Le feedback (ou rétro-action) : un élément essentiel de l intervention pédagogique en milieu clinique



Documents pareils
Module 3: Enseignement et évaluation clinique

Ces formations se font uniquement «Sur mesure» - Nous contacter. II - Techniques de vente «Avancées» - 6 ou 7 modules selon le concept vente

DIRIGEZ MIEUX. AMÉLIOREZ VOTRE COACHING AUPRÈS DES LEADERS. INSTAUREZ UNE MEILLEURE CULTURE DE LEADERSHIP.

Une stratégie d enseignement de la pensée critique

AGRÉMENT DES PROGRAMMES DE FORMATION D INFIRMIÈRE PRATICIENNE SPÉCIALISÉE (IPS) DOCUMENT DE PRÉSENTATION

Outil d autoévaluation LPRPDE. Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques

Rapport candidat. John Sample. 6 juillet 2012 CONFIDENTIEL

LES HABILETÉS DE SAVOIR ÊTRE

Outils d évaluations de la simulation en équipe: Évaluation de performance en formation interprofessionnelle. Martina ESDAILE SFAR 19 septembre 2012

Exposé-sondage. Conseil des normes actuarielles. Avril Document

Projet de Loi no 98 Loi modifiant la Loi sur l assurance médicament et d autres dispositions législatives

Quand le bâtiment va, tout va

Nous désirons tout mettre en œuvre pour découvrir le travail d enseignant et surtout, améliorer nos

Compétences de gestion et leadership transformationnel : les incontournables liés au nouveau contexte environnemental

Syllabus du cours de musique. Maternelle. enseigné par Joël Chiasson

RETOUR AU TRAVAIL Stratégies de soutien du superviseur lorsque la santé mentale joue un rôle dans le retour de l employé au travail

L analyse documentaire : Comment faire des recherches, évaluer, synthétiser et présenter les preuves

Vous êtes. visé. Comment diminuer les risques et les impacts d une agression en milieu bancaire

Cohésion d Equipe - Team Building

EVALUATION DES SERVICES GUIDE A L INTENTION DE LA CHEFFE OU DU CHEF DE SERVICE ET DE SES COLLABORATRICES ET COLLABORATEURS

MÉTHODOLOGIE DE L ASSESSMENT CENTRE L INSTRUMENT LE PLUS ADÉQUAT POUR : DES SÉLECTIONS DE QUALITÉ DES CONSEILS DE DÉVELOPPEMENT FONDÉS

PROJET DE FORMATION À LA COLLABORATION INTERPROFESSIONNELLE AU DÉPARTEMENT DE RADIOLOGIE DU CHUM (CENTRE HOSPITALIER DE L UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL)

MANAGER POUR LA PREMIÈRE FOIS

LA RECONNAISSANCE AU TRAVAIL: DES PRATIQUES À VISAGE HUMAIN

Principe et règles d audit

Vingt-cinq questions posées lors d une entrevue

L'évaluation des compétences comportementales

Proposition liée à l utilisation des débits intermembres Comprend un cadre de travail proposé pour la correction des erreurs de paiement de facture

E-monitoring : intégrer l émotionnel dans votre «balanced scorecard»

Les critères d approbation, Niveau 3. Introduction

ANNEXE 4. Réaliser un diagnostic de sécurité Principales méthodes de collecte d information. (Module 3, partie I, section 2.5)

COLLÈGE DE MAISONNEUVE

Aujourd hui, pas un seul manager ne peut se dire à l abri des conflits que ce soit avec ses supérieurs, ses collègues ou ses collaborateurs.

PLAN DE FORMATION Formation : Le rôle du superviseur au quotidien

Evaluation du cursus «Marketing»

Info-assurance Séance d information de l IASB du 19 mars 2015

Guide pour la rédaction du rapport d auto-évaluation

Modulo Bank - Groupe E.S.C Chambéry - prérequis à la formation - doc. interne - Ecoute active.doc Page 1

Description du marché de l interim management

CHARTE DU CORRESPONDANT MODELE TYPE

Lignes. directrices. droits. d enfants. d accès. Pour l expertise en matière de garde. et des. février 2oo6

Rédiger et administrer un questionnaire

Ligne directrice du cours de perfectionnement pour les directrices et directeurs d école

Homosexualité et milieu de travail

Comment répondre aux questions d un examen en droit qui sont basées sur des faits

Délivrance de l information à la personne sur son état de santé

PROGRAMME DE MENTORAT

Pour une éducation médicale avec apprentissage en ligne

Le menu du jour, un outil au service de la mise en mémoire

Diplôme d Etat d infirmier Référentiel de compétences

Analyse des compétences selon la méthode du feedback 360

CFC 450 PROGRAMME DES CADRES DIRIGEANTS SYLLABUS

«Le Leadership en Suisse»

INTRODUCTION AU PROGRAMME D ASSURANCE DE LA QUALITÉ

GUIDE DE CONSOLIDATION D ÉQUIPE POUR LES ÉQUIPES DE SOINS PRIMAIRES DE L ONTARIO

M2S. Formation Management. formation. Animer son équipe Le management de proximité. Manager ses équipes à distance Nouveau manager

Comprendre les différentes formes de communication

DONS, D HOSPITALITÉ. Lignes directrices 1. mai 2012 COMMISSAIRE À L ÉTHIQUE ET À LA DÉONTOLOGIE

L approche populationnelle : une nouvelle façon de voir et d agir en santé

Certificat en interventions de group et leadership

EXEMPLE DE FORMULAIRE D ÉVALUATION 2015

ANGULAR JS AVEC GDE GOOGLE

L ASSOCIATION DES TRAVAILLEURS SOCIAUX DU NOUVEAU-BRUNSWICK

ISBN-13 : Dépôt légal : Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2009

Une nouvelle norme mondiale sur la comptabilisation des produits

ÉVALUATION ET AMÉLIORATION DES PRATIQUES. Développement professionnel continu. Simulation en santé. Fiche technique méthode

Agile Learning Comment faire face aux changements organisationnels? Une étude internationale réalisée par Lumesse

Planification financière

Organisation de dispositifs pour tous les apprenants : la question de l'évaluation inclusive

Ligne directrice du cours menant à une qualification additionnelle. Musique instrumentale (deuxième partie)

GROUPE DE CONTACT DES DIRECTEURS

PLAN D INTÉGRATION COLLABORATIF DU RÔLE DES INFIRMIÈRES ET INFIRMIERS PRATICIENS AU CANADA

LES 11 COMPÉTENCES CLÉ DU COACH SELON LE RÉFÉRENTIEL ICF OBJECTIFS CERTIFICATION PRINCIPES ET ORIENTATIONS

C. Cohen, Inf. M.Sc. Professeure HEdS La Source & Intervenante à l IUFRS

Chapitre 1 : Notions. Partie 9 - Rente viagère. Qu est-ce q u u n e «r e n t e v i a g è r e»?

