&Armées. Médecine. TOME 36 N 5 Décembre 2008 ISSN 0300-4937. Revue du Service de santé des armées



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Médecine &Armées Revue du Service de santé des armées TOME 36 N 5 Décembre 2008 ISSN 0300-4937

MÉDECINE ET ARMÉES SOMMAIRE Revue du Service de santé des armées Pages T. 36 - n 5 - Décembre 2008 Direction centrale du Service de santé des armées Médecine et Armées 1, Place Alphonse Laveran, 75230 Paris Cedex 05. DIRECTEUR DE LA PUBLICATION MGI J. MARIONNET RÉDACTEUR EN CHEF MG F. FLOCARD Tél. : 01 40 51 47 01 RÉDACTEURS EN CHEF ADJOINTS MC É. DARRÉ MCS J.-D. CAVALLO. SECRÉTARIAT DE RÉDACTION Mme M. SCHERZI Tél. : 01 40 51 47 44 Fax : 01 40 51 51 76 Email : mmed.arm@dial.oleane.com TRADUCTION MC M. AUDET-LAPOINTE COMITÉ DE RÉDACTION MCS B. BAUDUCEAU CDC A. BENMAN- SOUR MCS A.-X. BIGARD PC P. BURNAT MCS J.-D. CAVALLO MC É. DARRÉ MCS S. FAUCOMPRET MG R. JOSSE VEGI J.-C. KERVELLA MCS. J.-M. ROUSSEAU MCS D. VALLET. COMITÉ SCIENTIFIQUE MGI J.-L. ANDRÉ MGI D. BÉQUET MGI P. BINDER MCS P. BONNET MGA P. JEANDEL MGI F. EULRY MGI G. LAURENT MGI G. MARTET MG J.-L. MOREL MG M. MORILLON MG J.-L. PERRET PGI C. RENAUDEAU MGI B. ROUVIER GB C. TILLOY MGI J.E. TOUZE MG M. VERGOS. CONSEILLERS HONORAIRES MGI PH. ALLARD MGI M. BAZOT MGI B. BRISOU MCS A. CHAGNON MGI L. COURT MGI J.-P. DALY MGA J.DE SAINT JULIEN MGI CL. GIUDICELLI MGI J. GUELAIN - CDG PH. KAHL MGI J. KERMAREC MGI CH. LAVERDANT MGI P. LEFEBVRE PGI LECARPENTIER VEGI R. LUIGI VBGI CL. MILHAUD MGI J. MINÉ MCS CL. MOLINIÉ MCS J.-L. PAILLER MGI P. QUEGUINER MGI J.-M. VEILLARD MGI J. VIRET MGI R. WEY. ÉDITION Délégué à l'information et à la communication de la Défense (DICoD) - BP 33, 00450 Armées. Tél. : 01 44 42 30 11 ABONNEMENT (5 NUMÉROS PAR AN) ECPAD/Service abonnements, 2 à 8 route du Fort, 94205 IVRY-SUR-SEINE Cedex. Tél. : 01 49 60 52 44 - Fax : 01 49 60 52 68. Tarif des abonnements/1 an : Métropole : 36,50 DOM-TOM par avion : 59,70 Étranger par avion : 70,00 Militaires et - 25 ans Métropole : 25,00 Militaires et - 25 ans DOM-TOM : 48,00 Prix du numéro : 7,50 Les chèques sont à libeller à l ordre de l agent comptable de l ECPAD. 387 Éditorial. B. LAFONT TRICENTENAIRE DU SERVICE DE SANTE DES ARMEES 409 Le Service de santé des armées au centre du champs de bataille. R. WEY. 421 Le Service de santé des armées et l évolution du concept hospitalier militaire en France. D. MOYS AN, M. BERNICOT. 431 Le corps technique et administratif du Service de santé des armées. Un aboutissement. P.-J. LINON. 435 L Édit royal du 17 janvier 1708 : évolution de l enseignement et de la formation au sein du Service de santé des armées. J.-É. TOUZE, J.-J. FERRANDIS. 445 Trois siècles de recherche et de découvertes au sein du Service de santé des armées. D. VIDAL, R. DELOINCE. 455 La recherche au centre de transfusion sanguine des armées. M. JOUSSEMET. 457 Chirurgie militaire et blessés des membres. S. RIGAL. 467 Psychiatrie du combattant : évolution sur trois siècles. P. CLERVOY. 475 De l apothicaire au pharmacien des armées. B. BURNAT, J.-F. CHAULET, F. CHAMBONNET, F. CEPPA, C. RENARD. 487 Le rôle des vétérinaires des armées dans l évolution de la médecine vétérinaire. E. DUMAS, M. FREULON, D. DAVID, J.-Y. KERVELLA. 497 Paramédicaux dans les armées. Trois siècles pour parvenir au statut de Militaires infirmiers techniciens des hôpitaux des armées (1708-2008). F. OLIER. 507 Trois cents ans de médecine navale : du grand siècle à nos jours. B. BRISOU. 517 Des fièvres aux maladies infectieuses. Trois siècles de lutte contre l infection. J.-D. CAVALLO. 527 Trois siècles d histoire du Service de santé des armées outre-mer. M. MORILLON. 535 Le visage social du médecin militaire. P. CRISTAU. IMPRIMEUR ET ROUTAGE Pôle graphique de Tulle BP 290 19007 Tulle Cedex. Tél. : 05 55 93 61 00 Commission paritaire N 0306 B 05721 ISSN : 0300-4937 COUVERTURE Ghislaine PLOUGASTEL gplougastel@graphisme.com Coordination : MG F. FLOCARD MCS J.-D. CAVALLO 385

