Le paradoxe de la croissance des richesses et de la diminution de l'emploi dans le secteur bancaire. - Michel Bernard et Gino Lambert -



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Le paradoxe de la croissance des richesses et de la diminution de l'emploi dans le secteur bancaire - Michel Bernard et Gino Lambert - 1997

TABLE DES MATIÈRES LISTE DES TABLEAUX III Introduction PREMIÈRE PARTIE : LA RENTABILITÉ DES BANQUES : PROVENANCE ET DISTRIBUTION DE LEURS BÉNÉFICES. Les profits records des banques et la diversification de leur provenance Les importants profits sur les cartes de crédit La rémunération hors de contrôle des haut gradés des banques Les options d'achat d'actions et la logique de la maximisation des profits Surplus de liquidités : les banques rachètent leurs propres actions Surplus de richesses : des milliards distribués en dividendes Les banques peuvent-elles prétendre opérer dans un domaine risqué? DEUXIÈME PARTIE : CROISSANCE DES RICHESSES ET LIQUIDATION D'EMPLOIS DANS LE SECTEUR BANCAIRE. La croissance des richesses dans le secteur bancaire Le phénomène des fusions et des fermetures Le phénomène du remplacement des caissières et caissiers par des guichets automatiques Le manque de transparence dans le phénomène des mises à pieds La confiscation par le capital des fruits du progrès technologique et de la hausse de la productivité Le coût des mises à pieds perçu comme une externalité Peut-on justifier le comportement des banques par l'accroissement de la concurrence? L'écrémage du marché et la discrimination dans les services bancaires Recommandations CONCLUSION

BIBLIOGRAPHIE Annexe 1 Annexe 2 Liste des tableaux 1. Évolution du bénéfice net depuis une décennie. 2. Évolution des dépenses et des revenus des cinq grandes banques. 3. Évolution des autres revenus. 4. Évolution de la provision pour créances irrécouvrables. 5. Évolution du bénéfice net avant impôts. 6. Rentabilité des cartes de crédit. 7. Évolution de la valeur au marché des actions ordinaires. 8. a. Rémunération de la haute direction des banques pour l'année 1996. b. Rachat d'actions ordinaires par les banques canadiennes 9. Évolution des dividendes. 10. Évolution du % de bénéfice net versé en dividendes. 11. Cumul du bénéfice net versé en dividendes de 1986 à 1995. 12. Évolution des dividendes par action ordinaire. 13. Rendement au marché des actions pour l'exercice 1995-1996. 14. Valeur marchande de la participation maximale en actions ordinaires autorisée par la loi. 15. Évolution du nombre de succursales. 16. Évolution du ratio de l'actif par succursale. 17. Évolution du nombre de guichets automatiques. 18. Évolution du ratio du nombre de guichets automatiques par succursale. 19. Évolution du nombre d'employés. 20. Évolution de l'actif total. 21. Évolution du ratio de l'actif par employé. 22. Évolution du ratio du nombre d'habitants par succursale.

Introduction Malgré la réalisation de bénéfices records au cours des dernières années, les grandes banques canadiennes progressent dans leur désengagement social. Alors que les boursicoteurs des banques s'enrichissent années après années, les plus démunis ont de moins en moins accès aux services bancaires de base et des milliers de travailleurs des banques se retrouvent sans emploi. Si la tendance actuelle se poursuit, les services financiers offerts par les banques deviendront des services de luxe principalement accessibles aux mieux nantis. Cette étude, qui sera présentée en deux parties, se veut une analyse critique de cette réalité. Rentabilité des banques: provenance et distribution de leurs bénéfices (première partie) Dans cette partie, nous nous intéresserons principalement à la provenance ainsi qu'à la distribution des bénéfices mirobolants réalisés par les banques. Plus précisément, les cinq plus grandes banques canadiennes ont réalisé des profits records au cours des trois dernières années. La somme de leurs bénéfices s'élevait respectivement à 4.05, 4.93 et 5.95 milliards de dollars pour la période de 1994 à 1996. Selon toute vraisemblance, les chiffres divulgués trimestriellement démontrent que l'année 1997 suivra cette tendance à la hausse. Comme on pouvait s'y attendre, le rendement de l'avoir des actionnaires n'a cessé de croître au cours de cette même période. Atteignant en moyenne 14% en 1994, il devrait dépasser les 18% pour l'année 1997. Provenance des bénéfices réalisés par les banques canadiennes Nous verrons que la croissance de leurs bénéfices est principalement attribuable à la croissance des revenus découlant des nouveaux services qu'elles offrent à leur clientèle ainsi qu'à la réduction de leurs mauvaises créances. Nous verrons également comment le gouvernement fédéral a contribué activement à l'enrichissement des banques. La proportion des revenus provenant d'autres sources que le revenu traditionnel d'intérêt est passé progressivement de 3,85 $ milliards à 11,44 $ milliards de dollars de 1987 à 1996. Autrement dit 26,4 % des 14,6 $ milliards de revenus totaux provenaient d'autres sources que l'intérêt en 1987 alors que cette proportion augmentait à 37 % en 1996. Les activités des banques vont donc en se diversifiant. Ceci n'a rien d'étonnant étant donné que depuis 1987 et 1992, le gouvernement fédéral à mis de l'avant le décloisonnement financier permettant aux institutions financières d'acquérir de nombreux compétiteurs et d'étendre allègrement la gamme de leurs services offerts (banques, compagnies d'assurances, fiducies et maisons de courtage). Étant les plus puissantes et les plus fortunées du groupe, les banques ont grandement profité de cet assouplissement de la loi en se portant acquéreurs des plus grosses maisons de courtage et de fiducies ainsi que de certaines compagnies d'assurances. Citons par exemple, l'acquisition du Trust Royal par la Royale en 1993. Pour les banques, cette modification de la loi peut en quelque sorte être considérée comme un cadeau gouvernemental étant donné qu'à cette époque (1987 et 1992), il ne faisait aucun doute que ces dernières, par leur grande taille, seraient les mieux positionnées pour absorber les autres piliers financiers. Le gouvernement est donc le grand responsable de la croissance de leurs bénéfices enregistrés au cours des dernières années. Au cours de la même période, les provisions pour créances irrécouvrables n'ont cessé de diminuer. En fait, la provision cumulative pour les membres du " big five " s'est élevée respectivement de 1993 à

