Évaluation du risque sanitaire des occupants d une maison présentant des concentrations élevées de radon

Documents pareils
LA RADIOACTIVITE NATURELLE RENFORCEE CAS DE LA MESURE DU RADON - A L G A D E

Avant-propos. Paris, le 15 novembre Le Directeur de l habitat, de l urbanisme et des paysages. Le Directeur général de la santé.

LES FORMATIONS A LA RADIOPROTECTION

Cancer bronchique primitif: données épidémiologiques récentes

Un environnement sans fumée pour vos enfants. Comment y parvenir?

ENFANT ASTHMATIQUE? PAS DE PANIQUE Contrôlez et équilibrez l asthme de votre enfant

RELEVE DE CONCLUSION

La Broncho-Pneumopathie chronique obstructive (BPCO)

Pourtant, la preuve est faite, de manière scientifique, que le tabagisme passif comporte des risques réels pour la santé.

Du 1 er juillet 2014 au 30 juin 2015

Transmission des données de la surveillance de l exposition interne au système SISERI Description du format de fichier

Chapitre 2 : Respiration, santé et environnement.

Emissions des moteurs diesel : Nouveau classement par le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC)

CRIIRAD. Mars n 51. Commission de Recherche et d Information Indépendantes sur la Radioactivité GAZ DE SCHISTE

Cancer et environnement

Patho Med Cours 5. Maladie Pulmonaires Obstructives BPCO Asthme

PROJET VIVRE, HABITER ET TRAVAILLER DANS LYON ET LE GRAND LYON

LIVRET D ACCUEIL. Solidarité Doubs Handicap

Déclaration médicale Prise d effet le 1 er octobre 2012

Le Plomb dans l eau AGENCE NATIONALE POUR L AMÉLIORATION DE L HABITAT

Conséquences radiologiques et dosimétriques en cas d accident nucléaire : prise en compte dans la démarche de sûreté et enjeux de protection

galités s sociales de cancer chez les travailleurs

... Caf.fr, naviguez facile! Caf de la Haute-Vienne Création octobre 2012 Crédit dessins : icônothèque Cnaf

L IRSN et la surveillance de l environnement. Etat des lieux et perspectives

Guide pour la création d une MAM

LES CIGARETTES LÉGÈRES SONT-ELLES MOINS NOCIVES?

Limites d exonération des allocations forfaitaires. Nature de l indemnité 2011

Recherche Information - prévention - dépistage Actions pour les malades et leurs proches. Les dangers de l amiante

B.A.-BA de la garde d enfants

Programme DPC des infirmiers

Votre partenaire pour construire une offre de santé adaptée aux territoires. Les services de soins et d accompagnement de la Mutualité Française

Demande d agrément d assistant(e) maternel(le)

SANDRINE. La prévention des problèmes de santé liés à la pollution intérieure des habitations. Projet européen

- 1 - Calendrier 2016 des Formations Diagnostiqueur immobilier Titre II

FICHE ROL DEPARTEMENT DU TARN RELEVE D OBSERVATION LOGEMENT (ROL) I:\ENVIR\CB\2008\HABITAT\guide as\fiche ROL.doc

Actualités s cancérologiques : pneumologie

Ce qu il faut savoir en matière d habitat et de santé, de plomberie et d installations de chauffage ou d eau chaude sanitaire

Nom de l agent : Fonctions : FORMULAIRE DE DEMANDE D AIDE SOCIALE

Le radon. Guide à l usage des propriétaires canadiens AU CŒUR DE L HABITATION

Fiche documentaire FAIRE LES PRODUITS D USAGE DOMESTIQUE SANS DANGER POUR L AIR

DIPLÔME UNIVERSITAIRE

Les conséquences sanitaires de l accident de Fukushima Dai-ichi : point de situation en février 2012

BPCO * La maladie respiratoire qui tue à petit feu. En France, 3,5 millions de personnes touchées dont 2/3 l ignorent morts chaque année...

Qualité des environnements intérieurs. 5. Extraction localisée. 5.1 Extraction localisée de base Condition préalable

Institut Régional du Travail Social Poitou-Charentes

CCAS Compte rendu Conseil d'administration du mardi 09 septembre2014

Dossier de candidature - Certification de personnes Opérateurs en diagnostic immobilier Procédure de

STIMULER L INTELLIGENCE TERRITORIALE

Contrat de bail pour appartements de vacances meublés/ maisons de vacances meublées à usage privé (3 mois max.)