Consommateurs et cartes de débit

NTRODUCTION. Guide de gestion des ressources humaines

e-commerce : Guide à l intention des Petites et Moyennes Entreprises

Formation Conseil - Recrutement

Ligne directrice sur les simulations de crise à l intention des régimes de retraite assortis de dispositions à prestations déterminées

Veuillez noter que les questions des sondages en ligne s inspirent des questions posées aux groupes de discussion.

Chapitre 2 LE CAS PRATIQUE

5172, des Ramiers Québec QC G1G 1L3 (418)

Logiciels de Gestion de Projet: Guide de sélection

La supervision en soins infirmiers

b) Fiche élève - Qu est-ce qu une narration de recherche 2?

Qu'est-ce que APP/ PBL?

Forum AMOA ADN Ouest. Présentation du BABOK. 31 Mars 2013 Nadia Nadah

Introduction à l évaluation des besoins en compétences essentielles

Nouveaux enjeux de recherche en sécurité routière liés à l'automatisation des véhicules : conséquences sur l'activité de conduite

ASSOCIATION DES COMPTABLES GÉNÉRAUX ACCRÉDITÉS DU CANADA. Norme de formation Professionnelle continue Version 1.1

A-T-ON DES ATTENTES IRRÉALISTES POUR NOS RÉGIMES PRIVÉS ET PUBLICS DE PENSION?

Les «devoirs à la maison», une question au cœur des pratiques pédagogiques

Instaurer un dialogue entre chercheurs et CÉR: pourquoi? Me Emmanuelle Lévesque Centre de génomique et politiques Université McGill

GUSTAV KÄSER TRAINING. Calendrier Terminplan 2012 GUSTAV KÄSER TRAINING INTERNATIONAL

Bien-être et Performance Collective Des risques psychosociaux au modèle de management et au bien vivre ensemble

Les cinq premiers pas pour devenir vraiment agile à XP Day Suisse 2009 par Pascal Van Cauwenberghe et Portia Tung: La Rétrospective

ÉNONCÉ DE PRINCIPES LE COMMERCE ÉLECTRONIQUE DES PRODUITS D ASSURANCE

LES 7 REGLES DE CONDUITE D UN ADMINISTRATEUR PERFORMANT

Attirez-vous les Manipulateurs? 5 Indices

Transcription:

R é f é re n c e s Le feedback (ou rétro-action) : un élément essentiel de l intervention pédagogique en milieu clinique Heather V. O B R I E N,* Meredith B. M A R K S,* Bernard C H A R L I N* * Messages clés Pour les éducateurs, donner du feedback aux étudiants représente une habileté complexe mais n é c e s s a i re. Il y a feedback lorsque l étudiant reçoit de l i n f o rmation concernant une de ses actions et qu il utilise cette information pour modifier son approche de la tâche. Sans feedback l a p p rentissage est re t a rdé ; les étudiants peuvent s a n c rer dans de mauvaises habitudes et abandonner sans le savoir des modalités d action pert i- nentes. Un feedback efficace est donné en temps voulu. Il porte sur des comportements spécifiques et re m é- diables, il implique l étudiant et il identifie à la fois les forces et les faiblesses. Il est objectif sans porter de jugement de valeur et il offre des suggestions de changement. Donner du feedback implique toujours un respect de l é t u- diant. Le feedback n est pas une habileté innée. Il peut s a p p re n d re. Avec un peu de feedback vos habiletés de feedback peuvent s a m é l i o re r. Mots clés Fe e d b a c k, éducation médicale, méthodes d e n s e i g n e m e n t. Key learning points Presenting feedback to learners is a complex but necessary skill for educators. Feedback occurs when a learner is provided with information re g a rding an action and then uses that information to modify their approach to a task. Without feedback learning is delayed ; learners may refine bad habits and unknowingly abandon effective practices. Ef f e c t i ve feedback is provided in a timely manner, focuses on specific behaviours that are remediable, invo l ves the learn e r, identifies both strengths and weaknesses, is object i ve and non-judgmental, and offers suggestions for change. When providing feedback, always maintain re s p e c t for the learn e r. Feedback is not an innate skill ; it can be learned. With a little feedback your feedback skills can improve. Keywords Fe e d b a c k; medical education; teaching methods. Pédagogie Médicale 2003 ; 4 : 184-191 In t ro d u c t i o n Comment informons nous au mieux les étudiants à propos de la qualité de leur performance clinique et comment les motivons nous pour qu ils l a m é l i o rent en p e r m a n e n c e? Dans une perspective éducationnelle, la pratique de la médecine est souvent vue comme étant l a p p l i- cation d un ensemble de savoirs, d habiletés et d a t t i t u d e s. Les interrelations de ces trois domaines sont complexe s. De ce fait, pour analyser et optimiser les pratiques cliniques d un étudiant en formation, il est nécessaire de recourir à des stratégies et à des techniques d i n t e rve n t i o n pédagogique variées. L o b s e rvation directe par un enseignant d un étudiant en situation de pratique clinique réelle offre l o p p o rtunité d apprécier les forces et les fai- * Université d Ottawa** Université de Montréal Correspondance : Heather V. O Brien - Département d anesthésiologie - Université d Ottawa Ontario - Canada, mailto : Hobrien@cheo.on.ca 184 PÉDAGOGIE MÉDICALE - Août 2003 - Volume 4 - Numéro 3

