Séminaire de lames. Tumeurs neuroendocrines



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F JABNOUN, H BERMENT, R KHAYAT, M MOHALLEM, Y BARUKH, P CHEREL Institut Curie Hôpital René Huguenin, Saint Cloud JFR 2010

Transcription:

39es Assises de Pathologie - 2016 ACADEMIE INTERNATIONALE DE PATHOLOGIE Division Française Séminaire de lames Tumeurs neuroendocrines Coordinateur : Serge Guyétant (Tours) Orateurs : A Couvelard (Paris), G Fromont (Tours), S Guyétant (Tours), E Leteurtre (Lille), JY Scoazec (Villejuif), Résumés des 8 cas NB : les textes détaillés des divers exposés (avec iconographie et bibliographie) seront publiés dans le Bulletin de l'aip n 63 (juin 2016) Tours, 27 mai 2016

2 Cas n 1 Anne Couvelard (CHU Paris-Bichat) Homme de 53 ans. En 2013, glucagonome pancréatique diagnostiqué et traité par pancréatectomie gauche : pt3 N1 R0 G2 (8%). Progression lente des métastases hépatiques métachrones malgré un traitement par Somatuline LP. Plusieurs tumorectomies hépatiques ont été réalisées en 2016 (lobe gauche et segments III et IV). Lame à examiner : nodule de 3 x 2 cm. Description du cas présenté - Arguments du diagnostic Sur la lame scannée, il existe, au sein du parenchyme hépatique, un nodule tumoral bien limité correspondant à une tumeur neuroendocrine faite de cellules de taille moyenne, assez régulières entre elles. L architecture est trabéculaire ou, par place, plus massive avec une arborescence de capillaires fins anastomosés. Les cellules expriment diffusément et fortement la chromogranine A et la synaptophysine et plus focalement le glucagon. Il n y a pas de nécrose. Des mitoses sont visibles (12 pour 10 champs à l objectif x40). L expression du Ki67 (clone MIB1) est forte et hétérogène : dans certains secteurs, 15% des cellules tumorales sont marquées ; ailleurs, jusqu à 60% des cellules tumorales sont marquées (calcul réalisé sur 1000 cellules). Sur le plan morphologique, la tumeur neuroendocrine est bien différenciée. Selon les critères de la classification OMS 2010 des tumeurs digestives, elle est à considérer comme de grade 3 (par définition : plus de 20% de cellules positives avec le Ki67 dans les secteurs de plus fort marquage et/ou plus de 20 mitoses pour 10 champs à l objectif x40, comptées sur 50 champs représentant 10 mm²). Il s agit bien de la métastase hépatique du glucagonome connu. Il persiste une sécrétion hormonale détectée en immunohistochimie mais actuellement sans syndrome fonctionnel. La récidive tumorale s est ici accompagnée d une progression de l agressivité tumorale, sur le plan pathologique (passage d un grade G2 à un grade G3) et clinique (progression des métastases à l imagerie). Métastase hépatique d une tumeur neuroendocrine bien différenciée, de grade 3 (G3). ADICAP : OHFFSMZ0 Discussion Les tumeurs neuroendocrines digestives forment un large spectre d agressivité rendant compte de leur pronostic extrêmement varié. Les principaux facteurs de mauvais pronostic sont le caractère peu différencié de la tumeur, le grade histologique élevé (forte prolifération cellulaire) et, bien sûr, le stade (métastatique) de la maladie. Le grade tumoral est un critère très important. Ce système en 3 grades (G1, G2, G3), décrit dans la classification OMS 2010 des TNE digestives (Bosman F, OMS 2010), dépend de l index mitotique (< 2 mitoses/10 champs pour G1 ; 2-20 mitoses pour G2 ; > 20 mitoses pour G3) ou de l index de prolifération évalué par l immunodétection du Ki67 (G1 : 2 % ; G2 : 3-20 % ; G3 : > 20%). La classification OMS 2010 implique que les tumeurs de grade G3 sont des carcinomes, décrits comme peu différenciés, à grandes ou à petites cellules. Pourtant, un sous-groupe de tumeurs à fort indice de prolifération, de grade G3 et morphologiquement bien différencié est maintenant reconnu (Vélayoudom-Cephise, 2013 ; Basturk, 2015 ; Tang, 2015 ; Heetfeld, 2015). Ce sous-groupe n est pas inclus dans la classification OMS 2010 et il est encore difficile à identifier (on peut proposer le terme de «tumeur neuroendocrine bien différenciée de grade G3»). On ne sait pas encore si les tumeurs bien différenciées de haut grade (G3) représentent une entité à part, à l instar des carcinomes peu différenciés ou si elles correspondent à une forme évoluée du spectre des tumeurs bien différenciées. Cependant, depuis peu, ont été décrites quelques observations de tumeurs initialement de bas grade devenant au cours du temps, lors d une récidive ou d une métastase, rapidement progressives en passant d un grade G1/G2 à un grade G3. C est ce qui a été observé dans notre cas. Les anomalies moléculaires qui conduisent à cette progression sont encore inconnues et aucun facteur prédictif de cette évolution n est actuellement disponible. Une nouvelle classification OMS des tumeurs neuroendocrines pancréatiques va être proposée en 2016. Il est probable qu elle prendra en compte les insuffisances de la classification OMS 2010 pour classer certaines tumeurs de pronostic intermédiaire et proposera un sous-groupe de TNE bien différenciées de grade G3. En effet, ces tumeurs sont importantes à individualiser car souvent de meilleur pronostic que les carcinomes neuroendocrines à grandes ou petites cellules. Elles n auraient pas le même taux de réponse à la chimiothérapie que les carcinomes peu différenciés.

