Numéro du répertoire 2014 / Expédition Délivrée à Pour la partie R.G. Trib. Trav. RG. 08/1879/A Date du prononcé 25 août 2014 le JGR Numéro du rôle 2013/AN/107 O.L. C/ L a.s.b.l. CAISSE WALLONNE D ASSURANCES SOCIALES DES CLASSES MOYENNESe, Cour du travail de Liège Division Namur 13e chambre - Namur Arrêt + Droit de la sécurité sociale des travailleurs indépendants Cotisations Solidarité Aidant Définition Occupation de l aidant contestée Preuve Absence de rétribution de l aidant pendant les trimestres concernés A.R. n 38 du 27/7/1967, art.6, 7 et 15 ; A.R. du 19/12/1967, art. 5
Cour du travail de Liège, division Namur 2013/AN/107 p. 2 EN CAUSE DE : Monsieur O.L. appelant, comparaissant par Me Philippe Thirion, avocat. CONTRE : L a.s.b.l. CAISSE WALLONNE D ASSURANCES SOCIALES DES CLASSES MOYENNES, en abrégé Caisse Wallonne, dont le siège est établi à 5100 NAMUR-WIERDE, chaussée de Marche, 637, inscrite à la B.C.E. sous le n 0409.089.679 intimée, comparaissant par Me Julie Paternotte qui remplace Me Patrick Buysse, avocats. * * * L arrêt est fondé sur les motifs suivants : MOTIVATION 1. Quant à la recevabilité de l appel. Il ne résulte d aucune pièce ni élément du dossier que le jugement dont appel aurait été signifié. L appel, régulier en la forme, est recevable. 2. Les faits. - Le 15 avril 2006, M. O.L., ci-après l appelant, entame ses activités en tant que travailleur indépendant. - Le 11 avril 2006, il va rentrer à la Caisse Wallonne une déclaration selon laquelle il occupe
Cour du travail de Liège, division Namur 2013/AN/107 p. 3 en qualité d aidant son père à l époque domicilié à Wanze. - Son père était lui-même indépendant et sera déclaré en faillite le 30 avril 2008. De plus, il était en mauvaise santé et décède le 7 mai 2008. - La caisse réclame à l appelant en sa qualité de solidairement responsable les cotisations des quatre trimestres de l année 2007 que son père n a pas payées. - Le 16 avril 2008, l appelant introduit une demande de levée de solidarité des cotisations dues par son père. L adresse mentionnée est «avenue Reine Astrid à Huy» qui est en réalité celle de son père (cf. moniteur belge déclarant sa faillite) et non la sienne. C est cependant à cette adresse que la Caisse écrit le 22 avril en adressant à l appelant un formulaire de renseignements qu il doit impérativement retourner complété et signé pour le 22 mai 2008. Le 23 mai 2008, la caisse envoie un rappel toujours à la même adresse. Le formulaire ne prévoit curieusement pas d indiquer l adresse du solidairement responsable mais celle de l aidant, ce qui va être à l origine de la confusion. - Le 11 juillet 2008, la Commission de dispense constate que la demande est sans objet dès lors que l appelant n a pas rentré le formulaire. 3. La demande. Par citation du 19 juin 2008, la Caisse wallonne entend obtenir la condamnation de l appelant à payer une somme de 10.339,18 représentant les cotisations (8.684,02 + 91,46 ), les majorations (918,69 + 614,29 ) et les frais (30,72 ) en sa qualité de solidairement responsable de son mandataire (lire aidant!). L appelant soutient ne pas avoir occupé son père comme aidant et avoir introduit une demande de dispense dont il reproche à la Caisse de l avoir mal traitée en telle sorte qu elle a été déclarée sans objet. 4. Les jugements. Le 18 février 2011, le tribunal constate que l appelant a signé la déclaration d affiliation de personne aidée et admit qu il était solidairement responsable. Il se penche ensuite sur la demande de levée de la solidarité et constate que les courriers de la caisse ont été adressés à l adresse du père et non de l appelant. Il ordonne la réouverture des débats pour que les parties en tirent les conséquences. Il réserve aussi à statuer sur la demande reconventionnelle visant à obtenir des dommages et intérêts équivalents à la condamnation.
