En raccourcissant de 9 mois la fourniture de service, le CMR moyen, couvrant une population de 10 millions d habitants, a obtenu la mise sous traitement selon la stratégie DOTS de 10.000 patients supplémentaires dont sans lui au moins 4.000 n auraient pas été guéris (9/12èmes d une année x * voir www.tbc india.org/method.asp pour les détails de calcul 126 cas/100.000 x 10 millions d habitants ; taux de guérison de 82% vs inférieur à 40%) ; de plus, près de 2.000 décès ont été évités parmi ces patients. En augmentant le taux de succès du traitement dans les zones où le DOTS est mis en œuvre, chaque CMR a obtenu un traitement couronné de succès chez 1.000 patients supplémentaires (126 cas/100.000 x 0,08% d augmentation du taux de succès du traitement) pendant chaque année de la mise en œuvre du programme. DISCUSSION L engagement de consultants par l OMS conjointement avec le Gouvernement de l Inde et les gouvernements d Etats s avère avoir entraîné une mise en œuvre beaucoup plus rapide de la stratégie DOTS et une meilleure qualité des performances. Le coût annuel total de chaque consultant, incluant le salaire, les avantages, les transports, l équipement et l administration a été inférieur à 20.000 $ par an (Données non publiées de l OMS). Ceci s ajoute au coût de mise en œuvre du DOTS (médicaments, examen microscopique, formation, personnel local, etc.). Au cours de la première année de mise en œuvre du DOTS, grâce à un groupe de moins de deux douzaines de consultants, on a obtenu pour chacun en moyenne 4.000 guérisons supplémentaires de patients et on a évité 2.000 décès. L impact des consultants est bien plus grand au cours de la première année de mise en œuvre que pendant les années suivantes. Ceci est lié au fait que la mise en œuvre du DOTS entraîne une amélioration dramatique des performances ; l accélération de cette mise en œuvre a donc des avantages substantiels. Au cours des années suivantes, les consultants améliorent les performances de façon significative, mais à partir d un niveau déjà élevé. Dès lors, dans une perspective à la fois de programmation et de coût/efficience, l utilisation des CMR est de la plus grande importance au cours des stades précoces de l expansion et de la mise en œuvre. Les avantages relatifs de la mise en œuvre verticale ou horizontale des programmes de santé publique ont été discutés de longue date. 8,9 Les consultants dans les programmes de lutte antituberculeuse ont été engagés de la même façon que les consultants engagés antérieurement pour les programmes d éradication de la poliomyélite. 10,11 Les consultants ont été utilisés dans différents programmes de santé publique mais étonnamment la description et l analyse des méthodes utilisées font défaut tant dans la littérature médicale que dans celle de santé publique, de même que les résultats de la désignation de consultants nationaux. Le programme DOTS en Inde est mis en œuvre par le per-

4 The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease 90% 87% No consultant Consultant 85% 80% 78% 76% 75% 70% No Consultant Consultant No Consultant Consultant No Consultant Consultant Conversion Cure Success Figure 1 Taux de négativation des frottis d expectoration, de guérison et de succès dans les districts avec et sans consultants médicaux, Programme National Révisé de lutte contre la Tuberculose, Inde, août 1999-juin 2001 sonnel général de santé dans les zones rurales et par des personnels spécialisés dans certaines zones urbaines. Dans les zones urbaines, le lourd fardeau de cas rend plus efficiente l utilisation d un personnel spécialisé. En plus des consultants décrits dans cet article, pour chaque million de population couverte, l on dispose de deux superviseurs de traitement temps-plein et de deux superviseurs de laboratoire temps-plein. Les superviseurs de traitement et de laboratoire dans le système de santé représentent une première ligne critique de supervision. Les consultants engagés par l OMS ont été à même de renforcer la ca- 90% 88% 86% 84% 82% 80% 78% 76% 74% 72% 70% 1999 4th 2000 1st 2000 2nd 2000 3rd 2000 4th No Consultant Consultant 2001 1st 2001 2nd Figure 2 Taux de succès du traitement dans les districts avec et sans consultants médicaux. Programme National Révisé de lutte contre la Tuberculose, Inde, août 1999-juin 2001 pacité des agents de lutte antituberculeuse de l Etat et du district à mettre en œuvre le programme, principalement en augmentant l efficience du traitement du système de santé ainsi que les performances et la supervision des laboratoires. L existence d un personnel de supervision spécialisé à tempsplein à la fois à l intérieur et à l extérieur du système de fourniture de soins de santé s est avérée essentielle. Nous croyons que ce type de supervision spécialisée pourrait être essentiel pour le succès de la mise en œuvre de beaucoup de programmes de santé publique dans les