E2 - Les inégalités de santé régionales, l exemple de la Bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO)

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Congrès national des Observatoires régionaux de la santé 2008 - Les inégalités de santé Marseille, 16-17 octobre 2008 E2 - Les inégalités de santé régionales, l exemple de la Bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) L. Valdes a, R. Cash b, Z. Bessa a, D. de Penanster a, D. Houssin a a Direction générale de la santé (DGS), Ministère de la santé, des sports, de la jeunesse et de la vie associative, Paris, France ; b Les Asclépiades, Ardenais, France RESUME Introduction. La Broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO) est une maladie chronique caractérisée par une obstruction progressive et incomplètement réversible des voies aériennes inférieures. Elle est probablement sous-diagnostiquée. Dans le cadre du «programme d actions de lutte contre la BPCO 2005-2010», la Direction générale de la santé a piloté une étude épidémiologique transversale descriptive et comparative dans trois régions françaises se différenciant selon le taux de mortalité par BPCO : Aquitaine, Pays de la Loire, Nord Pas de Calais. Matériel et méthodes. Les analyses ont porté sur : l Affection de longue durée (ALD) N 14 «insuffisance respiratoire chronique grave», hors asthme, en 2006 ; les données issues du Programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI 2005), afin d en extraire un taux de morbidité hospitalière pour BPCO ; les données d une enquête menée en 2007 auprès d un échantillon de médecins généralistes des 3 régions du panel THALES. Résultats. Le taux de personnes en ALD pour «insuffisance respiratoire chronique» en décembre 2006, hors asthme, est de 278,5 pour 100 000 personnes assurées. Les taux sont proches dans les 3 régions étudiées. Les taux de morbidité hospitalière standardisé sont supérieurs de 65% en Nord Pas-de-Calais à la moyenne française chez les hommes, et 21% chez les femmes, alors que les deux autres régions ont des taux inférieurs à la moyenne nationale. Dans la clientèle des médecins généralistes, le nombre moyen de patients atteints de BPCO ou de bronchite chronique est un peu supérieur dans le Nord Pas de Calais. Une discordance apparente est ainsi observée entre d une part, les écarts de mortalité et de morbidité hospitalière, avec des taux nettement plus élevés dans le Nord Pas-de-Calais, et d autre part, la stabilité des taux de patients en ALD dans les trois régions et un écart modéré du recours aux soins en médecine générale. On observe enfin que les recommandations sur la prise en charge par les médecins généralistes ne sont pas toujours appliquées (faible recours aux explorations fonctionnelles, trop fortes prescriptions de corticoïdes inhalés). Discussion et conclusion. Tout se passe comme si, en Nord Pas de Calais, les patients n étaient pris en charge dans le système de soins que tardivement, en hospitalisation et au moment d enregistrer le décès, traduisant une certaine inégalité d accès aux soins. Plusieurs causes sont discutées : retard au diagnostic, défaut de recours de la part des patients, intrication avec d autres pathologies pulmonaires. Ces éléments conduisent pour l avenir à explorer plusieurs pistes pour l action publique : actions de prévention primaire (tabac, qualité de l air, qualité de l alimentation ), dépistage de l obstruction bronchique chez les patients à risque, formation des praticiens. Mots-clés : BPCO, PMSI, ALD, Nord Pas de Calais, Aquitaine, Pays de la Loire Keywords: OPCD, PPS, Long-Term Disease, Nord Pas de Calais, Aquitaine, Pays de la Loire

