Lésions endoscopiques après ingestion de caustiques. Séminaire DES - 19/11/11 C.Horaist



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Transcription:

Lésions endoscopiques après ingestion de caustiques Séminaire DES - 19/11/11 C.Horaist

Epidémiologie Incidence 2004 : 110/100 000 personnes par an (OMS) 15 000/an en France Causes - Enfants (30%) : Accidentelle, mortalité faible - Adultes : Autolyse (60 à 71 %), prédominance féminine (53 à 57% des cas) Lésions bénignes : 75 % des cas Taux de Mortalité : 4,8/100 000 par an (OMS 2004), 10 % de mortalité immédiate pour les brûlures graves

Physiopathologie Produits en cause : caustiques - Bases 34% - Acides - Oxydants 38 % Gravité : - Concentration - Ph - Consistance (liquide/visqueux, poudre/solide) - Durée de contact avec la muqueuse (viscosité) - Quantité (> 150 ml, mauvais pronostic) Sarfati et Al., Br J Surg 1987

Physiopathologie Bases (Ph<7, fortes>12) Mode d action : nécrose de liquéfaction (épithélium+sous muqueuse) par saponification des lipides/protéines des parois cellulaires Lésions induites profondes et sévères (pas de formation d escarre, viscosité++) : risque de perforation Troubles métaboliques ++ Ex : soude caustique, ammoniaque, potasse

Physiopathologie Acides (Ph<7, forts Ph<2) Mode d action : nécrose de coagulation par dénaturation des protéines Lésions induites superficielles : effet protecteur de la formation d escarre, viscosité faible Ex : Acide chlorhydrique, Acide sulfurique

Physiopathologie Oxydants (Ph neutre) Mode d action : dénaturation des protéines Durée contact et concentration requises importantes pour induire des lésions Ex : Eau de javel, eau oxygénée

Prise en charge initiale Urgence diagnostique/thérapeutique/milieu spécialisé Récupérer un échantillon du produit ingéré Pas de vomissements provoqués, pas de SNG, pas de produits neutralisants, pas de lavage gastrique Evaluation clinique : gravité (perforation)/lésionnelle Evaluation para clinique : Biologie/Imagerie (RP/ASP) Evaluation endoscopique

Evaluation Endoscopique Pourquoi? Série de 315 patients de l hôpital Saint Louis entre Janvier 2002 et Décembre 2007 Gastroscopie systématique à l entrée, description des lésions selon la classification de Zargar puis traitement selon gravité Cabral et al., Surg Endosc 2011

Evaluation Endoscopique Pourquoi? - Grade 0 (73) : pas de complications - Lésions légères I-II-IIIa (158) Echec du traitement médical >grade IIIa (p<0,0014) Sténoses œsophage : 100% des grades III (13, 40 et 57% respectivement dans les stades I, IIa et IIb - Lésions sévères IIIb-IV (84) : 21 décès à la phase aigue (= nombre total)

Evaluation Endoscopique Pourquoi? Facteur prédictif de l évolution du patient à court/moyen/ long terme : rôle pronostic Déterminant de l'algorithme décisionnel thérapeutique Zargar et al., Gastrointest endosc 1991

Evaluation Endoscopique Pour qui? Systématique le plus souvent Pas de corrélation entre signes cliniques/lésions endoscopiques, contexte ++ Dans certains cas très limités : abstention Etude de Saint Louis : 23% des patients n avaient aucune lésion endoscopique, dans la littérature : 10 à 30 % Ramasamy et al., J Clin Gastroenterol 2003 Nunez et al., Med clin 2004

Evaluation Endoscopique Pour qui? Cabral et al., Surg Endosc 2011

Evaluation Endoscopique 6-24 premières heures Modalités : - Présence du chirurgien - Insufflation minimale, aspiration efficace - Pas de rétro vision - Pas de sédation sans IOT - Description des lésions sur schéma SFED Acta Endosc. 2011

Evaluation endoscopique Classification de Zargar Stade 0 Stade I Stade II Stade III Normal Erythème, oedème a ulcérations superficielles, hémorragie muqueuse, fausses membranes b ulcérations creusantes/confluantes a b Nécrose focale non circonférentielle Nécrose focale circonférentielle Zargar et al., Gastro Intest Endosc 1991

Prise en charge Thérapeutique Lésions oesophage

Prise en charge Thérapeutique Lésions gastriques

Prise en charge Thérapeutique Traitement chirurgical en urgence Stade IIIb gastrique : laparotomie exploratrice, gastrectomie totale et anastomose oeso-jéjunale si lésions de nécrose transmurale + jéjunostomie Stade IIIb œsophage : oesophagectomie sans thoracotomie par stripping (sauf en cas de lésions trachéo-bronchiques) + jéjunostomie - Avenir : TDM thoraco-abdominal pour le diagnostic des atteintes transmurales des stades IIIb (but : éviter la chirurgie)

Prise en charge Thérapeutique Traitements adjuvants : pas de consensus, niveaux de preuve des études mauvais IPP 40 mg/j 6 semaines recommandés Antibioprophylaxie : pourrait diminuer l incidence des sténoses (>= IIb) De Jon et al., Int J Ped 2001 Corticoïdes(prévention sténoses) : non recommandés SFED Acta Endosc. 2011

Evolution/complications Précoces (J1-S3) - Pneumopathie d inhalation (11%) - Défaillance respiratoire (8%) - Complications métaboliques (6%) - Hémorragies digestives (4,8 %) - Perforations digestives (2,2%) --> Fréquence de survenue proportionnelle au stade de gravité des lésions digestives Cheng et al., BMC Gastroenterol 2004

Evolution/complications Tardives (> 3 semaines) Sténoses : complications des lésions sévères Stade IIa 0%, Stade IIb>50% Zargar et al., Am J Gastro 1992 100% sténoses oesophagiennes des stades IIIb Cabral et al., Surg Endosc 2011 Traitement : délai débattu - Dilatation hydrostatique/bougie - Si récidive (>3 dilatations) : endo-prothèse temporaires, chirurgie (ileo coloplastie) SFED Acta Endosc. 2011

Evolution/complications Tardives (> 3 semaines) Carcinome épidermoïde (œsophage cicatriciel) risque *1000 par rapport à celui de la population générale Apparaît après 40 ans d évolution Kiviranta et al., Acta Otololaryngol 1952 Gumaste et al., Am J Gastroenterol 1992 Surveillance (recommandations SFED) : 15 à 20 ans après l exposition puis tous les 1 à 3 ans

Conclusion Pathologie rare mais grave, morbi-mortalité importante Prise en charge initiale urgente, pluri disciplinaire Bilan lésionnel ORL/Respiratoire/Digestif Evaluation endoscopique systématique remise en question dans certains cas, mais pas de corrélation clinique/gravité endoscopique Traitement médical/chirurgical selon la gravité Complications à moyen et long terme dominées par les sténoses