UNIVERSITE D AUVERGNE CIC-1405 NEURODOL 1107 TROUBLES COGNITIFS ET DOULEUR DU CANCER Gisèle PICKERING Centre de Pharmacologie Clinique / Inserm, CIC 1405 Inserm Neurodol 1107 CHU Faculté de Médecine Clermont-Ferrand- France
Multiplicité des douleurs liées au cancer Douleurs liées à la tumeur (35à 50% de patients) Douleurs liées aux interventions à visée diagnostique Douleurs liées aux traitements Douleurs aiguës (80% répondent aux traitements OMS) Douleurs chroniques / neuropathiques Intrication des douleurs neuropathiques chimio-induites (30 à 70%) et post-chirurgicales (5 à 80%)
Douleur neuropathique Douleur provoquée par une lésion ou un dysfonctionnement du système nerveux central ou périphérique Associée à un déficit de la sensibilité aux stimulations tactiles et thermiques Symptômes positifs : paresthésie / dysesthésie, douleurs spontanées, continues brûlure,compression, paroxystique, en décharge électrique Déficit sensitif : avec ou sans allodynie ou hyperalgie
Douleur chronique et troubles cognitifs 54% de patients douloureux rapportent 1 plainte cognitive Les plus fréquentes plaintes d ordre cognitif Oubli = mémoire Accidents peu graves = anticipation Difficulté à terminer une tâche = concentration Altération de la qualité de vie dans DPZ Difficultés attentionnelles Morel et Pickering. Num spécial Douleur et Analgesie 2013; Pickering et Leplège, Pain Practice 2011
Troubles cognitifs induits par la douleur chronique sujets normaux douleur chronique activation désactivation Le sujet sans douleur désactive plus son cerveau que le sujet douloureux Baliki et Apkarian, 2008
La douleur chronique entraîne des changements au niveau du cerveau Le volume de la substance grise est supérieur chez les sujets contrôles par rapport aux sujets douloureux chroniques
Interactions douleur-cognition Réseaux anatomiques communs à la douleur et à l attention Cortex cingulaire antérieur (ACC), Cortex préfrontal dorsolatéral (dlpfc), Cortex pariétal postérieur (ppar), S1, S2, insula, thalamus Changements du débit sanguin suite à des stimuli douloureux. Peyron et al., 2000
Douleur Cognition Emotion Peyron et al., 2000. Neurophysiologie Clinique, 30(5), 263-288
Conséquences chez le patient DOULEUR MAJORATION + Handicap fonctionnel Stress ALTÉRATIONS cognitives ALTÉRATIONS émotionnelles Limitation Activités physiques sociales professionnelles intellectuelles qualité de vie
Divers déficits Interactions Cognition-Cancer * Déficit cognitif focal (métastases cérébrales) * Déficit cognitif focal et global (infiltration méningée) * Déficit cognitif global suite au traitement * Complications d une lésion cérébrale traitée ou d un traitement prophylactique cérébral * Complications du traitement d une tumeur non cérébrale = CHEMOBRAIN : 80 % des publications Lindner et al. 2014
Un intérêt grandissant pour le lien Cognition-Cancer * Prévalence des troubles cognitifs entre 14 % et 85 % des patients * International Cognition and Cancer Task Force (ICCTF) depuis 2003 Cancérologues, Radiothérapeutes, Psychiatres, Radiologues * GRECO-ONCO (Groupe de Réflexion sur les Evaluations COgnitives en ONCOlogie) créé en décembre 2011 Multidisciplinarité : Neurologues, Neuropsychologues, Orthophonistes, Neuro-oncologues, Radiothérapeutes Lille Caen Amiens Strasbourg - Paris Lindner et al. 2014
De nombreux facteurs sont impliqués + douleur + douleur Vandenbossche et al., 2009
Comment évaluer la cognition? Objectivement Subjectivement EORTC QLQ-C30 FACT-COG (Functional assessment of cancer therapy-cognitive function) en 50 items Résultats souvent contradictoires entre évaluation objective et subjective du statut cognitif Utiliser les 2 types de tests Vandenbossche et al., 2009
Nombreuses publications cognition et cancer 4 méta-analyses d études transversales Dégradation cognitive Lindner et al. 2014
Interactions Emotion-Cancer * Prévalence anxiété/dépression dans le cancer Dépression : 0-38 % Anxiété : 10-30 % De nombreux facteurs interviennent * Prévalence anxiété/dépression dans le cancer du sein N = 170 patientes atteintes d un cancer du sein X % : Prévalence anxiété/dépression J0 33 % J0 +3 mois 24 % J0 +12 mois 15 % J0 +60 mois 10 % Annonce du cancer 5 ans Traitements : chirurgies +/- thérapie adjuvante (chimiothérapie et/ou hormonothérapie) Burgess et al., 2005
Études cancer du sein Biglia et al., 2012 HAD 40 Hermelink et al., 2007 HAD 101 Hurria et al., 2006 GDS (dépression) 28 Bender et al., 2006 Interactions Anxiété/Dépression - Questionnaires N Résultats POMS (anxiété) BDI-II (dépression) Wefel et al., 2004 MMPI 18 CognitionCancer 46 - L évaluation objective des troubles cognitifs est non corrélée au statut émotionnel - Auto-évaluation des troubles cognitifs corrélée à l anxiété et à la dépression Auto-évaluation des troubles cognitifs corrélée à l anxiété et à la dépression Pas de différence significative des scores avant chimiothérapie et 6 mois après - Pas d interaction entre anxiété et mesure des fonctions cognitives - Plus le score BDI-II est élevé, plus les patientes rapportent des troubles cognitifs Pas de relation significative entre anxiété/dépression et les fonctions cognitives