3 Cas n 2 Emmanuelle Leteurtre (CHRU Lille) Patiente de 50 ans qui présentait une lésion hépatique hypervasculaire en IRM, sans les caractéristiques d une tumeur hépatocytaire. L octréoscan était négatif. Localisation hépatique d une tumeur neuroendocrine bien différenciée de grade G1 selon l OMS 2010. ADICAP : PHFFS7Z0 Commentaires Les tumeurs/carcinomes neuroendocrines dans leur ensemble peuvent être à l origine de métastases viscérales, en particulier hépatiques. La question de la recherche de l origine de la tumeur primitive se pose lorsque la lésion métastatique est inaugurale, en pratique en particulier devant la découverte d une métastase hépatique. Cette question est surtout posée lorsqu il s agit d une métastase de tumeur neuroendocrine bien différenciée, les carcinomes neuroendocrines peu différenciés étant de mauvais pronostic et requérant un traitement spécifique quelle que soit leur origine primitive. Sur la base des données épidémiologiques, d incidence et de proportion de formes métastatiques, la découverte d une métastase hépatique isolée devra faire rechercher en priorité une origine primitive digestive ou pancréatique. La distinction d une origine primitive digestive ou pancréatique est importante sur le plan pronostique, une tumeur neuroendocrine métastatique d origine pancréatique étant de plus mauvais pronostic qu une tumeur d origine primitive digestive. Devant une métastase de tumeur neuroendocrine en microscopie conventionnelle, la présence d un stroma amyloïde met sur la piste d un insulinome pancréatique, la présence de calcosphérites (psammome) sur la piste d un somatostatinome duodénal. Certains marqueurs immunohistochimiques peuvent apporter des arguments supplémentaires. Aucun d entre eux ne présente cependant une spécificité absolue de telle ou telle origine primitive. L expression immunohistochimique de sérotonine, d insuline, de gastrine, de glucagon, de somatostatine, de polypeptide pancréatique ou de VIP par les cellules tumorales est en faveur respectivement d une tumeur de l intestin moyen notamment iléale, d un insulinome pancréatique, d un gastrinome duodénal ou pancréatique, d un glucagonome pancréatique, d un somatostatinome duodénal, d une tumeur pancréatique exprimant le polypeptide pancréatique ou d un VIPome du pancréas. Aucune de ces hormones n est cependant totalement spécifique de telle ou telle tumeur neuroendocrine. L expression ectopique d hormones dans les tumeurs endocrines est possible, comme par exemple l expression de sérotonine ou de calcitonine par une tumeur pancréatique. Au-delà de l expression immunohistochimique des hormones précédemment citées, l expression de facteurs de transcription impliqués dans la différenciation tissu-spécifique des cellules endocrines peut être utile. L expression forte de CDX2 par les cellules tumorales au sein d une métastase neuroendocrine bien différenciée est en faveur une origine intestinale (appendice, iléon). Une expression faible de CDX2 est décrite non seulement dans des tumeurs neuroendocrines intestinales mais aussi dans des tumeurs neuroendocrines pancréatiques. L étude de l expression de CDX2 n a pas d intérêt pour orienter la recherche de l origine primitive lorsqu il s agit d un carcinome neuroendocrine peu différencié, le CDX2 pouvant être détecté dans 39% de ces carcinomes quelle que soit leur origine. Lorsqu une tumeur neuroendocrine est bien différenciée, une expression tumorale de TTF1 est en faveur d une origine pulmonaire ou d un cancer médullaire de la thyroïde. Par contre, lorsqu un carcinome neuroendocrine est peu différencié, le TTF1 peut être exprimé qu il s agisse d une origine primitive pulmonaire ou d une autre origine. L expression de l Isl1 (Islet 1), de PDX1 et de PAX8 est décrite principalement pour des tumeurs endocrines pancréatiques bien différenciées mais peut également être observée au sein de tumeurs endocrines bien différenciées pulmonaire ou intestinales, en particulier duodénales ou rectales. En présence d une métastase de phénotype endocrine, il faut également connaître l éventualité d une métastase d un adénocarcinome conventionnel, dont le phénotype peut se trouver modifié au cours du processus métastatique et après application de traitements radio-chimiothérapiques. En conclusion, lorsque la question de l origine primitive d une tumeur/carcinome neuroendocrine est posée, la recherche doit s appuyer sur les données épidémiologiques, cliniques, d imagerie, biologiques et sur les caractéristiques anatomopathologiques de la métastase. Le rôle du pathologiste est alors d intégrer les arguments dont il dispose tant sur le plan de la morphologie conventionnelle que sur les résultats d une étude immunohistochimique complémentaire. Dans plus de 90% des cas, cette recherche multidisciplinaire permettra l identification de l origine primitive d une tumeur neuroendocrine métastatique.