1996 à 4.4, 3.1, 2.3 et 1.7 $ milliards pour une réduction totale de 3.75 milliards de dollars. Semblant découler du génie des banquiers, cette réduction des mauvaises créances provient en grande partie de la contribution du gouvernement. En fait, par l'intermédiaire de différentes sociétés d'état, le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial, c'est-à-dire les citoyens, contribuent à la réduction des dépenses des banques en assumant eux-mêmes les prêts les plus risqués susceptibles d'être non remboursés. À titre d'exemple, avec ses 17 $ milliards en prêts et cautionnements garantis accordés aux petites et moyennes entreprises en 1995, la SEE a dû supporter une provision pour mauvaises créances de l'ordre de 390 $ millions au cours de la même année; au même moment, la SCHL cautionnait plus de 41% de tous les prêts hypothécaires consentis au Canada. Le paiement des indemnités versées aux institutions bancaires durant la même période s'élevait à 546 $ millions de dollars. En 1995, le gouvernement québécois s'est engagé, par l'entremise de la SFA et de la SDI, à garantir entièrement 451 millions de dollars sous forme de prêts accordés aux agriculteurs, ainsi que 316 $ millions, garantis à 90%, sous forme de prêts consentis aux petites entreprises en démarrage. Plusieurs observateurs ont signalé qu'au lieu de fournir des capitaux aux entreprises qui n'auraient pu autrement obtenir du financement, la SDI a accordé une multitude de prêts qui, de toute manière, auraient été financés et supportés entièrement par les institutions bancaires. Par ailleurs, en supportant un risque de seulement 10% sur le capital prêté, ces dernières ont pu profiter des largesses du gouvernement en empochant sur le bras de la population québécoise des centaines de milliers de dollars en revenus d'intérêt. Cette situation pourrait se résumer à une très simple expression: privatiser les profits et socialiser les pertes. Nous nous étonnons de constater à quel point les banques acceptent la présence de certaines sociétés d'état au sein de leur industrie et qu'elles ne crient pas à la concurrence déloyale de leur part. Faut croire qu'elles sont dotées d'un sens du partage exemplaire qu'on ne leur connaissait pas! Les profits sur les cartes de crédit Un phénomène qui en dit long sur les banques en tant que citoyen corporatif est la croissance des profits tirés des cartes de crédit accompagnant la croissance de l'endettement des Canadiens suite à une décennie de politique monétaire de hauts taux d'intérêt. Les banques prennent leur part de la croissance de l'usage du crédit et nos calculs démontrent que les taux pratiqués sur les cartes de crédit ne se justifient absolument pas par le risque de mauvaises créances encourues. D'autant plus que le taux d'escompte actuel est parmi les plus bas de son existence. Nous verrons également comment les banques profitent de la situation financière précaire d'une partie de sa clientèle pour réaliser d'énormes revenus d'intérêt sur les cartes de crédit qu'elles émettent. Nos calculs démontrent qu'en 1995, les bénéfices avant impôt réalisés par les banques canadiennes sur leurs cartes de crédit s'élevaient à 600 millions de dollars. Au cours de la même période, le chiffre d'affaires sur les dites cartes s'élevait à plus de 2 $ milliards. Les actionnaires et la haute direction des banques passent à la caisse Avec le phénomène moderne de la séparation entre la propriété et la gestion, le système a tenté de faire des managers des propriétaires en leur distribuant des options d'achat d'actions. Nous verrons comment de véritables fortunes ont ainsi été réalisées par les hauts gradés des banques qui ont un intérêt crucial à faire augmenter à court terme la valeur au marché des actions. Cela s'est traduit par l'injection de montants phénoménaux dans le rachat de leurs propres actions afin d'en maximiser la valeur au marché. Nous étudierons le phénomène en détail, mais mentionnons à titre d'exemple que la Royale

aura consacré récemment un milliard, soit une somme équivalente à 79% de son bénéfice net de 1995 au rachat de 10% de son capital-actions ordinaires. Il en est résulté un formidable coup de fouet sur la valeur au marché des actions. Les autres grandes banques ont aussi adopté un vigoureux programme de rachats d'actions. Elles tiennent un discours de champ de bataille face à la concurrence internationale et la mondialisation de l'économie. Comment accorder du crédit à ce discours si souvent évoqué pour supprimer du personnel alors qu'en même temps elles rachètent leurs propres actions et versent de généreux dividendes submergées qu'elles sont par les liquidités apportées par leurs immenses profits. Au cours de la dernière décennie, les cinq grandes banques ont distribué 58% de leurs bénéfices en dividendes. En tenant compte de la plus-value potentielle sur les actions ordinaires et de la distribution de dividendes, le rendement boursier moyen réalisé en 1996 par les actionnaires des membres du " big five " s'élevait à 45%. La CIBC, la Royale et la Scotia se démarquent du groupe en affichant des rendements respectifs de 58%, 51% et 51%. Nous verrons également que les membres de la haute direction des " big five " ont enregistré une rémunération moyenne individuelle de l'ordre des dix millions de dollars en 1996 si l'on inclut les gains sur les options d'achat d'actions réalisés et potentiels. Ce phénomène n'a pas été exposé dans sa juste perspective par les médias. Même un tenant de l'idéologie néo-libérale comme Marcel Côté, économiste et président de Sécor, juge la rémunération des hauts gradés des banques comme excessive et injustifiable. Nous verrons comment la haute direction des banques se sert de leurs employés en les transformant en pigistes et contractuels au nom de la mondialisation alors que les contrats de travail de cette opulence affairiste sont en béton armé: primes de départ et pension de retraite qui dépassent le million de dollars pour chacun des présidents des cinq grandes banques. Selon les calculs au 31 octobre 1996, Matthew Barrett de la de Montréal serait éligible à une prestation annuelle de retraite à vie de 1,35 millions de dollars. Tous les efforts sont tournés vers les actionnaires qui ne fournissent pourtant que 5% des actifs exploités par les banques et vers les dirigeants qui n'ont pourtant rien investi. Pendant que les hats gradés des banques se concoctent de généreux contrats de travail blindés, les employés des six plus grandes banques canadiennes n'ont encore pas le droit de se syndiquer en cette fin du 20 ièm siècle. Quel anachronisme! Selon nous, il est grand temps que les gouvernements modifient la législation du travail afin de permettre et surtout encourager la syndicalisation dans les banques. Les banques peuvent-elles justifier leur forte rentabilité par les risques quelles encourent? En 1996, les actionnaires des banques ont réalisé en moyenne un rendement bousier de 45% sur leur investissement en ne fournissant que 5% du capital total. Par contre, les déposants ont dû se contenter d'un maigre 5% bien qu'ils contribuent pour 90% du capital. Comme le rendement exigé est fonction du risque encouru, les banques justifient leurs profits et leurs mises à pied en disant qu'elles prennent des risques. Après analyse, nous verrons que ce n'est pas du tout le cas. Les banques canadiennes font partie d'un puissant oligopole où il existe très peu de concurrence réelle entre les participants. Dans une économie de marché, il doit y avoir des gagnants et des perdants. Certains réaliseront des bénéfices au détriments des autres participants qui accuseront une rentabilité moindre et même des pertes. Ce qui se traduira par une sorte de sélection naturelle: les plus forts s'enrichissent et les plus faibles se retirent. Par ailleurs, en observant l'industrie bancaire canadienne, on constate qu'il n'y a que des gagnants; les sept principales banques canadiennes ont toutes réalisé des