Médecin général des armées B. LAFONT, Directeur central du Service de santé des armées. 386

ÉDITORIAL Hier, aujourd'hui, demain... Le Service de santé des armées, qui célèbre en cette année 2008 le tricentenaire de sa fondation, peut, dans le même temps, faire face sans inquiétude à son avenir. Le débat historique sur l antériorité de la création de telle ou telle formation qui y fut ultérieurement intégrée ne me paraît pas spécialement pertinent. L édit royal de 1708 constitue bel et bien un acte fondateur par ce qu il signifie, c'est-à-dire la reconnaissance d un devoir de l État plus que l avènement d une nouvelle institution. Cette commémoration fournit une occasion de nous retourner sur un passé et une tradition dont nous sommes les dépositaires. Ils ont fait l essentiel de la culture de notre service. Centrée sur un idéal humaniste, elle est encore aujourd hui ce qui prévaut dans toutes nos actions, et donc aussi la clé de notre avenir. Trois cents ans, voilà déjà une longue histoire. Elle n a jamais été interrompue par les changements de régime et les événements de toute nature qui ont jalonné l histoire de France. Mais ne nous y trompons pas. Cette longévité n'est ni le fait de la chose sacrée ou intouchable, ni une prime accordée à l immuabilité. Ce qui dure, c est ce qui change, par volonté de préparer l avenir, ou, parfois aussi, par simple mais impérieuse nécessité de s adapter aux contraintes du présent. Que de chemin parcouru par notre service depuis ses origines jusqu'à cette image de modernité portée par l arrivée de blessés rapatriés par Morphée depuis les théâtres d opérations. Bien entendu, nous vivons sur une autre planète technologique. Ce constat est d'une évidente banalité. Loin de moi l'idée d'en sous-estimer l'importance. Car à l'évolution des techniques, répond également une évolution des concepts, à moins que ce ne soit parfois l'inverse. Celui, bien classique, de l'obligation de moyens tend à évoluer, par exemple, vers une obligation de résultats en grande partie à cause de la sophistication croissante des outils dont dispose la médecine. À quoi peuvent servir des plateaux techniques de plus en plus modernes si ce n'est, en effet, à améliorer les performances? Nous devons aujourd'hui, médecine et armées, 2008, 36, 5 387

