Michel PENDARIES* et Stéphane PENDARIES**



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Transcription:

Le pilotage par la valeur de la performance organisationnelle : Exemple d application à un cabinet d Expertise-comptable The value based management control of the organizational performance: Study and implementation in an audit and chartered accounting company Michel PENDARIES* et Stéphane PENDARIES** Résumé : Le pilotage de la performance organisationnelle d un cabinet d Expertisecomptable est aujourd hui une préoccupation majeure de l Ordre des Expert-comptables. Certaines associations d Expert-comptables prônent une approche aussi bien interne, organisationnelle, qu externe, vis-à-vis des clients, basée sur la valeur. Face aux limites des méthodes de contrôle traditionnelles fondées sur des logiques de coût, nous proposons une méthode originale de pilotage de l organisation d un cabinet, basée sur une logique de valeur. Mots clés : Pilotage, Cabinet d Expertisecomptable, Pilotage par la valeur, Contrôle, Ressources Abstract : The management control of the organizational performance of an audit and chartered accounting company is still a major preoccupation of the French chartered accountants association. Some professional associations recommend a value based approach concerning as well the internal organization management as the relationship with clients. Faced with the limits of the methods based on a logic of cost, we propose a new method of management control of an audit and chartered accounting organization, based on a logic of value. Key words: Management control, Accounting organization, Value based management, Resources, Chartered accountant * Enseignant chercheur à Euromed-Management Toulon, Cret-Log, Aix-Marseille Université, 13625 Aix-en-Provence, France, michel.pendaries@euromed-management.com ** Expert-comptable mémorialiste, 75008 Paris, stephane.pendaries@hotmail.fr Page 1

Introduction Cette recherche applicative est issue d un travail de mémoire d Expertise-comptable. Le stage d expertise comptable comme terrain de recherche, s est articulé autour de deux expériences professionnelles différentes dans deux cabinets. Ces deux expériences ont permis de constater que les deux cabinets avaient des méthodes de pilotage de la performance organisationnelle relativement identiques, fondées sur une approche par les coûts. Le principal associé du deuxième cabinet avait néanmoins pour objectif d optimiser la performance globale du cabinet par une amélioration du système du pilotage financier. Il souhaitait mettre en place un système de pilotage, et pas simplement un système de contrôle, qui dynamiserait l ensemble de l organisation et qui permettrait de mieux vendre les missions sans détériorer les marges. Il était parti du constat que le cabinet était obligé d avoir une structure organisationnelle flexible (gestion de planning, arbitrage, gestion des hommes, etc. ) pour mener à bien les missions mais que ce dernier était doté à contrario de ressources se caractérisant principalement par des charges fixes. Après plusieurs entretiens, et devant l inefficacité et l inefficience des méthodes utilisées, la décision de traiter cette dualité a été prise avec la mise en œuvre d une méthode de pilotage par la valeur, développée dans certaines entreprises industrielles gérées par affaires, et facilitant la création de valeur ajoutée. Cette nouvelle approche de pilotage par la valeur permet d optimiser les charges fixes du cabinet et d associer la flexibilité des emplois avec des ressources stables. A ce jour, la mise en place de ce système de pilotage a été initiée au sein du cabinet. L objectif de cette communication est de montrer que pour piloter l organisation et les activités, il est possible de substituer une méthodologie basée sur des logiques de coût, très largement rependues dans les cabinets d expertise-comptable, par une méthodologie basée sur une logique de valeur. Dans une première partie, nous formulons un constat pour énoncer ensuite la problématique de cette communication. Puis, dans une deuxième partie, nous abordons le cadre théorique et conceptuel mobilisé ainsi qu une analyse critique des diverses méthodes de pilotage de la performance, basées sur des logiques de coût, observées dans les cabinets d expertise-comptable. Enfin, dans une troisième partie, nous développons la méthode de la valeur ajoutée horaire et son application au sein du cabinet. 1. Le pilotage de la performance organisationnelle d un cabinet d Expertise-comptable 1.1. Un constat L Expert-comptable est le principal partenaire-conseil des entreprises. L offre de valeur de l Expert-comptable, se définit comme la capacité à satisfaire un conseil ou un service pour le client. Cette offre de valeur évolue en permanence et devient de plus en plus complexe. L Expert-comptable doit être en mesure d exercer au mieux son art auprès de ses clients tout en veillant à la bonne conduite du cabinet. Sa performance en termes de création de valeur Page 2

doit être à la fois externe (satisfaction du client) et interne (organisationnelle). Le pilotage de la performance économique repose donc sur la capacité du cabinet à créer de la valeur c'est-àdire à piloter le rapport : Satisfaction des besoins / Utilisations des ressources et des compétences. Chaque cabinet doit développer son propre business model avec une typologie de missions en adéquation avec les points de valeur ajoutée que peut faire valoir le cabinet auprès de sa clientèle. On entend par point de valeur ajoutée, les éléments jugés par le client comme apporteur de satisfaction. Le pilotage consiste essentiellement pour le cabinet à décliner et à concrétiser la stratégie et le "business Model" à tous les niveaux opérationnels de l organisation. Pour mettre en action son business model, un cabinet doit donc veiller au bon déroulement de ses activités avec un suivi et un contrôle de leurs profitabilités (ex-post), mais surtout grâce à un système de pilotage (ex-ante). Un cabinet est une organisation dont la performance économique et la compétitivité sont basées sur ses ressources et ses compétences. Cela pose le problème de la mesure de cette performance et de ses critères d évaluation. Ainsi, une évaluation en terme d effectivité (capacité à satisfaire les clients), d efficacité (capacité à atteindre un objectif) et d efficience (capacité à utiliser au mieux les ressources) 1 des activités du cabinet paraît indispensable afin d améliorer sa performance économique et financière globale. Cela met l accent sur les types d indicateurs que l on met en œuvre et leurs finalités : indicateurs de contrôle et indicateurs de pilotage. La profitabilité globale d un cabinet se mesure par le résultat net global et sa rentabilité par le niveau de distribution de ses bénéfices par rapport au capital investi. Actuellement, l indicateur à la fois de contrôle de la profitabilité et de pilotage, rencontré dans la majorité des cabinets est la marge (avec ses variantes : marge sur coût variable, marge brute ou marge sur coûts directs, ou bien encore la marge nette c'est-à-dire le résultat). Le choix de l indicateur dans les cabinets découle souvent d une mise en équivalence entre le temps de traitement (donc le coût) et l information produite (avec les degrés d imperfection inhérente à chaque méthode). 1.2. Les problématiques soulevées Le pilotage des cabinets d expertise comptable par les coûts entraîne une double problématique. - Les cabinets d expertise comptable associent de manière uniforme les ressources et les compétences du cabinet à des coûts. Or un coût est l expression monétaire de la consommation de ressources. Il n est donc pas systématiquement générateur de valeur. Il est paradoxal de considérer les ressources et les compétences uniquement comme un coût pour évaluer la profitabilité et de ne pas les évaluer comme un générateur de valeur 1 Modèle 3E de la sphère de l entreprenariat Page 3