1- INTRODUCTION et OBJECTIF : La BPCO est une maladie chronique caractérisée par une obstruction progressive et incomplètement réversible des voies aériennes inférieures. Elle débute à bas bruit avec une toux et une expectoration, ces symptômes étant souvent banalisés, en particulier, chez le fumeur. Elle est souvent reconnue tardivement après des années d évolution à l occasion d une dyspnée d effort puis au repos, entraînant une insuffisance respiratoire chronique très handicapante dans la vie quotidienne. Parfois, la BPCO se révèle au décours d un épisode de décompensation respiratoire aigüe (ou exacerbation) menaçant le pronostic vital, notamment, lors d épisodes infectieux. Les recommandations relatives à la définition, aux stades évolutifs (en fonction des données spirométriques : I, II, III, IV), à la prévention et la prise en charge de la BPCO ont été élaborées et mises à jour par des experts internationaux réunis depuis 2001, constituant le «Global Initiative for chronical Obstructive Lung Disease» (GOLD) 1. Le tabac constitue le principal facteur de risque, en cause dans 80 à 90% des cas 2 ; les expositions professionnelles (poussières et produits chimiques) sont responsables dans au moins 10% des cas 3. Il existerait une plus grande susceptibilité des femmes, notamment par le biais du tabac. En raison de son début insidieux, la BPCO est sous diagnostiquée et l on estime que seul un tiers des malades sont reconnus, souvent à un stade tardif. Il existe donc une sous estimation de la prévalence de cette maladie. Les études internationales situent cette prévalence dans une fourchette de 6 à 10% de la population des plus de 40 ans 4 ; une étude récente avance le chiffre de 4% à 10% dans cette même population en France 5 ; 230 000 à 380 000 personnes souffriraient de formes graves. Depuis 30 ans, la fréquence de la BPCO augmente dans le monde entier, proportionnellement à la consommation de tabac 6. La mortalité par BPCO croît en proportion de la prévalence de la maladie et représente actuellement la 4 ème cause de décès dans le monde et atteindra le 3 ème rang en 2010 7. En France, entre 1979 et 2000, le taux standardisé de décès par BPCO a augmenté de 21 % pour les hommes et de 78% pour les femmes ; en 2003, il était de 102,5/100 000 pour les hommes et de 37,7/ 100 000 pour les femmes. Stable pour les hommes, ce taux continue d augmenter chez les femmes depuis 2000 (nombre total de décès en 2005=15 300). Il existe une disparité régionale de la mortalité par BPCO et l on constate quelque soit le sexe, une surmortalité de 10% ou plus dans le Nord-Pas-de-Calais, l Est, la Bretagne avec une sous mortalité relative de 10% ou moins dans les régions Aquitaine, PACA, Pays de la Loire, Centre, Poitou-Charentes 8. Figure 1 : Indices de surmortalité par région, France, 2000-2003 (source InVS, BEH 2007) 2

Dans le cadre de la Loi relative à la politique de santé publique du 9 aout 2004, le Ministère chargé de la santé a élaboré et mis en œuvre un «programme d actions de lutte contre la BPCO 2005-2010 9» qui s inscrit dans le plan national stratégique «qualité de vie des personnes atteintes de maladies chroniques 2007-2012».Ce programme s est donné pour objectif de mieux connaître, dépister et prendre en charge la BPCO. Afin d améliorer les connaissances, un suivi épidémiologique a été mis en œuvre par l InVS. Et c est dans ce cadre que le Ministère chargé de la santé a piloté une étude visant à mieux comprendre les différences de mortalité observées selon les régions, en collaboration avec la Société Française de Pneumologie de Langue Française et les représentants des associations. Les différences de mortalité interrogent en effet sur l existence d inégalités de santé selon les régions et ont amené à entamer cette réflexion au sein du Ministère de la santé. Il s agissait de réaliser une étude épidémiologique transversale descriptive et comparative dans trois régions françaises se différenciant selon le taux de mortalité par BPCO : Aquitaine, Pays de la Loire, Nord Pas de Calais. L objet de cette étude était de décrire la maladie et de chercher à mettre en évidence des différences entre régions sur les plans suivants : exposition aux facteurs de risque, modalités de diagnostic de la BPCO, parcours de soins, profil évolutif des malades, qualité de vie. 2- MATERIELS ET METHODES : L étude a comporté une série d analyses et d enquêtes sur le terrain portant notamment sur les trois champs suivants : 2-1 : Les données fournies par la Caisse Nationale d Assurance Maladie des travailleurs Salariés (CNAMTS) au titre de l Affection de Longue Durée (ALD) N 14 «insuffisance respiratoire chronique grave», hors asthme, pour les 3 régions comparativement à la France entière ; 2-2 : Les données issues du Programme Médicalisé des Systèmes d Information (PMSI) de l année 2005 : une requête a été demandée à l ATIH (Agence technique d information sur