comme nos anciens, non seulement sauver la vie de nos blessés, mais préserver au mieux l'intégrité de leurs fonctions physiques et psychiques. L'évolution des mentalités et de la culture collective influe dans ce domaine autant que celle des techniques. Si la notion de qualité, celle des soins dispensés par les soignants comme celle de la vie des soignés, est maintenant installée au cœur de l'exercice médical, et donc du nôtre, c'est qu'elle s'était d'abord révélée comme un fait de société. Tout le problème est de savoir où se situe le point d'équilibre entre les moyens et les résultats. La référence aux bonnes pratiques y contribue. Cette démarche, est devenue routinière dans l'exercice de la médecine courante mais elle concerne également de plus en plus la pratique en situation d'exception qu'est la médecine opérationnelle (ainsi d'ailleurs que la médecine humanitaire), au fur et à mesure que s'élève son niveau d'environnement technique. Qui pourrait le regretter? Mais ce prolongement a des limites. Il faut rappeler que, dans ces circonstances, la maîtrise de l'ensemble des risques ne dépend pas exclusivement de la chaîne médicale. Beaucoup de facteurs relèvent des moyens et de la conduite de la manœuvre opérationnelle. À l'inverse, on peut aussi penser que la responsabilité qui incombe au Service de santé des armées n'est pas toute contenue dans l'habileté, la compétence et l'expertise de ses praticiens, au demeurant parfaitement reconnues. Elles sont le prérequis de tout exercice médical. La détention des moyens et la capacité technique de les utiliser ne résument pas la mission opérationnelle du service. Celle-ci implique également leur organisation en système cohérent et rationnel, la définition de leur stratégie d'emploi, et la responsabilité de sa mise en œuvre. C'est en ce sens que l'histoire du Service de santé des armées, commencée il y a trois siècles, est perpétuellement relancée au fur et à mesure des avancées techniques. Au cours de ces 300 ans, le Service de santé des armées en a bien souvent été l'initiateur dans beaucoup de domaines. Mais il a dû aussi souvent convaincre, et parfois s'affronter, afin d'obtenir la capacité de décision nécessaire pour que le résultat attendu soit à la mesure des moyens mis en œuvre. Car les idées les plus généreuses et les plus justes ne s'imposent pas d'elles-mêmes. Elles sont inutiles si elles n'ont pas trouvé la formulation qui leur permet d'être comprises et adoptées, et finalement, appliquées dans un cadre qui les adapte aux contraintes de leur temps. 388 médecine et armées, 2008, 36, 5

