Valorisation de l enseignement professionnel. Contribution de Christine BANASZYK, Paul COUTURE, Jean LABBOUZ et Mohammed RAHMOUNE, Inspecteurs de l éducation nationale Enseignement général 1. Pratiques pédagogiques. En lycée professionnel, les pratiques pédagogiques riches et variées, proches de l élève afin de l aider dans sa réussite sont réelles. Elles sont valorisées dans toutes les enquêtes auprès des élèves car ceux-ci disent se sentir mieux écoutés et moins dévalorisés face à leurs difficultés scolaires. Ces méthodes doivent être valorisées. De plus, la bivalence des PLP en enseignement général participe à la mise en cohérence des enseignements et favorise une approche interdisciplinaire des apprentissages. Il est dommage que les liens entre le collège et le LP ne soient pas suffisamment développés. Il faudrait renforcer des liens pédagogiques en donnant plus de souplesse dans les échanges de services entre PLP et certifiés, mais aussi entre IEN-ET/EG et IA-IPR. La mise en place du baccalauréat professionnel en trois ans a permis de redorer l image de la voie professionnelle auprès de nombreuses familles. Les élèves, à l issue de la classe de troisième, entrent dans une classe de seconde dans le but de préparer un baccalauréat, tandis qu auparavant, l entrée au LP avait pour but, d abord, de préparer un BEP. Cette rénovation a permis également une modification en profondeur des programmes de l enseignement général, ainsi, la culture générale, technologique et scientifique garde une place importante pour rendre solide la formation professionnelle et favoriser la poursuite d étude. Ces pratiques pédagogiques et ces objectifs de formation dont le but est de favoriser la réussite de tous les élèves, c'est-à-dire de les aider à réaliser de leurs projets personnels et professionnels, doivent être poursuivis, voire amplifiés. En effet, il faut continuer à être proche des élèves (grâce aux entretiens individuels, aux tutorats, au suivi éducatif personnalisé à l aide d un livret personnel de compétences ou d un portfolio ou d une participation de tous les enseignants à l accompagnement des PFMP ), mais il faut également être novateur afin de pouvoir pallier certaines difficultés. La difficulté la plus importante, qui s amplifie depuis quelques années, est le manque de motivation d un nombre de plus en plus important d élèves. Les indicateurs principaux qui mettent en lumière cette difficulté sont l absentéisme perlé des élèves 1
(surtout durant les temps de formation au LP même si l absentéisme commence à progresser en PFMP) et le «mal être» de certains professeurs. Le LP était habitué à recevoir des élèves en difficulté personnelle, sociale ou scolaire, mais une écoute, un suivi presque individualisé et l attrait d un métier ouvrant vers la vie adulte suffisaient à les remotiver et à les reconstruire. Malheureusement, ces pratiques semblent ne plus suffire. Même lorsque la voie semble choisie (1 er vœu d orientation), de nombreux élèves rejettent le fonctionnement scolaire de l institution. Les établissements essaient, presque en vain, de donner des réponses scolaires : travail sur la gestion de la classe et sur la vie scolaire. Il faut donc trouver de nouvelles réponses pour garantir l acquisition d une culture générale, technologique et scientifique indispensable en rendant les situations d apprentissages moins scolaires. Il est vrai que tout est fait pour rendre l organisation pédagogique extrêmement scolaire : emplois du temps élèves et professeurs très figés (malgré une grille horaire nationale donnant des horaires globalisés qui auraient pu favoriser plus de souplesse), organisation en séances très découpées ne favorisant pas les décloisonnements, difficulté pour les enseignants de trouver des moments de concertation, ). Il faut donc être imaginatif pour rendre les enseignements en LP aussi efficaces et adaptés au public, mais moins scolaires. Il faut profiter des expérimentations existantes, en lancer d autres et négocier avec les organisations syndicales et les partenaires : pour multiplier la mise en œuvre de projets pédagogiques interdisciplinaires, des chantiers écoles, des enseignements intégrés, pour quitter, le plus souvent possible, la structure d emploi du temps hebdomadaire figée pour la transformer en une organisation de travail d équipe permettant une production liée aux acquisitions de savoirs et de savoir-faire généraux, technologiques et professionnels ; pour profiter beaucoup mieux des PFMP en mettant en place une réelle pédagogie de l alternance ; pour développer une concertation réelle et efficace des équipes pédagogiques ; pour favoriser la présence des enseignants dans l établissement en dehors des heures de face à face élèves pour améliorer l interdisciplinarité et le suivi pédagogique des acquis des élèves. 2. Contrôle en cours de formation Depuis 1990, des textes à caractère pédagogique et organisationnel ont accompagné l'extension progressive du CCF à tous les diplômes professionnels du second degré. 2