CLASSEMENT des MEUBLES de TOURISME EN DORDOGNE

Dr Bertrand Michy Département de Pneumologie CHU de Nancy 25 octobre 2013

RECOMMANDATIONS DÉPARTEMENTALES. Pour les Maisons d assistants maternels (MAM)

Le restaurant scolaire est ouvert le lundi, mardi, jeudi et vendredi de 12H05 à 13 H30 : Article 2 : ACCES AU RESTAURANT

Gaz & électricité Osez comparer Le simulateur de la CWaPE

GUide de la pollution de l air intérieur

La radioprotection des travailleurs

ALK et cancers broncho-pulmonaires. Laurence Bigay-Gamé Unité d oncologie thoracique Hôpital Larrey, Toulouse

SITES DE LUTTE CONTRE LE TABAGISME

QU'EST-CE QU'UNE MAISON D ASSISTANTS MATERNELS (MAM)? QUI EST L EMPLOYEUR DES ASSISTANTS MATERNELS?

guide de la sécurité assistant maternel assistant familial

Le donneur en vue d une transplantation pulmonaire

REPERTOIRE DES INTERPRETATIONS DE LA CCT DU SECTEUR SANITAIRE PARAPUBLIC VAUDOIS ETAT au

au service de chacun!

L Institut universitaire romand de Santé au Travail vous propose des services spécifi ques dans un contexte pluridisciplinaire:

Les fiches repères d INTEGRANS sont réalisées par ARIS Franche-Comté dans le cadre du programme INTEGRANS. Plus d infos sur

Panneau solaire ALDEN

Les travaux subventionnables par l Anah LA LISTE ÉTABLIE AU 1 ER JANVIER Document d information non contractuel

LES GAZ D ECHAPPEMENT DES MOTEURS DIESEL CANCEROGENES

Contenu. Présentation du Portail famille Accès au portail famille... 3

DEMANDE D AIDE INDIVIDUELLE

ET LA DOMOTIQUE VOUS SIMPLIFIE LA VIE

La protection sociale obligatoire du chef d entreprise indépendant

Note de présentation Responsabilité civile professionnelle Diagnostic immobilier

Feuille d instructions destinée aux agents quant à la façon de remplir le questionnaire médical VacanSanté

ANNEE SCOLAIRE 2013/2014 REGLEMENT RESTAURATION ET ACTIVITES PERISCOLAIRES

Le confort toute l année

Demande de logement social

Tableau d'information sur les diagnostics immobiliers publié le 7 août :59 par Christophe RONCHETTI [ mis à jour : 21 sept.

Approche centrée e sur le patient

Chapitre 2 RÉACTIONS NUCLÉAIRES

Economies d énergies dans le milieu SANITAIRE Jeudi 31 mai Mai 2012

RÉNOVATION ET ENTRETIEN DU PARC DE LOGEMENT SOCIAL ET RÉGION WALLONNE: BESOINS EN FINANCEMENT

Maladie de Hodgkin ou lymphome de Hodgkin

Travaux d adaptation du logement pour les personnes âgées

CONTROVERSE : IDR OU QUANTIFERON LORS D'UN CONTAGE EN EHPAD?

Docteur José LABARERE

METHODOLOGIE POUR ACCROITRE LE POOL DE DONNEURS PULMONAIRES

Réconciliation des commandes d achats (invoice matching)

Je m inscris au forfait, donc je consulte toujours dans ma maison médicale

FICHE 1 Fiche à destination des enseignants 1S 16 Y a-t-il quelqu un pour sauver le principe de conservation de l énergie?

Statistiques Canadiennes sur le Cancer, et HMR sur le poumon

le Service d Accompagnement à la Vie Sociale Fondation Maison des Champs

d intervention prioritaires de l Etat et les modalités de cette intervention.