Le feedback (ou rétro-action) : un élément essentiel... Pédagogie Médicale blesses de l étudiant et de lui retourner cette information. Cette capacité de donner du f e e d b a c k(ou rétro-action) est une des composantes essentielles de l éducation en milieu clinique. Les activités de soins spécifiques au lit du malade constituent le support principal de la formation en milieu clinique. Dans cet environnement les enjeux sont importants, tant pour les enseignants que pour les étudiants. Les soins aux patients sont au centre de notre mission et la sécurité du patient doit toujours être notre priorité. Les étudiants apprennent sur un mode expérientiel en pre n a n t des décisions et en intervenant, tout en observant les conséquences de leurs actions. Ils ont certes des capacités d a u t o - é valuation, mais ils ont soif de f e e d b a c k pour être rassurés et, le cas échéant, réorientés quant à leur pro g re s- sion dans la bonne direction. Chacun d e n t re nous enseigne dans des microcosmes au sein de l e n v i ronnement académique. Il n est pas facile de re t ro u ver dans la littérature pédagogique les informations répondant de façon pertinente et spécifique aux pro b l è m e s singuliers que nous avons à résoudre. Les caractéristiques des étudiants, les méthodes d enseignement employées et les contextes professionnels varient considérablement. Il a r r i ve que nous travaillions à côté d un étudiant et en interaction directe avec lui pendant une période pro l o n- g é e ; il arrive également que nous interagissions ponctuellement avec de nombreux apprenants, en n ayant que de r a res occasions de travail prolongé avec chacun d e n t re eux. Ces conditions variables de la pratique éducative en contexte clinique créent des difficultés pour donner du f e e d b a c k. Cependant des principes généraux prenant en compte les exigences d un f e e d b a c k efficace peuvent être aisément adaptés à pratiquement toutes les situations d enseignement. L objectif de cet article est de mettre l accent sur la va l e u r pédagogique du f e e d b a c kdonné sur une base régulière, de présenter les composantes du f e e d b a c k efficace, telles q u elles ont été développées et codifiées dans la littérature et, sur la base des données probantes actuellement disponibles, de formuler des recommandations pour donner un f e e d b a c kefficace. Qu est-ce que le feedback? Po u rq u o i est-il important? Le concept de f e e d b a c ka été énoncé pour la pre m i è re fois dans les années 40. Le terme désignait un processus de recueil d informations concernant le mouvement de fusées et la transmission en retour de cette information, dans un format utilisable, vers le système de programmation des t r a j e c t o i res ultérieures du projectile. Ap p a ru dans le champ de l ingénierie, le concept fut ensuite extrapolé pour devenir le fondement d une science plus large, la c y b e r n é t i q u e 1. Dans les années 70, on assista à la transposition du concept de f e e d b a c k dans des domaines très d i vers, incluant le monde des affaires et celui de la médec i n e 2-5. La notion de boucle courte, au sein de laquelle se succèdent l action, l o b s e rvation, l interprétation et la re - d i rection, caractérise fondamentalement le processus de f e e d b a c k, qui peut être appliqué à tout scénario dans lequel le but visé est un changement de comport e m e n t. En éducation médicale, le terme f e e d b a c k fait référence à un message spécifique, basé sur l o b s e rvation de l é t u d i a n t en train d effectuer une tâche professionnelle, fourni par l enseignant et communiqué à l étudiant dans l i n t e n t i o n de l informer et de lui offrir une opportunité pour améliorer sa performance dans les tâches ultérieures. Le f e e d b a c k résulte de la fourniture à un étudiant d un éclairage sur ce q u il ou elle vient d e f f e c t u e r, ainsi que sur les conséquences de ses actions 6. Le f e e d b a c kconsiste à observer et re - d i r i g e r, dans un cycle continu d e s s a i s - e r re u r s. L étudiant entre p rend une action, dans une situation donnée, avec l intention d obtenir un résultat particulier (faciliter la communication, recueillir de l information diagnostique, développer un diagnostic différentiel, mettre en route un traitement, etc.). Le rôle de l enseignant consiste à fournir à l étudiant un point de vue objectif à l é g a rd de ce qu ont été ses actions réelles et des conséquences prévisibles de ces actions 6. L i n t rospection développée par l é t u- diant, guidée autant que nécessaire par l enseignant, l a i d e à compre n d re comment ses futures actions devront être modifiées pour pro d u i re les résultats désirés. Dans cet article, le terme f e e d b a c kdésigne le f e e d b a c kf o r- m a t i f, qui diffère du f e e d b a c k s o m m a t i f. Le f e e d b a c k f o r- m a t i f, tout comme l entraînement sport i f, est fourni tout au long du cheminement vers le but. A l opposé, le f e e d- b a c k sommatif est fourni après l action. Il est utilisé aux fins d attribution de notes, de rang de mérite, de cert i f i c a- tion ou pour délivrer un droit d e xe rcice. Utilisé isolément, le f e e d b a c k sommatif prive l étudiant de l o p p o rtunité de modifier ses pratiques dans le cadre d un pro c e s s u s c o n t i n u. Les termes de f e e d b a c k efficace et de f e e d b a c k i n e f f i c a c e font référence à la façon dont le message est transmis. Le f e e d b a c kefficace (le «bon» f e e d b a c k, le f e e d b a c kb é n é f i q u e ) guide l étudiant vers le but désiré, tandis que le f e e d b a c k 185

