Epidémiologie et facteurs de risque de maladie alcoolique du foie



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Transcription:

Epidémiologie et facteurs de risque de maladie alcoolique du foie Professeur Sylvie Naveau Hôpital Antoine Béclère SEMINAIRE des DES d HGE 14/1/2006

EPIDEMIOLOGIE En France, la prévalence des malades atteints de cirrhose alcoolique a été estimée entre 1500 et 2500 cas par millions d habitants. L alcool représente 75 % des causes de cirrhose.

EPIDEMIOLOGIE La consommation moyenne d alcool pur par adulte de plus de 15 ans et par an est passée de 22,1 litres en 1975 à 10,7 litres en 1999. La mortalité par cirrhose alcoolique «ou sans précision du foie» suit la courbe de consommation d alcool. Elle est passée de 14 934 en 1980 à 8528 en 1999.

EPIDEMIOLOGIE La France se situe au quatriéme rang européen dérrière le Luxembourg, l Irlande et le Portugal.

Atteintes hépatiques liée à l alcool Les atteintes morphologiques liées à l alcool représentent un large éventail de lésions:la stéatose pure,l hépatite alcoolique aigue,la fibrose avec ou sans stéatose et la cirrhose.

Facteurs de risque Le risque de développer une cirrhose croit avec la quantité d alcool consommée par jour mais ne concerne que 20 % des buveurs excessifs. L inégalité des individus devant une hépato-toxicité de l alcool suggère l intervention d autres facteurs qui ont fait l objet de plusieurs études.

De plus, il semble que la maladie se développe plus rapidement chez la femme (10 ans) que chez l homme (15 ans ). Facteurs de risque :Le sexe Pour une même quantité d alcool consommée, les femmes ont un risque relatif de développer une atteinte hépatique significativement supérieure à celui de l homme. Le risque relatif de développer une cirrhose alcoolique devient important à partir de 30 g par jour, c est à dire 3 verres chez la femme et 50 g soit 5 verres chez les hommes.

Facteurs de risque :Modalités d alcoolisation L influence du mode de consommation régulière versus occasionnelle n est pas connue avec précision. Néanmoins la consommation de boissons alcoolisées en dehors des repas Et la consommation de plusieurs types de boissons alcoolisées semblent augmenter le risque d atteinte hépatique Stranges S, Alcohol Clin Exp Res 2004;28:949-956. Bellantani S, Gut 1997;41:845-850.

Facteurs de risque : type de boissons consommées Quant au type de boissons consommées : il n est pas établi qu il ait une influence sur le risque de développer une cirrhose. En effet, en ce qui concerne le vin par exemple, les diverses études rapportent des résultats discordants Naveau S, Eur J Gastroenterol Hepatol 1991;3:265-269. Becker U,. Hepatology 2002;35:868-875. Pelletier S,. Alcohol 2002;37:618-621.

Facteurs de risque :Facteurs alimentaires Rôle des acides gras : Un apport important en acides gras polyinsaturés (omega-6 ou omega-3) (35 % de la ration calorique) exacerbe les lésions hépatiques liées à l alcool chez le rat en augmentant la production de radicaux libres par le cytochrome p 450 2E1 et la péroxydation lipidique. Nanji AA. Alcohol 2004;34:21-25.

Facteurs de risque :Facteurs alimentaires Rôle des acides gras. A dose moindre (2,8 % de la ration calorique), les acides gras polyinsaturés omega-3 pourraient avoir un effet protecteur de même que les acides gras saturés. Nanji AA,Alcohol 2004;34:21-25.

Facteurs de risque : alimentaires Facteurs

Facteurs de risque : alimentaires Facteurs Chez l homme: le risque de cirrhose avant la survenue des premiers symptômes était fortement et positivement corrélé à la consommation quotidienne d acides gras et négativement à celle d hydrates de carbone et de protéines. Rotily M, Eur J Clin Nutr 1990;44:595-603. Corrao G, Am J Epidemiol 1995;142:1136-1146.

Facteurs de risque : alimentaires Facteurs Chez l homme: le pourcentage de déviation de la mortalité attendue du fait de la consommation d alcool par rapport à la mortalité observée dans 17 pays était corrélé de façon négative au cholestérol et aux acides gras saturés alimentaires et positivement aux acides gras polyinsaturés. Nanji AA, Clin Exp Res 1986;10 :271-273.