ajoutée bien qu elles soient mises en valeur auprès de la clientèle. Il serait plus pertinent pour l Expert-comptable, en terme de comptabilité de gestion, de considérer les ressources et les compétences de son cabinet comme des postes de valeur ajoutée à vendre à ses clients. - Une analyse de la profitabilité post opératoire n a jamais été un outil de pilotage à part entière. Les indicateurs basés sur des coûts ne peuvent pas être de véritables outils de décision car ils sont essentiellement basés sur des faits passés. Il y a ici un paradoxe car les entreprises utilisent en fait des indicateurs de contrôle pour piloter leurs organisations au lieu d utiliser des indicateurs de pilotage, plus prospectifs. L analyse du passé nous permet de comprendre le présent mais ne permet pas de définir l avenir. Les erreurs passées ne seront pas forcement les erreurs futures, surtout dans un environnement concurrentiel et changeant. Comment l Expert-comptable peut-il piloter la performance économique et financière de son cabinet en considérant ses ressources et ses compétences comme des postes de valeur ajoutée et pas seulement comme des postes de coûts? Une réponse possible : Pourquoi ne pas s inspirer de méthodes de pilotage développées avec succès dans certaines entreprises industrielles gérées par affaires puisqu un cabinet a les mêmes fondements organisationnels (Une gestion par mission ou par dossier) et les mêmes préoccupations lorsqu il s agit de chercher les moyens d accroître sa performance organisationnelle. Pour répondre à cette double problématique et étudier la validité de cette réponse, nous décrivons dans la partie suivante les fondements conceptuels et théoriques sur lesquels cette étude repose. Puis, nous présentons une analyse critique des différentes méthodes de pilotage rencontrées dans les cabinets d expertise-comptable. 2. Cadre théorique et conceptuel de l étude 2.1. Les fondements théoriques et conceptuels Dans cette partie nous précisons les concepts mobilisés dans notre étude, comme le pilotage, la performance organisationnelle ainsi que la création de valeur. 2.1.1. Du contrôle au pilotage Selon Merchant (1998), «quatre conditions sont nécessaires pour assurer un contrôle de résultat efficace: la connaissance des résultats désirés, la contrôlabilité des résultats désirés, la mesurabilité des résultats contrôlés et les objectifs de performance». Nous retenons le critère de mesurabilité car la fonction Contrôle de gestion, fondée sur la mesure, se distingue de la fonction Pilotage qui est perçu comme un système basé sur la responsabilité, la représentation et l interprétation des acteurs de l organisation. Ce que confirme Meyssonnier (1999), «le contrôle de gestion est fondé sur la mesure et il ne peut qu être analytique. Le principe fondateur de l activité de pilotage repose sur la modélisation financière de Page 4

l entreprise et de la comparaison entre la valeur perçue par le client (qui a un prix) et la consommation de ressources de l entreprise (qui a un coût). Les nouvelles pratiques (benchmarking, coût cible, reengineering, comptabilité par activités, etc.) comme les plus anciennes (analyse de la valeur, budget base zéro, recherche des coûts cachés, etc.) sont fondées sur le chiffrage. L avenir du Contrôle de gestion n est donc pas dans l abandon de la mesure mais dans son application à des champs différents (temps, qualité, etc.)». Dans la littérature, le courant constructiviste relève l importance du rôle des acteurs de l organisation dans les interprétations et les représentations qu ils font des indicateurs de mesure. Lorino (1995) nous dit que c est en basculant d un paradigme de la mesure à un paradigme de l interprétation que l on passe du contrôle au pilotage. Quand les systèmes de contrôle limitent et contraignent, les systèmes de pilotage développent l autonomie des acteurs de l organisation, et favorisent davantage l action plutôt que la coordination de la décision (Besson, 1998 ; Pariente, 1998). 2.1.2. La valeur et la création de valeur Concernant le concept polymorphe de valeur, nous ne cherchons pas à arbitrer parmi les nombreuses définitions données dans la littérature. Nous nous référons à la définition donnée par la norme Afnor du Management par la valeur. «Le concept de valeur repose sur la relation entre la satisfaction de nombreux besoins différents et les ressources utilisées pour y parvenir. Moins on utilise de ressources ou plus la satisfaction des besoins est grande, et plus la valeur est importante». Puisque notre étude s appuie sur les leviers de création de valeur qui sont utilisés dans la construction d une mission. Il nous est apparu pertinent de distinguer les trois approches de la création de valeur dans la littérature. Sur la création de valeur, la littérature nous propose trois approches : l approche actionnariale (Berle et Means, 1932 ; Jensen et Meckling, 1976 ; Fama, 1980 ; Fama et Jensen, 1983), l approche partenariale (Blair ; 1995 ; Charreaux et Desbrière, 1998) et plus récemment l approche cognitive (Wirtz, 2006 ; Charreaux ; Teece, 2007). Les deux premières se focalisent sur la façon de répartir la valeur créée afin de limiter les conflits d intérêt alors que la dernière s interroge sur la façon dont la valeur est créée afin de la maximiser (rationalité stratégique et opérationnelle). Dans l approche cognitive, la création de valeur provient de différents leviers cognitifs tels que les connaissances, l innovation et l apprentissage organisationnel permettant à l entreprise de se positionner autrement sur le marché. Dans les deux premières approches, les opportunités de création de valeur sont considérées comme données, la source de création de valeur est la «mise à disposition d une ressource financière relativement indifférenciée pour saisir des opportunités données de manière exogène sous le regard vigilent d une gouvernance disciplinaire» (Wirtz, 2006). La rationalité est financière. Dans l approche cognitive, l entreprise créatrice de valeur est celle qui se positionne autrement sur le marché grâce à sa base de connaissances (approche resource-base-view/approche knowledge-baseview). La rationalité est essentiellement stratégique et opérationnelle. Toutefois, selon Wirtz, Page 5