4 Cas n 3 Emmanuelle Leteurtre (CHRU Lille) Homme de 66 ans qui présentait des rectorragies. L endoscopie a individualisé une tumeur sigmoïdienne ulcérée, située à 25 cm de la marge anale. Le foie était bosselé, dysmorphique avec une plage hyperdense vascularisée du segment IV mesurant 57 mm sur un scanner abdominal. Carcinome mixte adéno-neuroendocrine (MANEC). ADICAP : OHDCS7W4 Commentaires Le concept de tumeur mixte comporte de nombreux exemples rattachés aux tumeurs endocrines. Dans le spectre des tumeurs/carcinomes endocrines, pour différents organes, il existe des tumeurs avec plusieurs contingents tumoraux, l un endocrine et l autre exocrine. Ces deux contingents sont associés l un à l autre en proportion extrêmement variable (1 à 99%). Le contingent endocrine peut ainsi être représenté par de rares cellules endocrines dispersées au sein d une tumeur exocrine, identifiées uniquement par l utilisation de techniques immunohistochimiques, ou bien par un secteur tumoral bien identifié sur la coloration standard en raison de ses caractéristiques architecturales et cellulaires de type endocrine. Le terme de cancer mixte, synonyme de cancer combiné ou composite, est actuellement remplacé par celui de carcinome mixte adéno-neuroendocrine (MANEC), défini par la présence de deux contingent tumoraux (l un endocrine et l autre exocrine) représentant chacun au moins 30% de l ensemble de la tumeur. Au-delà du carcinome mixte adéno-neuroendocrine, il existe des tumeurs de collision et des tumeurs amphicrines. Les tumeurs de collision sont ainsi dénommées lorsqu on observe deux tumeurs majoritairement distinctes l une de l autre, qui s entremêlent en un point focal. Les tumeurs amphicrines correspondent à des tumeurs pour lesquelles la double différenciation endocrine et exocrine est présente à l échelon cellulaire, par exemple lorsque les cellules tumorales comportent individuellement dans leur cytoplasme des vacuoles de mucosécrétion et des granules sécrétoires neuroendocrines. Alors que le terme de carcinome mixte adéno-neuroendocrine (MANEC) oriente vers un contingent exocrine de type adénocarcinomateux, il existe des exemples de cancer mixte endocrine-non endocrine pour lesquels le contingent exocrine est de nature épidermoïde, urothéliale, folliculaire (= vésiculaire) thyroïdienne, mélanique ou acineuse. D autre part, certaines tumeurs mixtes comportant deux contingents endocrine et exocrine de faible degré de malignité ou de nature adénomateuse dysplasique sont dénommées tumeur mixte adéno-neuroendocrine (MANET). La plupart des travaux réalisés, par analyse de perte d hétérozygotie, analyse mutationnelle ou de clonalité, sont en faveur d une origine commune pour les différents contingents endocrine et non-endocrine des tumeurs mixtes. Le pronostic des tumeurs/cancers mixtes dépend du pronostic propre de chaque contingent. Le contingent exocrine détermine le pronostic d un cancer mixte dont le contingent endocrine est bien différencié. Le contingent endocrine détermine le pronostic d un cancer mixte dont le contingent endocrine est peu différencié. La démarche pour identifier un contingent endocrine au sein d un carcinome suit celle qui permet d identifier une prolifération tumorale endocrine conventionnelle. L identification d un carcinome mixte se base ainsi avant tout sur la morphologie conventionnelle en identifiant un secteur tumoral avec caractéristiques architecturales/cytologiques d un contingent endocrine. Cette identification est alors confirmée par l expression immunohistochimique de deux marqueurs endocrines. En pratique diagnostique quotidienne, trois marqueurs sont utilisés : en priorité la chromogranine A qui est la plus spécifique, en second lieu la synaptophysine et/ou le CD56 qui sont moins spécifiques mais plus sensibles que la chromogranine A. L expression des deux marqueurs doit être nette au sein du contingent identifié comme endocrine sur