R é f é re n c e s inefficace (le «mauvais» f e e d b a c k, le f e e d b a c k d é l é t è re ) peut pro d u i re l effet inverse. Ces termes sont d i f f é rents de ceux de f e e d b a c kpositif (ou de re n f o rc e m e n t ) et de f e e d b a c k négatif (ou corre c t i f) qui eux concernent, dans le processus du f e e d b a c k, les conséquences du comp o rtement de l étudiant. Le f e e d b a c kefficace pro c u re de nombreux bénéfices, tant à l étudiant et qu à l enseignant. Il aide l étudiant à définir ses attentes, à évaluer ses apprentissages, à agir sous supervision et, en fin de compte, à améliorer sa performance. Le fait de générer du f e e d b a c kbénéficie aussi à l enseignant en lui permettant de modifier son style et ses contenus d e n- seignement pour s adapter aux besoins individuels des étudiants. En conséquence, le f e e d b a c k contribue à créer un climat de préoccupation et d intérêt sincères envers le d é veloppement de l étudiant. Le bon f e e d b a c kincite l é t u- diant à se sentir responsable et fier de ce qu il sait et de ce q u il sait bien faire, à entre p re n d re les actions nécessaire s pour combler les lacunes de ses connaissances et à approfondir la compréhension de son champ d étude. La capacité à donner adéquatement du f e e d b a c k a été identifiée comme étant une des caractéristiques des enseignants cliniciens expert s 7. A l i n verse, l incapacité à pro c u rer du f e e d b a c kpeut avo i r des conséquences négatives. Nos étudiants peuvent ne pas p e rc e voir leurs erreurs, constru i re des conceptions erronées et développer de mauvaises habitudes. Leur pro g re s- sion est ralentie quand leurs faiblesses ne sont pas identifiées en temps voulu. Les étudiants peuvent aussi ne pas p re n d re conscience de la qualité de leurs réalisations et abandonner ainsi sans le savoir des façons de faire efficaces. Sans f e e d b a c k, les étudiants risquent peu à peu de se satisf a i re de critères moins objectifs et moins exigeants et graduellement de rejeter délibérément toute source d é va l u a- tion externe, alors même qu ils ne sont pas encore deve n u s a u t o n o m e s. Les étudiants ont souvent du mal à re c o n n a î t re que du f e e d b a c kleur a été donné, surtout si le f e e d b a c kn a pas été identifié explicitement comme tel par le superv i s e u r 8. Il a été montré que les superviseurs perçoivent plus facilement que leurs étudiants qu un f e e d b a c kspécifique, bien conçu, a été donné en temps vo u l u 9. Au sein d un groupe de résidents de médecine interne interrogés par questionnaire quant à l existence d un f e e d b a c k, 80 % d e n t re eux ont r a p p o rté qu ils n a vaient jamais ou peu fréquemment re ç u du f e e d b a c k alors même qu ils en avaient reçu régulièrem e n t 1 0. Pour autant, il faut admettre qu un f e e d b a c kn e s t pas toujours donné régulièrement par les superviseurs c l i n i q u e s 7, 8. Ceci n est pas pro p re au domaine de la formation médicale. Des problèmes similaires ont été décrits dans d a u t res disciplines 11, 12. Les superviseurs, que ce soit dans les milieux cliniques ou non, se sentent vo l o n t i e r s mal à l aise pour faire face aux émotions qui peuvent apparaître lorsque le f e e d b a c k est donné. La p l u p a rt des enseignants appréhendent de dire à leurs étudiants que leurs pratiques sont incorrectes, de peur de h e u rter leur sensibilité. Ils se sentent d ailleurs souve n t tout aussi maladroits pour féliciter leurs étudiants. Afin de ne pas se tro u ver confrontés eux-mêmes aux conséquences de la charge affective induite par le f e e d b a c k, bien des s u p e rviseurs évitent inconsciemment d a f f ronter les exigences requises pour donner du f e e d b a c ket choisissent de ne pas en donner du tout 1 1, 1 3. À l opposé, certains enseignants formulent des critiques ou des louanges si exc e s s i ves qu elles en deviennent non crédibles et sont de ce fait rejetées par les étudiants. Pa r ailleurs même un f e e d b a c k bien intentionné, s il est mal donné, peut amener l étudiant à penser qu un jugement de valeur est porté sur sa personnalité ou à cro i re que ses pensées, opinions et contributions ont été négligées ou rejetées. L a rt de donner un f e e d b a c k efficace n est pas inné mais peut en re vanche s a p p re n d re. Comme pour la plupart des compétences d enseignement, le confort découle de la maîtrise d habiletés et la maîtrise re q u i e rt une pratique r é g u l i è re. Recommandations pour la délivrance d un feedback En 1983, Jack Ende a publié dans le J A M A son art i c l e princeps intitulé «Fe e d b a c k in Clinical Me d i c a l Ed u c a t i o n» 6. Vingt ans plus tard il demeure difficile de t ro u ver un article important sur le thème du f e e d b a c kq u i ne cite pas ce travail. Dans son article il définit le rôle du f e e d b a c ken éducation médicale et émet un ensemble clair de recommandations pour donner un f e e d b a c kefficace. Il faut noter qu en 1983, Ende ne fournissait pas de pre u ve pour étayer ses recommandations. Les éléments de pre u ve, issus des travaux d a u t res auteurs 11, 12, sont arrivés plus tard. L efficacité des techniques de f e e d b a c k p roposées dans la l i t t é r a t u re a été démontrée dans des situations réelles. Pa r e xemple, il a été demandé aux participants d un atelier consacré aux habiletés de communication d identifier des e xemples de f e e d b a c k utile ou inutile reçus pendant la f o r m a t i o n 1 4. Les caractéristiques de l un et l a u t re ont été 186 PÉDAGOGIE MÉDICALE - Août 2003 - Volume 4 - Numéro 3