bénéfices records au cours des trois dernières années. Comment peut-on alors qualifier ce marché de concurrentiel où il est risqué d'investir des capitaux? Comme nous l'avons expliqué antérieurement, par le biais des gouvernements (SEE, BDC, SDI, SFA, SCHL, ACDI, etc.), les banques refilent les prêts les plus risqués à la population. De plus, en procédant au décloisonnement des institutions financières, le gouvernement a permis aux banques de stabiliser leurs revenus. L'entrée dans des domaines tels que les fiducies, le courtage de valeurs mobilières, ainsi que les assurances a permis de réduire le risque lié à la demande des services qu'elles offrent. Dorénavant, elles peuvent compter sur des revenus plus stables découlant de diverses activités contribuant à réduire le risque commercial. Protégée par la législation canadienne contre la concurrence internationale, les banques offrent à la population canadienne un service quasi-essentiel. Qu'il s'agisse de l'octroi d'un prêt hypothécaire, de l'utilisation des cartes de débit et de crédit, d'un placement quelconque, où de l'encaissement d'un chèque de bien-être social, tous doivent transiger avec une institution bancaire. Ceci permet aux banques de bénéficier, au fil des années, de la présence d'une clientèle nombreuse et captive, consommant à un rythme régulier une panoplie de services financiers. Croissance des richesses et liquidation d'emplois dans le secteur bancaire (deuxième partie) Nous verrons dans cette partie que toujours dans le but d'améliorer leur rentabilité et leurs bénéfices afin de répondre à la soif de profits insatiables des actionnaires, les banques ferment les succursales moins rentables sans aucun égard envers l'accessibilité aux services financiers, réduisent leurs frais d'exploitation en remplaçant sauvagement une partie de leur main-d'oeuvre par des systèmes informatiques et en tentant d'éliminer la clientèle démunie de leurs succursales. Nous verrons comment cette attitude de maximisation du profit s'effectue au détriment des ressources humaines et d'une partie de la clientèle. Le phénomène des mises à pied dans le secteur bancaire Au cours des dernières années, on a pu assister à l'abolition d'un grand nombre de postes par les banques canadiennes. De plus, si l'on se réfère aux rapports annuels de ces dernières ainsi qu'à diverses études et sondages, la réduction du niveau d'emploi constaté à la fin de l'année 1995 fait figure de goutte d'eau dans l'océan par rapport à l'importance des coupures qui surviendront au cours des prochaines années. Nous verrons comment la réduction du nombre de succursales bancaires associée à l'utilisation croissante de l'électronique et de l'informatique pour les services à la clientèle est le principal facteur responsable de la réduction en masse du nombre d'emplois dans les banques. À titre d'exemple, la Royale a éliminé 65 succursales durant la période de 1991 à 1995, la CIBC a éliminé 196 succursales depuis 1986, et la Toronto-Dominion en a éliminées 57 de 1986 à 1992. Au cours de la dernière décennie, le nombre de succursales bancaires des cinq plus grosses banques a augmenté de seulement 4%. Au même moment, leur actif doublait avec une augmentation de plus de 100%. Au cours des dix dernières années, le secteur bancaire a connu une multiplication sans précédent du nombre de guichets automatiques. On remarque que, pendant la dernière décennie, la quantité moyenne de guichets automatiques acquis par les membres du " big five " est passée de 653 à 2445 unités, pour une augmentation totale de 275%. Au même moment, le nombre moyen de guichets automatiques par

succursale passait de 0.50 à 1.81, pour une croissance totale de 262% en dix ans. La Royale se démarque du peloton avec un ratio de 2.43 en 1995. Lorsqu'on effectue le lien entre la nouvelle structure organisationnelle des banques et les données financières, les intentions des institutions bancaires en ce qui a trait au remplacement éventuel du service au comptoir par des guichets automatiques, nous semblent tout à fait évidentes. Après avoir implanté des milliers de guichets automatiques dans leur réseau impliquant des investissements considérables, dans tous les cas accompagnés d'une généreuse aide gouvernementale les banques canadiennes voudront rentabiliser leurs mises de fonds et ce, au détriment de sa main-d'úuvre. Toujours de 1986 à 1995, le nombre d'employés moyen embauchés par les membres du " big five " est passé de 30 661 à 35 371 pour une augmentation totale de seulement 15,4%. Faut-il rappeler que l'actif des banques a doublé au cours de la même période? L'énorme croissance des banques canadiennes leur a permis de camoufler les nombreuses coupures qu'elles ont effectuées dans leur main-d'oeuvre en s'appropriant les emplois relatifs aux sociétés qu'elles ont acquises. Pour ce faire, elles prennent le soin d'exclure de leur rapport annuel les données concernant les mouvements de main-d'oeuvre (création et élimination d'emplois). À titre d'exemple, lors de l'acquisition du Trust Royal en 1993, le nombre d'employés de la Royale est passé de 49 628 à 52 745, pour une augmentation totale de 3 117. Contrairement aux apparences qui laissaient présumer une importante création d'emplois, l'augmentation de ses effectifs au cours de l'année 1993 correspondait entièrement à l'acquisition du Trust Royal. En fait, cette augmentation ne constituait qu'un transfert de main-d'oeuvre de la société vendeuse à la société acheteuse. Écrémage du marché Ayant des ressources plus limitées, nous verrons comment les plus démunis seront particulièrement frappés par la croissance de l'automatisation des services bancaires ainsi que de la fermeture de certaines succursales. Par exemple, la fermeture complète de l'unique succursale opérant dans un village pourrait priver les habitants, qui ne possèdent aucun moyen de transport, de l'accessibilité aux services bancaires. Il est également impossible pour les plus démunis de naviguer dans leur compte bancaire par internet, étant donné que la grande majorité ne possède pas d'ordinateur. Les banques tentent ainsi d'attirer les mieux nantis, qui constituent la clientèle la plus lucrative, en éliminant pour la plupart d'entre eux tous les frais de transactions. À l'opposé, ces dernières tentent de réduire l'utilisation des services financiers par les plus démunis, constituant la clientèle la moins rentable, en leur imposant des frais pour chaque transaction effectuée. Par exemple, dans la majorité des institutions bancaires, le maintient d'un solde minimum de 1000$ dans un compte bancaire permet, au détenteur, d'éliminer les frais de transactions. En consommant une quantité négligeable de services financiers tels que les placements, les assurances et les prêts, la clientèle démunie des banques est un fardeau dont ces dernières aimeraient bien se défaire. Finalement, nous terminerons cette étude en proposant une série de recommandations qui auraient pour effet d'améliorer l'accessibilité aux services financiers de base fournis par les banques ainsi que de réduire l'endettement des ménages sur leurs cartes de crédit.