l hospitalisation) pour extraire l ensemble des séjours où apparaissaient en diagnostic principal un code de pathologie décrivant une maladie chronique pulmonaire obstructive ou une insuffisance respiratoire chronique, chez les patients de plus de 25 ans. En outre, lorsque le séjour était motivé par une insuffisance respiratoire aiguë, les diagnostics associés ont été analysés pour identifier les séjours liés à une maladie pulmonaire obstructive. Un taux de morbidité hospitalière a été calculé en standardisant les nombres de séjours hospitaliers sur l âge et le sexe pour 100 000 personnes en référence à la population française 2005 (INSEE) pour chacune des régions, comparativement à la France entière. 2-3 : Les données d une enquête menée auprès d un échantillon de médecins généralistes des 3 régions du panel THALES, médecins informatisés dont un extrait anonyme et codé des dossiers médicaux peut être obtenu ; en outre, des questions complémentaires ont été posées via des écrans s intercalant dans le logiciel en fin de consultation, pour les patients atteints de BPCO avérée ou potentiellement porteurs d une maladie pulmonaire chronique obstructive. Etaient inclus dans l étude les 3 premiers patients vus en consultation sur une période de 8 mois et susceptibles d être atteints d une BPCO. Deux catégories de malades étaient observées : (1) les patients atteints d une BPCO avérée, excluant l asthme et ne souffrant pas de cancer bronchique associé ; (2) les patients atteints de BPCO suspectée sur les critères suivants : âge égal ou supérieur à 50 ans, exposition à un ou plusieurs facteurs de risques (plus de 15 paquets de cigarettes années, polluants professionnels) et/ou existence de symptômes de bronchite chronique (toux et expectoration au moins 3 mois par an). Les informations recueillies concernaient (1) les caractéristiques des patients (âge, sexe, catégories socioprofessionnelles, professions exercées, facteurs de risques, antécédents, poids, taille ; (2) les caractéristiques de la consultation (motif, diagnostic, décision thérapeutique). En outre, un auto-questionnaire était remis par le praticien aux patients volontaires des ces 2 groupes pour obtenir des précisions sur les métiers exercés, l exposition aux facteurs de risques (tabac, expositions professionnelles), le niveau d études, les conditions d habitat, l activité physique, l alimentation (quantité d aliments riches en anti-oxydants) et la qualité de vie (questionnaires EQ-5D et CCQ). 3

L ensemble de la méthode d étude a été validé par un comité de pilotage réunissant les professionnels de santé et les représentants des patients. Une autorisation CNIL a été obtenue pour l enquête auprès des médecins généralistes. 3- RESULTATS : 3-1 : Le nombre de personnes en ALD pour «insuffisance respiratoire chronique» (âge moyen 58 ans, 53% d hommes) atteint en décembre 2006, hors asthme, 157 355 (sur 6,56 millions de personnes en ALD), soit un taux de 278,5 pour 100 000 personnes assurées. Le nombre annuel de nouvelles ALD pour BPCO est de l ordre de 15 600, avec des variations d une année sur l autre. Les taux bruts de prévalence varient entre les 3 régions étudiées de la manière suivante : 281,2 pour 100 000 en Nord Pas de Calais, 236,7 dans les Pays de la Loire, 291,5 en Aquitaine. 3-2 : La figure 2 présente la variation du taux de morbidité hospitalière standardisé dans les 3 régions et en France métropolitaine : les taux sont peu différents pour les régions Aquitaine et Pays de la Loire, mais les taux observés en Nord Pas de Calais sont bien supérieurs, et supérieurs aux moyennes françaises, chez les hommes comme chez les femmes. Chez les hommes, le taux d hospitalisation pour BPCO dans le Nord Pas de Calais est supérieur de 65% à la moyenne française, alors que le taux d hospitalisation toutes causes confondues n est supérieur que de 10% à la moyenne française. La région Nord Pas-de-Calais a ainsi à la fois un taux de recours aux soins hospitaliers élevé et un taux de mortalité standardisé plus important pour la BPCO. 3000 2500 Taux pour 100 000 2000 1500 1000 NPDC Hommes France Hommes Aquitaine Hommes PDL Hommes NPDC Femmes France Femmes Aquitaine Femmes PDL Femmes 500 0 25-44 ans 45-54 ans 55-64 ans 65-74 ans 75-84 ans 85 ans et plus Figure 2 : Taux de morbidité hospitalière pour BPCO, pour 100 000 patients hospitalisés, dans les 3 régions et en France métropolitaine, pour les hommes et les femmes, par tranches d âge 3-3 : L enquête menée auprès des médecins généralistes a permis d inclure 278 patients atteints de BPCO avérée avec 56 médecins répartis sur les 3 régions. Seulement 20% des patients potentiellement éligibles sur la base THALES ont été inclus en raison du refus du médecin ou du malade. En outre, 28 patients supplémentaires ont été recrutés à partir du questionnaire «BPCO suspectée», sur 296 «screenés». 