Les troubles cognitivo-émotionnels associés à la chimiothérapie Questionnaires d auto-évaluation Tests psychométriques Anxiété Dépression Corrélation anxiété/dépression et troubles cognitifs Pas de corrélation anxiété/dépression et troubles cognitifs
Douleur et Cancer Etude longitudiale (15 mois) de la qualité de vie 15 mois après diagnostic (et chirurgie) de cancer du sein chez le sujet âgé Ganz et al., 2003
2010 Douleur et Cancer
Plus le score de douleur neuropathique est élévé plus l impact délétère est fort Douleur et Cancer Ezendam et al., 2014
Conséquences sur la qualité de vie Troubles cognitifs liés au cancer et aux traitements Douleur liée au cancer et aux traitements Troubles anxio-depressifs liés au cancer et aux traitements Altération de la qualité de vie - Difficulté à entreprendre et accomplir des tâches simples (préparation des repas, payer des factures) - Difficulté à accomplir des tâches en relation avec l emploi - Peut conduire à changer d emploi ou à cesser toute activité professionnelle La détérioration de la qualité de vie semble surtout causée par l effet négatif des troubles de la cognition
Stratégies d ajustement ou Coping Évaluation cognitive et processus d adaptation Soit «actif» distraction, réinterprétation Soit «passif» évitement, peur du mouvement, hypervigilance Page 22
Rééducation cognitive Amélioration des fonctions cognitives après entraînement Kesler et al., 2013
Traitement des douleurs neuropathiques Recommandations internationales Antidépresseurs tricycliques IRSNa Compresse Lidocaine (NPZ) Douleurs neuropathiques post-chirurgicales Gabapentine Pregabaline Tramadol Opiacés + emplâtre capsaïcine 8%, électrostimulation épidurale ou médullaire, analgésie périmedullaire Douleurs neuropathiques chimio-induites Caraceni A et al J ClinOncol 2004;22:2909-17 (gabapentine) Lavoie-Smith, Jama, 2013 ; 309:13 (duloxétine)
Effets centraux des médicaments utilisés dans l antalgie Confusion Troubles cognitifs Antidépresseurs (IRSS, IRSNa...) Antiépileptiques Benzodiazépines et apparentés Opiacés CHUTES Sous-dosage Sur-dosage Confusion aiguë chez la personne âgée : prise en charge initiale de l agitation. Recommandations HAS, mai 2009 Szczerbinska. Association between central nervous system drugs and recurrent falling based on prospective falls registration in nursing homes. Eur Ger Med 2012 Douleur non-cancéreuse Kendall et al 2010 Douleur cancéreuse Kurita et al., 2003 Troubles cognitifs et cancer Lindner et al., 2014
Altération de la cognition avec les antidépresseurs Pas d altération avec paliers 1, 2 et 3 de l échelle OMS Ni chez patients avec antiépileptiques (prégabaline, gabapentine) Cortex Prefrontal (mémoire, attention) Locus coeruleus Douleur neuropathique altère les liens entre LC et CPF Gabapentine a des effets moindres sur les domaines cognitifs que chez le sujet sain Pickering et al.2013; Suto et al., Pain 2014
C H I M I O T H E R A P I E Prophylaxie du développement des douleurs neuropathiques postmastectomie par la mémantine chez le patient Etude prospective, randomisée, en simple insu, contrôlée versus placebo Consentement Questionnaires douleur, cognition,qualité de vie, sommeil Mémantine 5mg/jour sur 3 jours J -15 Tel 10mg/jour sur 3 jours Tel 15mg/jour sur 3 jours Tel Placebo ( sur 14 jours) 40 patientes (n=20 / groupe) 20mg/jour sur 5 jours Tel Mastectomie J 0 J 0 Mémantine 20mg/jour ( sur 14 jours) Placebo ( sur 14 jours) J 0+15 J 0+15 Critère principal Intensité de la douleur évaluée par Echelle Numérique (EN) J 0+3 mois Consultation douleur Questionnaires douleur, cognition, Qualité de vie, sommeil J 0+3 mois J 0+6 mois J 0+6 mois Consultation douleur par médecin CJP
n (%) / Prescription DN Score QDSA p = 0,029 100 80 60 Score EN J0+3 mois 40 20 30 % 5 % Prescription d antalgiques pour le groupe placebo Prescription d antalgiques pour le groupe mémantine Groupe Mémantine : moins de douleur (échelle numérique) moins de besoin d antalgiques à 3 et 6 mois moins d atteinte émotionnelle 28
TAKE HOME MESSAGES Les troubles cognitifs (et émotionnels) sont fréquents dans la pathologie cancéreuse Il est important d évaluer systématiquement la cognition et le statut émotionnel Les résultats des tests cognitifs subjectifs et objectifs peuvent être contradictoires : des recherches complémentaires sont nécessaires dans ce domaine L utilisation des molécules à visée antalgique peut participer à la vulnérabilité cognitive du patient.
MERCI POUR VOTRE ATTENTION