Tel est le fil rouge qui nous rattache à une tradition qui, à mon sens, serait sans intérêt si elle ne servait pas à nous faciliter l'accès à une vision de l'avenir. Pas plus qu'à la conséquence mécanique du progrès technique, la leçon de notre histoire ne peut se résumer à la glorification d'un passé, même indiscutablement prestigieux. La pérennité de la guerre dans l'histoire de l'humanité engendre un lien particulier entre les nations et leurs soldats. L attention que la communauté porte à leur protection, à leur soutien, à la qualité des soins qui leurs sont prodigués, et, le cas échéant à leur retour en son sein, traduit le niveau de reconnaissance qu'elle accorde à leurs sacrifices. Les événements récents d'afghanistan ont ravivé douloureusement, mais d'une façon éclatante, cette vérité un peu oubliée. Ce par quoi le combattant d'une nation se distingue d'un mercenaire se traduit en particulier dans l'existence effective d'un service de santé dédié aux armées qui ne soit pas un simple accessoire parmi les outils de défense. Il est facile de vérifier la concordance entre les performances capacitaires et d organisation des divers services de santé et les valeurs démocratiques cultivées par les nations qui en disposent. S'il y a toujours eu, en effet, des secours aux blessés et une médecine du temps de guerre au cours des âges, l'existence de services de santé organisés au sein des armées est plus que l'expression d'une compassion même si, pour chaque personnel impliqué, celle-ci demeure une référence absolue de motivation à son action propre. En situant celle-ci dans un cadre institutionnel, on applique aux compétences et aux dévouements individuels une valeur ajoutée qui est la marque d un service d'état. Elle affirme et garantit le respect, en tous lieux et en toutes circonstances, du contrat moral d assistance qui lie le corps social à chacun de ses membres. C'est ce que représente aujourd'hui parfaitement notre Service de santé des armées, et même plus encore. Car cette présence dans la guerre d'une humanité organisée, à la portée de tous, amis ou adversaires, ne traduit pas seulement une valeur morale, mais elle concrétise une règle de droit dont les forces armées engagées doivent garantir le respect. L'emploi d'équipements plus lourds et de meilleur niveau technique sert aussi à aider les populations si bien que les moyens, que consentent les états afin d'apporter des soins à leurs blessés de guerre, sont, plus que jamais, ce qui unit encore les hommes lorsque tout le reste les oppose. Ces deux versants de notre mission, qui furent associés dès l'origine, le demeurent et le resteront bien au-delà de toutes les transformations de conjoncture. médecine et armées, 2008, 36, 5 389

Dans les pages qui suivent, on découvrira, en effet, que la véritable tradition du service est celle d'une extraordinaire plasticité qui lui a permis d'exprimer partout, pour le perpétuer, l'essentiel de sa mission humaniste d'assistance. Celle-ci n'est la propriété de personne. Individus, écoles, corps successifs qui ont composé le service, peuvent tout au plus se prévaloir de l'avoir accomplie, à leur façon et en leur temps, et toujours fort bien. Mais ils ne peuvent certainement pas prétendre en détenir l'exclusivité, et encore moins en prédire l'extinction. Ni finie, ni immuable, elle n'est pas une relique et la considérer comme telle serait faire bien peu de cas de la vigueur créatrice des nouvelles générations. Il est vrai que tout changement n'est pas, par nature, un progrès, mais c'est à chaque fois une page qui s'ouvre sur un nouveau chapitre dont le contenu leur appartient. Ne pas l'admettre, c'est rétrécir son jugement à une dimension privative. N'oublions pas que ce que nous regardons aujourd'hui avec la déférence due à l'œuvre de ceux qui nous ont précédés procède de leur capacité à avoir été de leur temps. En lisant cette revue, on prend aussi pleinement conscience du rôle qu'a joué le service, non seulement au sein de la défense, mais dans la vie de la nation. Le récent Livre Blanc fait apparaître qu'il sera encore sollicité sur ce terrain. À lui de savoir y répondre. Même si nous ne sommes pas encore en mesure de discerner aujourd'hui avec précision ses futurs contours, il est permis d'envisager un bel avenir pour le Service de santé des armées, indépendamment de toute inclination affective ou de sollicitude démagogique. Pourquoi cela? Parce que l'existence d'appareils d'état de ce type s'avérera de plus en plus nécessaire dans un monde où le principe de précaution, la maîtrise des risques et la professionnalisation des domaines de compétences ne feront que s'accentuer; parce qu'il faudra disposer de systèmes de réponses aux crises de plus en plus complexes, mais que ceux-ci devront être aussi de plus en plus réactifs ; parce que les attributions des compétences de tels systèmes concerneront des secteurs de la vie sociale et de la vie économique plus larges encore que cela n'est aujourd'hui le cas. Or, dans ces domaines, notre Service de santé des armées est bien placé. Lieu unique de compétences spécifiques, que la diversité des corps de praticiens, de techniciens et de paramédicaux qui le 390 médecine et armées, 2008, 36, 5