la coloration standard. La chomogranine A est souvent négative au sein de tumeur endocrine rectale et au sein de carcinomes endocrines peu différenciés. Cette démarche est importante pour ne pas identifier à tort comme étant endocrine une prolifération tumorale d une autre nature. Une tumeur solide pseudopapillaire et kystique du pancréas peut exprimer faiblement la synaptophysine et le CD56 et sera identifiée spécifiquement par l expression nucléaire de la bêta-caténine. Un carcinome à cellules acineuses du pancréas peut exprimer en partie la synaptophysine et sera identifié spécifiquement par l expression nette de bcl-10. Certains adénocarcinomes conventionnels peu différenciés du colon et certains carcinomes médullaires du colon peuvent présenter une expression immunohistochimique focale de la chromogranine A et de la synaptophysine.

5 Cas n 4 Jean-Yves Scoazec (Institut Gustave Roussy, Villejuif) Femme de 77 ans avec de nombreux antécédents : obésité, hypertension artérielle, cholécystectomie, annexectomie droite, intervention pour hernie hiatale et éventration sur cicatrice abdominale. Depuis 15 jours, vomissements, diarrhée, douleurs abdominales intenses. Scanner : nodule de 3 cm du mésentère en regard de la partie terminale de l iléon, d aspect inflammatoire. Intervention sous cœlioscopie avec conversion en laparotomie : résection du nodule qui est isolé dans le mésentère, sans connexion avec la paroi intestinale. Aucune autre anomalie vue ou palpée en dehors d un nodule de quelques millimètres découvert dans la paroi de l iléon, ce qui a motivé une résection segmentaire de l intestin grêle. A l examen macroscopique, la lésion mésentérique se présente comme un nodule bien limité, encapsulé, hémorragique, de 3 cm de diamètre. Il n est pas retrouvé de lésion tumorale à l examen de la résection intestinale, en dehors d un nodule de 7 mm enchâssé dans la paroi, de consistance très ferme et de couleur blanchâtre. La lame scannée concerne le nodule mésentérique. Paragangliome mésentérique. ADICAP : OHDP07A0 Description du cas présenté - Arguments du diagnostic Coloration standard : La lame correspond à une section transversale du nodule selon son plus grand axe. La lésion est bien limitée et complètement encapsulée par une capsule fibreuse épaisse. La prolifération est organisée en nodules juxtaposés, partiellement soulignés par de fines cloisons fibreuses riches en structures vasculaires. La population cellulaire est apparemment monomorphe. Elle est formée de cellules polygonales, cohésives, de taille moyenne. Les cytoplasmes sont particulièrement abondants. Ils sont clairs. Les noyaux sont ovoïdes, relativement réguliers et leur chromatine est fine, mais le plus souvent sans nucléole visible. Les mitoses sont exceptionnelles. Il existe des remaniements hémorragiques, relativement étendus, notamment au centre du nodule, mais il n a pas été observé de foyer de nécrose, ni de cellules apoptotiques en nombre significatif. Immunomarquages : L étude immunohistochimique a montré que les cellules tumorales exprimaient de façon homogène et intense la chromogranine A et la synaptophysine. Compte tenu de l architecture générale de la prolifération et de l aspect des cellules tumorales, d autres marqueurs ont été demandés. Les cytokératines étaient indétectables (anticorps AE1/AE3 et KL1). La protéine S100 et le SOX10 n étaient exprimés que par de très rares cellules dispersées, de morphologie sus-tentaculaire. Il n a pas été observé d expression de CDX2. L index Ki67 a été évalué à 5%. L expression de SDHB était conservée. Données complémentaires : La lésion intestinale, réséquée dans le même temps opératoire (lame non communiquée), s est révélée être une tumeur sclérosante calcifiante d aspect histologique typique. Commentaires - Discussion Les paragangliomes sont des tumeurs d origine neuroectodermique et de distribution ubiquitaire, développées à partir du système nerveux sympathique. Leur aspect général est proche de celui d une tumeur neuroendocrine (TNE) bien différenciée, dont elles représentent l un des diagnostics différentiels les plus habituels. Le diagnostic peut être fortement soupçonné, comme ici, devant l architecture de la prolifération, organisée en nodules juxtaposés, à limites relativement indistinctes, bien que soulignées par de fines cloisons conjonctives riches en vaisseaux : c est le typique aspect en «Zellballen», terme