la création de valeur par la cognition met également en avant des sources de destruction de valeur : des coûts de mentoring (pour rapprocher les structures cognitives des dirigeants de celles des parties prenantes), des coûts de conviction (pour faire comprendre l intérêt d un projet commun) et des coûts cognitifs résiduels (part d incompréhension mutuelle qui subsiste). Pour ces raisons et parmi les diverses approches théoriques de la firme : une série de couple produit-marché (Ansoff, 1965), un ensemble de fonctions comme la R&D, la conception, la fabrication, etc. (Snow et Hrebiniak, 1980), un ensemble d activités liées à une chaîne de valeur (Porter, 1996), nous retenons pour un cabinet d expertise comptable plus particulièrement celle qui considère la firme comme un ensemble de ressources et de compétences clés (Penrose 1959-1995, Grant 1991), comme source de création de valeur par l organisation. Nous développons les raisons de cette approche dans l explication des fondements théoriques de la méthode de pilotage par la valeur qu est la valeur ajoutée horaire (partie 3). 2.1.3. La performance organisationnelle De nombreux auteurs (Kaplan et Norton, 1998 ; Malo et Mathé, 2000 ; Mavrinac et Siesfeld, 1998 ; Paturel, 2007) se sont intéressés aux systèmes d évaluation de la performance des organisations. Dans la sphère de la stratégie, Martinet et Reynaud (2004) proposent une définition tridimensionnelle de la performance globale de l entreprise : la performance sociale (égalité de traitement, respect des droits de l homme, bonnes conditions de travail, etc.), la performance économique (part de marché, profitabilité, rentabilité, etc.) et la performance environnementale (diminution de la pollution, sécurité des installations, sécurité des produits, utilisation de ressources renouvelables, etc.). Chacune de ces dimensions est évaluée par des indicateurs sociaux, économiques et environnementaux. La performance organisationnelle et la performance technologique et d innovation des produits constituent le socle de la performance globale à piloter dans les organisations. Compte tenu de notre champ d étude, les cabinets d expertise comptable, nous nous intéressons qu à la performance organisationnelle en tant qu organisation par mission (projet). Comme l affirme certains auteurs comme Lorino (1995) et Fernandez (2003), le pilotage de la performance globale ne se fait ni par une démarche par le haut (top down) ni par une démarche par le bas (bottom up) mais par l échange entre groupes et à l intérieur d un groupe et par les interactions entre les acteurs de l organisation. De plus, si nous postulons que l optimum global n est pas la somme d optima individuels, il n est donc pas utile de mesurer les différentes performances individuelles concourant à la performance globale. Pour ces raisons, le système de pilotage que nous proposons de mettre en œuvre (partie 3) a pour objectif prioritaire de performer globalement la valeur créée. Mais il doit pouvoir également faciliter une évaluation objective de certaines performances individuelles. Page 6

2.2. Les méthodes de pilotage de la performance rencontrées dans les cabinets 2.2.1. Les approches traditionnelles par les coûts (coût horaire, coût complet, coût partiel, etc ) Le contrôle de la profitabilité passe par le suivi des temps passés par dossier. L objectif du cabinet est d améliorer le couple efficience et efficacité sur les dossiers afin de vendre le maximum d heures. Le système de pilotage par les coûts horaires (ou taux horaires) peut entraîner le cabinet à vendre des heures à faible marge et risque de remettre en cause son objectif de profitabilité globale. L indicateur de mesure de la profitabilité est alors la marge (avec ses variantes marge s/coût variable, marge brute ou marge s/ coûts directs, ou bien encore la marge nette c'est-à-dire le résultat). Les charges d un cabinet sont majoritairement constituées de charges fixes avec une proportion importante de charges de personnel. Les charges variables sont peu importantes (papiers, énergie, sous-traitance, etc ). L importance du coût fixe que représente la masse salariale explique l attention particulière portée, dans la quasi-totalité des cabinets, au suivi des heures des collaborateurs. La gestion et l analyse des heures des collaborateurs deviennent la préoccupation principale du responsable du cabinet du fait de la proportion importante de ces frais de personnel par rapport au chiffre d affaires. Dans ce cas, la mesure de la performance se fonde donc sur des méthodes de coût partiel (Par exemple : Marge sur coûts directs). Ce type de méthode est assez simple à mettre en œuvre car une grande partie de la masse salariale est imputable aux missions en prenant comme clef de répartition : l heure ou la journée consacrée aux missions. Par contre, le niveau d information sur la profitabilité (marge contributive) n est que partiel et ne permet pas une optimisation de l indication sur : le comment la performance économique se constitue? L approche par les coûts complets (coûts processuels) permet d obtenir cette information. Mais, cette approche nécessite de définir un plus grand nombre de clefs de répartition des charges indirectes. Ces clefs doivent être homogènes au niveau des centres d analyse (ou centre de responsabilité) et pertinentes par rapport aux activités mesurées. Elle est par conséquent plus difficile à mettre en œuvre et plus consommatrice de temps de traitement de l information de gestion mais surtout plus imprécise du fait du caractère arbitraire des clefs de répartition utilisées. Les limites de l approche du pilotage de la performance organisationnelle par les coûts sont multiples : - Ce mode de pilotage est basé sur des faits passés. Une analyse de la profitabilité post opératoire n a jamais été un outil de pilotage à part entière. L analyse du passé nous permet de comprendre le présent mais ne permet pas de définir l avenir. Les erreurs passées ne seront pas forcement les erreurs futures surtout dans un environnement concurrentiel et changeant. - Un coût engagé n est pas forcement générateur de valeur. Il n est seulement que l expression d une consommation de ressources ou de compétences. Page 7

- La fixation du prix de vente de la mission à partir d une marge ou d un taux horaire n a plus vraiment de sens puisque le cabinet est le plus souvent confronté à des prix de marché dans ses activités. - L analyse de la profitabilité se fait par la marge et le respect des budgets. Cette analyse des temps passés par dossier s effectue dans un souci de mesurer leur rentabilité mais on constate que l objectivité dans l affectation des heures effectuées est soumise à l arbitrage de chaque collaborateur dans la saisie des temps du cabinet. En effet et pour différentes raisons, on assiste la plupart du temps à des phénomènes de lissage des temps sur une journée, de report d un dossier sur l autre, etc. Cette attitude, propre à la nature humaine, se comprend par le fait que la performance d un collaborateur se juge à partir de la performance de chaque dossier dont il a la responsabilité et pas sur sa performance globale. De ce fait, l analyse de la rentabilité repose donc sur une variable technique qui ne prendra jamais en compte la réalité objective recherchée (un collaborateur cherchera toujours à ce que sa rentabilité soit en adéquation avec les objectifs qui lui ont été fixés). Cette analyse des temps collaborateurs ramené au budget ou à la tâche n a pas d influence sur la profitabilité du cabinet en termes de marge et de résultat à périmètre client constant. Le salaire du collaborateur est en effet le même qu il passe plus ou moins d heures sur une mission ou sur une tâche. L analyse du temps passé par un collaborateur sur une mission ou une tâche n a d intérêt que dans la renégociation de budget (donc une approche commerciale), dans l évaluation annuelle du collaborateur (Promotion, Augmentation de salaires, Primes potentielles, etc.) et dans la négociation éventuelle d une facturation complémentaire avec le client. Le dépassement de budget correspond en fait au coût d opportunité que subit le cabinet en ne pouvant pas facturer les heures dépassées sur une même mission ou sur un autre travail. Il est à noter qu il y aura quasi-systématiquement des écarts et que l expérience montre que la prévision budgétaire parfaite n existe pas (surtout dans un environnement normé et déontologique). L analyse de la profitabilité par l analyse des écarts budgétaires est un système vicié. Les différents entretiens menés et la pratique que nous avons pu observer dans les deux cabinets où le stage d expertise comptable a été effectué, montrent que : - Les écarts de temps résultant d un dépassement horaire par rapport au budget (mali) sont systématiquement renégociés avec le client pour faire l objet d une facturation complémentaire à la fin des travaux ou d une renégociation de budget à la hausse sur les années suivantes. - Les écarts de temps résultant d une production horaire inférieure par rapport au budget (boni) sont systématiquement absorbés par le cabinet et ne font pas l objet d avoir pour le client. Cette différence de traitement dans l analyse des temps passés par rapport à un budget montre un système d analyse de la profitabilité incohérent. On pourrait retenir comme postulat dans un système de pilotage, que les malis soient systématiquement renégociés (facturation complémentaire, etc ) et que les bonis soient absorbés par le cabinet. Ce principe est majoritairement retenu dans les cabinets, mais entraîne souvent des tensions avec les clients sur les négociations de factures complémentaires ou de rattrapage de budget. On Page 8