231 de ces patients ont rempli un auto-questionnaire. Les données recueillies ont montré quelques différences entre les régions en ce qui concerne la prise en charge de la BPCO et l exposition aux facteurs de risque : le nombre moyen de patients atteints de BPCO ou de bronchite chronique dans la clientèle des généralistes est de 30,7 en Nord Pas de Calais contre 25,2 en Aquitaine et 25,7 en 4

Pays de la Loire ; l exposition à des polluants professionnels est très supérieure dans le Nord pas de Calais : 42% contre 20% en Aquitaine et 27% en Pays de la Loire ; l alimentation est moins riche en anti-oxydants en Nord Pas de Calais que dans les deux autres régions. Par contre, les comorbidités, les symptômes, les traitements prescrits, les habitudes tabagiques, les données de qualité de vie sont très comparables entre les 3 régions pour ces échantillons de patients. De même, le faible taux de recours aux explorations fonctionnelles respiratoires en médecine générale (35% des cas seulement au total) est identique dans les 3 régions. 4- DISCUSSION : L étude met en évidence une forte disparité régionale d état de santé pour la BPCO en ce qui concerne la mortalité et la morbidité hospitalière, les taux étant nettement plus élevés dans le Nord Pas-de Calais. Cette différence ne se traduit pas pour autant par un nombre de patients en ALD plus important dans cette région. Et le recours aux soins en médecine générale, légèrement plus important en Nord Pas de Calais, ne l est cependant pas dans les mêmes proportions. Tout se passe comme si, en Nord Pas de Calais, les patients n étaient pris en charge dans le système de soins que tardivement, en hospitalisation et au moment d enregistrer le décès. Ce phénomène peut être lié à un défaut d offre, mais la densité médicale n est pas plus faible dans cette région, ou un défaut de recours de la part des patients, ou encore un défaut de dépistage par les généralistes, ces différentes causes pouvant se cumuler. Pour rendre compte de la surmortalité, il y a deux explications potentielles : Il y a plus de patients atteints dans la région Nord Pas de Calais, du fait de l exposition plus intense aux facteurs de risque. On observe dans la région Nord Pas-de Calais une plus forte proportion des personnes malades ayant un faible niveau socio-économique. Dans cette même région, on note une plus forte proportion de tabagisme chez les hommes, ainsi qu une exposition professionnelle 2 fois plus fréquente que dans les autres régions et une alimentation moins riche en anti-oxydants qu ailleurs. La région Pas-de- Calais, se caractérisant par un fort taux d urbanisation et une densité en population très élevée par rapport aux 2 autres régions, ainsi que par l existence de nombreux sites industriels, est, par ailleurs, davantage exposée aux risques environnementaux. Ou encore (et ce n est pas exclusif), les malades atteints sont d emblée plus graves, ce qui pourrait alors expliquer les observations. Une cause possible de cette gravité particulière serait l intrication des pathologies pulmonaires dans la région Nord Pas de Calais et l importance des expositions professionnelles. Cette plus forte gravité au moment du diagnostic serait aussi liée au retard du diagnostic : les patients aux stades I et II ne sont pas dépistés assez tôt (ou moins que dans les autres régions), et leur évolution vers les stades sévères n est pas freinée par une prise en charge médicale (arrêt du tabac, etc.). Les régions Aquitaine et Pays de la Loire ont par ailleurs des positions contrastées, même s il faut reconnaître que les différences restent faibles. Bien que la mortalité soit la plus faible en Aquitaine, la morbidité hospitalière est voisine