qui est resté consacré par l usage dans toutes les langues L aspect des cellules est également évocateur, avec leur caractère monotone, leur forme polygonale, leur cytoplasme abondant, souvent clair, comme ici. Le diagnostic de certitude est obtenu par l étude immunohistochimique. Le phénotype est caractéristique : les marqueurs neuroendocrines (chromogranine A et synaptophysine) sont présents comme dans les tumeurs neuroendocrines, mais les cytokératines sont indétectables, contrairement à ce qui est observé dans les tumeurs neuroendocrines. Habituellement, l immunodétection de la protéine S100 permet de souligner la présence de cellules sus-tentaculaires à la périphérie des îlots tumoraux. Le SOX10, marqueur neuroectodermique, est également exprimé dans le noyau de ces cellules. Il n est toutefois pas exceptionnel

6 que la population de cellules sus-tentaculaires soit, comme ici, très clairsemée, voire absente. Rappelons également que la présence de cellules sus-tentaculaires n est pas spécifique des paragangliomes et qu elle peut s observer dans certaines tumeurs neuroendocrines, notamment celles de l appendice et des bronches. La localisation mésentérique primitive de ce paragangliome est exceptionnelle, mais connue dans la littérature. Elle est évidemment particulièrement trompeuse compte tenu de la fréquence avec laquelle les tumeurs neuroendocrines de l iléon s accompagnent de métastases mésentériques (d autant qu une petite tumeur avait été palpée dans la paroi intestinale). L intérêt du diagnostic de paragangliome est d éviter un bilan extensif à la recherche d une localisation primitive. Il est également de permettre une éventuelle enquête génétique, même s il est ici peu probable que, compte tenu de l âge de découverte, la patiente présente un syndrome de prédisposition (c est dans ce cadre qu une immunodétection de SDHB a été pratiquée ici). Il faut savoir penser au diagnostic de paragangliome devant une tumeur apparemment neuroendocrine de morphologie bien différenciée mais survenant dans un contexte clinique et/ou une localisation à caractère inhabituel et savoir le confirmer par la démonstration de l absence d expression des cytokératines par les cellules tumorales.

7 Cas n 5 Gaëlle Fromont (CHRU Tours) Homme de 72 ans. Antécédent de prostatectomie radicale en 2009 : adénocarcinome Gleason 7 (3+4), pt3a, marge positive (1 mm, apex). Perdu de vue. En 2015 : scanner pour cancer du côlon (adénocarcinome bien différencié). Récidive tumorale au niveau de l anastomose urétro-prostatique et de la vessie. PSA = 3 ng/ml. Description du cas présenté Coloration standard : La prolifération tumorale est constituée de cellules de taille moyenne à grande, agencées en nappes ou en travées sans différenciation glandulaire. Le marquage nucléaire pour le récepteur aux androgènes (RA) différencie deux populations distinctes, l une avec plus de 90% de cellules positives, l autre totalement négative. Etude immunohistochimique : Les immunomarquages complémentaires confirment la présence de deux contingents tumoraux distincts, le premier étant RA et ERG+ avec des marqueurs neuroendocrines négatifs, correspond à un adénocarcinome acineux de groupe 5 selon l ISUP 2014 (score de Gleason 10). Le second contingent est RA et ERG négatifs avec une positivité diffuse pour la chromogranine et la synaptophysine, et correspond à un carcinome neuroendocrine à grandes cellules. Carcinome prostatique mixte neuroendocrine / acineux : Contingent acineux de haut grade : Groupe 5 selon l ISUP 2014 (score de Gleason 10) et contingent neuroendocrine à grandes cellules suspecté en raison de la négativité totale pour le récepteur aux androgènes. ADICAP : PHHPA7A3 ; PHHPS7S0 Commentaires La différenciation neuroendocrine des cancers de la prostate recouvre des entités diverses correspondant à des situations cliniques variées. Le cas le plus fréquent est l émergence d un phénotype neuroendocrine-like après manipulation hormonale, dans un contexte de cancer prostatique résistant à la castration, chez des patients le plus souvent métastatiques. Cette émergence est due au phénomène de transdifférenciation neuroendocrine avec des cellules qui co-expriment fréquemment le RA et les marqueurs neuroendocrines. Chez notre patient, l absence de traitement hormonal antérieur ainsi que la présence de deux contingents distincts RA+ et RAinfirment cette hypothèse. Il est