Ière partie La rentabilité des banques : provenance et distribution de leurs bénéfices Les profits records des banques et la diversification de leur provenance Depuis 1993, les profits réalisés par les banques canadiennes ne cessent de croître (tableau 1). D'où proviennent ces bénéfices? Viennent-ils d'une augmentation de leur niveau d'activité? Tandis que le taux chômage atteint des records au Canada, les indices boursiers bancaires battent des records. Nous verrons dans cette partie que la diversification accrue des services bancaires offerts à la population ainsi que l'importante diminution des créances irrécouvrables sont deux facteurs qui ont fortement contribué à la croissance du bénéfice net des banques. Les revenus des banques se divisent en deux grandes catégories: les revenus nets d'intérêt ainsi que les revenus autres que l'intérêt qui comprennent, entre autres, les revenus générés par des produits financiers tels que les assurances, les fonds mutuels, les fiducies, les cartes de crédit et de débit, les produits dérivés, les frais de service transactionnels, etc. Au cours des dix dernières années, les revenus autres que d'intérêt générés par les banques canadiennes ont enregistré une croissance phénoménale. En fait, cette augmentation s'est avérée plus de deux fois plus imposante que celle enregistrée par les revenus d'intérêt. TABLEAU 1 Évolution du bénéfice net depuis une décennie (En millions de dollars) 1996 1995 1994 1993 1992 1991 1990 1989 1988 1987 1992 à 1996 BN de Montréal Royale Scotia 1 168 986 825 709 640 595 522 (39) 500 (242) 4 328 18.5% 19.5% 16.4% 10.8% 7.6% 14.0% N.S. N.S. N.S. N.S. - 1 430 1 262 1 169 300 107 983 965 529 712 (288) 4 268 13.3% 8.0% 289.7% 180.4% (89.1%) 1.9% 82.4% (25.7%) N.S. N.S. - 1 069 876 482 714 676 633 512 222 507 (214) 3 817

CIBC Toronto- Dominium Nationale Laurentienne Caisses populaires Desjardins Cumulatif du " big five " 22.0% 81.7% (32.5%) 5.6% 6.8% 23.6% 130.6% (56.2%) N.S. N.S. - 1 366 1 015 890 730 12 811 802 450 591 (18) 4 013 34.6% 14.0% 21.9% N.S. (98.5%) 1.1% 78.2% (23.9%) N.S. N.S. - 914 794 683 275 408 497 596 695 668 146 3 074 15.1% 16.3% 148.4% (32.6%) (17.9%) (16.6%) (14.2%) 4.0% 357.5% (58.3%) - 318 245 217 175 1 186 170 32 226 (46) 956 29.8% 12.9% 24.0% N.S. (99.5%) 9.4% N.S. N.S. N.S. N.S. - 54 36 13 36 39 34 35 34 22 26 178 50.0% 176.9% (63.9%) (7.7%) 14.7% (2.9%) 2.9% 54.6% (15.4%) 18.2% - 252 273 314 270 271 227 331 334 262 N.D. 1 380 (7.7%) (13.1%) 16.3% (0.4%) 19.4% 68.6% (0.90%) 27.5% - - - 5 947 4 933 4 049 2 728 1 843 3 519 3 397 1 857 2 978 (616) 19 500 20.6% 21.8% 48.4% 48.0% (47.6%) 3.6% 82.9% (37.6%) N.S. N.S. - TABLEAU 2 Évolution des dépenses et des revenus des cinq grandes banques (En millions de dollars) 1996 1995 1994 1993 1992 1991 1990 1989 1988 1987 1987 à 1996 Δ annuel moyen Δ total Frais autres que d'intérêt Revenus nets d'intérêt 19 462 17 490 16 966 15 340 14 058 12 625 11 914 10 821 9 582 8 523 9.6% 128.3% 19 519 18 039 17 637 16 429 15 511 14 658 13 056 13 101 12 361 10 729 6.9% 81.9%

Revenus autres que d'intérêt Revenus totaux Proportion des revenus nets d'intérêt Proportion des revenus autres que d'intérêt 11 444 9 597 9 218 7 686 6 871 6 238 5 746 5 316 4 605 3 857 12.8% 196.7% 30 963 27 636 26 855 24 115 22 382 20 896 18 802 18 417 16 966 14 586 8.7% 112.3% 63.0% 65.3% 65.7% 68.1% 69.3% 70.1% 69.4% 71.1% 72.9% 73.6% - (14.4%) 37.0% 34.7% 34.3% 31.9% 30.7% 29.9% 30.6% 28.9% 27.1% 26.4% - 40.2% TABLEAU 3 Évolution des autres revenus (En millions de dollars) 1996 1995 1994 1993 1992 1991 1990 1989 1988 1987 1987 à 1996 Δ annuel moyen Δ total de Montréal Royale Scotia CIBC Toronto- Dominion 2 329 1 975 1 749 1 581 1 365 1 219 1 047 986 1 042 853 11.8% 173.0% 17.9% 12.9% 10.6% 15.8% 12.0% 16.4% 6.2% (5.4%) 22.2% 4.3% - - 3 021 2 590 2 652 2 070 1 911 1 737 1 644 1 533 1 267 1 061 12.3% 184.7% 16.6% (2.3%) 28.1% 8.3% 10.0% 5.7% 7.2% 21.0% 19.4% 27.7% - - 1 780 1 557 1 462 1 169 1 002 883 831 850 658 540 14.2% 229.6% 14.3% 6.5% 25.1% 16.7% 13.5% 6.3% (2.2%) 29.2% 21.9% 24.1% - - 2 706 2 176 2 208 1 866 1 737 1 581 1 375 1 202 973 819 14.2% 230.4% 24.4% (1.5%) 18.3% 7.4% 9.9% 15.0% 14.4% 23.5% 18.8% 23.3% - - 1 608 1 299 1 147 1 000 856 818 849 745 665 584 11.9% 175.3% 23.8% 13.3% 14.7% 16.8% 4.6% (3.7%) 14.0% 12.0% 13.9% 30.9% - -

Nationale Laurentienne Caisses populaires Desjardins Cumulatif du " big five " 836 712 719 635 541 472 439 381 301 260 13.9% 221.5% 17.4% (1.0%) 13.2% 17.4% 14.6% 7.5% 15.2% 26.6% 15.8% 12.6% - - 126 79 67 56 50 41 37 46 36 21 % 500.0% 59.5% 17.9% 19.6% 0.1% 22.0% 10.8% (19.6%) 27.8% 71.4% 16.7% - - 2 542 2 658 2 450 1 534 1 436 1 270 1 063 896 751 N.D. % 238.5% (4.4%) 8.5% 59.7% 6.8% 13.1% 19.5% 18 6% 19.3% - - - - 11 444 9 597 9 218 7 686 6 871 6 238 5 746 5 316 4 605 3 857 12.8% 196.7% 19.2% 4.1% 19.9% 11.9% 10.1% 8.6% 8.1% 15.4% 19.4% 20.8% - - Au tableau 2 à la page 10, on remarque qu'au cours de la dernière décennie, les revenus nets d'intérêt cumulatifs générés par les membres du " big five " ont cru annuellement à un taux de 6,9%, pour une augmentation totale de 81,9%, comparativement à des augmentations annuelles moyennes de 12,8% et totales de 196,7% pour les revenus autres que d'intérêt. De plus, la proportion des revenus totaux qui concerne les revenus nets d'intérêt est passée de 74% en 1987, à 63% en 1996, pour une diminution globale de 14%, tandis que la proportion des revenus totaux relatifs aux revenus autres que d'intérêt s'est établie respectivement à 26% en 1987 et à 37% en 1996, pour une augmentation totale relative de 40%. De toute évidence, grâce au décloisonnement des institutions financières qui a débuté en 1987, les banques canadiennes ont su profiter de l'opportunité de bénéfices offerte par l'élargissement de leur gamme de produits financiers. Pour preuve, en 1996, les revenus autres que l'intérêt contribuaient pour plus de un tiers de leurs revenus totaux alors que, dix années plus tôt, cette contribution comptait pour moins d'un quart. Cependant, le niveau de croissance de ces revenus varie passablement d'une banque à une autre. Alors que ceux de la Scotia augmentaient de 230% en dix ans, la de Montréal enregistrait une hausse de l'ordre de 173% (tableau 3). En plus d'être causée par une augmentation des revenus, la croissance du bénéfice net pourrait également s'expliquer par une réduction des dépenses d'exploitation. Il est surprenant de constater dans le tableau 2 que la somme des frais autres que l'intérêt engendrés par les membres du " big five " a cru annuellement à un taux de 9,6%, subissant ainsi une augmentation totale de plus de 128% au cours des dix dernières années. Malgré l'acharnement des banquiers à contrôler et à réduire les coûts, ces derniers ont subi une croissance annuelle supérieure à celle des revenus totaux (9,6% par rapport à 8,7%). Cette situation est causée en partie par les coûts qu'engendre la mise en place initiale des activités nécessaires au développement des nouveaux produits financiers (fiducies, assurances, courtage, etc).