Le feedback (ou rétro-action) : un élément essentiel... Pédagogie Médicale é valuées à la fois quantitativement et qualitative m e n t. Cette étude concernait des enseignants cliniciens qu o n p o u vait supposer plus réceptifs que d a u t res apprenants à re c e voir du f e e d b a c k. Cependant, ils étaient clairement placés dans un rôle d a p p renant et étaient activement engagés dans l acquisition de nouvelles habiletés. Le f e e d b a c ké valué dans cette étude était donc bien fourni dans un contexte d a p p rentissage authentique. Les résultats de l étude accréditent tout à fait l efficacité des techniques de f e e d b a c k identifiées dans la littérature et que nous résumons ci-dessous. L o r s q u on songe à donner du f e e d b a c k, six questions méritent d ê t re prises en considération : 1. Suis-je la personne appropriée pour donner ce feedback? Le f e e d b a c k peut être fourni par quiconque ayant l e x p é- rience de la situation d a p p rentissage (et de ce qu e l l e représente comme défi pédagogique) et ayant été en position d o b s e rver attentivement la performance de l é t u- diant. L information sera par ailleurs d autant mieux re ç u e par l étudiant qu il vous percevra comme étant une sourc e fiable ayant des intentions sincères envers lui. Il n est pas acceptable de fournir du f e e d b a c k hors de vo t re domaine d e x p e rtise ou lorsque vous n êtes pas directement impliqué dans la situation. En re vanche, toute personne qui contribue à l é valuation sommative de l étudiant a la re s- ponsabilité de veiller à ce qu un f e e d b a c k formatif approprié soit fourni en quantité et qualité suffisante pendant la période qui précède cette évaluation. 2. Sur quel point particulier le feedback doit-il porter? Le f e e d b a c k doit se concentrer part i c u l i è rement sur les c o m p o rtements de l étudiant qui sont observables et qui p e u vent être comparés à des buts ou des standards de pratique bien établis. Idéalement le f e e d b a c k est basé sur ce que vous avez observé directement vous-même. Il faut être c e rtain que les observations et les informations utilisées pour donner le f e e d b a c k sont valides et qu elles peuve n t ê t re comparées à des standards de pratique appro p r i é s. Vo t re f e e d b a c k devrait porter exc l u s i vement sur les comp o rtements qui sont remédiables. Il n y a aucun intérêt à identifier des détails qui ne peuvent être modifiés. Pa r e xemple, en discutant la façon dont un étudiant communique avec les patients, il est inutile de faire des comment a i res sur le caractère haut perché de la voix de l é t u d i a n t. Ce n est pas quelque chose qu il peut changer. Cette information va contrarier l étudiant et le re n d re moins susceptible d accepter des suggestions qui pourraient avoir un impact réel sur ses pratiques cliniques. Le f e e d b a c kc o r rectif identifie un écart entre des comport e- ments existants et des comportements attendus. Le f e e d- b a c k positif souligne les pratiques qui favorisent le but re c h e rché. Les deux modalités de f e e d b a c k p e r m e t t e n t d a m é l i o rer la performance de l étudiant en contribuant à combler cet écart. Il peut également être utile de compare r la performance de l étudiant avec ses performances passées dans cette tâche, avec sa performance dans d a u t res tâches ou avec la performance de ses pairs 1 5. Il est souhaitable de limiter vo t re message aux faits et aux résultats réellement observés, sans présumer des intentions de l étudiant. Il est, par exemple, fréquent de présumer que si un étudiant a négligé une donnée clinique importante c est parce qu il a oublié de la re c h e rc h e r. En fait, la raison réelle pouvait être que l étudiant n a vait pas les connaissances et les habiletés pour évaluer adéquatement ce patient. Il n est pas correct de postuler arbitrairement la cause d un comportement observé. Il convient plutôt de m e t t re l accent sur la description de ce qui a été observ é, pour explorer ensuite, avec l étudiant, les raisons de son action et de ses conséquences. Les commentaires généraux concernant l intelligence de l étudiant, ses qualités d organisation, ses compétences ou ses attitudes sont rarement utiles s ils ne sont pas rattachés à des actions ou à des événements spécifiques. De la même façon, l e x p ression de compliments globaux est beaucoup moins utile que l identification d actions qui ont eu des conséquences positives et qui méritent un re n f o rc e- ment. Les traits de personnalité ne sont pas habituellement des objets de f e e d b a c k, sauf s ils se traduisent en comp o rtements qui sont corrigeables ou qui méritent d ê t re re n f o rcés. 3. Où et quand dois-je offrir du feedback? Le f e e d b a c kefficace fait partie des attentes légitimes de nos étudiants. Idéalement, les étudiants devraient re c h e rc h e r les opportunités de f e e d b a c k et ne pas subir ce dernier comme un rite nécessaire. Le f e e d b a c k attendu, donné r é g u l i è rement, est moins susceptible de provoquer des réactions émotives et a plus de chance d ê t re perçu comme étant crédible. Le f e e d b a c kdevrait être discuté à un moment approprié de 187