I. Qu est ce qu un SSIAD?

Chapitre 5 : Noyaux, masse et énergie

Lycée Galilée Gennevilliers. chap. 6. JALLU Laurent. I. Introduction... 2 La source d énergie nucléaire... 2

Évaluation des risques relatifs au talc seul et au talc contaminé par des fibres asbestiformes et non asbestiformes

Actions de l Autorité de Sûreté Nucléaire. Le contrôle de la dépollution & L information des publics

FORMATION CAP Petite Enfance

Programme détaillé de la formation AVEC PRE REQUIS ( Bac+2 bâtiment ou 3ans d expérience dans les techniques du bâtiment)

Transcription:

Évaluation du risque sanitaire des occupants d une maison présentant des concentrations élevées de radon Énora CLÉRO a, Laurent MARIE b, Cécile CHALLETON - DE VATHAIRE c, Alain RANNOU d, Dominique LAURIER a a PRP HOM/SRBE/LEPID Congrès National de Radioprotection de la SFRP, Reims b PRP-DGE/SEDRAN/BERAM c PRP-HOM/SDI/LEDI d PRP-HOM 17 juin 2015

Identification des effets sanitaires du radon Atmosphère 160 µs Polonium 214 - Plomb 206 (stable) Bismuth 214 20 min Gaz radioactif : provient de la désintégration de 238 U Inhalation : descendants peuvent entraîner des irradiations au niveau de l épithélium bronchique Cancérogène pulmonaire certain pour l homme ( 1988) 3 min Polonium 218 Plomb 214 27 min - Études épidémiologiques des risques associés au radon : Mineurs d uranium Population générale (suivi dosimétrique) (exposition domestique) Radon 222 3,8 j Croûte terrestre Uranium 238 Radium 226 Excès de risque de cancer du poumon associé à l exposition cumulée au radon dans les mines et dans les habitations 2

État des connaissances sur les risques associés au radon Bonne cohérence des résultats entre les mineurs et la population générale Cancer du poumon : aujourd hui, seul effet démontré associé au radon Augmentation du risque relatif 16 % pour 100 Bq.m -3 (concentration moyenne sur 25 ans de résidence) Temps de latence entre 5 et 30 ans Diminution avec le délai depuis l exposition : retour au risque d un individu non exposé au-delà de 30 ans après la fin de l exposition Accroissement du risque pour les fumeurs comme pour les non-fumeurs Interaction radon-tabac : effets sub-multiplicatifs Lacune de connaissances sur les effets des expositions durant l enfance 3

Évaluation du risque de cancer du poumon associé à une exposition au radon Démarche : utilisation des connaissances disponibles pour estimer, par calculs, le risque sanitaire dans une situation donnée Trois éléments nécessaires : Reconstitution de l exposition Concentration dans chaque pièce de vie (mesures) Temps passé dans chaque pièce (entretiens) Modèle de risque Étude épidémiologique européenne sur le radon dans l habitat Taux de base Probabilité de décès par cancer du poumon «vie entière» (jusqu à l âge de 75 ans) Pour un individu n ayant jamais fumé Probabilité de décès par cancer du poumon «vie entière» après exposition au radon 4

Reconstitution de l exposition au radon Concentration moyenne annuelle de radon Moyennes estimées sur la base des concentrations mesurées dans la maison Concentration de radon (Bq.m -3 ) Pièces de la maison Jour Nuit Chambre 1 9 000 9 000 Chambre 2 14 300 16 000 Chambre 3 9 300 9 300 Séjour 14 700 18 700 Cuisine 8 500 10 000 Caractéristiques individuelles de séjour dans la maison (âge, dates, horaires, pièces ) Entretiens réalisés avec l ARS de Limoges et l IRSN 5

Reconstitution de l exposition au radon Pour plusieurs profils-types Temps de séjour annuel (heures) Exposition cumulée (Bq.m -3.h) Adulte travaillant à domicile 8 030 110.10 6 Résidence Adulte travaillant à l extérieur 5 660 79.10 6 Jeune adulte résident étudiant 6 570 64.10 6 Enfant résident scolarisé 6 570 64.10 6 Nourrisson résident 6 935 66.10 6 Garderie Enfant en garde périscolaire 400 6.10 6 Enfant en nourrice 2 000 25.10 6 Haute- Vienne Habitant passant 80 % de son temps dans son habitation pour un an de résidence 7 000 1,4.10 6 6