constituent, étend bien au-delà du champ strictement médical, il est déjà très ouvert sur de nombreux partenariats universitaires, scientifiques, professionnels. Il sait produire industriellement des dispositifs et des médicaments stratégiques. Il possède une culture et une pratique avancées en conduite de projet et en économie de la santé. Il se trouve aux avant-postes des évolutions profondes des institutions qui sont en cours dans notre société. Il n'est pas jusqu'aux modèles pressentis par la santé publique pour l'organisation future de l'offre de soins ou de l'hôpital public qui ne pourraient présenter quelques analogies avec les nôtres. On apprendra dans l'article sur les hôpitaux des armées qu'il y a, en la matière, des précédents. Peut-on penser qu'ils sont encore d'actualité? Oui, parce que les analyses des mêmes contraintes amènent aux mêmes conclusions. Les solutions qui en découlent, quand la recherche de l'efficacité et de la fonctionnalité prévalent, ont un air de famille. L'un de leurs traits communs est l'appel à une responsabilité professionnelle qui sache s'exercer au-delà de ses aspects purement techniques en prenant en compte les contraintes d'environnement. Cette problématique concerne de plus en plus la santé et il serait inexact de penser que l'identité du service s'estompe dans cette convergence car l'expérience qu'il a acquise fait au contraire de lui un exemple examiné avec intérêt. Alors sommes-nous si loin du propos initial: l'édit royal de 1708? Je ne le crois pas. Le service s'est construit comme une organisation de compétences, de dévouements, et parfois d'héroïsmes, tous individuels. L'une ne va pas sans les autres. Tel est notre paradoxe. Il est bien sûr difficile de s'identifier à un édit, fut-il royal, ou à sa prolifique descendance faite de décrets, d'instructions et de directives... Ceux que leur métier, le (parfois trop) fameux «cœur de métier», place in fine dans une relation forte d'engagement personnel, dont l'essentiel, pour nous tous, comme pour ceux qui nous sont confiés, est la relation médecin-malade, comment leur faire grief de leur posture de première intention, souvent fondamentalement individualiste? Cette dualité entre l'individu et l'institution est l'une de nos particularités sans être toutefois une exclusivité du Service de santé. Il faut se réjouir d'avoir compté, et de compter encore dans nos rangs des personnalités d'exception, des caractères trempés, des découvreurs à l'étroit dans les règles qu'on leur donne. On en trouvera maints exemples dans les pages qui suivent. Mais c'est aussi notre fragilité médecine et armées, 2008, 36, 5 391

lorsque certains d'entre eux se prennent à penser que leur action se suffit à elle-même et que c'est elle qui entraîne l'ensemble de la communauté. Le service n'est rien sans eux mais, sans lui aucun d'entre eux n'aurait occupé, ou n'occuperait, la place qui est la sienne. Il est très probable que si l'on interrogeait chacun de ses membres sur ce qui, de son point de vue, identifie le plus profondément le service, l'édit de 1708 serait rarement mentionné, mais bien plutôt la figure tutélaire d'ambroise Paré, l'ancêtre absolu de tout médecin des armées. Eh bien, revenons donc un instant sur la célèbre formule qu'il nous a transmise : «Je le pansai et Dieu le guérit». Notre prestigieux devancier ne relègue certes pas son rôle au second plan («Je le pansai...»), mais il le relativise («...et Dieu le guérit...»). L'acte de soigner n'est pas une action humaine comme les autres. Il trouve sa dignité dans ce qui le dépasse. Et si ce mot fameux est parvenu jusqu'à nous, c'est que son inaltérable honnêteté défie le temps. Il revient à chacun d'entre nous de décider si la figure divine invoquée par Ambroise Paré est ce qui lui convient au sein de son propre système de valeur. Toutes les réponses sont valables si elles expriment, non pas tant la modestie, qu'une humilité que je qualifierais de lucide. Celle qui n'est pas un effacement, mais au contraire une attitude où la prise en compte réaliste des forces de la nature, des évolutions du monde, de l'imprévisibilité des choses humaines, de toutes les incertitudes sur l'avenir, ne paralyse pas mais rehausse la responsabilité à faire face et à agir, celle où la vérité n'est pas révélée mais démontrée et dégagée au jour le jour par la raison, l'analyse et le travail. La voie vers l'avenir est largement ouverte. Elle passe par l'imagination créatrice et l'innovation. C'est ainsi, j'en suis convaincu, que nous l'inscrirons dignement dans l'esprit de ceux que nous ont légué les grandes figures du Service de santé des armées dont les destins ont parcouru ses trois cents années d'existence. B. LAFONT Médecin général des armées Directeur central du Service de santé des armées 392 médecine et armées, 2008, 36, 5

