Le risque inondation : diagnostic et prévention Freddy Vinet Professeur de géographie à l université de Montpellier freddy.vinet@univ-montp3.fr Support de cours F. Vinet école des Ponts
Une analyse intégrée du risque
Quelques rappels sémantiques Le risque comme la probabilité d un endommagement brutal et massif L aléa Les enjeux et leur vulnérabilité L exposition : coïncidence spatio-temporelle entre l aléa et les enjeux Rééquilibrage dans l approche de l évaluation et de la gestion des risques
L aléa inondation
Le corpus sémantique 2.1-l aléa : la composante naturelle du risque
1.1- Les types de crue et d inondation La différence crue inondation Crue : augmentation plus ou moins brutale et massive du débit (et du niveau) d un cours d eau = notion hydrologique Inondation : recouvrement par l eau d espaces habituellement exondés = notion géographique Pour simplifier, l inondation est la déclinaison spatiale de la crue.
typologie génético-descriptive des inondations Cause principale Causes secondaires Manifestation Principales zones exposées exemple Pluies intenses Pente forte Crue torrentielle Collines ou montagnes sous climat tropical, continental ou méditerranéen Big Thompson floods (Colorado) 31 juillet 1976 Pluies peu intenses Fonte nivale Remontée de nappe Inondation lente (cumulatives) Inondation de plaine (Seine en 1910), Remontée de nappe (Somme en 2001) Inondations d'origine météorologiques directes Fonte glaciaire Rupture de bouchon de glace Débâcle Sibérie, Canada, Alaska Fleuves sibériens au printemps Fonte nivale Montagnes tempérées. Zones continentales des latitudes moyennes Crues du Rhône Tempête Basses pressions atmosphériques. Rupture de cordon littoral Marée de tempête Littoraux de la zone tropicale Cyclone, acqua alta à Venise Inondations d'origine météorologiques indirecte Rupture lac glaciaire Fonte ou écroulement de glacier Crue brutale Montagnes tempérées et subpolaires Alpes Eruption volcanique Fonte glaciaire Fonte de neige ou de glace, lahar Pourtour du Pacifique, Volcans de la zone froide (Islande) Jokullhaup en Islande en 1996, Nevado del Ruiz (Colombie) en 1986 Inondations d'origine non météorologique Séisme, éruption volcanique ou glissement de terrain sousmarin Tsunami Pourtour du Pacifique Océan indien 26/12/2004 Glissement de terrain Fortes précipitations Rupture de barrage naturel Océan Indien Josefina (Equateur, 1993) Inondations d'origine anthropique (risque technologique) Rupture de digue Crue fluviale Submersion des zones basses Plaines fluviales ou littorales Rupture de barrage Séisme, fortes précipitations, glissement de terrain Inondations nouvelle-orléans août 2005 Onde de submersion à l'aval Fréjus, 1959 F. Vinet, 2007
Type d'inondation Inondation en zone urbaine et périurbaine Crue torrentielle Inondation par submersion marine Caractéristiques Due à des pluies locales de forte intensité. Petits bassins versants. Montée des eaux très rapide, pratiquement concomitante du pic pluviométrique, renforcée en zone urbaine par la présence de surfaces imperméabilisées. Bassins versants de taille moyenne (100 à 1000 km 2 ) des secteurs collinaires. Pente forte. Vitesse de l'eau >.s -1. Propagation de l onde de crue entre 5 et.h -1 Provoquée par des invasions de la mer lors des tempêtes après rupture du cordon littoral et surcote marine Conséquences Dégâts locaux graves. Décès possibles. Prévision difficile. Peu de connaissance de l aléa. Vigilance nécessaire Fort potentiel destructeur renforcé par les ruptures d'embâcle et la charge du cours