Cour du travail de Liège, division Namur 2013/AN/107 p. 4 Par le jugement dont appel, le tribunal considère qu il n est pas établi que l appelant aurait obtenu la levée de la solidarité, l appelant ne démontrant pas qu à l époque, il se trouvait dans une situation voisine de l état de besoin. Au demeurant, il n a pas demandé pour lui-même la dispense de paiement de ses cotisations. Dès lors, il est fait droit à la demande principale tandis que la demande reconventionnelle est rejetée. 5. L appel. L appelant relève appel au motif que le formulaire relatif à l affiliation n est pas daté et ne permet pas de savoir depuis quand son père aurait été son aidant, que son père ne l a en réalité jamais aidé, que la demande reconventionnelle était fondée dès lors qu il n a pas pu défendre sa chance d obtenir la levée de la solidarité et enfin qu il justifie avoir été alors dans une situation voisine de l état de besoin. 6. Fondement. 6.1. L aidant et la solidarité de l indépendant aidé. Les textes. Selon l A.R. n 38 du 27 juillet 1967 organisant le statut social des travailleurs indépendants : Article 6 : Le présent arrêté entend par aidant toute personne qui, en Belgique, assiste ou supplée un travailleur indépendant dans l exercice de sa profession sans être engagée envers lui par un contrat de louage de travail. Article 7 : Ne sont pas assujettis au présent arrêté en tant qu aidants : 1 l époux ou l épouse d un travailleur indépendant, sauf lorsque cet époux ou cette épouse tombe sous l application de l article 7bis ; 2 les aidants et les aidantes avant le 1 er janvier de l année au cours de laquelle ils atteignent l âge de 20 ans, sauf s ils se sont mariés avant cette date. Dans ce dernier cas les intéressés sont assujettis à partir du trimestre civil au cours duquel ce mariage a été contracté. 4 les personnes qui n exercent qu occasionnellement une activité en qualité d aidant. Le Roi détermine ce qu il y a lieu d entendre par une activité occasionnelle.
Cour du travail de Liège, division Namur 2013/AN/107 p. 5 Note : l article 5 de l arrêté royal du 19 décembre 1967 portant règlement général en exécution de l A.R. n 38 précise que l activité est occasionnelle lorsqu elle ne s étend pas sur 90 jours au moins par an. Article 15, 1 er : Les cotisations sont dues par quart dans le courant de chaque trimestre civil ; elles sont perçues par la caisse d assurances sociales, visée à l article 20, 1 er ou 3, à laquelle l assujetti est affilié. Le Roi fixe le mode de perception des cotisations trimestrielles. Le travailleur indépendant est tenu, solidairement avec l aidant, au paiement des cotisations dont ce dernier est redevable ; il en est de même des personnes morales, en ce qui concerne les cotisations et l amende administrative visée à l article 17bis dues par leurs associés ou mandataires. Lorsque le mari-aidant est assujetti en lieu et place de son épouse, cette dernière est tenue solidairement au paiement des cotisations dont son mari est redevable. Dans les cas visés aux deux alinéas précédents, les cotisations peuvent être réclamées aux personnes solidairement responsables, même si l assujetti a obtenu une dispense par décision de la Commission visée à l article 22. Leur interprétation. L aidant est celui qui assiste ou supplée un travailleur indépendant sans lien de subordination. Un travailleur indépendant n est assujetti au statut social que s il exerce une activité professionnelle (cf. art. 3, 1 er de l A.R n 38) pendant ne fût-ce qu un jour pendant un trimestre. De même, un aidant ne peut être considéré comme tel que s il assiste ou supplée le travailleur indépendant sauf si l activité est occasionnelle (cf. art. 7, 4 de l A.R. n 38). Cette activité ne doit pas être bénévole mais exercée à titre lucratif, au même titre que l activité de travailleur indépendant. Comme le relèvent à raison la doctrine 1, il y a cependant une nuance entre la définition du travailleur indépendant et celle de l aidant, non conjoint, en ce sens que le premier est assujetti dès qu il exerce une activité en vue de percevoir des revenus, même s il n en perçoit pas, alors que l aidant n est pas le titulaire de l affaire en telle sorte qu il est difficile de considérer comme aidant celui qui ne perçoit aucun revenu de l activité. 1 Voir V. FRANQUET et R. GYSELINCK, «L aidance dans le statut social des travailleurs indépendants», in Le statut social des travailleurs indépendants, Anthémis, 2013, p.179, spéc. p.186.