constate donc que le système de pilotage par les coûts avec une analyse budgétaire est malheureusement destructeur de valeur. Il pourrait entraîner l insatisfaction du client à cause d un élément exogène et malgré un travail de qualité effectué. 2.2.2. Les approches récentes La méthode ABC/M Le principe de l application de la méthode ABC (Activity Based Costing) dans un cabinet d expertise comptable est de découper les ressources du cabinet en activité (saisi comptable, élaboration d un dossier de travail, déclaration de TVA, etc ) et de définir des inducteurs d activités appropriés à chaque activité (une ligne de saisi, une déclaration TVA, une heure de révision, etc.). L Expert-comptable peut ainsi évaluer les coûts et analyser sa profitabilité pour chaque activité du cabinet. Sartre (2009) s y est employé. Les principales difficultés d une comptabilité de gestion par une approche ABC sont : - La complexité du modèle : le découpage des ressources en activité n est pas simple car il peut se révéler tentaculaire avec des activités et des sous activités. Il faut ici réfléchir exactement au découpage adéquat au regard de la précision des coûts par activités que l on souhaite obtenir. Cette phase d identification des activités d un cabinet est un investissement pour le cabinet et peut se révéler longue et difficile à mettre en place pour un cabinet de petite ou de moyenne taille. La présence d un logiciel de gestion des temps peut aider mais le découpage analytique des tâches dans le logiciel peut ne pas être la répartition par activité souhaité. - Les difficultés de mise à jour du modèle : Certaines activités du cabinet sont récurrentes (saisi comptable, révision des comptes, etc ) car elles font parties du cœur du métier d Expert-comptable mais les cabinets développent beaucoup d autres activités ponctuelles ou récurrentes, connexes ou non aux métiers de bases de l expert-comptable mais hors nomenclature ABC. C est justement une des forces de la profession de pouvoir répondre aux nombreuses demandes des clients grâce à la pluridisciplinarité du métier d expertcomptable. La mise à jour du modèle passe alors par une refonte du découpage des ressources pour déterminer la répartition des temps entre toutes les activités. - Les erreurs dans l évaluation des coûts : L ABC repose sur le principe de la décomposition des opérations de l organisation en activités les plus fines possibles pour analyser les coûts. Plus le découpage est fin et plus le risque d erreur d imputation analytique (mauvaise imputation comptable) ou de mesure, (pourcentage estimé au départ sur les temps affectés à une activité) est grand. Il en est de même de l emploi d un inducteur pas suffisamment pertinent, d une sous-utilisation des capacités productives, etc. - Les principaux reproches faits à l approche par les coûts (l analyse est faite sur des faits passés, l effet de la temporalité, un coût n est pas générateur de valeur, etc ) sont aussi applicables à la méthode ABC. Page 9

- L évaluation du coût de la sous-activité n est pas mise en évidence du fait du mode de découpage des activités. La répartition du temps se fait par activité sur une base de 100% d occupation. Sous l influence conjointe de deux facteurs (éclatement des réseaux et maturité atteinte de la méthode ABC), trois des chefs de file de l ABC originel (Kaplan, Brimson et Johnson) se lancent dans une stratégie de différenciation qui aboutit à la création de trois méthodes dérivées dont la méthode Time-driven ABC. La méthode TDABC (Time-driven ABC) La méthode TDABC apparaît comme une des réponses aux faiblesses de l ABC et permet de pallier les limites d une grande majorité des techniques d évaluation de coûts complets. Cette méthode a aussi l intérêt d être développé par Kaplan et Anderson (2004) initiateurs de la méthode ABC. La méthode TDABC reprend les grands principes de la méthode ABC avec le découpage par activité, mais l inducteur d activité choisi est systématiquement basé sur le temps. Le découpage ne se fait pas plus en termes de pourcentage d occupation en temps mais par nombre d inducteurs. Il est défini un temps par inducteur d activité en introduisant une pondération sur le temps global d occupation. Il est défini ensuite un coût unitaire de production de l inducteur de l activité qui est le rapport entre le coût de l inducteur et le temps en minute de l inducteur. Chaque activité est modélisée ensuite sous forme d équation de temps qui permet de déterminer «le nombre d unités de capacité consommées par un objet de coûts» (De la Villarmois et Levant, 2007). Le coût d une activité est exprimé sous forme d une équation qui est la somme algébrique des coûts des inducteurs (coût unitaire d un inducteur multiplié par la consommation de celui-ci par l activité) nécessaires à la production de l activité. La mise en place de la méthode TDABC dans un cabinet d expertise comptable est soutenue par Sartre (2009) dans son mémoire : «Application de la méthode TDABC à un cabinet d expertise comptable». Il défend dans son écrit l application de la méthode TDABC dans un cabinet d expertise comptable en mettant notamment en avant la flexibilité de la méthode et les avantages concurrentiels que procure cette approche de pilotage : «Une fois mise en place, elle devient pour la société un avantage concurrentiel et un outil de flexibilité». Il souligne que l application de la méthode TDABC trouve tout son sens dans un cabinet d expertise comptable. Cette méthode repose sur le seul inducteur d activité qui est le temps, outil de mesure privilégié des cabinets. Sartre avance trois avantages importants pour promouvoir la méthode : - Cette méthode propose un rapport coût d exploitation sur efficacité du pilotage assez faible par rapport aux méthodes traditionnelles. L utilisation de temps comme inducteur n est pas étranger à cette facilité de mise en place et d exploitation dans un cabinet. - La modélisation des coûts des processus à travers les équations de temps permet une rationalisation des coûts et donc une optimisation de la facturation clients. - Cette forme de modélisation définit donc des coûts standards de processus. Cela permet au cabinet de mettre en évidence une capacité de production par processus et donc une Page 10