En dépit de tous ces facteurs, celui qui a contribué le plus à la croissance du bénéfice net des banques canadiennes est la réduction marquée de la provision pour mauvaises créances.variant habituellement à la hausse ou à la baisse d'une année à l'autre, cette dernière a emprunté une pente descendante au cours des quatre dernières années, soit de 1993 à 1996. Le tableau 4 à la page suivante illustre son évolution pour la période de 1987 à 1996. On remarque que de 1987 à 1992, les augmentations et les diminutions se succédant, aucune tendance de la provision pour mauvaises créances n'avait pu être décelée. Par ailleurs, depuis 1993, la somme des provisions pour mauvaises créances des membres du " big five " ne cesse de diminuer: 1,017 milliards en 1993, 1,288 milliards en 1994 et 847 millions en 1995 et 598 millions en 1996. De plus, si l'on additionne l'ensemble des économies réalisées, en ce qui concerne la réduction de ces provisions par les membres du " big five " de 1993 à 1996, on obtient la somme impressionnante de 3,750 milliards. L'augmentation totale des bénéfices avant impôt qu'ils ont réalisés au cours de la même période s'élève à 6,870 milliards (tableau 5). En effectuant le parallèle entre ces données, ont réalise que la croissance des bénéfices enregistrée au cours des dernières années dans le secteur bancaire canadien découle principalement de la réduction de la provision pour mauvaises créances, avec une contribution de plus de 55% (3,750 milliards/6,870 milliards). TABLEAU 4 Évolution de la provision sur créances irrécouvrables (En millions de dollars) 1996 1995 1994 1993 1992 1991 1990 1989 1988 1987 1987 à 1996 Max Min de Montréal Royale 225 275 510 675 550 337 169 1181 390 75 1181 75 440 580 820 1750 2050 605 420 1380 750 900 2050 420 Scotia 380 560 567 465 449 374 238 895 465 183 895 183 CIBC 480 680 880 920 1835 613 254 975 493 546 1835 254 Toronto- Dominion Nationale Laurentienne Caisses populaires Desjardins Cumulatif du " big five " Augmentations et diminutions 152 180 345 600 543 485 353 231 195 990 990 152 235 255 275 325 570 270 250 442 232 99 570 99 33.5 30 58 39 37 18 8 3.5 (1.5) 3 58 1 324 352 368 249 265 224 98 81 46 N.D. 368 46 1 677 2 275 3 122 4 410 5 427 2 414 1 434 4 662 2 293 2 694 5 427 1 434 (598) (847) (1 288) (1 017) 3 013 980 (3 228) 2 369 (401) (466) - -

Moyenne du " big five " 335 455 624 882 1085 483 287 932 459 539 1 085 287 TABLEAU 5 Évolution du bénéfice net avant impôts (BNAI) (En millions de dollars) 1996 1995 1994 1993 1992 1992 à 1996 BNAI de Montréal 2 053 1 745 1 463 1 270 1 127 7 658 17.7% 19.3% 15.2% 12.7% - - Royale 2 359 2 040 1 861 324 107 6 691 15.6% 9.6% N.S. 202.8% - - Scotia 1 765 1 268 968 1 217 1 162 6 380 39.2% 31.0% (20.5%) 4.7% - - CIBC 2 291 1 661 1 467 1 184 (23) 6 580 37.9% 13.2% 23.9% N.S. - - Toronto-Dominium 1 410 1 246 1 076 438 635 4 805 13.2% 15.8% 145.7% (31.0%) - - Cumulatif du " big five " 9 878 7 960 6 835 4 433 3 008 32 114 24.1% 16.5% 54.2% 47.4% - - Augmentations et diminutions 1918 1125 2402 1425 - Les importants profits sur les cartes de crédit En 1993, General Motors Acceptance, la filiale financière de General Motors, a réalisé un profit supérieur à celui gagné par la compagnie mère dans la vente d'automobiles. Il en est de même pour General Electric. Chez British Petroleum, les opérations monétaires ont rapporté autant que la vente de pétrole. Les médias ont fait état de la réaction de certains élus aux taux d'intérêts qui persistent à s'accrocher dans les hauteurs alors que le taux de la du Canada est en chute libre. Les banques, réduisant le taux d'intérêt qu'elles accordent, devraient aussi réduire les taux d'intérêt qu'elles exigent. En effet, dans un rarissime sursaut de conscience sociale face à l'establishment financier dont on questionne peu le pouvoir, une coalition de députés d'arrière-ban de tous les partis ont exigé, vers la fin du mois de novembre 1996, une réduction de 50% des taux d'intérêt sur les cartes de crédit. Alors que le taux d'escompte atteint son plus bas niveau des 40 dernières années, les taux sur les cartes de crédit auraient dû enregistrer la même réaction. Il s'agissait de députés d'arrière-ban toutefois car les principaux députés libéraux sont généralement en symbiose parfaite avec la bourgeoisie des affaires. Ils