Cour du travail de Liège, division Namur 2013/AN/107 p. 6 Par conséquent, il faut non seulement vérifier si l aidant a aidé le travailleur indépendant au cours de chacun des trimestres pour lesquels la caisse invoque la solidarité mais encore s il a été rétribué pour le travail accompli. Leur application. Les pièces déposées à la suite de l audience et de la demande faite par la Cour aux parties permettent d obtenir des réponses aux questions posées. D une part, l original de la déclaration faite par l appelant à la Caisse a été rédigé le 11 avril 2006 et donc avant l année 2007 pour laquelle les cotisations sont réclamées. Ceci résulte tout à la fois du formulaire qui comporte un cachet mais aussi de la note interne jointe qui est datée du 11 avril 2006. D autre part, l appelant a produit les pièces fiscales réclamées par la Cour. Il a depuis que l action a été introduite toujours soutenu qu il n avait pas été aidé par son père et que celui-ci lui avait fait signer l affiliation sans qu il en perçoive la raison. A l audience, la Cour l a donc invité à déposer les documents fiscaux relatifs à ses revenus de l année 2007 afin de vérifier si des revenus ont ou non été déclarés comme rétrocédés à son père. Il s avère que ce n est pas le cas. Il importe peu que l appelant ait signé un formulaire en 2006 dès lors que c est la situation pour les quatre trimestres de 2007 qui seule importe. Au demeurant, une erreur ne peut être opposée à l appelant d autant que la matière est d ordre public. Dans ces conditions, l appelant n a pas occupé son père comme aidant. Il ne doit pas à la caisse, au titre de la solidarité, les cotisations que son père devait à la caisse non pas parce qu il avait travaillé comme aidant mais parce qu il avait travaillé à son compte comme indépendant à titre principal. Par conséquent, les sommes réclamées ne sont pas dues et la demande initiale de la caisse doit être déclarée non fondée. 6.2. La levée de la solidarité et la responsabilité de la caisse d assurances sociales. Dès lors que les sommes ne sont pas dues, il n y a plus d intérêt à examiner le fondement de l action reconventionnelle basée sur la responsabilité civile de la caisse.
Cour du travail de Liège, division Namur 2013/AN/107 p. 7 Indications de procédure Vu les pièces du dossier de la procédure et notamment le jugement contradictoirement rendu le 15 février 2013 par la 4 ème chambre du tribunal du travail de Namur (R.G. n 08/1879/A), Vu l appel formé par requête déposée au greffe de la Cour du travail le 18 juin 2013 et régulièrement notifiée à la partie adverse le lendemain, Vu l ordonnance rendue le 17 septembre 2013 sur la base de l article 747 du Code judiciaire aménageant les délais pour conclure et fixant la date de plaidoiries au 20 mai 2014, date à laquelle la cause a été plaidée et les parties autorisées à déposer un dossier complémentaire pour le 20 juin 2014 au plus tard, Vu les conclusions déposées par l appelant au greffe le 18 janvier 2014, Vu les conclusions principales et de synthèse déposées par l intimé au greffe respectivement les 18 novembre 2013 et 17 (et 18) février 2014, Vu les dossiers déposés par les parties à l audience du 20 mai 2014 à laquelle elles ont été entendues en l exposé de leurs moyens et les dossiers complémentaires versés par elles les 19 et 20 juin 2014, Vu l avis écrit déposé par le ministère public en date du 27 juin 2014, avis notifié aux parties le 27 juin 2014. PAR CES MOTIFS, LA COUR, après en avoir délibéré, DISPOSITIF statuant publiquement et contradictoirement, vu les dispositions de la loi du 15 juin 1935 sur l emploi des langues en matière judiciaire et notamment son article 24 dont le respect a été assuré, vu l avis écrit non conforme de Monsieur Jean-Jacques HAUZEUR, Substitut général, avis déposé au dossier de procédure en date du 27 juin 2014, reçoit l appel, le déclare fondé, réforme le jugement dont appel en toutes ses dispositions, en ce compris quant aux dépens, déboute l intimée de son action,
Cour du travail de Liège, division Namur 2013/AN/107 p. 8 liquide les indemnités de procédure revenant en instance et en appel à l appelant à respectivement 1.100 et 1.210, condamne l intimée aux dépens d instance et d appel liquidés jusqu ores à 2.310 en ce qui concerne l appelant. Ainsi arrêté par M. Michel DUMONT, Président, Mme Nicole COLLAER. Conseiller, M. Claude MACORS, Conseiller social au titre de travailleur indépendant, qui ont assisté aux débats de la cause, assistés lors de la signature de M. Frédéric ALEXIS, Greffier, qui signent ci-dessous Le Greffier Le Conseiller social Le Conseiller Le Président et prononcé en langue française, à l audience publique de la TREIZIEME CHAMBRE de la COUR DU TRAVAIL DE LIEGE, division de Namur, au palais de justice de NAMUR, Place du Palais de Justice, 5, le VINGT-CINQ AOUT DEUX MILLE QUATORZE par le Président et le Greffier. Le Greffier Le Président M. Frédéric ALEXIS M. Michel DUMONT