R é f é re n c e s façon à ce que l enseignant et l étudiant puissent tous deux se rappeler les détails de la performance analysée et les conséquences. Le f e e d b a c k doit être donné aussitôt que possible après la période d o b s e rvation de l étudiant. Il est efficace quand tous ceux qui sont impliqués se souviennent des détails et avant que de fortes émotions ou une déconnexion de l événement aient eu le temps de se prod u i re. Le moment du f e e d b a c kest donc important. Il est cependant des circonstances où il vaut mieux délibérément le d i f f é rer si l enseignant et/ou l étudiant ressentent de fort e s émotions. Nous nous souvenons tous d événements au cours desquels un étudiant a commis une erreur critique pendant une situation stressante, à un moment de surcharge de travail clinique. Quand l étudiant fait face à une tâche qu on ne juge pas soi-même part i c u l i è rement compliquée, le risque est plus grand de se sentir insatisfait de l étudiant. Dans ce genre de situation, nous avons tendance à évaluer la personnalité de l étudiant plutôt que ses actions. C est une situation rarement pro d u c t i ve. De la même façon, si un étudiant est encore émotivement perturbé par un événement qui vient de se pro d u i re, il est souhaitable de lui donner du temps pour rassembler ses idées a vant de lui offrir vos observations. At t e n d ez donc un peu pour que vos émotions et celles de l étudiant aient eu le temps de se calmer avant de donner du f e e d b a c k, mais ne re p o u s s ez pas ce dernier indéfiniment. Le f e e d b a c k efficace doit être donné dans un enviro n n e- ment favorable. Le superviseur doit être perçu par l é t u- diant comme un allié centré sur le but commun d a m é l i o- rer sa performance. Il n est pas nécessaire que l e n s e i g n a n t se force à apparaître comme un complice ou un pair, mais la fourniture du f e e d b a c k devrait refléter la sagesse et l expérience de l enseignant, sans accentuer indûment la d i f f é rence de pouvoir et de statut entre l enseignant et l étudiant. Pour de multiples raisons, il y aura toujours des moments et des endroits qui n a p p a r a î t ront pas idéaux, dans la perspective de l un ou l a u t re, pour donner du f e e d- b a c k. Il devrait toutefois être toujours possible d offrir à l étudiant un f e e d b a c k a p p rofondi, qui tienne compte du contexte émotif de l étudiant dans une situation donnée. 4. Comment dois-je m y prendre? Il est nécessaire de travailler sur des buts communs en impliquant activement l étudiant dans son pro p re f e e d- b a c k. Il doit être invité à donner ses appréciations à pro p o s de ses actions, de leurs forces et de leurs faiblesses et sur la façon dont il pense pouvoir les améliorer dans la perspect i ve des performances futures. Cette auto-évaluation préalable prépare l étudiant à re c e voir l é valuation d un observateur extérieur sur ces mêmes actions. De m a n d ez à l étudiant comment il perçoit ses actions et leurs conséquences. Soyez préparé à l écouter avec un esprit ouve rt. C est ce modèle d o u ve rt u re d esprit que les étudiants doivent incorporer pour pouvoir accepter le f e e d b a c k. Le f e e d b a c kdevrait porter sur la performance de l é t u d i a n t par rapport à des buts prédéfinis, tels que les objectifs éducationnels de la période de stage. Les deux part i e s devraient partager les mêmes buts et valeurs. S il y a écart à ce niveau, il est probable qu il faudra partager plus que de l information ; il faudra peut-être même parfois se r é s o u d re à une approche de résolution de conflit. St r i t t e r 1 6 s u g g è re que le f e e d b a c k formatif tout comme le f e e d b a c k sommatif doivent faire explicitement partie du contrat d a p p rentissage initial. Les étudiants devraient savoir qu i l s vont être évalués et ils ont le droit de savoir à quel moment exact ils vont l ê t re. La quantité de f e e d b a c k que l on peut donner à un moment déterminé est limitée. Il y a une limite au nombre de messages qu un étudiant peut enre g i s t re r. Il est nécess a i re de mettre l accent sur les points les plus significatifs. Si vous donnez régulièrement du f e e d b a c k, vous aurez d a u t res occasions pour formuler d a u t res messages. En d e 6 ne donne pas de recommandation précise sur la façon d é q u i l i b rer f e e d b a c kpositif et f e e d b a c knégatif pour optimiser l impact sur l étudiant. Un f e e d b a c knégatif peut a voir l effet désiré en réduisant les comportements non souhaitables, mais il peut aussi augmenter le nive a u d anxiété de l a p p renant. Un enseignant qui utilise exc e s s i- vement le f e e d b a c knégatif va faire décro î t re la réceptivité de l a p p renant vis-à-vis du f e e d b a c ku l t é r i e u r, érigeant ainsi une barrière à la communication. Un juste équilibre m o n t re à l a p p renant que vous observez autant ses forc e s que ses faiblesses. Ce faisant, vous l e n c o u r a g e rez à vo u s écouter plus attentivement. Selon St r i t t e r 1 6, les commentaires négatifs sont habituellement mieux reçus s ils sont accompagnés de commentaire s positifs. Ses observations l ont amené à proposer le concept de «f e e d b a c ksandwich» dans lequel un point de f e e d b a c kpositif est suivi par un point de f e e d b a c knégatif et ensuite coiffé d une observation de re n f o rcement positif, afin de terminer la session sur une note positive. Ce concept de «f e e d b a c ksandwich» est devenu très populaire. D a u t res auteurs considèrent cependant qu une attitude aussi systématique devient trop prévisible de la 188 PÉDAGOGIE MÉDICALE - Août 2003 - Volume 4 - Numéro 3

Le feedback (ou rétro-action) : un élément essentiel... Pédagogie Médicale p a rt de l étudiant qui, dans ce cas, peut négliger le f e e d b a c k positif en raison de son côté convenu et se préoccuper uniquement de la tranche négative du sandwich 1 7. Un des concepts utiles de la littérature est celui du compte en banque émotif 1 5. En tant qu enseignant, vous pouvez f a i re des dépôts sur le compte de l étudiant en lui offrant du f e e d b a c kpositif de re n f o rcement. Vous êtes alors autorisé à effectuer des retraits sous forme de critique corre c- trice tout en veillant sur le solde de vo t re compte avec l a p p renant. Un solde suffisant vous permettra de faire des retraits isolés, en prenant garde à tout moment à ne pas amener vo t re compte dans la zone négative. Le f e e d b a c k devrait être formulé en utilisant un langage précis et objectif. Il devrait se limiter à une éva l u a t i o n n e u t re et objective de la performance, dans le but d a m é- l i o rer les habiletés professionnelles. Le f e e d b a c kne vise ni à susciter une réponse émotive de l étudiant, ni à critiquer sa valeur personnelle. Formulé adéquatement, il est purement descriptif et ne juge pas. Si des éléments subjectifs d o i vent être émis, ils devraient l ê t re en utilisant des phrases du genre «J ai observé que» ou «il m a p p a r a î t que». Ceci permet au récepteur du f e e d b a c k de se re n d re compte que l impact de son comportement peut ê t re différent de celui qu il ou elle espérait avoir ou pensait a voir eu, sans avoir le sentiment d a voir été jugé. Ce qui manque manifestement dans les re c o m m a n d a t i o n s formulées par En d e 6, c est la notion que les enseignants donnant du f e e d b a c k devraient y inclure des suggestions pour permettre une amélioration. Les auteurs ultérieurs ont démontré cette nécessité, ainsi que celle de re c o m- mandations de lectures utiles et de propositions concernant ce que l étudiant devrait essayer la prochaine fois pour mieux faire. Une étude au moins montre claire m e n t que l inclusion de suggestions de changement est associée à une perception par les apprenants que le f e e d b a c k e s t u t i l e 1 4. La littérature suggère donc de se sentir libre d i n d i- quer des directions, de suggérer des articles à lire, de s t i m u l e r, c e s t - à - d i re d e n s e i g n e r, tout simplement! Lorsque vous et vo t re étudiant conve n ez qu un domaine de pratique re q u i e rt des améliorations et que des suggestions corre c t i ves sont suggérées, il faut idéalement re n s e i- gner l étudiant quant aux résultats de ses efforts ultérieurs en assurant un suivi. Ceci permet de s a s s u rer que l é t u- diant corrige ses faiblesses, tout en lui faisant perc e vo i r l i m p o rtance que vous placez dans la qualité de son a p p rentissage clinique. Su g g é rer des solutions alternatives pour atteindre les résultats désirés est une manière de donner du f e e d b a c kn é g a t i f d une façon positive. Par exemple, «Une autre façon de f a i re cela pourrait avoir été de». Le questionnement peut être utilisé comme technique pour amener l a p p renant à réfléchir sur les conséquences de ses actions. Pa r e xemple : «Y a-t-il un effet secondaire de ce médicament qui pourrait re n d re son utilisation dangereuse dans cette situation?» Le superviseur qui donne du f e e d b a c k devrait toujours vérifier si le message a bien été émis et compris. Le langage non verbal peut à cet égard être tro m p e u r. Un hochement de tête peut être interprété comme de l impatience, plutôt que comme un accord et une compréhension. Il est donc utile de demander à l étudiant qui reçoit du f e e d b a c k d e r é é m e t t re le message à vo t re intention, de l encourager à re c o n n a î t re les comportements qui demandent à être modifiés et de se commettre sur la façon dont il compte s y p re n d re et sur son engagement à le faire. 5. A quelle réponse émotive dois-je m attendre? En dépit des meilleures intentions de l enseignant et de l a p p renant, tant qu une certaine expérience n a pas été accumulée d un côté comme de l a u t re, le f e e d b a c k e s t habituellement donné et reçu avec un certain degré d anxiété et d i n c e rtitude. Il est des situations dans lesquelles il faut une grande dose d habileté pour fournir un f e e d b a c ksans en limiter l efficacité en engendrant une réaction défensive chez l a p p re n a n t. Si vo t re personnalité vous incite à aller rapidement au fond des choses, méfiez - vous. Une critique pertinente et précise n autorise pas pour autant à prononcer une condamnation i n c i s i ve. Vo t re autorité en tant que membre du corps professoral s accompagne de la responsabilité de traiter re s p e c- tueusement les étudiants en toute occasion. Si vo t re message est teinté d affectivité et camoufle une intention cachée de punition, de menace, d intimidation ou d a f f i r- mation de vo t re statut au détriment de l étudiant, mieux vaut vous abstenir. Nos étudiants sont parfois, avec plus ou moins d i n t e n s i t é, désappointés lorsque leurs efforts ne produisent pas les résultats qu ils espéraient obtenir. En d e 6, dans son art i c l e, ne fournit pas de suggestion sur la façon de se comport e r face aux réponses émotives de nos étudiants. Qu e l q u e s - uns vont nier la véracité des observations, rejeter le blâme sur d a u t res, chercher d e xcellentes raisons expliquant p o u rquoi leur travail n est pas idéal ou même réagir ave c c o l è re envers l enseignant qui donne le f e e d b a c k. Si les principes d un f e e d b a c k efficace sont suivis, ces tactiques 189