médecine et armées, 2008, 36, 5 393

394 médecine et armées, 2008, 36, 5

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L Édit du roy. Fac-similé F. FLOCARD. 408 médecine et armées, 2008, 36, 5

Tricentenaire du Service de santé des armées LE SERVICE DE SANTÉ DES ARMÉES AU CENTRE DU CHAMP DE BATAILLE R. WEY I. INTRODUCTION. L'Édit signé par Louis XIV le 17 janvier 1708 est l'acte de naissance reconnu du Service de santé, même si, depuis 1689, une ordonnance royale régissait l'organisation et le fonctionnement des hôpitaux des armées navales et dans les ports. 1708 2008 : trois siècles d'une histoire en dents de scie depuis que furent créées les charges de médecins et de chirurgiens dans les armées françaises. Trois siècles qui virent la lente maturation d une organisation rationnelle des secours aux blessés et malades, avec des périodes fastes ou sombres, avant de parvenir, aujourd'hui, à l'évidence de la nécessité de disposer d'une chaîne de prise en charge thérapeutique cohérente, continue et adaptée aux besoins des forces armées. La médecine militaire trouve ses racines, il y a cinq millénaires, dans les affrontements qui opposèrent les civilisations alors dominantes. Dès l'antiquité apparaissent quelques préoccupations sanitaires, généralement au bénéfice sinon exclusif, au moins prioritaire, des grands personnages. Il faut attendre le règne de l empereur romain Trajan et la création de garnisons permanentes jalonnant le Limes pour qu'apparaisse une véritable organisation sanitaire, confiée le plus souvent à des médecins d'origine grecque au statut subalterne, dont le but évident était la préservation des effectifs aguerris. S'organise alors dans chaque légion, un soutien médical pourvu de matériels mobiles permettant d'apporter les premiers soins sur le champ de bataille, adossé à de véritables hôpitaux d'évacuation installés dans les camps les plus importants. Notre Moyen-Âge oubliera toute forme d'organisation sanitaire avant que n'émergent les ordres hospitaliers militaires qui fondent, au profit du combattant, leur démarche sur des valeurs de charité et de dévouement complétées par des règles rigoureuses R. WEY, médecin général inspecteur (2s), Spécialiste des techniques d'organisation et de logistique de la santé. Correspondance : R. WEY, 5, rue Eugène Renault, 94700 Maisons Alfort. de fonctionnement. Avec eux s'ouvre une ère nouvelle, scientifique, qui sera amplifiée par la Renaissance. L'apparition des armes à feu et la nature nouvelle des blessures qu elles provoquent, vont profiter à la chirurgie de guerre, empiriquement encore, mais déjà par l'apport des connaissances anatomiques. Ambroise Paré, chirurgien attaché au Prince mais dévoué au soldat, «le gain étant éloigné seul demeure l'honneur et l'amitié de tant de soldats», sera la figure emblématique de cette évolution et de l'affirmation de la place que prennent les chirurgiens et, dans une moindre mesure, les médecins au sein des armées. Par la suite, les rois vont démontrer leur volonté que soient assurés aux blessés des secours médicaux. Des offices de médecins et d apothicaires sont progressivement ouverts dans les forces permanentes. L organisation reste toutefois élémentaire, les blessés étant répartis dans les hospices rencontrés sur la route des armées. De même, le sort des survivants, trop souvent invalides, est pris en considération, même si cette démarche n'est pas toujours exempte d arrière-pensées visant à éviter la dérive de ces anciens soldats vers le vagabondage et le brigandage. Dans ce mouvement, la fin du XVI e siècle verra en germe une première structuration du soutien médical dans les armées. Lorsque Vauban fortifie les frontières de la France, des établissements de soins sont prévus, pas toujours réalisés. De même, il est envisagé que toute armée dispose d un hôpital mobile et qu un navirehôpital soit gréé pour dix bâtiments. Le service sanitaire des ports est réglementé. L Édit de 1708 est donc un aboutissement, capitalisation logique de toutes les initiatives réalisées depuis de nombreuses années. Il est surtout un commencement, car il représente la première officialisation d une organisation étatique visant à assurer la cohérence du système de prise en charge des blessés et des malades militaires. Depuis, le Service de santé des armées n'a jamais cessé, au cours des trois siècles qui nous séparent de cet acte fondateur, de proposer, malgré les difficultés ou les aléas conjoncturels, les solutions d'ordre conceptuel ou matériel qui permettent de porter sur le champ de bataille toutes les possibilités offertes par la médecine. médecine et armées, 2008, 36, 5 409