capacité des ressources globales du cabinet. La consommation des processus en minutes comparé aux coûts standards des processus permet une évaluation de la sur ou sousactivité. Il conclut qu une fois la mise en place de la méthode effectuée, «elle permet au dirigeant de se munir d un panel de données nécessaires que ce soit pour établir sa stratégie, ou bien pour manager ses équipes et bien entendu pour développer sa rentabilité». Les avantages avancés par Sartre répondent partiellement aux attentes des Expert-comptables notamment en matière de pilotage de ses ressources par la mise en évidence de la sur ou sous activité. En revanche, on peut regretter l absence dans son mémoire de limites dans l utilisation de la méthode au sein d un cabinet, comme par exemple les problématiques d allocations des temps au processus standard, l application de coefficients permettant de définir le temps de travail disponible, etc car en effet cette méthode fait l objet de certaines critiques. La littérature retient trois limites principales dans la méthode de TDABC : - L évaluation de la sous-activité : L évaluation de la sous-activité dépend en majorité du coefficient de pondération introduit par Kaplan et Anderson dans leur modèle pour définir le temps de travail disponible. Ce coefficient est de 80% à 85% sur la capacité totale productive pour prendre en compte (les temps de poses, les temps de déplacement, etc ) alors que ces chiffres avancés sont peu ou pas justifiés par un modèle. La mesure de la sous-activité dans la méthode TDABC reflète en fait des temps de gaspillage ou légaux inhérents à la marche d une entité. C est le principe même de l introduction de coefficient. Il est donc difficile de se focaliser sur la sous-activité qui ne reflétera donc pas le coût d opportunité réel du manque d emploi. - Un modèle fondé sur les temps : L utilisation de l unique inducteur temps pose problème dans la conception même de la méthode. La volte-face faite par Kaplan et Anderson en retenant l inducteur temps semble vouloir dire, pour de la Villarmois et Levant (op.cit.), que le capital humain est un aspect prépondérant dans le processus de création de valeur. «En fait, avec le TDABC, Kaplan et Anderson semblent vouloir mieux prendre en compte la problématique des services dans le calcul des coûts, activités dans lesquelles le travail manuel, ou intellectuel de l homme reste prépondérant». L introduction d inducteurs différents ou non par activité dans la méthode ABC a pour but de représenter au mieux le processus de création de valeur. - Les difficultés de mesure des temps : Kaplan et Anderson (op.cit.) critiquent la méthode ABC dans les sens où l estimation des temps alloués en pourcentage par activité n est jamais exacte et que le découpage ne peut faire 100%. Or, ils proposent dans ce modèle de définir les temps unitaires par activité. Les études montrent, que ce soit par entretien ou au moyen d informatique, des écarts importants entre les temps alloués à une activité et la réalité. L expérience montre que l exécution d une tâche identique peut prendre plus de temps à cause de facteurs exogènes (relation client) ou Page 11

endogènes (motivation de l employé) à l organisation. Ces différences de temps de traitement montrent donc, qu il est difficile de définir un coût unitaire horaire par activité. Les critiques concernant l évaluation de la sous activité et les difficultés de mesure des temps nous semblent fondées. En revanche, l introduction du seul inducteur temps dans la méthode TDABC nous semble une réelle avancée au contraire de la position littéraire. La capacité productive globale d une organisation ne peut que se concevoir que par une capacité globale horaire de l organisation, que ce soit des machines ou du capital humain. Par exemple, une organisation industrielle ne vend pas X ou Y quantités, mais vend en réalité Z ou W temps d activité de son organisation. L exemple avec une organisation de prestation de service comme un cabinet d expertise comptable est d autant plus flagrant. Le cabinet cherche à vendre des heures de son organisation car le capital humain représente la part la plus importante de ses ressources. La méthode U.V.A La méthode UVA (Zaya et ali, 1999) est l évolution logique de la méthode GP (Perrin, 1962) au regard de l évolution des entreprises dans le temps. La proportion des charges fixes dans le coût global des produits a fortement augmenté depuis les années 50. La méthode repose sur le fait que tous les services sont générateurs de valeur ajoutée dans la conception d un produit. Elle est donc développée au niveau de l ensemble des processus, production et hors production, contrairement à la méthode GP qui est seulement cantonnée au niveau des processus de production. La méthode reprend le postulat des constantes occultes de Perrin et introduit une unité de base dite «unité de valeur ajoutée (UVA)» en remplacement de la constante GP. L UVA réunit également comme le GP un ensemble d opérations mais étend son périmètre aux opérations hors productions. L indice de poste exposé dans la méthode GP devient donc l indice UVA. La méthode UVA simplifie le système de gestion en ramenant l entreprise multi produits/multi-activités à une entreprise mono-produit/mono-activité. On retrouve ici la philosophie de Perrin. L objectif principal de celle-ci est d analyser la rentabilité des ventes afin d augmenter les ventes bénéficiaires, réduire les ventes déficitaires et éliminer les ventes «hémorragiques» du portefeuille clients. Cette analyse est faite en élaborant une courbe de rentabilité des ventes obtenue en classant de manière orthonormée sur un axe (l abscisse), le chiffre d affaires cumulé des ventes de la période, en partant de celle qui a le résultat le plus faible jusqu à celle qui a le résultat le plus fort, et sur l autre axe (l ordonnée) le pourcentage de résultat des ventes. Cette méthode est en ce sens davantage un outil de pilotage du portefeuille commercial. La méthode UVA permet comme la méthode GP d analyser la performance de l organisation ou du poste en comparant la consommation des UVA à la production d UVA. Elle permet également de valoriser le coût des postes UVA de production et hors production et donc d évaluer le coût des ventes (production, administratif, vente, etc ). Cette méthode n est pas sans limites : C est une avancée majeure dans les méthodes de pilotage car elle s affranchit du calcul des coûts pour évaluer sa performance. On voit toutefois que la méthode en s appuyant sur la comptabilité générale de l entreprise ne s affranchit pas totalement de l approche par les coûts Page 12

car le calcul des indices UVA passe par un calcul de coût des ressources : coût de l article de base et coût de l ensemble des postes UVA. On peut ajouter que le recoupement avec un système monétaire est toutefois possible en calculant un coût de revient. L utilisation alors de la terminologie «valeur ajoutée» est ici galvaudée. La méthode utilise le terme valeur ajoutée bien qu il ne s agit pas d une valeur créée pour le client mais simplement une mesure de consommation de ressources. La remise en cause de l invariance du postulat des «constantes occultes» est également relative. Il est difficile d imaginer une rupture radicale dans la répartition du prix des ressources à court terme liée à l innovation technologique, méthodologique, etc. et «les efforts de production» de valeur ajoutée. L expérience montre que l amélioration permanente des processus de production est beaucoup plus linéaire (incrémentale) dans le temps. La difficulté et le délai de mise à jour des indices UVA sont donc relatifs à la fréquence des ruptures technologiques et organisationnelles à court et moyen terme. Cette fréquence est faible dans les cabinets d expertise comptable. La mise en place de la méthode UVA comme outil de pilotage du cabinet est soutenue par Gramond (2003) dans son mémoire d expertise comptable : «La méthode des unités de valeur ajoutée : outil d optimisation de la rentabilité du cabinet à taille humaine». Il explique que l exploitation de la méthode UVA au sein d un cabinet permet une connaissance précise du coût des missions et elle est un outil de management pour le cabinet. Il avance que «si un système de gestion classique bâti autour d une simple gestion des heures ne permet pas de calculer précisément le résultat de chaque mission, l apport principal de la méthode UVA réside dans la possibilité de connaître cette information. Dès lors, le résultat d exploitation du cabinet s analyse comme la somme des bénéfices liés à certaines missions, et de pertes liées à d autres». Intérêt de la méthode pour la gestion du cabinet : Selon l auteur, la méthode UVA permet une analyse des ressources par type de mission (présentation, révision, etc ), par client ou par collaborateur. Pour ce faire, il propose notamment deux tableaux de suivi : Un tableau de synthèse des UVA consommées par rapport UVA théorique et un observatoire de l activité du cabinet par l intermédiaire d un tableau de suivi des UVA consommées (ressources) par rapport aux UVA produites (missions). Il ressort ensuite un taux d UVA produites en pourcentage et un taux d improductivité en pourcentage. Gramond articule son analyse de la rentabilité autour de la création des courbes de rentabilité qu il décline suivant les analyses de performance qu il souhaite obtenir (par mission, par client, pour l ensemble du cabinet, etc ). Par exemple, la courbe de rentabilité d un collaborateur mentionnera en abscisse le Chiffre d affaires (CA) cumulé du portefeuille et en ordonnée le résultat en pourcentage du CA de celui-ci. Selon l auteur, cette méthode de pilotage permet à l Expert-comptable de faire les arbitrages décisionnels dans la stratégie globale du cabinet, par exemple : - Abandonner une mission parce qu elle n est pas profitable. Effectivement, nous pensons qu un client peut par exemple dépasser les seuils et avoir une obligation de consolider ses comptes. La consolidation peut ne pas être un savoir-faire récurrent pour le cabinet Page 13