de celle observée dans la région Pays de la Loire, et le taux d ALD est proportionnellement plus élevé que dans les autres régions. Il n a pas été constaté de différences significatives dans les modalités de prise en charge réalisées par les médecins généralistes dans les 3 régions. On constate un faible recours des généralistes à l exploration fonctionnelle respiratoire ou à un avis pneumologique tant pour le diagnostic que pour le suivi de la maladie. Les traitements utilisés sont de même nature, mais avec une application insuffisante des recommandations, puisque 40% des patients en clientèle de médecine générale et atteints de bronchite chronique, BPCO ou insuffisance respiratoire se voient prescrire des corticoïdes inhalés ou associations fixes réservés aux stades sévères III et IV (qui représentent au maximum 20% des patients). Les recommandations ne sont donc pas appliquées alors même que ces produits ont des effets secondaires non négligeables. Ces éléments suggèrent la nécessité de mieux former les médecins généralistes au dépistage et à la prise en charge de la BPCO. Enfin, à souligner une importante dégradation de la qualité de vie des patients notamment sur la fatigue, la réalisation des activités courantes, la sensation d anxiété ou dépression, dès la phase symptomatique dyspnéisante de la maladie, mais ces caractéristiques ne diffèrent pas entre régions. 5

CONCLUSIONS Ces éléments rassemblés conduisent pour l avenir à explorer plusieurs pistes pour l action publique : mettre l accent sur les actions de prévention primaire, et avant tout en Nord Pas de Calais : lutte contre l intoxication tabagique, amélioration de la qualité de l air, de la qualité de l alimentation, développer le dépistage de l obstruction bronchique chez les patients symptomatiques ou à risque par la généralisation de la mesure des anomalies du souffle par des outils simples et fiables utilisables en médecine de ville, comme cela a déjà été entrepris lors de campagnes grand public réalisées par les professionnels de santé avec l appui du Ministère chargé de la santé depuis 2005 (campagne «Capital Souffle» et «Destinations Respiration»), mieux former les praticiens à la prise en charge des malades dans le cadre de leur formation initiale et continue, approfondir les connaissances touchant l exposition aux facteurs de risque non tabagiques et leur impact sur la fonction pulmonaire, notamment en ce qui concerne l exposition professionnelle. REFERENCES 1 Hnizdo E, Glindmeyer HW, Petsonk EL, Enright P, Buist AS, Case definitions for chronic obstructive pulmonary disease, COPD : J Chron Obstr Pulm Dis, 2006, 3 : 95-100. 2 Cerveri I, Accordini S, Verlato G, Corsico A, Zoia MC, Casali L, Burney P, de Marco R, for the European Community Respiratory Health Survey (ECRHS) Study Group. Variations in the prevalence across countries of chronic bronchitis and smoking habits in young adults. Eur Resp J 2001, 18 : 85-92. 3 Ameille J, Dalphin JC, Descatha A, Pairon JC. La BPCO professionnelle, une maladie méconnue. Rev Mal Respir 2006 ;23 :13S119-113S130. 4 Cerveri I, Accordini S, Verlato G, Corsico A, Zoia MC, Casali L, Burney P, de Marco R, for the European Community Respiratory Health Survey (ECRHS) Study Group. Variations in the prevalence across countries of chronic bronchitis and smoking habits in young adults. Eur Resp J 2001, 18 : 85-92. 5 Roche N, Neukirch F., Données récentes sur la prévalence de la bronchopneumopathie chronique obstructive en France. BEH thématique, 2007, n 27-28 : 245-248. 6 Hoogendoorn M, Rutten van Mölken MPMH, Hoogenveen RT, van Genugten MLL, Buist AS, Wouters EFM, Feenstra TL, A dynamic population model of disease progression in COPD, Eur. Respir. J. 2005, 26 : 223-233 7 Hansell A, Hollowell J, Nichols T, McNiece R, Strachan D, Use of the GPRD for respiratory epidemiology : a comparison with the 4 th Morbidity Survey in General Practice (MSGP4), Thorax 1999, 54 : 413-419. 8 Fuhrman C, Delmas MC, Nicolau J, Jougla E, Mortalité liée à la BPCO en France métropolitaine, 1979-2003, BEH thématique, 2007, n 27-28 : 242-245. 9 Programme d actions en faveur de la BPCO 2005-2010, connaître, prévenir et mieux prendre en charge la BPCO. www.sante.gouv.fr, rubrique thèmes+, dossiers par ordre alphabétique, dossier BPCO. 6