beaucoup plus rare d observer une différenciation neuroendocrine d emblée dans un cancer de prostate. Dans ce cas, les cellules du contingent neuroendocrines sont RA-. Parmi les tumeurs neuroendocrines d emblée, on distingue les tumeurs neuroendocrines pures (à type de carcinoïde, de carcinomes neuroendocrines à petites ou à grandes cellules) et les cancers présentant à la fois une différenciation prostatique et neuroendocrine. Les tumeurs neuroendocrines pures de la prostate ne présentent pas de particularités par rapport à celles des autres organes. Parmi les tumeurs présentant à la fois une différenciation prostatique et neuroendocrine, on distingue celles avec un mélange des 2 contingents (dont l adénocarcinome prostatique avec différenciation de type Paneth-like, de morphologie bien particulière) de celles dont les 2 contingents sont bien séparés (ce qui est le cas chez notre patient). L absence d expression du RA au niveau du contingent neuroendocrine de ces cancers mixtes a une implication sur la prise en charge thérapeutique.

8 Cas n 6 Anne Couvelard (CHU Paris-Bichat) Femme de 56 ans. Exploration d une anémie. Exérèse par mucosectomie d une lésion muqueuse gastrique de 1 cm de grand axe. Description du cas présenté - Arguments du diagnostic Cette petite pièce de mucosectomie gastrique est infiltrée par une tumeur muqueuse et sous-muqueuse faite de petits massifs de cellules de taille moyenne régulières entre elles, séparées par de minces tractus fibreux contenant des capillaires fins anastomosés. Il n y a pas de nécrose. Il n est pas vu de mitose. Les cellules expriment diffusément et fortement la chromogranine A et la synaptophysine. L expression du Ki67 (clone MIB1) est modérée, atteignant 8% des cellules tumorales dans les zones les plus marquées (calcul réalisé sur 1000 cellules). Il s agit d une tumeur neuroendocrine bien différenciée, de grade G2 selon la classification OMS 2010 des tumeurs neuroendocrines digestives (par définition : entre 3 et 20% de cellules positives avec le Ki67 dans les secteurs de plus fort marquage et/ou entre 2 et 20 mitoses pour 10 champs à l objectif x40, comptées sur 50 champs représentant 10 mm²). La muqueuse gastrique adjacente est altérée, inflammatoire et congestive, régénérative. Il n y a pas d inflammation active, pas d Helicobacter pylori, pas de métaplasie intestinale. Les glandes sont claires sans cellules principales ni pariétales. Il est s agit probablement d une muqueuse antrale (confirmée par le gastroentérologue préleveur). Il est essentiel de vérifier la localisation de la tumeur dans l estomac, et l aspect histologique de la muqueuse à distance, antrale et fundique, prélevés dans deux flacons séparés afin de la classer en type 1 (tumeur neuroendocrine toujours fundique, développée sur gastrite fundique atrophique auto-immune), type 2 (tumeur neuroendocrine toujours fundique, développée sur syndrome de Zollinger-Elisson avec NEM1) ou type 3 (tumeur neuroendocrine sporadique : c est le cas de notre observation). Tumeur neuroendocrine bien différenciée de type 3 (sporadique) antrale de grade G2. ADICAP : OHDES7Z2 Commentaires - Discussion Les tumeurs neuroendocrines gastriques sporadiques (de type 3) représentent 14 à 20% des tumeurs neuroendocrines gastriques (les tumeurs neuroendocrines de type 1 sur maladie de Biermer étant les plus fréquentes : 70-80%). Elles peuvent être localisées partout dans l estomac. Elles sont généralement solitaires et volumineuses (mesurant plus de 1 cm) et souvent de grade G2 voire G3. Leur développement n est pas lié à une hypergastrinémie (contrairement aux tumeurs neuroendocrines de types 1 et 2). Elles sont généralement plus agressives que les tumeurs neuroendocrines de types 1 et 2, donnant souvent des métastases ganglionnaires et hépatiques au moment du diagnostic. Leur résection chirurgicale par gastrectomie avec dissection lymphatique est recommandée (selon leur taille et grade), éventuellement par gastrectomie radicale. Dans notre observation, l exérèse paraissait complète, bien que limite et difficile à analyser (pièce déchiquetée). Des biopsies sur le site de résection n avaient pas trouvé de reliquat tumoral. Compte tenu de la relative petite taille de la tumeur et de l activité proliférative modérée, la patiente a été surveillée et ne présente pas de récidive ni de dissémination tumorale à l imagerie 2 ans après la résection initiale.