Modèle de relation exposition-risque Excès de risque relatif de décès par cancer du poumon 5 ans de latence Exposition au radon X 25 ans Hypothèse conservative pour une exposition durant l enfance t0 t5 t30 Temps (années) Association entre le cancer du poumon et le radon : Excès de risque relatif de 16 % pour 100 Bq.m -3 pendant 25 années de résidence (étude européenne : Darby et al. BMJ 2005) Temps de latence de 5 ans Diminution du risque 30 ans après la fin de l exposition, jusqu à rejoindre le risque de base Exposition au radon durant l enfance? Risque augmente avec la durée d exposition (concentration cumulée) 7

Risque de base de cancer du poumon «vie entière» 0,07 Probabilité cumulée de décès par cancer du poumon 0,06 0,05 0,04 0,03 0,02 Homme français Femme française Homme n'ayant jamais fumé Femme n'ayant jamais fumé 0,01 0,00 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 65 70 75 80 85 90 Âge atteint (années) Probabilité cumulée à 75 ans Homme Femme Taux nationaux 3,6 % 1,4 % Personnes n ayant jamais fumé 0,36 % 0,37 % (Cancer Prevention Study II, USA) 8

Évaluation du risque associé au radon (profils-types) Age à la fin de l exposition Durée d exposition Probabilité «vie entière» de base Probabilité «vie entière» avec exposition Ratio de risque «vie entière» Résidence Garderie Adulte travaillant à domicile Adulte travaillant à l extérieur Jeune adulte résident Enfant en garde périscolaire Enfant en nourrice 50 ans 20 ans 0,32 % 4,08 % 13,0 50 ans 20 ans 0,32 % 3,13 % 10,0 20 ans 20 ans 0,36 % 0,51 % 4,49 %. 1,4 12,4 7 ans 4 ans 0,36 % 0,37 % 0,43 %. < 1,01 1,2 3 ans 3 ans 0,36 % 0,37 % 0,58 %. < 1,01 1,6 Sous l hypothèse que le risque relatif s annule au-delà de 30 ans après la fin de l exposition Sous l hypothèse que le risque relatif persiste sur la vie entière 9

Évaluation du risque de cancer du poumon associé au radon et au tabac Tabac = 1 er facteur de risque Radon = facteur aggravant Interaction tabac-radon entre l effet additif et multiplicatif Exemple de probabilité de décès par cancer du poumon vie entière : Profil-type «adulte âgé de 50 ans travaillant à l extérieur» Exposition au radon Population générale 20 ans de résidence dans la maison Jamais fumé 0,3 % 3 % Tabac Fumeur régulier 3 % 10 6 % à 32 % 10

Conclusion de l évaluation des risques Situation exceptionnelle Concentrations de l ordre de 50 fois plus élevées que la moyenne du département Une évaluation individualisée a été réalisée pour chaque personne ayant séjourné dans la maison : Les propriétaires et leurs enfants ayant occupé la maison plus de 15 ans Augmentation du risque de cancer du poumon (probabilité vie entière 4 % équivalente à celle associée à un tabagisme régulier) Les enfants en garde Augmentation beaucoup plus faible du risque de cancer du poumon (probabilité vie entière < 1 %) Les anciens gérants de la station-service et leurs enfants Augmentation faible ou nulle du risque de cancer du poumon, mais pouvant atteindre un facteur 2 à 3 pour certains enfants Évaluation réalisée pour des individus non-fumeurs Le cas échéant, l effet du tabac doit être considéré en plus de celui du radon 11

Recommandations Éviter tout tabagisme (compte tenu de la synergie entre le radon et le tabac) ou toute exposition à d autres facteurs de risque de cancer du poumon Recommandations de l Institut National du Cancer pour un suivi médical en fonction de l avis d un groupe d experts (pneumologues, hématologues, épidémiologistes, radioprotectionnistes ) Risque relatif estimé de cancer du poumon : Inférieur à 2 Pas de suivi médical recommandé (www.e-cancer.fr) Entre 2 et 10 A décider au cas par cas par un pneumologue Supérieur à 10 Suivi régulier après 45 ans par scanner thoracique «faible dose» 12

Merci pour votre attention 13