Facteurs de risque : alimentaires Facteurs Rôle de la cafféine et du café Chez des patients à haut risque d hépatopathie comprenant des buveurs excessifs, la consommation de caféine et de café était corrélée de façon négative à l augmentation des ALAT après ajustement sur l âge, le sexe, la race et le tabagisme. Ruhl CE, Gastroenterology 2005;128:24-32.

Facteurs de risque : Le tabac : bien que les buveurs excessifs soient souvent fumeurs, le tabagisme semble un facteur de risque indépendant de cirrhose après ajustement sur l âge, le sexe, l index de masse corporelle (IMC), le niveau d éducation et la consommation d alcool Becker U, Hepatology 2002;35:868-875.

Facteurs de risque : Le surpoids : A niveau constant de l âge, du sexe, de la quantité d alcool consommée par jour, de la durée d alcoolisation, un surpoids présent depuis au moins 10 ans était, chez le buveur excessif, un facteur de risque indépendant non seulement de cirrhose mais également de stéatose et d hépatite alcoolique aiguë (HAA). Naveau S, Hepatology 1997;25:108-111.

Facteurs de risque : l IMC est un facteur de risque indépendant de fibrose chez le patient alcoolique. Raynard B, Naveau S. Hepatology 2002;35:635-638.

Facteurs de risque : l IMC est un facteur de risque indépendant de fibrose chez le patient alcoolique. Raynard B, Naveau S. Hepatology 2002;35:635-638.

Facteurs de risque : Le tissu adipeux en secrétant du TNF-α pourrait jouer un rôle important dans la cascade immuno-inflammatoire impliquée dans la physiopathologie de l HAA. Le tissu adipeux est également la source de nombreux neurotransmetteurs tel que l angiotensine II, la norépinéphrine et le neuropeptide Y qui stimule in vitro la fibrogénèse. Il en est de même de la leptine qui est également produite par le tissu adipeux. Lin HZ, Alcohol Clin Exp Res 1998;22 (5 suppl):231s-237s. Bataller R, Gastroenterology 2000;118:1149-1156. Oken JA, Biochem Biophys Res Commun 2003;302:685-690. Ikejima K,. Gastroenterology 2002;122:1399-1410.

Facteurs de risque :genetiques La concordance vis à vis de la cirrhose alcoolique était plus élevée chez les jumeaux monozygotes que chez les jumeaux dizygotes. Bien qu il soit admis que des polymorphismes génétiques concernant l alcool déshydrogénase et l acétaldehyde déshydrogénase soient impliqués dans la susceptibilité individuelle à l alcoolisme, leur rôle dans la progression de la maladie hépatique reste controversé. Hrubec A, Alcohol Clin Exp Res 1981;5:207-215. Reed T, Alcohol Clin Exp Res 1996;20:1528-1533.

Facteurs de risque :génétiques Le cytochrome p450 2E1 joue un rôle important dans la production de radicaux libres. Une mutation dans la région promotrice (allèle c2) entraîne une augmentation de l activité de l enzyme et augmente le risque de cirrhose Bataller R, Hepatology 2003;37:493-503.

Facteurs de risque :génétiques Les polymorphismes des gènes codant pour les cytokines pro-inflammatoires intervenant dans la physiopathologie de la MAF ont été recherchés. Un polymorphisme situé dans la région promotrice du gêne du TNF-α qui augmente la production de la cytokine est associé à une stéato-hépatite plus sévère. Des polymorphismes des gênes de IL-1 β et de l antagoniste du récepteur de l IL-1 ont été trouvés associés à une susceptibilité héréditaire à la MAF. Bataller R, Hepatology 2003;37:493-503.

Facteurs de risque :génétiques D autres polymorphismes concernant les gènes CD14, de l IL-10, la manganèse superoxyde dismutase et d une molécule immuno-régulatrice appelée lymphocyte cyto-toxique TA4 (CTLA4) sont des facteurs de risque de MAF sévère. Bataller R, Hepatology 2003;37:493-503.

CTLA4 a été associée à divers désordres autoimmuns. Facteurs de risque : CD14 est le récepteur cellulaire des lypopolysaccharides (LPS). L activation des cellules de Kupffer et des cellules étoilées par les LPS joue un rôle majeur dans la survenue des altérations hépatocytaires. L IL-10 est une cytokine anti-inflammatoire. La superoxyde dismutase est une enzyme antioxydante puissante.

CONCLUSION: Outre l alcool,les modalités de consommation de l alcool,le sexe féminin, le surpoids, les acides gras poly-insaturés, peût-être le tabac et certains polymorphismes génétiques sont actuellement les facteurs de risque identifés de maladie alcoolique du foie.