9 Cas n 7 Jean-Yves Scoazec (Institut Gustave Roussy, Villejuif) Femme de 37 ans. Antécédents de cystadénome séreux borderline de l ovaire gauche à l âge de 18 ans, traité par annexectomie gauche. Suivi régulier sans suspicion de récidive ou de progression. Consultation en urgence pour syndrome occlusif avec douleurs abdominales intenses et vomissements. Scanner : masse du carrefour iléo-cæcal, épanchement pelvien. Intervention : iléo-colectomie droite. Macroscopie : volumineuse masse tumorale englobant le carrefour iléo-cæcal. L appendice est retrouvé : il est augmenté de volume sur toute sa longueur, sa paroi est épaissie et sa lumière est mal visible. Description du cas présenté - Arguments du diagnostic La lame proposée correspond à une section transversale de l appendice. La paroi est massivement épaissie. L épaississement est concentrique, ce qui entraîne une réduction du calibre de la lumière. Il est dû à un envahissement diffus de la paroi par une prolifération tumorale mal limitée. La population la plus caractéristique est constituée par des cellules «caliciformes» rappelant en fait des cellules en bague à chaton car leur cytoplasme est très abondant, clair et refoule le noyau en périphérie. Ces cellules sont cohésives et forment des îlots ou des travées dispersés dans la paroi appendiculaire. L aspect clarifié de leur cytoplasme est dû à la présence de mucus (PAS+ et bleu Alcian +). Un point important, également très caractéristique, est l absence de stroma associé à la prolifération tumorale qui est directement au contact des structures préexistantes de la paroi appendiculaire et notamment des fibres musculaires de la musculeuse, sans interposition de tissu conjonctif. A cette population très caractéristique, s ajoutent ici des structures d aspect typiquement adénocarcinomateux, d architecture tubuleuse, formées de cellules basophiles à noyau ovoïde hyperchromatique, ayant perdu leur mucosécrétion. Les cellules tumorales mucosécrétantes sont CK7+/CK20+/MUC2+. Il s y ajoute une population exprimant les marqueurs neuroendocrines (chromogranine A et synaptophysine). Ici, cette expression est relativement diffuse, y compris par les cellules mucosécrétantes, voire adénocarcinomateuses. Carcinoïde à cellules caliciformes de l appendice. ADICAP : OHDAS7W2 Discussion Le carcinoïde à cellules caliciformes est une tumeur typique de l appendice. Sa classification reste controversée, entre deux positions contradictoires, celle qui en fait une variété particulière de tumeur mixte exocrine et neuroendocrine et celle qui en fait un authentique adénocarcinome, à exclure du cadre des tumeurs neuroendocrines proprement dit. C est la première position qui a été retenue par l OMS en 2010. La présentation est très différente de celle des tumeurs neuroendocrines typiques de l appendice. Le carcinoïde à cellules caliciformes touche des tranches d âge plus élevées que les tumeurs neuroendocrines et se révèle pratiquement toujours par une complication symptomatique, comme ici. Son aspect macroscopique, caractérisé par un épaississement diffus et mal limité de la paroi, prédominant dans le tiers moyen de l appendice, est typique. L aspect histologique est dominé par la présence de cellules chargées de mucus ou «caliciformes», qui en sont un élément constant et facile à repérer, en raison de leur caractère cohésif et de l absence de stroma associé. Le carcinoïde à cellules caliciformes est cependant très hétérogène et peut également contenir des cellules neuroendocrines (souvent en faible quantité, et d aspect plus réactionnel que tumoral), des cellules de Paneth, des cellules amphicrines, Les caractéristiques moléculaires du carcinoïde à cellules caliciformes rappellent celles d un adénocarcinome intestinal (mutations de KRAS et BRAF, mutations de P53). La principale complication du carcinoïde à cellules caliciformes est la transformation en authentique adénocarcinome. C est cette complication que suggèrent les aspects morphologiques observés dans le cas présenté. Le risque évolutif majeur des adénocarcinomes sur carcinoïde à cellules caliciformes (excarcinoïde à cellules caliciformes) est la dissémination péritonéale, sous forme de carcinose mucineuse ou de carcinose indifférenciée. C est d ailleurs l évolution malheureusement présentée par cette patiente, actuellement traitée pour une carcinose péritonéale diffuse. Le diagnostic de carcinoïde à cellules caliciformes est donc très important, en raison des caractéristiques cliniques et évolutives de cette lésion (très différentes de celles des authentiques tumeurs neuroendocrines appendiculaires) et du risque majeur de dissémination péritonéale qui nécessite, dès que le diagnostic est posé, de réaliser une hémicolectomie droite pour compléter l appendicectomie si nécessaire et, dans tous les cas, une exploration chirurgicale extrêmement soigneuse de la cavité péritonéale, à la recherche du moindre nodule suspect.

