Auto constructions de luxe Le village de Sayada est entouré, dans sa périphérie sud, d une dune ceinture d habitations dhabitations «auto construites» très prestigieuses dans des quartiers restés relativement pauvres et non viabilisés. Ces constructions récentes sont le fait d émigrés qui ont quitté le quartier où ils ont grandi dans les années 90 s pour fuir la misère en tentant leur chance en Europe. Presque deux décennies plus tard, ils témoignent ostensiblement de la réussite de leur migration à leurs voisins, dans le quartier d origine.
De l affichage à la rentabilité A Sayada, contrairement à d autres localités, l immobilier construit par les migrants a aussi vocation a devenir une source de revenu complémentaire. Le rez de chaussé peut, comme ici sur la photo de droite, être loué à des médecins ou des notaires, avocats, etc. Une maison cossue peut en effet être un lieu convoité pour un cabinet. Les hiérarchies sociales sont ainsi bousculées: des personnes en profession libérale, généralement issues des milieux favorisés, sont trouvent dans une situation de dépendance (relative) face à des ouvriers émigrés issus des familles les plus modestes de la localité.
Investir dans l économie locale Deux exemples d investissements : Photo de gauche: dans un premier temps l émigré à ouvert un café qui est tenu par un cousin sur place. Dans un deuxième temps, il a entrepris la construction d appartements destinés à la location au dessus du café. Photo de droite: l immeuble a été construit à la demande d un émigré qui vit en Italie. L unique vocation de l immeuble est la location. Cet exemple est unique à Sayada; en revanche de nombreuses constructions à vocation d habitation dhabitation comportent une partie destinée à la location. Louer son appartement n est pas une pratique courante en Tunisie (20% de la population) mais les émigrés profitent ici d une spécificité locale. Les usines de textile de la zone off shore de Ksar Hellal, situées à quelques kilomètres, emploient de nombreuses femmes venues de l intérieur du pays. Sans famille dans la localité, celles ci ci se logent souvent en colocation durant les quelques années qu elles passent ici. Il sagit s agit souvent de jeunes voire très jeunes femmes célibataires; elles quittent souvent ces emplois lorsqu elles se marient, ces années d activité étant notamment mise à profit pour constituer leur dote.
Sur la route entre Sayada et Ksar Hellal, plusieurs immeubles ont été construits par des émigrés afin de loger le personnel de la zone industrielle. On parle d une verticalisation de l habitat.
Autres exemples d investissements: Bien que la ville de Sayada ne soit jusqu à présent pas du tout orientée vers le tourisme, un migrant a pris l initiative et le risque économique de faire construire, entre la nationale et la mer, un salon de thé de luxe manifestement orienté vers une clientèle qui n existe pas encore ici: les touristes qui, par car, relient Monastir à Mahdia. Si son pari réussi, d autres pourront en profiter: vendeurs d artisanat, de souvenirs Route sur le canal de Nebhana. De l autre côté de la route se situe la zone off shore de Ksar Hellal. Ici des migrants ont investi dans la construction d entrepôts qu ils louent aux entreprises de textile. Dans la ville de Ksar Hellal, plus développée et dynamique économiquement que Sayada, les régions vers lesquelles on émigre en France sont marquées par la présence de l industrie textile. Ce sont les entreprises de textil transnationales qui à travers des stages de formation, des séjours dans l entreprise mère et les liens sociaux que cela implique auraient déterminé le champ migratoire des habitants de la ville.
Foyers étudiants: Sur la route qui part vers Moknine, on trouve un très grand foyer étudiant également construit par un émigré. L imposant bâtiment a été agréé par le ministère de l enseignement supérieur pour pouvoir recevoir des étudiants de l Institut d Etude Supérieur du textil (nom à vérifier), ce qui suppose non seulement une certaine capacité financière et Autre innovation commerciale apportée par un migrant: la location de salle des fêtes. une connaissance des dynamiques économiques Traditionnellement, les mariages se célèbrent dans locales mais également la possession d un capital les habitations mais depuis peu, le concept lancé ici social important sur place. par un migrant s est largement démocratisé: on loue la salle et les services d une petite société locale. La première a vu le jour à l initiative d un habitant de Ksar Hellal qui vit en France mais par la suite, l idée a été reprise par plusieurs individus. Localement on compte une petite dizaine (à vérifier) d affaires de ce type dans l agglomération étudiée.
Nous nous sommes ensuite rendus à Menzel Kamel: Depuis une quinzaine i d années, la petite ville de Menzel Kamel, au sud ouest de Monastir, est devenue le centre névralgique du marché des pièces automobile d occasion. Des migrants installés en France se sont associés à des compatriotes restés sur place pour importer et revendre ces marchandises très prisées sur le marché tunisien et même au delà puisque de nombreux Algériens et même des Libyens viennent s y approvisionner. ii Nous avons vu, malgré l ambiance sécuritaire un peu tendue en ce début de février 2011, plusieurs voitures immatriculées en Algérie, ce qui témoigne de la vitalité du commerce. Dans tout le village, la plupart des rez de chaussée sont des garages qui exposent les nombreuses pièces qu ils ont à vendre. Un certain ti nombre de ces garages étaient t aujourd hui fermés, mais l on ne sait pas si cela est très conjoncturel ou si leur fermeture date un peu plus, dû aux pressions subies ces dernières années. En effet, ce commerce transnational fut dans un premier temps autonome: les émigrés achetaient le matériel en France, louaient et remplissaient i un container ti au port de Marseille puis payaient l expédition et les taxes afférentes pour qu un membre de leur famille puisse récupérer sa part à La Goulette avant de la ramener sur Menzel Kamel où elle serait écoulée. Mais il semble qu au cours de ces dernières années des réseaux maffieux se soient imposés comme intermédiaires i obligatoires i de la procédure d importation: ti des membres de familles proche du pouvoir stockaient la marchandise à Marseille, empochaient directement les droits de douane (peut être davantage) et livraient les pièces au village même aux commerçants Il semblerait que cela ait contribué à réduire l étendue de cette activité sans toutefois la faire disparaître. Avec la chute de la dictature, t ces intermédiaires i ont disparus et le marché est donc appelé à se reconfigurer.