SCENARIO
OUVERTURE Un pas sur une marche d escalier, à reculons. TITRE SQ 1 HALL D IMMEUBLE Une petite fille descend l escalier menant au hall, à reculons. Ces mouvements sont précis et assurés malgré la marche à l envers. Elle s arrête au pied de l escalier. Elle ferme les yeux, prend une grande inspiration. Une petite fille apeurée Peur de tout, bute sur tout, recule devant tout Elle traverse le hall jusqu à la porte d entrée de l immeuble en suivant un parcours compliqué, qui est loin de la ligne droite. Elle fait bien attention de ne poser ses pieds que sur certains carreaux du carrelage au sol, l obligeant à des mouvements compliqués, des grands écarts, des sauts. Certains carreaux sont si petits qu elle doit marcher sur la pointe des pieds. Elle arrive à la porte. Elle sourit, satisfaite. SQ 2 CHAMBRE La petite fille est dans sa chambre, assise le dos contre un pilier, un livre sur les genoux. Peur dans le noir son de studio de ciné qui s éteint toutes les lumières s éteignent, la pénombre règne, on devine seulement les formes La petite fille relève la tête, regarde tout autour d elle. Elle pose son livre, se relève doucement, hésitante. une porte couine voix off ( chuchotée ) : il pourrait s y cacher, guettant Des monstres poilus, aux gros yeux et aux grandes dents. Des yeux et des dents luminescents apparaissent dans le placard dont une porte est entrouverte. La petite fille fait un pas en arrière. D autres yeux apparaissent sous le lit, puis partout dans la chambre. Elle recule encore d un pas. Peur le jour son de studio qui s allume soudaine lumière très forte, saturée La petite fille, près de la fenêtre, est aveuglée. Elle se protège les yeux avec un bras, tout en essayant de regarder alentour ce qu il se passe.
quel cauchemar toute cette lumière, Pour n importe quel regard, elle est à découvert. Dans la lumière trop forte, elle devine d imperceptibles mouvements. Ses pupilles se contractent, elle s accommode à la lumière. Elle peut alors voir que tout autour d elle, des yeux clignent, la regarde. Les yeux de ses peluches au-dessus de l armoire, les yeux des bonhommes sur ces propres dessins accrochés au mur. Elle fait quelques pas en arrière. Elle bute sur un objet. Une ardoise d écolier. Elle se penche pour regarder. Peur du temps qui la fera grandir Devenir adulte ne pourrait qu être pire. Une petite fille est dessinée à la craie sur l ardoise. Le dessin a la naïveté des dessins d enfants. Le dessin s anime, se transforme petit à petit. Les traits deviennent moins naïfs, plus sûrs. La silhouette s allonge, une vraie bouche apparaît, de grands yeux aux grands cils, un sac à main, des talons hauts... Une femme. La petite fille fait un pas en arrière. Peur que quelqu un marche sur son ombre dans la rue, Peur d être étouffée, déchiquetée, mangée toute crue. Toute l attention de la petite fille est encore sur l ardoise. Un léger tressaillement de son ombre au sol attire son attention. Elle se tourne vers son ombre. Des ombres de bras sortent sur les côtés, créant une forme monstrueuse à six bras. Une paire de bras se porte vers le cou de l ombre, s auto étranglant. Une autre arrache des parties de l ombre, un doigt, un bras, un bout de tête, et les jette au loin. Une ombre de bouche géante aux grandes dents vient croquer ce qu il reste de l ombre de la petite fille. Il n en reste que les jambes. La petite fille fait plusieurs pas en arrière. Elle marche sur un tapis à longs poils. Peur de l océan, la mer et tous les trucs sans fond Les poils commencent à bouger légèrement, puis plus manifestement, formant des mouvements de vagues. La petite fille recule, incertaine. Brusquement, son pied qui restait encore sur le tapis s enfonce. Elle perd l équilibre, elle est sur le point de tomber en entier dans le tapis, parvient à se rattraper et tombe en arrière. Son pied est dégoulinant des poils du tapis. Elle recule, encore à terre, se traînant à demi, s aidant de ses mains. Ses yeux sont agrandis par la peur et le choc. Ils ne peuvent quitter le tapis des yeux. Une forme passe furtivement à l autre bout de la chambre. Peur du loup, de son père, des vampires, des dragons. Elle n a pas pu voir ce que c était. Elle cherche des yeux, tout en continuant à reculer, toujours à terre. Elle se retrouve le dos à la porte. Elle ne peut aller plus loin. Son regard se fixe sur quelque chose. Acculée, désespérée, elle ferme les yeux en prenant une grande inspiration, comme pour aller en apnée. Elle se contracte au maximum, se fait toute petite. Peur de Joe l Indien, Crochet, la Reine de Cœur Au bout d un moment, elle réouvre les yeux. La Reine de Cœur est juste en face d elle, immense, d autant plus immense qu elle-même est à terre. Le regard de la Reine est plongé dans le sien, elle penche son visage au-dessus d elle. Un sourire se dessine doucement, très doucement sur son visage et son doigt vient passer sous sa gorge en signe de décapitation. Tremblante, en larme, la petite fille ferme les yeux, les serrant aussi fort qu elle le peut. Elle met sa tête entre ses genoux repliés, et les bras au-dessus de sa tête. Et le plus angoissant, elle a peur d avoir peur.