R é f é re n c e s 1- Vous êtes la personne appropriée pour offrir du feedback si : vous avez observé l é t u d i a n t, vous possédez l e x p e rtise requise dans le domaine, vous êtes responsable de l é valuation de l é t u d i a n t. 2- Vos messages de feedback devraient : se référer à des comportements observa b l e s, se référer à des comportements re m é d i a b l e s, être basés sur de l information valide et complète, offrir du f e e d b a c kaussi bien positif que négatif, être libres de toute intention préconçue, être spécifiques. 3- Votre feedback devrait être offert : sur une base fréquente et régulière, à un moment appro p r i é, après que les émotions sont re t o m b é e s, dans un environnement privé et sere i n. 4- Lorsque vous offrez du feedback, vous devriez : impliquer l é t u d i a n t, vous assurer d un accord quant aux buts et aux o b j e c t i f s, limiter sa quantité, donner un f e e d b a c ké q u i l i b r é, utiliser un langage objectif, qui ne porte pas de jugement à l é g a rd des personnes, identifier explicitement les commentaires subjectifs, offrir des suggestions, vérifier la compréhension du f e e d b a c k. 5- Pour amortir l impact émotionnel du feedback, vous devriez : Sa voir identifier la présence d une réponse émotive, Mo n t rer vo t re respect de l a p p re n a n t, Être respectueux de ses sentiments. 6- Pour approfondir vo t re intérêt envers le f e e d - back, vous devriez : re c h e rcher des ateliers, solliciter du f e e d b a c ksur vo t re f e e d b a c k, vous entraîner, p a rtager vos connaissances, vos habiletés et vo t re e n t h o u s i a s m e, continuer à en donner. d é f e n s i ves devraient être limitées. En fait, le f e e d b a c kp e u t même intégrer les émotions négatives de l a p p renant, les m e t t re en perspective et ultimement les réorienter vers des résultats positifs. Lorsque l étudiant devient résistant ou défensif, cert a i n e s techniques permettent malgré tout de tirer le meilleur p a rti de la situation. Commencez par identifier explicitement l i n c o n f o rt apparent du résident et par lui pro p o s e r d en explorer le motif ensemble. Me t t ez l accent sur les points positifs, sans esquiver les éléments négatifs. D é c o m p o s ez les observations qui posent problème en explicitant leurs différents éléments et encouragez les résidents à s a p p roprier une part du problème tout au moins. N é g o c i ez l acceptation de petites zones de contentieux. Pre n ez du temps pour examiner les différents éléments individuellement puis re g ro u p ez-les et laissez la re s p o n s a- bilité à qui elle appart i e n t. 6. Comment puis-je m améliorer pour mieux donner du feedback? Nous assistons, dans le monde unive r s i t a i re, à un d i n t é r ê t c roissant vo i re à un enthousiasme à propos de l i n c o r p o r a- tion du f e e d b a c k efficace dans nos activités d e n s e i g n e- ment. Pe u t - ê t re est-ce parce qu en tant que cliniciensenseignants nous nous rendons souvent compte que la nécessité de délivrer davantage de «bon» f e e d b a c k s e h e u rte à notre impréparation pour en fournir. Peu d e n s e i- gnants re ç o i vent une formation formelle sur le f e e d b a c k, de s o rte que notre inconfort est très compréhensible. Po u r s a t i s f a i re ces besoins de formation perçus, des ateliers p o rtant sur l a rt de donner du f e e d b a c kont proliféré dans les milieux unive r s i t a i re s 1 8, 1 9. Lors de ces ateliers dispensés sous forme de sessions interactives, les participants re ç o i vent habituellement des informations sur le f e e d b a c k, sont ensuite amenés à exe rcer leurs habiletés puis re ç o i ve n t eux-mêmes un f e e d b a c kdonné par leurs pairs. Les organisateurs de ces ateliers pensent généralement que les part i c i- pants assimilent rapidement les principes généraux du f e e d b a c kefficace durant les parties interactives de l a t e- l i e r. Les évaluations faites par les participants confort e n t cette hypothèse 18, 20. Les observateurs externes notent également que les enseignants formés donnent un meilleur f e e d b a c k mais la différence notée chez ceux qui ont re ç u une formation spécifique est cependant moindre que celle qui est perçue par les participants des ateliers 19, 21. La formation professorale à l é g a rd du f e e d b a c kre p r é s e n t e un domaine de re c h e rche potentiellement riche, mais peu 190 PÉDAGOGIE MÉDICALE - Août 2003 - Volume 4 - Numéro 3