(absence de logiciel, etc ). L Expert-comptable devra arbitrer entre investir dans des ressources pour établir la consolidation et la rendre profitable. Le fait d abandonner cette mission risque la perte du client ou au mieux voir si le manque de profitabilité de la consolidation est compensé par les autres missions du client (comptes annuels, déclarations fiscales et sociales) ; - Développer un nouveau savoir-faire. Effectivement, nous pensons qu un client peut demander un travail spécifique et se révéler être un vrai savoir-faire pour le cabinet. Par exemple, un confrère étranger peut nous demander de produire une mission pour ses soins en France dans une activité très précise qui n est pas du tout dans l activité traditionnelle du cabinet. Dans le cas présent, il avait été demandé au cabinet de faire un audit contractuel sur les frais de distribution d une célèbre série télévisé. Les résultats de cette mission se sont avérés concluant et un réel savoir-faire s est développé autour de cette problématique. - Capitaliser sur les atouts du cabinet. Nous pensons en effet, que l analyse de la rentabilité d un client peut mettre en évidence un savoir-faire du cabinet ou d une ressource de celuici. L exemple de la consolidation peut être repris en ce sens. La méthode est séduisante, mais on peut regretter qu elle ne s affranchisse pas d une méthode classique par les coûts comme nous le verrons par la suite. De plus, l argument avancé par Gramond qui consiste à dire que cette méthode est plus précise que les autres méthodes car elle prend l ensemble des coûts, est discutable. En effet, une approche par les coûts complets classiques imputés à chaque mission ou l utilisation d une méthode ABC donnera sensiblement les mêmes résultats par mission, par client, etc. En revanche, il faut davantage retenir le concept d UVA avec le cabinet comme une organisation productrice d UVA. Cette notion est vraiment novatrice car elle est permet de s affranchir de l approche par les coûts et de constituer un outil de pilotage des ressources du cabinet. Malheureusement, on peut regretter dans la méthode proposée par l auteur, le passage obligé par le calcul des coûts pour mettre en évidence les performances du cabinet. Idéalement, et afin d éviter les lourdeurs et les incertitudes des systèmes de pilotage fondés sur des logiques de coûts, nous pensons qu il faut développer un système de pilotage de la performance des ressources du cabinet basé sur une méthodologie permettant de mesurer la performance des ressources par l analyse de leurs productions (valeur) sans passer par un calcul de leurs consommations (coûts). C est ce que nous proposons dans la partie suivante. 3. La méthode de la Valeur ajoutée horaire (VA horaire) 3.1. Les fondements théoriques de la méthode L Expert-comptable associé d un cabinet est tout autant un dirigeant d entreprise que le principal conseil de ses clients. Il doit à la fois répondre à la mission que ces derniers lui confient et gérer une organisation de façon effective (satisfaire ses clients et d autres parties prenantes externes ou internes du cabinet), efficace (atteindre un niveau de profit cible) et Page 14

efficiente (utiliser au mieux les ressources et les compétences du cabinet) Ces trois dimensions de la performance organisationnelle sont étroitement liées à la réussite de la mission chez un client et passent par une bonne gestion des ressources et des compétences du cabinet. Les ressources du cabinet se traduisent majoritairement par des charges fixes. De ce fait, le seul moyen d améliorer la profitabilité est de mieux vendre (faire valoir) les ressources du cabinet à ses clients. Ceci n apparaît possible qu en passant d un système de pilotage par les coûts à un système de pilotage par la valeur. Penrose (1959, 1995) explique que l entreprise est dotée d un capital cognitif sur lequel l organisation pourra s appuyer pour développer des stratégies et évoluer. L entreprise est, pour elle, beaucoup plus complexe, décentralisée, participative et apprenante que dans sa définition usuelle. Ce capital cognitif est basé sur les ressources (humaines) et les compétences (matérielles) de l organisation qui sont porteuses de savoirs et de compétences clefs. L organisation est apprenante et cette connaissance qui en ressort contribue à la croissance et au développement des entreprises. Penrose assimile donc les ressources et les compétences d une entreprise aux services que cette dernière peut en retirer. Elles sont en fait «un gisement de services potentiels qui peuvent être, en majeure partie, définis indépendamment de leur usage, les services ne peuvent être définis de cette manière, ( ) le mot service implique une fonction, une activité». Autrement dit, la performance de l organisation n aura de sens que par la meilleure adéquation des services fournis par les ressources et les compétences. Koenig (2002) ajoute que «les compétences clés sont devenues des éléments d un avantage concurrentiel de la firme dans leurs capacités à gérer la connaissance spécifique». Les avantages concurrentiels que retire l organisation dépendent des compétences clefs de l organisation. Mais, l accumulation de compétences ne garantit en rien des avantages concurrentiels futurs. La performance organisationnelle dépendra beaucoup plus de la capacité à mettre en œuvre les ressources et les compétences de l organisation. Lorino (1995) appuie cette analyse en exposant que «la source de connaissances se trouve dans les processus, dans les mécanismes de coordination et non dans les seules ressources». On comprend donc que la performance de l organisation dépend du pilotage des processus résultant des interactions entre les ressources et les compétences. Nous prendrons comme postulat qu une organisation est dotée d un capital cognitif basé sur ses ressources et ses compétences qui doivent être pilotées pour atteindre des objectifs partagés. On parle alors de pilotage organisationnel. 3.2. La méthode de la VA Horaire La méthode de la VA horaire (Pendaries, 2011) repose sur une approche de l exploitation par la Valeur Ajoutée Brute (VAB) créée et produite (VAB = CA CD) 2 par l organisation et 2 Chiffre d affaires HT (CA) moins les achats directement affectables à la prestation de conseil ou de service (CD), autrement dit la valeur ajoutée acquise auprès de prestataires externes au cabinet (Ex : sous-traitance d expertise, Traitement informatique, etc.). Page 15