II. LE XVIII E SIÈCLE ET L APPARITION DES FORMATIONS SANITAIRES MOBILES. L'analyse des systèmes de soins aux victimes des combats qui se succèdent au cours de notre histoire, montre qu'ils ont oscillé, au fil du temps, autour de la prééminence donnée à l'un ou l'autre des termes d'une alternative sans cesse reposée: traiter au plus tôt ou évacuer au plus vite. L assise sédentaire étant assurée à partir de 1708 par 50 hôpitaux militaires, portés rapidement à 90 mais malheureusement sous-traités à des entrepreneurs dont la gestion est souvent hasardeuse, l'accompagnement direct des troupes en campagne commence à être envisagé. Des charges de chirurgiens-majors vont être ouvertes au sein des régiments. Rapidement, les règlements successifs vont imposer dans chacune de ces unités la disponibilité d'un chariot pour le transport des blessés. Par la suite, l échelon du bataillon sera à son tour renforcé, y compris en ayant recours à des moyens de fortune, requis par l'autorité militaire auprès des communes. Fontenoy (1745), avec ses 5 500 victimes, dont 3 250 blessés, est généralement considérée comme la première bataille à l issue de laquelle va vraiment s'imposer la nécessité d organiser un Service de santé des armées en campagne. On prête au Maréchal de Saxe cette adresse à Louis XV: «Voilà ce que coûte une victoire». Est alors ordonnée la création, dans chaque armée, des «hôpitaux à la suite», selon la terminologie de l'époque, formations mobiles en mesure d assurer l accueil et les traitements d urgence à proximité des lieux où se déroulent les combats. Le ravitaillement de ces hôpitaux ambulants, ainsi que celui des ambulances régimentaires, est organisé : des caissons sont affectés au transport des instruments, des médicaments, des draps et des couvertures, des brancards, mais aussi d'une tonne à vin et de pain frais. Pour autant, à son entrée en campagne en juin 1757, l'armée de Soubise ne dispose pas d une telle structure. Il faut un ordre péremptoire du secrétaire d'état à la Guerre pour qu'elle soit mise rapidement sur pied à Strasbourg et puisse être en mesure de soutenir la bataille de Rossbach. Pendant tout l'hiver de 1757, cet hôpital, sédentarisé, permettra d'assurer le service sanitaire quotidien de l'armée au repos. Pourtant, dès cette époque, Hugues Ravaton, chirurgien-major de l'hôpital de Landau, praticien des plus habiles et expérimentés, rêvait déjà de la constitution de brigades sanitaires indépendantes, adaptées à chaque armée! L'apparition à la suite des troupes en campagne de ce type de formation mobile va ouvrir le débat, qui reprendra régulièrement, de savoir s il convient d opérer aux échelons les plus avancés ou d attendre que le blessé ait été acheminé vers une structure où il trouvera des conditions meilleures de traitement. La tendance qui prédomine est de considérer que l ambulance est un simple lieu d attente, première étape vers un hôpital de charité proche ou vers un hôpital militaire de l intérieur où les blessés seront conduits par voie terrestre ou fluviale. Évacuation à Fontenoy. 410 r. wey