terminent généralement leur carrière dans la grande entreprise. Les banques ont rétorqué avec arrogance que les élus sont mal informés. Il y avait 58,5 millions de cartes de crédit en circulation au Canada en 1995 soit 2,6 cartes par canadien adulte pour des transactions dépassant 61 milliards $. Les banques chargeaient jusqu'à 18,9% (le 16 janvier 1996) sur les cartes de crédit et cédaient moins de 4% en moyenne sur toutes les formes de dépôts ( 1/5 de 1% sur les comptes d'épargne à la Nationale ). Un rapport analysant le coût des cartes de crédit, publié par le ministère de l'industrie, indique que les taux réels exigés par Visa et MasterCard sont plus importants que jamais compte tenu du refus d'épouser la baisse du taux d'escompte. En fin de novembre 1996, les banques exigeaient 18,5% alors que le taux d'escompte était à 4,75% ce qui portait le différentiel à un incroyable 13,75%. Les banques n'en cèdent au chapitre de l'usure qu'à Eaton, Simpson, La Baie et cie, Canadian Tire qui chargeaient le taux "shylockéen" de 28,8%, taux inchangé depuis 1981 et cinq fois plus que le taux de la du Canada en 1996. Au cours de l'année 1996, 25% des bénéfices de Canadian Tire provenait de leurs activités de crédit. En avril 1997, Beneficial Canada Inc. sollicitait la population par courrier en offrant du crédit facile à des taux usuraires de 30%. Les sociétés pétrolières chargeaient également du 24% au début de 1996. On accordait au début de 1996, 5,75% pour un dépôt de cinq ans dans un REER, on chargeait 7,95% pour un prêt hypothécaire de même durée. La politique monétariste, les taux d'intérêt artificiellement gonflés par la du Canada ont entraîné une immense ponction, une vaste rançon sur l'ensemble de l'économie. Les taux ont maintenant baissé ; on vient de découvrir que la priorité n'est plus le combat de l'inflation mais celui de la stagnation. Il faut remonter au début des années 30 pour retrouver des taux d'intérêts de base de la banque centrale aussi élevés que ceux enregistrés depuis les années 80. Par exemple, 9,3% en 1984 et 7 % en 1985. Les sévères critiques émises à l'endroit des banques suite à la parution de ce rapport du ministère de l'industrie les ont poussées à offrir à leur clientèle des cartes de crédit à taux réduit. Par exemple, deux des cinq cartes offertes par la de Montréal affichaient, au mois de mai 1996, un taux d'intérêt de 10,9%, offrant ainsi le plus bas taux d'intérêt au pays offert sur les cartes de crédit. La Royale et la Toronto-Dominion ont suivi le mouvement en offrant à leur clientèle une carte de crédit à taux réduit de 12,5% et de 11,9% respectivement. Les banques, qui recourent largement à la publicité, en ont fait très peu sur ces cartes de crédit dont le taux est proportionné au risque. Le ministère de l'industrie n'a pas été sans remarquer dans l'édition de septembre de sa publication trimestrielle que les banques font très peu pour faire connaître ces cartes à taux réduit. Un sondage révélait qu'un grand nombre de consommateurs ignoraient l'existence de telles cartes. Dans une argumentation visant à expliquer sinon à couvrir le comportement des banques canadiennes, Raymond Protti, président de l'association des banquiers canadiens (ABC), affirme que les paramètres servant à la détermination des taux d'intérêt sur les cartes de crédit ne dépendent aucunement du taux privilégié en vigueur. Selon ce dernier, ces paramètres seraient le risque associé à un crédit non garanti, les coûts d'exploitation, ainsi que les pertes dues aux fraudes et aux défauts de paiement. Afin de pouvoir juger de l'ensemble des arguments évoqués par les banquiers, supportant la politique de taux d'intérêt élevés sur les cartes de crédit, il est nécessaire d'évaluer la rentabilité des activités associées aux cartes de crédit, ainsi que l'impact financier des paramètres utilisés pour fixer les taux d'intérêt de ces dernières.

Selon notre évaluation présentée au tableau 6, les bénéfices avant impôt encaissés par les banques canadiennes au cours de l'année 1995, en ce qui attrait au commerce des cartes de crédit, s'élèvent approximativement à 645 millions, tandis que les revenus générés se soldent à 2,356 milliards. On évalue les pertes sur les soldes impayés à 147,6 millions, ce qui correspond à 0,9% de la moyenne des soldes impayés. Les pertes imputables aux fraudes sur les cartes de crédit se sont chiffrées à 72,6 millions en 1995 (tableau 6). Cette somme, qui peut sembler importante à prime abord, ne représente en fait que 3,1% des revenus totaux générés par ces dernières (72 600 000$/2 355 520 000$). Selon l'abc, ces pertes sont considérées comme une argumentation valable pour justifier le maintient des taux d'intérêt sur les cartes de crédit, alors qu'elles ne représentent que 1,3% en terme de revenus d'intérêt sur les soldes impayés. Autrement dit, il faudrait réajuster le taux d'intérêt moyen des cartes de crédit de 1,3% pour récupérer les sommes absorbées sous forme de fraude et de soldes impayés (16,4 milliards x 1,3% = 220,2 millions). Par conséquent, cet argument est totalement irrecevable. En plus de justifier les taux d'intérêt des cartes de crédit par le risque associé à chaque individu, les banquiers se justifient en rappelant que ce type de crédit est exempt de garantie personnelle, ce qui accroît le risque associé aux non-recouvrements futurs des soldes impayés par certains individus. Il est étonnant de constater que les banquiers savent invoquer à leur avantage certaines règles financières et économiques pour justifier et défendre leur appétit de profit. En fait, ils invoquent une règle financière très simple qui suppose que le prêteur doit exiger un taux de rendement à l'emprunteur établi en fonction du niveau de risque qu'il doit supporter. Pourtant, il est tout à fait utopique de croire que cette simple règle soit un facteur important à l'origine des taux d'intérêt prédominant sur les cartes de crédit. Ainsi, comment justifier les taux d'intérêt élevés associés aux cartes de crédit accordées à leur clientèle bien-nantie? Si ce taux variait en fonction du risque, les clients fortunés ayant une grande capacité de paiement et accompagnés d'un dossier de crédit impeccable devraient, selon la règle financière bien connue, avoir droit à une carte de crédit dont le taux d'intérêt serait l'équivalent de celui d'une marge de crédit personnel? Bien au contraire, le choix du type de carte de crédit à utiliser, carte à taux réduit ou carte à taux régulier, dépend presque entièrement des habitudes de paiement des consommateurs, et non au risque qui leur est associé. Pour preuve, les instituts financiers conseillent à leur clientèle d'opter pour l'utilisation d'une carte de crédit à taux réduit si ces derniers ont l'habitude de dépasser la période permise permettant la gratuité du financement (aux alentours de 21 jours). Dans le cas contraire, c'està-dire lorsque leur clientèle règle entièrement leur solde mensuel, ils leur recommandent d'opter pour une carte de crédit à taux régulier. Cette recommandation est appuyée par le fait que des frais annuels, variant entre 12$ et 25$, accompagnent la carte de crédit à taux réduit, alors que la carte de crédit régulière est généralement exemptée de ce type de frais. Les biens nantis optent majoritairement pour une carte de crédit à taux élevé exemptée des frais d'adhésion, leur permettant ainsi d'obtenir un crédit à court terme entièrement gratuit, ce qui contredit la règle financière énumérée précédemment par l'abc pour justifier l'importance des taux d'intérêt sur les cartes de crédit. Sous les prémisses de la politique de crédit pratiquée par les banques, la Nationale se distingue du groupe avec l'instauration d'une carte de crédit, depuis novembre 1994, destinée aux individus dont le dossier de crédit est perçu comme étant mauvais. Selon les commentaires de Jules Gagné, viceprésident au service cartes de crédit de la Nationale, une telle carte rend service à ces personnes en leur permettant de rétablir leur crédit. Pour les aider dans l'accomplissement de ce grand défi, la Nationale accompagne cette carte de crédit d'un taux d'intérêt de 26% qu'elle juge normal dans les circonstances. Selon Michel Girard, cette dernière est la seul banque canadienne à offrir une telle carte à sa clientèle.