d'eau (flottants et sédiments). décès potentiels. La prévision est possible sur les bassins versants supérieurs à 500 km 2. Souvent concomitantes des inondations de plaines, elles sont un facteur aggravant de ces dernières en empêchant l évacuation des cours d eau vers la mer Prévisibilit é Très difficile difficile difficile Secteurs concernés Bab el Oued, Alger Novembre 2001 Nîmes, octobre 1988 Big Thompson floods () 31 juillet 1976 Biescas (Espagne), 1996 Crues du Gard, 2002 Pays-bas 1953 Lagune de Venise Xynthia 2010 Les crues par remontée de nappe Montée des eaux très lentes (1 à 10 cm/jr) Crues conditionnées par la géologie Durées de submersions longues (plusieurs mois parfois) (souvent associées à des inondations de plaine) Pas de victime Dommages structurels au bâti Dommages à la voirie et à l agriculture aisée La Somme 2001 Inondation de plaine Partie basse des bassins versants. Faible pente. Ecoulement et montée de l'eau lents sauf rupture d'ouvrage. Durée de submersion parfois longue (plusieurs jours). Vastes zones inondées Peu de victimes. Dommages économiques élevés à cause de l étendue des zones touchées. Facteur aggravant : les rupture d'ouvrage (digues) aisée Cours d eau des régions à pluviométrie peu intense et faibles pentes Crues de la Tamise, Loire, Seine 1910
1.2- les inondations en France et dans le monde
Les catastrophes naturelles dans le monde en 2008 (d après Munich ré)
L augmentation des dommages liés aux risques naturels Les décès liées aux inondations dans le monde (CRED)
Munich Re
Communes à risque en France Nature du risque Total Inondation 14169 Mouvement de terrain 6908 Séisme 5359 Avalanche 543 Cyclone/Tempête 181 Volcan 50 Feux forêt 5361
Les arrêtés Cat-Nat inondation en France de 1984 à 2008
Inondations marquantes en France Mars 1930 : inondations dans le sud-ouest de la France : > 200 morts 1988 : Nîmes (11 morts) 1992-1993-1994 : inondations dans le sud de la France (Vaison + Rhône) > 60 morts Nov. 1999 : inondations Aude : 35 morts 2001 : Somme 2002 : Gard : 23 morts 2003 : Rhône : 9 morts 2010 : Xynthia 47 morts dont 41 dus à submersion marine. Var 15 juin 26 morts Tous les ans : incendies de forêt particulièrement 1986 et 2003
Les arrêtés cat nat en France (janvier-avril)
Les arrêtés cat nat en France (mai-août)
Les arrêtés cat nat en France (sept-déc.)
Débit (m3/s) 1.3- l aléa inondation : Modélisation hydraulique : Hérault à Ganges Courbe de tarage Date Hauteur (m) Débit (m3/s) 10-janv-70 6.24 555 15-oct-69 4.78 330 20-déc-69 4.3 315 05-déc-69 3.87 249 09-sept-02 3.1 128 15-nov-69 2.73 111 16-janv-75 2.75 107 05-mai-88 2.16 69.6 25-févr-86 1.82 43 10-avr-87 1.71 41 14-mai-85 1.43 26.4 29-janv-85 1.39 24.4 1400 1200 1000 800 600 400 Courbe de tarage Diren Jaugeages 200 0 0 2 4 6 8 10 12 Hauteur (m)
Echelle de risque sur l Hérault
Période de retour Echelle de risque sur l Hérault
Débit (m3/s) Les crues à Sommières Courbe hauteur - débit au PONT ROMAIN DE SOMMIERES (PM 63510) 2800 2700 2600 Jaugeage 2500 Etude BRLi 2002 2400 2300 Etude BRLi 1994 2200 2100 2000 1900 1800 1700 1600 1500 1400 1300 1200 1100 1000 900 800 700 600 500 400 300 200 100 0 0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0 1.2 1.4 1.6 1.8 2.0 2.2 2.4 2.6 2.8 3.0 3.2 3.4 3.6 3.8 4.0 4.2 4.4 4.6 4.8 5.0 5.2 5.4 5.6 5.8 6.0 6.2 6.4 6.6 6.8 7.0 7.2 7.4 7.6 7.8 Hauteur à l'échelle (m) / Z0 = 20.97 NGF
Fiche PHE d après laisses de crue et repère de crue Echelle de crue à Quissac (30)
Intégration des données historiques
Évolution Historique De la section mouillée