Despotats. Cette discussion prendra un tour particulièrement théorique à partir de 1781, lorsque Louis XVI, confronté à des difficultés économiques majeures et contraint de réviser la politique financière du Royaume, prendra la décision de réduire à huit le nombre des hôpitaux militaires sédentaires et de limiter le nombre des charges de praticiens à la suite des armées! En 1792, lorsque la Révolution viendra tout bouleverser, il restera surtout des bonnes intentions s agissant du soutien sanitaire aux armées, même si la volonté de remettre en place une organisation rationnelle de soins est bien réelle. Le souci le plus évident est de réduire les délais de prise en charge des blessés, quelle que soit la solution adoptée, rapprocher l ambulance des combats ou limiter les durées des transports vers les structures sédentaires les plus proches. Dans la réalité quotidienne, tout ceci restera le plus souvent très théorique et les secours aux blessés des campagnes qui vont se succéder, y compris jusqu à la fin du premier Empire, seront généralement improvisés en fonction des circonstances! III. LE XIX E SIÈCLE ET LA QUÊTE DE L AUTONOMIE. Pourtant, les propositions d améliorations venues des rangs des chirurgiens et des médecins militaires ne manqueront pas, cette période étant tout particulièrement riche en projets ou en initiatives. Pour l'essentiel, elles viendront buter sur la toute-puissante incompétence des commissaires des guerres, dont l imprévoyance le disputait parfois à la malhonnêteté. De grandes figures médicales comme Percy, Larrey, Desgenettes et autres Costes, feront entendre leur voix pour améliorer le sort des blessés et des malades. Elles seront trop rarement entendues, malgré la confiance et parfois l'amitié que leur manifestait l'empereur. C est Percy qui propose la création d un corps de brancardiers d ambulance, les fameux «despotats», afin d'améliorer la relève des blessés. C'est lui encore qui accroît la mobilité des équipes chirurgicales à la suite des unités en transformant un caisson d artillerie en ambulance chirurgicale mobile, très vite baptisée par les Grognards «saucisse ou wurst de Percy». Étaient rassemblés sur cet le service de santé des armées au centre du champ de bataille 411

Ambulance volante. attelage tout le personnel et le matériel indispensables pour assurer les premiers gestes chirurgicaux salvateurs sur les lieux même des combats. Larrey, quant à lui, revendiquera la paternité des «ambulances volantes» qui firent leur apparition dès 1797 dans l armée d Italie et dans l armée du Rhin. Dans son concept, ces ambulances constituent des unités opérationnelles dans des divisions composées de voitures légères à 2 ou 4 roues et de voitures pesantes. Une ambulance volante doit être mise en œuvre par armée et leur regroupement avec celles de divisions voisines permettre la constitution, très rapide, d'un ou plusieurs hôpitaux de premier secours. Des moyens allégés supplémentaires doivent en outre être disposés là où des combats particuliers risquent de se dérouler. Enfin, une ambulance volante est attachée à l avant-garde. Mais elle pourra être détachée «sur tous les points où l action sera la plus vive afin de donner les secours d urgence». Trois lignes de soutien sanitaire sont organisées dans la profondeur à l'arrière des combats, le corps d ambulance principal le Larrey soignant Rebsomen. 412 r. wey