non plus par une approche par les coûts. Le principe n est plus de savoir : Combien me coûte une heure vendue? Mais combien cette heure vendue rapporte-t-elle de VAB au cabinet? Le cabinet doit donc définir sa VA horaire, à partir de la VAB à produire déterminée par son compte de résultat prévisionnel, en la divisant par le nombre d heures vendables totales du cabinet sur un exercice. Le concept de «l heure vendable» est expliqué plus loin. Les heures qui seront vendues seront donc valorisées à cette valeur ajoutée horaire car, chaque heure vendue est donc génératrice de VAB. Théoriquement, sur un exercice les heures vendues doivent correspondre aux heures vendables. Mais en fin d exercice, s il reste des heures non vendues, on met en évidence un taux de productivité organisationnelle inférieur à 100 % (Heures vendues/heures vendables) évaluant ainsi la performance globale organisationnelle du cabinet. Cette méthode nécessite donc de définir au préalable tous les «postes de travail 3» de l organisation générateurs de valeur ajoutée lorsqu ils effectuent une opération à valeur ajoutée. Un poste de travail ne correspondra pas uniquement et obligatoirement à un salarié du cabinet (expert-comptable associé, expert-comptable stagiaire, collaborateur, etc. ). Il regroupe les ressources humaines mises en œuvre ainsi que toutes les autres ressources nécessaires à la réalisation des opérations productrices de valeur ajoutée effectuées par le poste de travail (Collaborateurs, Equipements 4, Mètres carré de bureau et fournitures consommées) homogènes sur le plan de la valeur créée. Pour cette raison, nous l appellerons «îlot de valeur». À chaque îlot de valeur sont donc rattachés des coûts et des heures vendables. 3.2.1. Le concept de l heure vendable Il s appuie sur le postulat suivant : Une entreprise ne vend pas des produits ou des services à ses clients mais des heures de son organisation cristallisées dans les produits livrés et les services rendus. Les heures vendables représentent les heures annuelles que le cabinet peut vendre de chaque îlot de valeur car un client n achète que des heures qu il considère comme une valeur ajoutée aux siennes. Il faut donc retirer de chaque îlot de valeur les temps «non vendables au client» comme, les heures de formations, les temps de congés payés, les heures de développement commercial, les temps de préparation de dossier hors norme, les temps de déplacement, etc. Il faudra aussi déduire des temps liés au slack 5 organisationnel. Par exemple, si l organisation comptable est composée davantage de professionnels aguerris que de comptables débutants, le slack sera moins important que dans la situation inverse, car un 3 Expression utilisée par les organisations industrielles. 4 L utilisation du réseau informatique n est pas la même d un poste de travail à l autre. Un opérateur de saisi ne peut pas travailler si le réseau ne fonctionne pas alors que l Expert-comptable associé le peut. La valeur ajoutée du réseau informatique n est donc pas la même pour l Expert-comptable associé que pour l opérateur de saisi. Il faudra donc affecter plus de dotation aux amortissements du réseau informatique sur l opérateur de saisi que sur l Expert-comptable associé. La dotation aux amortissements est une dotation économique car calculée sur sa valeur de remplacement et la durée d utilisation économique de l équipement. 5 Le slack : est la différence entre le potentiel de valeur de l entreprise et la valeur qui est effectivement obtenue. Ce différentiel provient de la difficulté qui existe à contrôler et à gérer l utilisation qui est faites des activités, des ressources et des compétences de l entreprise. (Voir les travaux de H. Bouquin, Professeur à L Université de Paris IX - Dauphine et Directeur du CREFIGE). Page 16

personnel expert sera à priori, à même de mieux gérer les activités et les ressources du cabinet. Il est évident que le nombre d heures vendables d un Expert-comptable associé du cabinet n est pas le même que celui d un opérateur de saisi. Celui-ci a des temps de développement et de relation clientèle que l opérateur de saisi n a pas ou peu. L heure d un Expert-comptable associé ne génère pas la même valeur ajoutée sur les dossiers qu un opérateur de saisi. Cependant, le postulat de Perrin (1962), dit des constantes occultes 6, sur lequel repose la méthode met en évidence que «les efforts de production sont dans des rapports constants dans le temps». Il permet ainsi de déterminer un indice de pondération, stable dans le temps et par îlot de valeur, afin de rendre l heure vendable de même poids, en termes de production de valeur ajoutée, comme dans notre exemple entre l heure de l Expert-comptable associé et l heure de l opérateur de saisi. Il en est de même par construction d un îlot de valeur à l autre. L heure de VAB est donc une heure pondérée. L heure de VAB d un îlot à l autre ayant le même poids, elles peuvent donc s additionner. 3.2.2. Comment se détermine cet indice de pondération? L indice de pondération par îlot de valeur, que nous nommerons indice de valeur ajoutée, représente le rapport entre le coût horaire d un îlot de valeur (coût total de l exercice de l îlot de valeur divisé par les heures vendables sur l exercice de l îlot de valeur) et le coût horaire moyen pondéré de l ensemble des îlots de valeur du cabinet (coût total de l ensemble des îlots de valeur divisé par les heures vendables totales sur l exercice du cabinet). Par exemple, si l indice de pondération applicable à l heure de l îlot n 1 est égal à 1 et si celui de l heure de l îlot n 2 est égal à 2, cela signifie que l heure de l îlot n 1 «vaut» deux fois plus cher que celle de l îlot n 2. Nous partons de l hypothèse que l entreprise souhaite avoir le même taux de profit par heure vendue. Ainsi grâce à cet indice de pondération, une mission chez un client du cabinet va correspondre à un ensemble d heures vendues ayant le même poids en termes de production de valeur ajoutée. Le pilotage des activités du cabinet revient à vendre le maximum d heures vendables à une VA horaire fixée pour l exercice à venir par le ou les responsables du cabinet. Le prix de vente d une mission du cabinet se résume donc à la somme des coûts directement affectables à la mission (Déplacements, Fournitures, Sous-traitance, etc.) auquel s ajoute un nombre d heures de VAB vendues multiplié par la VA horaire du cabinet prévu sur l exercice comptable. 3.2.3. Exemple d application au sein du cabinet d expertise M Par soucis de confidentialité, nous avons modifié les informations financières tout en préservant une cohérence entre les éléments financiers et non financiers utilisés dans nos calculs. Les calculs ont été également arrondis pour une meilleure clarté des informations présentées. 6 «Quels que soient les prix unitaires, les efforts de production, dégagés par les diverses opérations élémentaires théoriques de travail d une usine, sont entre eux dans des rapports constants dans le temps» Page 17