Cette pratique de la Nationale est questionnable. Comment peut-on prétendre aider un individu, financièrement fragile, en lui offrant du crédit qui comporte des frais d'intérêt primitifs de l'ordre de 26%? En agissant de la sorte, la Nationale contribue à l'appauvrissement de certains ménages. Elle leur offre la possibilité de consommer facilement, sans qu'ils aient l'impression de dépenser, mais en leur faisant payer très cher le prix de leur insouciance. Il est inutile de mentionner que les familles les plus affectées par cette illusion de gratuité du financement sont généralement les plus démunies. Alors que le taux d'endettement des ménages canadiens atteint un sommet, cette pratique vise à faire payer aux démunis une politique favorable aux bien-nantis. En fait, les banques, en véritables Robin des bois à l'envers, prennent aux pauvres pour donner aux riches. Elles pratiquent une politique de taux d'intérêt élevés sur leurs cartes de crédit pour récupérer les frais de financement alloués à titre gratuit aux détenteurs de cartes qui règlent entièrement leur solde mensuel à l'intérieur de la période de grâce allouée. Dans notre société, la liberté s'acquière par la propriété. Les banques ponctionnent ceux qui doivent s'acheter cette liberté à crédit ce qui les enferme davantage dans leur sort. Par conséquent, la précarité de la situation financière de certains individus oblige ces derniers à étendre leurs versements sur une période de plusieurs mois, les obligeant ainsi à payer des frais de financement énormes. Ces derniers se voient donc dans l'obligation de supporter, par l'entremise des taux d'intérêt, les gratuités dont bénéficient les mieux nantis. Revenus net d'intérêt sur les cartes de crédit TABLEAU 6 Rentabilité des cartes de crédit (pour l'exercice 1995) Revenus d'intérêt sur cartes de crédit: (16,4 milliars x 17,6%) a Frais d'intérêt payés sur dépôt: (32,8 milliars x 4,46%) b 2 886 400 000$ (1 462 880 000$) 1 423 520 000$ Revenus de commission sur les cartes de crédit 1 079 600 000$ Revenus totaux provenant des cartes de crédit 2 503 120 000$ Pertes sur les soldes impayés (147 600 000$) (16,4 milliars x 0,9%) c Pertes dues aux fraudes (72 600 000$) Coût d'exploitation du programme de carte (1 637 086 400$) (2 355 520 000$ x 69,5%) d Bénéfice net avant impôt provenant des cartes de crédit 645 833 600$

a 17,6% = (18,2% x 90%) + (12% x 10%). Le taux d'intérêt de 18,2% correspond à la moyenne des taux en vigueur sur les cartes de crédit régulières émises par les institutions bancaires à la fin octobre 1996 [ (18,9% + 17,5%)/2], tandis que le taux de 12% correspond approximativement aux taux d'intérêt en vigueur sur les cartes de crédit à taux réduit. Parmi l'ensemble des cartes émises, 90% étaient des cartes régulières et 10% étaient des cartes à taux réduit. Le 16,4 milliards correspond à la moyenne des soldes impayés sur les cartes de crédit au cours de l'année 1995 [ (17,4 milliards + 15,4 milliards)/2]. b Le taux d'intérêt de 4,46% correspond au taux moyen payé par l'ensemble des banques canadiennes sur leur passif. La somme de 32,8 milliards correspond à la moyenne annuelle du solde des institutions émettrices sur les cartes de crédit Visa et Mastercard. À cause de la non-disponibilité des données, le calcul de cette somme s'appuie exclusivement sur les données fournies par la Toronto- Dominion. Par conséquent, on présume que la moyenne annuelle du solde des institutions émettrices sur les cartes de crédit Visa et Mastercard correspond à celui de la Toronto-Dominion. c Les pertes sur les soldes impayés des cartes de crédit sont évaluées à 0,9% des soldes impayés. Ce pourcentage correspond aux comptes en souffrance de 90 jours et plus des soldes impayés sur les cartes de crédit émises par les banques canadiennes. Voir article " Cartes de crédit: les banques pourraient faire mieux ". d Le taux de 69,5% correspond à la proportion moyenne des frais d'exploitation sur les revenus des banques canadiennes.dans ce cas-ci, on présume que les frais d'exploitation afférents aux services de cartes de crédit correspondent sensiblement, en terme de proportion des revenus, à ceux des autres services financiers offerts par les banques. La rémunération hors de contrôle des hauts gradés des banques Nous allons démontrer au cours des deux prochaines sections que le système de rémunération et les véritables fortunes encaissées par la haute direction des banques sont liés aux profits et qu'en conséquence la hausse de productivité et les économies dues à l'intégration de la technologie ne seront jamais partagées volontairement avec les employés, première cause de ces profits. Un autre paradoxe des dernières années est celui de la hausse mirobolante de la rémunération des dirigeants des banques qui oscille entre un et deux millions mais qui est multiplié par des avantages comme les options d'achat d'actions et les plantureux régimes de retraite. Des hausses qui contrastent avec les maigres augmentations ou même les baisses subies par de nombreux travailleurs canadiens. Le salaire moyen des Canadiens atteignait 35 861$ par année en 1994. En fait, l'ensemble des travailleurs canadiens avaient obtenu 2,05% d'augmentation de salaire en moyenne en 1994 et 1,2% en 1995. Statistique Canada rapporte que leur salaire a augmenté d'un gros 2,1 % en 1996. On nous dit que l'économie est mal en point et qu'il faut créer de la richesse avant de la distribuer. Cela n'a pas empêché les salaires des chefs de direction canadiens d'augmenter de 32% entre 1993 et 1996. Cinquante d'entre eux ont fait entre 1,6 et 19 millions $ en 1996. Les primes de direction ont augmenté de 61 % pendant que le salaire moyen des travailleurs voyageait dans les hauteurs de 586 $ par semaine. La rémunération des haut dirigeants américains a augmenté de 54 % en 1996, les bénéfices de 11 % et les indices boursiers de 23 %. La moyenne américaine des salaires des haut gradés est maintenant de 5,78 millions de dollars, 209 fois la paie d'un ouvrier d'usine. Les généreux régimes d'options d'achat d'actions dont bénéficient les cadres sont destinés à faire régner la loi d'airain des profits et font d'eux