Objectif final = modélisation Déduire un espace inondé à partir des données de crues Reconstitution de la cinématique des crues = exemple Meuse
L approche hydrogéomorphologique Une approche complémentaire des méthodes hydrauliciennes et hydrologiques Intérêt : faible coût, utilisation pour la gestion du cours d eau, approche naturaliste, visuelle, bonne appropriation des gestionnaires de cours d eau. Donne une enveloppe maximale des inondations possibles Limites : Impraticable dans certains contextes (basses plaines) Ne donne pas de fréquence Conception fixiste (héritages et évolution holocène des lits)
La démarche hydrogéomorphologique cherche à reconstituer la dynamique de l hydrosystème afin de déterminer les degrés d inondabilité de la vallée Elle est aussi utilisée pour la gestion des cours d eau Elle suit la démarche d investigation en géographie physique : - Définition des objectifs, problématique - Observations - Hypothèses - Arguments (topographiques, sédimentaires, géomorphologiques, paysagers ) - Conclusions
Bassin de la Berre
Ripisylve bordant le lit mineur Limite de L encaissant
Fonctionnement hydrogéomorphologique d un méandre de la Berre
Fonctionnement hydrogéomorphologique d un méandre de la Berre
Avant l inondation : reconstituer la dynamique de l hydrosystème Photographies aériennes IR 1999
Zone d épandage d alluvions grossières
Destruction des cultures du lit majeur
Conclusion sur hydrogéomorphologie Intérêt : faible coût, utilisation pour la gestion du cours d eau, approche naturaliste, visuelle, bonne appropriation par gestionnaires de cours d eau. Donne une enveloppe maximale des inondations possibles Pallie le manque de données hydro sur certains bassins Limites : Impraticable dans certains contextes (basses plaines) Ne donne pas de fréquence Conception fixiste (héritages et évolution holocène des lits) Complémentaire des approches hydrauliques et hydrologiques classiques
1.4- la notion de scénario hydrologique
La notion de scénario d aléa Les éléments du scénario - intensité (vitesse, hauteur, débit, intensité de précipitation) - fréquence - durée - périodicité ou sa saisonnalité (saison «à risque») - extension spatiale - Propagation amont-aval - rôle des ouvrages (digues, barrages) - liaison spatio-temporelle entre scénario pluviométrique scénario hydrologique - état initial du BV /
Partie supérieure (Gard/Cévennes) Partie moyenne (Causses calcaires) Partie inférieure (plaine de l Hérault) Basses plaines
Les crues de l Hérault dans les Gorges La crue de décembre 2003 à la Clamouse (G. Ferry, 2005)
Les crues de l Hérault dans les Gorges La crue de décembre 2003 au Pont du Diable
Partie supérieure (Gard/Cévennes) Partie moyenne (Causses calcaires) Partie inférieure (plaine de l Hérault) Basses plaines
Dans les scénarios, la notion d isochrone temps de propagation
Les crues dans l Hérault et le Gard septembre 2005
Les épisodes pluvieux des 6 et 8 septembre 2005 en Languedoc-Roussil Scénario hydrométéorologique crues torrentielles radar
Le Vistre à la station de Vauvert - Le pas de temps - Le zéro et le niveau de base - Corrélation pluie - débit - Les pluies sur le BV
La rétention d eau dans les bassins : Karst et formations superficielles
Conclusion sur l aléa inondation - complémentarité des méthodes d évaluation - marge d incertitude - diversité des scénarios - nécessité d avoir des réponses de gestion adaptées à chaque type d inondation La crue en soi n est pas une catastrophe L ampleur des dommages est dictée par la présence d enjeux vulnérables