Présentation du cabinet M : Le cabinet M est un cabinet d expertise-comptable situé en région parisienne, exerçant plusieurs activités comme : l expertise-comptable, l audit et le conseil aux entreprises. C est un cabinet d une quinzaine de personnes en équivalent temps plein car il emploie des Expert comptables stagiaires et du personnel administratif à temps partiel. Calcul de la VAB du cabinet M : Nous sommes partis du Compte de résultat budgété de l année 2011-2012, car l exercice ne correspond pas à l année civile. Après avoir enlevé du chiffre d affaires HT les charges correspondantes aux achats d études et de prestations sous-traitées, la VAB annuelle s élève à 1 200 K. Identification des îlots de valeur : Cinq îlots de valeur ont été retenus : la comptabilité, l audit, le social, le fiscal et le juridique. La comptabilité va de la tenue des comptes jusqu à la consolidation des comptes. L audit regroupe les activités de Commissariat aux comptes. Du fait de la spécificité de l organisation du cabinet (différente d un cabinet à l autre), nous avons observé que les tâches au sein de chacun de ces îlots sont assez homogènes en termes de valeur ajoutée créée et produite. Calcul des heures vendables pondérées (HVA) et imputation des charges annuelles par îlot de valeur (en ) : Coût total Heures vendables Coût de l heure vendable Indice de valeur ajoutée Heures vendables pondérées Îlot de valeur Îlot 1 Comptabilité 470 000 6340 74,1 74/79 = 0,94 5960 Îlot 2 Audit 265 000 2260 117,3 117/79 = 1,49 3370 Îlot 3 Social 130 000 2010 64,7 65/79 = 0,82 1650 Îlot 4 Fiscal 150 000 2390 62,8 63/79 = 0,80 1910 Îlot 5 Juridique 95 000 1100 86,4 86/79 = 1,10 1210 Total îlots 1 110 000 14100 78,7 14100 Tableau n 1 : Heures vendables et indices de valeur Les coûts annuels des îlots de valeur correspondent à l ensemble des ressources qu ils consomment : le personnel, les locaux, les assurances, les systèmes informatiques, la documentation, etc. Les heures vendables (ou à vendre) ont été calculées à partir des heures payées aux quelles il a été déduit les heures : de congés et de RTT, de formation individuelle et collective, de démarche commerciale, d administration et de planning pour obtenir les heures vendables potentielles par îlot de valeur. Puis, après une analyse fine des ressources par îlot de valeur, il a été déduit un nombre d heures de slack spécifiques à chaque îlot. Calcul de la Valeur Ajoutée horaire (VA horaire) du cabinet M : Cette VA horaire est égale pour l exercice budgété à 1 200 000 divisés par 14100 heures vendables, soit 85 de l heure. On peut ainsi utiliser les résultats obtenus pour définir une grille tarifaire conseillée (tableau ci-après). Page 18

Prix de vente HT Îlot de valeur conseillé de l heure Îlot 1 Comptabilité 85 x 0,94 = 80 Îlot 2 Audit 85 x 1,49 = 127 Îlot 3 Social 85 x 0,82 = 70 Îlot 4 Fiscal 85 x 0,80 = 68 Îlot 5 Juridique 85 x 1,10 = 94 Tableau n 2 : Prix de vente conseillé de l heure Cette grille peut servir de base à un benchmark des prix pratiqués par la profession sur la région. Exemple de valorisation (prix) : Mission de Commissariat aux comptes (CAC1) Îlot 2 Audit Plan de mission et programme de travail 5 Contrôle interne 16 Inventaire 16 Comptes sociaux 32 Annexes 6 Vérifications spécifiques 4 Fin de mission 4 Total heures vendues 83 Indice de valeur ajoutée 1,49 Total heures vendues pondérées 124 VA horaire en 85 Prix HT de la mission 10 540 Tableau n 3 : Chiffrage d une mission de CAC Dossier d expertise-comptable (EC1) Îlot 1 Îlot 3 Îlot 4 Îlot 5 Plan de mission et programme de travail 5 Mise à jour de la comptabilité 96 Etablissement du dossier de travail 16 Production des états financiers et de la plaquette 8 Etablissement des bulletins de paie 60 Etablissement des charges sociales trimestrielles 16 DADSU 4 Etablissement des déclarations de TVA 24 Etablissement des déclarations de taxes (CFE, FC, ) 16 Impôt sur les sociétés (Acompte, solde, ) 6 Etablissement de la liasse fiscale Rédaction du juridique et préparation AG 0 Total des heures vendues 125 80 46 0 Indice de valeur ajoutée 0,94 0,82 0,80 1,10 Total des heures vendues pondérées 118 66 37 0 VA horaire en 85 85 85 85 Sous-traitance en 1000 Prix HT de la mission = 19 795 10030 5610 3145 1000 Tableau n 4 : Chiffrage d un dossier d expertise comptable Page 19

Analyse de la performance globale du cabinet M et par îlot de valeur : 1. Sur ces bases, si le cabinet vend la totalité des heures vendables à une VA horaire de 85, l objectif de résultat global (profitabilité) sera assuré. Dans l hypothèse où la totalité des heures à vendre n est pas vendue, on constate un taux de productivité, en termes de production de valeur, inférieur à 1. Ce qui évalue la performance globale du cabinet et explique le manque à gagner en termes de résultat puisqu un écart de 1000 heures, par exemple, équivaut à une perte de résultat de 85 000 (85 x 1000). 2. On peut aussi établir un compte de résultat par îlot de valeur pour évaluer la performance économique de chacun. A titre d exemple, si l îlot de valeur n 1 Comptabilité a vendu les 5960 heures vendables pondérées prévues alors sa marge contributive au résultat du cabinet est de 36 600 (5960 x 85 = 506 600 de VAB totale diminuée des coûts annuels de l îlot, soit 470 000 ). 3. La performance économique peut être également évaluée globalement par collaborateur dans sa capacité à produire un certain nombre d heures de valeur ajoutée sur l année d un ou plusieurs îlots de valeur. La mobilisation de plusieurs îlots dépend de la transversalité dans les interventions du collaborateur. Celui-ci peut avoir, par exemple, un objectif de 1000 heures de production de valeur à réaliser sur l année et ne comptabiliser que 900 heures. Cette différence peut mettre en évidence des heures non réalisées par baisse de l activité au sein du cabinet (Ex : perte d un mandat de commissariat aux comptes), donc non imputable à la responsabilité du collaborateur ou bien par des dysfonctionnements dans l exécution de certaines missions du fait du collaborateur et dans ce cas la responsabilité de celui-ci peut être totalement engagée. Une discussion objective peut s instaurer. 4. On peut aussi établir un compte de résultat par mission ou client. La performance économique évaluée est significative puisque le système de pilotage élimine les effets pervers de lissage entre les missions. Il suffit de comptabiliser les heures de valeur ajoutée pondérées produites sur chaque mission et de les valoriser à la VA horaire du cabinet pour obtenir la VAB produite par la mission et de la comparer à celle calculée, en prenant comme base le chiffre d affaires de la mission facturée diminué des achats de prestations sous-traitées. On peut également évaluer une marge «contributive» au résultat global du cabinet en valorisant les heures vendues à une contribution horaire de 6,30 (Dans notre exemple : la VA horaire de 85 moins le coût horaire moyen de 78,70 ). Par construction du système, cette contribution horaire est la même quels que soient les îlots de valeur concernés. 3.2.4. Intérêt et limites de cette méthode pour un cabinet d Expertise-comptable Les avantages de cette méthode pour un cabinet sont multiples : - Permettre de connaître le résultat du cabinet par îlot de valeur et mesurer ainsi la performance en termes d efficacité (Respect du profit cible) par maillon de l organisation. - Constituer un outil d analyse de la profitabilité et de pilotage pour le cabinet. Optimiser les heures vendables de l organisation et les heures vendues par une meilleure gestion du mix des missions du cabinet. Page 20