les champions des mises à pieds. Alors qu'en 1995, les salaires des travailleurs augmentaient de quelque 2 %, ceux de la classe argentière augmentaient parfois de plus de 100%. Les rémunérations annuelles des banquiers excède de 10 fois celui d'un premier ministre dont les décisions sont beaucoup plus complexes et risquées, touchant des millions de personnes. Nous verrons que les banquiers ne sont pas des entrepreneurs prenant un risque personnel. Leur entreprise oeuvre d'ailleurs dans un milieu protégé. L'Institut des banquiers canadiens prétend que ces hausses sont justifiées et qu'elles sont nécessaires pour obtenir les services d'administrateurs chevronnés dans un monde de concurrence. Selon Roland Giguère, président du comité des ressources humaines de la Nationale, de tels salaires sont normaux et répondent aux exigences du marché. On compare avec la rémunération d'autres chefs d'entreprises comme un Laurent Beaudoin sans mentionner que ces autres salaires mirobolants sont tout aussi scandaleux. Le salaire d'un bon nombre de banquiers dépassait de 27 à 55 fois ce salaire moyen. En 1996, leur rémunération, composée uniquement de leur salaire et de leur boni annuel, dépassait de 27 à 65 fois la rémunération moyenne de leurs employés. Peut-on oser prétendre que la contribution d'un chef de direction à la réussite de l'entreprise dépasse, au-delà de 50 fois, celle de ses employés? Déjà très considérable en 1993, la rémunération des dirigeants des banques canadiennes a subi depuis des augmentations sans précédent. La rémunération des chefs de direction des six grandes banques a dépassé le million de dollars en 1994 et en 1995. En fait, trois d'entre eux ont même touché un montant dépassant les deux millions; il s'agit des hauts gradés de la Royale, de la de Montréal et de la Toronto-Dominion. À la Toronto-Dominion, la profusion envers les hauts gradés a permis un salaire de 2 630 000 millions $ à Richard Thomson en 1994 une augmentation de 184% par rapport à 1993, non suffisante toutefois, car son salaire a été porté à 3 150 000$ en 1995 (incluant les options d'achat d'actions qu'il a exercées). Une petite hausse de seulement 19,8% en 1995, un véritable affront. C'est toutefois mieux que de recevoir son livret d'assurance-"emploi", sort subi par beaucoup de travailleurs du monde bancaire. À la de Montréal, on a versé 3,86 millions$ en 1996 (incluant les options d'achat d'actions qu'il a exercées) et 2,5 millions$ en 1995 au très britannique Matthew Barrett. Rappelons toutefois qu'au 31 octobre 1995, Barrett détenait 669 000 options d'achat d'actions non exercées pour une valeur de 4 508 500$. En 1996, la valeur des actions de la de Montréal s'est appréciée à un point tel que la plusvalue enregistrée en 1996, seulement pour ces options, a été de 10,4 millions $. La haute direction s'est aussi accordée des largesses au chapitre de ses "émoluments" ; toujours à la de Montréal, 1 524 867$ millions$ au chef de l'exploitation F.A. Comper, 1 096 798$ au VP du conseil J.S. Ghislom, 1,4 million$ en 1995 et 1,9 millions $ en 1996 pour le chef de la direction de la Harris Bankcorp A.G. Mc Nally et seulement 2,5 $ au VP du conseil B.F. Steck en 1995 suivi de près de 3 millions en 1996. Estce nécessaire de rappeler que la de Montréal a coupé 2000 postes en 1995? J. E. Cleghorn de la Royale collecte 2 280 000 $ en 1995, ainsi que 2 570 775$ en 1996 et continue de congédier lui aussi. Son prédécesseur AllanTaylor avait encaissé 2 740 000$ en 1994 et 1 287 93$ en 1993. La Royale, première en importance au pays en termes d'actif, a doublé le salaire d'allan Taylor en 1994, rejoignant ainsi les salaires payés à la de Montréal et à la CIBC. P. Godsoe de la Nova Scotia recevait quant à lui une augmentation de 103,6% en 1994 pour atteindre une rémunération de 1 670 000 $. En 95 et 96, il était gratifié respectivement d'un montant de 1,9 et 2,15 millions. À la CIBC, Al Flood remarque à peine que les travailleurs subissent les effets d'une récession entretenue par les hauts taux d'intérêt car il empoche 1 854 022$ contre 1659 175$ en 1994 ; parent pauvre de Bay Street, il ne reçoit qu'une maigre pourcentage d'augmentation de 11,7% qui, appliqué à des chiffres excédant le

million, reste bien sûr respectable. Il faut dire que c'est cinq fois la moyenne canadienne. Pour rattraper le temps perdu, la CIBC lui a accordé en 1996 une timide augmentation de 40,9%, en fixant sa rémunération à 2 611 944$. André Bérard de la Nationale encaisse 1 334 336 $, ses compagnons de fortune, Jean Turmel et Léon Courville empochent 957 532$ et 797 533 $. Le ministre Chevrette reprochait à l'hydro-québec d'entretenir une structure trop lourde avec 34 vice-présidents; la Nationale en a 76. Le dégraissage a plutôt tendance à s'appliquer à des employés plus modestes. Au niveau de la haute direction c'est de la bonne graisse en habit rayé. Les options d'achat d'actions et la logique de la maximisation des profits Le capitalisme pense avoir trouvé dans le profit le mécanisme idéal de signalisation de l'usage optimal des ressources. Le propriétaire encaissant le profit a intérêt à cette optimalité. Avec l'anonymat croissant du capital et le divorce entre la propriété et la gestion, les propriétaires se sont effacés au bénéfice des managers. Ceux-ci ont évidemment intérêt à maximiser leur revenu personnel devant l'affaiblissement des moyens de contrôle des propriétaires. L'actionnariat capitaliste doit donc s'acharner à faire en sorte que le manager ait intérêt à maximiser la valeur des actions via la maximisation du profit. Comment mieux associer l'intérêt des cadres à ceux des actionnaires sinon en faisant d'eux des actionnaires, en leur accordant des options d'achat d'actions qui les inciteront à maximiser la valeur des actions. Par exemple, Laurent Beaudoin de Bombardier a réalisé 19,1 millions en salaire en 1996 dont 17,5 millions en options d'achat d'actions. Mais c'est sans compter qu'il a en réserve 41 millions $ de plus en options d'achat d'actions non exercées. Bellini de Biochem a fait 10 millions en 1996 en salaire, mais il a pour 35 millions $ d'options non exercées en poche. Bryan de Gulf Canada en a pour 13 millions, Peter Munk en a pour 65 millions en tant qu'administrateur de Barrick Gold et 14 millions en tant qu'administrateur de Trizechahn, Frank Hasenfratz de Linamar Corp. en a pour 28 millions, etc., etc. On pourrait continuer longtemps ainsi la valse des millions. Ce phénomène explique pourquoi les mises à pied sont considérées comme du dégraissage. Ces haut gradés attendent que le cours des actions monte pour pouvoir empocher des fortunes et il ne faut pas que ça traîne. Leur système de rémunération fait que le sort des employés ne pèse pas lourd dans la course à la maximisation du profit à court terme. Aux États-Unis, 81 % des conseils d'administration qui devraient représenter les actionnaires sont sous le contrôle des gestionnaires " salariés " qui décident donc eux-mêmes de leur rémunération. Les actionnaires y trouveraient leur compte : une étude américaine auprès de 105 grandes sociétés faite par Watson Wyatt Worldwide, démontre que plus les gestionnaires détiennent d'actions dans la compagnie, plus le rendement des actionnaires est élevé. C'est ce jeu des options d'achat d'actions que les grandes sociétés comme les banques pratiquent à outrance. Nous avons fait le calcul, la rémunération moyenne des p.d.-g. des grandes banques excèdent dix millions de dollars en 1996. La saga de M. Michaud face aux banques démontre, une fois de plus, l'arrogance et l'invulnérabilité de cette classe sociale montante que forment les haut gestionnaires. Les salaires dont nous avons parlé à la section précédente ne tiennent pas compte du fait que les chefs de direction des banques se voient octroyés des milliers d'options d'achat d'actions. Ces options sont généralement émises pour l'acquisition des actions à la valeur marchande telle qu'observée à la date d'attribution. Le bénéficiaire peut se porter acquéreur du nombre d'actions spécifié dans l'option à