Quelques points forts du CCF - Le CCF est une modalité d'évaluation certificative qui s intègre totalement et naturellement au processus de la formation ; - Le CCF porte sur les capacités, les connaissances et les attitudes dites "terminales" qui sont définies dans l'arrêté de création de chaque diplôme professionnel. Cette modalité d évaluation correspond mieux à la formation globale de l élève attendue en fin de cycle pour une entrée dans la vie active ou pou une poursuite d étude dans le supérieur ; - Le CCF est une modalité d'évaluation certificative adaptée aux spécificités de la voie professionnelle. Elle a le mérite de mettre en valeur les talents et les compétences des élèves (à travers une évaluation des compétences à l oral comme à l écrit, à travers une évaluation des attitudes des élèves (ex : la prise d autonomie et d initiative de l élève dans la résolution de problème, ), à travers la possibilité offerte aux candidats de solliciter des outils différents (l utilisation des TIC par exemple pour expérimenter, simuler ). - L existence de grilles nationales d évaluation concises dans certaines disciplines favorise une évaluation juste, transparente. Ces grilles sont des outils permettant d harmoniser les pratiques d évaluation certificatives sur le territoire national. - Enfin, le contexte général du CCF influe sur les pratiques pédagogiques de façon intéressante. Les enseignants n ont pas encore totalement exploré les possibilités offertes et n ont perçu que tardivement l importance de proposer des évaluations formatives ou sommatives semblables aux évaluations certificatives et plus largement à la formation dispensée en amont. Il serait donc regrettable de rejeter en bloc le principe d une évaluation par CCF. Il est nettement préférable d essayer de la rendre accessible aux enseignants en la simplifiant sensiblement et en la rendant ainsi bien plus efficace. Quelques points perfectibles - Les difficultés organisationnelles rencontrées par les établissements ne peuvent pas être ignorées. Le CCF est chronophage (convocations, temps d interrogation par élève importants, production de sujets, corrections, gestion des dossiers certificatifs, traitement des élèves absents lors d une situation d évaluation, gestion des séances de rattrapage pour les élèves absents...) La mise en œuvre du CCF est encadrée par des textes réglementaires à portée généraliste, des circulaires propres à chaque diplôme et des pratiques académiques différentes selon les disciplines concernées. Certains cadrages sont plus rigides que ceux des épreuves ponctuelles. - Le nombre de situations d évaluation, à réaliser sur les trois ans de formation, prévu par les règlements d examen de la certification intermédiaire et du Bac Pro est trop important (de l ordre de 25 en trois ans). On assiste à une inflation de situations d évaluation, construites comme des épreuves ponctuelles. La certification intermédiaire a certainement sa raison 3
d être : elle permet de valoriser, sécuriser certains élèves. Elle permet également à un candidat qui échouerait au bac professionnel de sortir avec une qualification. En conséquence, alors que le CCF devait intégrer une progression pédagogique respectant les différences de rythme d acquisition des élèves, la règle appliquée est trop souvent celle de périodes bloquées. On observe rarement des évaluations étalées dans le temps pour les élèves d une même classe : l organisation des emplois du temps, la difficulté de gestion de certaines classes et la disponibilité des moyens matériels en sont les causes invoquées. - 1/3 des Bac Pro ont le CAP comme certification intermédiaire imposée. Le contenu de certaines situations d évaluation prévues pour la certification intermédiaire en première professionnelle est en décalage par rapport niveau d exigence et au contenu des cours et des évaluations formatives. Il y a donc lieu d engager une réflexion partagée par toutes les disciplines sur les évolutions à apporter aux modalités de la certification intermédiaire et à celles du baccalauréat professionnel. Quelques pistes de réflexion 1. Poursuivre et achever la validation du socle pour les élèves entrant