La Reine de Cœur a disparut. Il n y a rien d inhabituel dans la chambre. Juste une petite fille, le dos contre la porte, recroquevillée, tremblante, claquant des dents. SQ 3 RUE Mettre un pied devant l autre est pour elle impossible Bien plus facile de tourner le dos, impassible Si bien que maintenant elle recule tout le temps Elle se lève et se couche en reculant Elle marche dans la rue, toujours à reculons. Elle marche sur le petit bord du trottoir, très sérieusement, en faisant très attention de ne pas tomber. SQ 4 PONT Elle écrit, lit, calcule et comprend à l envers Elle a même bricolé son vélo le pédalier devant derrière Et quand elle prend le train pour visiter Mère Grand Elle s assied systématiquement le dos vers l avant Elle traverse un pont. Vers le milieu du pont, elle se fige. Son pied vient de se poser sur quelque chose qui fait un bruit particulier. Elle jette un coup d œil rapide entre ses jambes. Elle reconnaît une bouche d égout, une de celles avec plein de trous qui laissent apercevoir le vide en dessous. Elle se redresse d un coup, ferme les yeux. Elle relève doucement son pied posé sur la bouche et en fait calmement le tour avant de continuer son chemin. SQ 5 CARREFOUR La petite fille marche sur le trottoir, toujours à reculons. Elle arrive à un carrefour. Ses journées sont remplies d actes acrobatiques Des trucs pour dompter sa peur, des pensées magiques. Elle s arrête au bord du trottoir, un passage clouté derrière elle. Elle jette un coup d œil entre ses jambes pour étudier les barres blanches du passage. Elle se redresse, prend une légère inspiration et commence à traverser la rue. Elle pose les pieds uniquement sur les barres blanches. Elles sont très espacées mais elle à l air relativement à son aise. Et pour terrasser les machins les plus effrayants Il suffit d y penser, c est un jeu d enfant Le principe étant que jamais la réalité Ne correspond à ce qu on imaginait Son pied se pose sur la dernière barre blanche. Il ripe et glisse en dehors du blanc. La petite fille se fige, prend une seconde pour prendre la mesure du désastre.
Ceci l entraîne à penser aux pires horreurs Et conséquemment ne fait que nourrir sa peur. Elle se précipite sur le trottoir d en face, ne fait plus attention aux endroits où se posent ses pieds. Elle se plaque dos au mur, bras écartés, les poings serrés, sur le qui vive. Sa respiration est saccadée. Elle surveille chaque coin, chaque rue, chaque fenêtre, chaque cachette de laquelle pourrait sortir un danger. Son regard se fixe sur un point. Un jour elle aperçoit un nuage Un petit garçon est de l autre côté du carrefour. Il est face à elle. Il la regarde. avec deux étoiles au milieu Un bruit de lune s en dégage, rien de monstrueux Il lui sourit légèrement. Elle se décolle légèrement du mur pour mieux le voir, ses muscles se détendent, ses bras s abaissent, ses poings se desserrent. Pour la première fois elle n est pas terrorisée, Enfin quelque chose qui ne va pas la croquer. Elle est gênée. Elle essaie un sourire qu elle ne réussit pas. Elle est tout étonnée, toute contemplative, Mais que peut-elle faire, elle n a que deux alternatives. Elle est attirée. Elle se penche en avant. Elle essaie un pas en avant qu elle ne réussit pas. Se tourner afin de pouvoir se rapprocher, Mais si elle le quittait des yeux, il disparaîtrait. ( Subjectif ) Elle se retourne, se détourne de lui. Elle se cache les yeux avec ses mains. Elle est de nouveau face à lui. Continuer à reculons pour ne pas tourner le dos Mais la ligne d horizon les séparera bientôt. ( Subjectif ) Elle recule. De plus en plus. Il devient tout petit. Elle se cache les yeux avec ses mains. Elle est de nouveau face à lui. Elle ne peut se résoudre et fait donc comme choix, Pour un temps indéterminé de rester plantée là. Ils se regardent. Fondu au noir.