pays en développement. Certaines des fonctions les plus importantes des consultants ont consisté à assurer un progrès continu dans la préparation de la fourniture de services, à fournir en temps utile un rapport précis et à répondre aux problèmes ou aux faibles performances lorsqu ils existent dans certaines zones géographiques spécifiques. Les estimations présentées dans ce travail sont probablement valables pour plusieurs raisons. Primo, elles sont cohérentes au travers des indicateurs. Les taux de guérison, les taux de succès et les taux de négativation des expectorations varient tous autour des mêmes taux. Deuxièmement, l analyse est cohérente pour les résultats analysés de façon transversale comparaison de l ensemble des districts pour chaque trimestre, avec ou sans consultant - ainsi que dans l analyse longitudinale comparant les districts ayant manqué de consultants, pour les trimestres pendant lesquels ils ont été avec ou sans consultants. Troisièmement, elles représentent des estimations prudentes car les districts manquant de consultants bénéficiaient parfois

Impact des consultants nationaux 5 de services partiels d un consultant provenant d un district voisin. Quatrièmement, nous avons inclus comme «trimestre-consultant» même les rares cas où un consultant peu performant était en poste. Ceci aurait tendance à ce que les résultats sousestiment l impact effectif. Il est peu probable que la performance supérieure des districts dotés de consultants soit due aux caractéristiques des districts eux-mêmes, car les consultants ont été désignés de façon préférentielle dans les districts qui étaient considérés comme plus susceptibles d avoir des difficultés à mettre effectivement en oeuvre le PNRT (par exemple, parce que le niveau socioéconomique était plus faible dans ces zones, parce qu il n y avait pas d agent de l Etat à temps plein pour la lutte antituberculeuse ou que le système de santé était relativement faible). Cette analyse comporte d importantes limitations. Beaucoup de variables peuvent affecter la performance et un petit nombre seulement de zones ont été dépourvues de consultants pendant des périodes de temps significatives. Certains districts à faible performance n ont pas fourni de rapports précis (particulièrement lorsqu il n y avait pas de CMR), et l amélioration des performances peut prendre de 2 à 3 trimestres après la mise en place du CMR. La présence plus précoce d un CMR peut n entraîner une différence que beaucoup plus tard et lorsqu un CMR arrive plus tard il (ou elle) peut parfois améliorer significativement les performances par rapport aux périodes où il n y avait pas de consultant. Toutes ces limitations auraient tendance à réduire l impact mesuré des CMR puisque les différences documentées dans cette étude sont le plus probablement une estimation minimale de l impact des superviseurs sur la performance. Il est également possible qu il y ait eu des biais non découverts de sélection et d information. Une limitation supplémentaire de cette analyse réside dans le fait que l efficience des CMR dépend de l introduction d une grande variété de données incluant le soutien technique et logistique du Gouvernement de l Inde, les fonds de la Banque Mondiale, les personnels du Gouvernement de l Etat et du district, etc. Toutefois, les CMR fournissent un apport-levier critique susceptible de rendre toutes ces ressources plus efficientes dans la mise en œuvre du programme. La persistance d une performance efficiente dans ces zones dépendra de nombreux facteurs, mais la nécessité de consultants locaux semble aller en de- croissant, ce qui suggère que ce personnel assure des améliorations persistantes. Les consultants se concentrent sur l établissement de type de fonctionnement efficient ; ces types sont beaucoup plus faciles à maintenir qu à mettre en route. Le plan est de fournir des consultants pendant 3 à 4 ans après la mise en œuvre complète du DOTS et de réduire ensuite leur nombre à pas plus d un par Etat dans la plupart des régions. Dans les pays en développement, les consultants locaux peuvent avoir des implications importantes pour les efforts de renforcement des interventions de santé publique pour la tuberculose, la malaria, le SIDA et d autres maladies. Remerciements Nous remercions les consultants médicaux du PNRT pour leur lourd travail et leur dévouement à la lutte antituberculeuse en Inde, la Canadian International Development Agency pour son soutien financier à ce projet, Mr Santhosh Kumar dont l expertise nous a aidés dans le traitement des données et la préparation du manuscrit et Mr Drew Blakeman pour son aide à la préparation du manuscrit. Références 1 World Health Organization. Framework for effective tuberculosis control. WHO/TB/94.179. Geneva: WHO, 1994. 2 World Health Organization. Global tuberculosis control. 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