en seconde professionnelle ; 2. Conserver le mode de certification garantissant la maîtrise des compétences professionnelles requises en enseignement professionnel ; 3. Limiter le nombre de situations d évaluation en contrôle en cours de formation en enseignement général Exemples d évolution possible : Une première évolution consisterait à laisser le candidat choisir les disciplines sur lesquelles il souhaite être interrogé en CCF. Le candidat choisit de passer un certain nombre d épreuves en CCF parmi les disciplines dispensées (une discipline littéraire, une discipline scientifique, une langue étrangère. Par exemple, le candidat choisit de passer en CCF soit les mathématiques, soit les sciences physiques). On pourra ensuite attribuer comme note finale à l examen (pour une sous épreuve donnée), la moyenne des notes suivantes : - la note obtenue à la situation d évaluation en CCF pour la discipline choisie - la note de contrôle continu (par exemple du dernier semestre de formation) pour la discipline non choisie obtenue en fonction d un cahier des charges national et d une grille d évaluation commune. Une seconde suggestion : 4
Limiter à deux situations d évaluation au maximum par discipline sur les trois ans de formation : la première situation pourrait avoir une finalité de certification mixte (le diplôme de niveau V et le Bac Pro), l autre situation, en terminale, serait réservée à la certification du Bac Pro. De plus, l apport pédagogique de ce mode d évaluation ne pourra être effectif que si le cadre de la classe change. Pour ce faire, il faut : - Rendre compatibles avec l'esprit du CCF les évaluations proposées dans toutes les disciplines (par un cadrage national) ; - Accompagner et former les équipes sur quelques thématiques essentielles : évaluation (temps, rôle et fonction), différenciation, autonomie et responsabilisation des élèves. Il serait également souhaitable qu une commission puisse porter un avis sur la faisabilité de la mise en œuvre de la totalité du règlement d examen (toute discipline confondue). Vu la complexité et l ampleur du système actuel imposé pour valider la certification intermédiaire et le Bac Pro, il paraît évident que ces règlements d examen ont été rédigés par chacune des commissions disciplinaires sans coordination. 3. Qualification pour le recrutement et formation des lauréats au concours Les conditions d inscription des candidats au concours de recrutement au CAPLP devraient évoluer. Le diplôme universitaire d inscription devrait être au moins la licence pour tous les concours de recrutement (autres que d agrégation) car il est dommage de ne pas pouvoir profiter des personnels de ce niveau qui possèdent les aptitudes nécessaires à l encadrement des élèves. En revanche, la formation initiale et continue des lauréats du concours doit avoir pour objectif à moyen terme une validation d un diplôme de Master professionnalisant. Il est également important de remettre une liste complémentaire au CAPLP car c est le concours qui subit le préjudice le plus important lié à la disparition de cette liste, compte tenu du fait que les résultats des autres concours paraissent plus tard que ceux du CAPLP ou au mieux simultanément. 4. Réduction de l orientation par défaut en développant l éducation à l insertion. Les élèves doivent être sensibilisés, dès la 6 e, à l importance de l insertion. La découverte des métiers peut se faire à la fois par le biais de projets dans l établissement et de stages en entreprise. Au cours des quatre années du collège, les jeunes doivent découvrir des 5
métiers du secteur tertiaire et ceux du secteur industriel. Avec l obligation de faire un stage de découverte dans au moins deux postes : un relevant du niveau de qualification V ou IV et l autre d un niveau plus élevé. Cette formation commune à tous contribuera, entre autres, à la construction des compétences 6 et 7 du socle commun des connaissances et des compétences. Pour mieux accompagner les jeunes, les enseignants doivent effectuer des stages en entreprise (comprendre le fonctionnement du milieu professionnel et les attentes du monde économique etc.) et dans les établissements et structures de formation différents de leurs lieux d exercice. 5. Liaison Bac Pro STS La politique de labellisation des lycées des métiers doit être amplifiée afin d augmenter le nombre de sections de techniciens supérieurs dans ces lycées. La participation de PLP aux équipes pédagogiques de STS favorise le lien entre les terminales Bac Pro et les classes de STS, donc améliore la prise en compte adaptée des élèves issus de Bac Pro. 6