Le feedback (ou rétro-action) : un élément essentiel... Pédagogie Médicale exploré. Le développement de questions de re c h e rc h e a p p ropriées pour évaluer les bénéfices des activités de formation professorale en matière de f e e d b a c k constitue un défi en lui-même. Le premier obstacle à franchir concerne le choix des critères d efficacité à appliquer pour ces ateliers. Devrions-nous demander aux participants s ils ont amélioré leur façon de donner du f e e d b a c k? De v r i o n s - nous interroger ceux qui re ç o i vent leur f e e d b a c k? Les comm e n t a i res anecdotiques, les taux de satisfaction et les quest i o n n a i res d a u t o - é valuation sont intéressants mais subjectifs et ils ne fournissent pas des pre u ves incontestables d efficacité. Quels outils devons-nous utiliser? Les é valuations standardisées en situation d e n s e i g n e m e n t simulée constituent des mesures objectives. Les enre g i s t rements de re n c o n t res qui sont ensuite cotées par un ou plusieurs évaluateurs sur des grilles pré-élaborées sont également des moyens de mesure intéressants. Ces deux types Références 1. Weiner N. The human use of human being. In : Cy b e rnetics and Society, Boston, Houghton Mifflin Co, 1950, p 71. 2. Klein RH, Babineau R. Evaluating the competence of trainees : It s nothing personal. Am J Psychiatry 1974 ; 131 : 788-91. 3. Hanson PG. Giving feedback : An interpersonal skill. In : The 1975 Annual Handbook for Group Facilitators, San Diego (CA), University Associates Publishers, 1975. 4. Freidson E : Preface. in : Bucher R, Stelling JD (eds) : Be c o m i n g Professional, Beverly Hills (CA), Sage Publications Inc 1977 : 12. 5. NadlerDA : Feedback and Organization Development ; Using Data- Based Methods. Reading Mass Addison-Wesley Pub Co Inc, 1977. 6. Ende J. Feedback in Medical Education. JAMA 1983 ; 250 : 771-81. 7. Wright SM, Ke rn DE, Kolodner K, How a rd DM, Brancati FL. Attributes of excellent attending physician role models. N Engl J Med 1998 ; 339 : 1986-93. 8. Ir by DM. What clinical teachers in medicine need to know. Ac a d Med 1994 ; 69 : 333-42. 9. Ilgen DR, Peterson RB, Martin BA, Boeschen DA. Supervisor and s u b o rdinate reactions to perf o rmance appraisal sessions. Organizational Behavior and Human Pe rf o rmance. 1981 ; 28 : 311-30. 10. Isaacson JH, Posk LK, Litaker DG, Halperin AK. Resident perceptions of the evaluation process. Society of Ge n e ral In t e rn a l Medicine. J Gen Intern Med. 1995 : 10(suppl) : 89. de mesures basées sur la performance sont cependant onéreux et exigent du temps pour être réalisées. La plupart de ces mesures présentent également l inconvénient d ê t re sujettes au biais d a p p rentissage «prétest-postest». Il re s t e e n c o re beaucoup de choses à appre n d re sur la façon d a d- m i n i s t rer un f e e d b a c k efficace et sur les méthodes optimales pour faire acquérir ces habiletés aux enseignants des milieux cliniques. Les personnes intéressées par la re c h e rche en formation professorale devraient entrep re n d re des projets de re c h e rche sur ces thèmes. En dépit de la re l a t i ve rareté de données probantes concernant le f e e d b a c k efficace, l atelier apparaît comme un des m oyens les plus accessibles pour faciliter l acquisition des habiletés de f e e d b a c k. Les éducateurs intéressés sont encouragés à participer à des ateliers portant sur ce thème au sein de leur faculté, de leur association de spécialité ou au sein des forums d éducation médicale. 11. Ma n zoni JF. A better way to deliver bad news. Ha rva rd Bu s i n e s s Review. 2002 (Sept) : 114-9. 12. Bu ron RJ, McDo n a l d - Mann D. Giving feedback to subord i n a t e s. Ideas into action guidebooks. Centre for Creative Leadership. 2001. 13. Sp i c k a rd A. Wo rds hard to say and hard to hear. May I give yo u some feedback. J Gen Int Med. 1998 ; 13 : 142-3. 14. Hewson MG, Little ML. Giving Feedback in Medical Education : Verification of Recommended Techniques. J Gen Intern Med 1998 ; 13 : 111-6. 15. Latting JK. Giving Corre c t i ve Feedback : A Decisional An a l y s i s. Social Work 1992 ; 37 : 424-30. 16. Stritter FT, Baker RM, Shahady EJ : Clinical In s t ruction. In : McGaghie WC & Frey JJ, Handbook for the Academic Physician. New York : Springer-Verlag, 1986. 17.Weitzel SR : Feedback That Works : How to Build and Deliver Your Message (An Ideas Into Action Guidebook). Greensboro NC : Center For Creative Leadership, 2000. 18. O Brien HV. Unpublished Data. 1999. 19. Stone S, Ma zor K, De va n e y - O Neil S, Starr S, Ferguson W, Wellman S, Jacobson E, Hatern D S, Quirk M. Development and implementation of an objective structured teaching exercise (OSTE) to evaluate improvement in feedback skills following a faculty development workshop. Teach Learn Med 2003 ; 15 : 7-13. 20. Brukner H, Al t k o rn DL, Cook S, Quinn MT, McNabb WL : Giving effective feedback to medical students : a workshop for faculty and house staff. Med Teach 1999 ; 21 : 161-5. 21. Dunnington GL, Da Rosa D. A pro s p e c t i ve ra n d o m i zed trial of a re s i- dents-as-teachers training pro g ram. Acad Med 1998 ; 73 : 696-700. 191