10 Cas n 8 Serge Guyétant (CHRU, Tours) Homme de 68 ans. Biopsie-exérèse d une adénopathie crurale gauche. Pas de primitif connu. Description du cas présenté La lame scannée a intéressé un ganglion lymphatique massivement remplacé par un carcinome peu différencié, formant des massifs et des nappes de cellules de taille petite ou moyenne, avec des plages de nécrose. Les cellules présentent des rapports nucléo-cytoplasmiques très élevés, des noyaux modérément chromatiques, ovoïdes ou un peu allongées et de nombreuses mitoses. La possibilité d un carcinome neuroendocrine a été confirmée par l étude immunohistochimique : expression de la chromogranine A, de la synaptophysine et des cytokératines (AE1/AE3). Le TTF1 était négatif. La clé du diagnostic repose sur la mise en évidence d une expression forte de la cytokératine 20 (CK20) avec un marquage «en boule paranucléaire». De plus, on a mis en évidence par PCR l ADN du virus de Merkel dans la tumeur. Après un bilan clinique (notamment dermatologique) et une imagerie (TEP-TDM et scintigraphie à l octréotide), aucune tumeur primitive n a été retrouvée. Métastase ganglionnaire d un carcinome à cellules de Merkel (ou carcinome à cellules de Merkel primitif ganglionnaire). ADICAP : OHSGSMX0 Commentaires Le carcinome à cellules de Merkel est un carcinome neuroendocrine cutané rare et agressif qui survient chez le sujet âgé, dans les zones photoexposées et qui est favorisé par un contexte d immunosuppression. Il n est pas rare que le diagnostic de CCM soit révélé par une métastase ganglionnaire lymphatique qui constitue un mode d extension fréquent. De façon plus surprenante, 5 à 20% des localisations ganglionnaires de carcinome à cellules de Merkel sont «isolées», c est-à-dire sans tumeur cutanée primitive retrouvée après bilan complet. Qu il s agisse d une métastase ganglionnaire d une tumeur cutanée connue ou d une localisation ganglionnaire isolée, les critères du diagnostic anatomopathologique sont les mêmes. Dans les deux cas, la prolifération présente un aspect de tumeur «à petites cellules bleues» qu il faut d abord à rattacher à un carcinome neuroendocrine peu différencié : expression des cytokératines (AE1/AE3), de la chromogranine A et de la synaptophysine. L activité mitotique est élevée et l index prolifératif Ki67 dépasse en général 50%. La tumeur exprime le plus souvent la CK20 (> 90% des cas), tandis que le TTF1 est presque toujours négatif. Lorsque l immunophénotype n est pas typique ou dans les cas où aucune tumeur cutanée n est identifiable, la biologie moléculaire est d un apport précieux puisqu elle permet le plus souvent d identifier l ADN du virus de Merkel dans la lésion. Devant une localisation ganglionnaire d un carcinome neuroendocrine peu différencié sans primitif connu, l orientation vers le site primitif s appuie sur le siège du ganglion lymphatique et sur la différenciation de la tumeur. Dans le cas d un ganglion lymphatique superficiel (le plus souvent cervical, axillaire ou inguinal), les deux principales origines à évoquer sont un carcinome à cellules de Merkel et un carcinome neuroendocrine de haut grade d origine viscérale (souvent pulmonaire). Ce diagnostic différentiel s appuie largement sur le couple CK20/TTF1. Il a des conséquences importantes : même si le carcinome à cellules de Merkel est une tumeur agressive, son pronostic est moins défavorable que celui d un carcinome à petites cellules d origine viscérale, en particulier dans les formes ganglionnaires isolées. De plus, le carcinome à cellules de Merkel bénéficiera d un traitement chirurgical et d une radiothérapie, alors que le traitement du second repose sur une chimiothérapie systémique. ooooo