Les collaborations familles immigrantes-école-communauté : défis et enjeux

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Transcription:

Centre d études ethniques des universités montréalaises Novembre 2013 Les collaborations familles immigrantes-école-communauté : défis et enjeux Michèle Vatz Laaroussi, Université de Sherbrooke Fasal Kanouté, Université de Montréal Depuis une quinzaine d années, au Québec comme dans de nombreuses autres sociétés, les collaborations familles-école sont vues comme un moyen de renforcer la réussite scolaire des jeunes. De nombreux travaux ont été menés sur ces partenariats entre les milieux scolaires et plus spécifiquement les familles de milieux défavorisés (Kellerhals et Montandon, 1991; Kanouté, 2003). Plusieurs études soulignent les écarts culturels entre le monde de l école et celui des familles défavorisées et insistent sur les difficultés matérielles rencontrées par les familles, ce qui peut contribuer à les mettre à distance de l école ou avoir un effet négatif sur le parcours scolaire de leurs jeunes. Cependant, les travaux contemporains insistent sur l importance de la prise en compte de ces divers milieux, l école, la famille, le quartier, pour la réussite des jeunes. Par ailleurs, plusieurs travaux s intéressent aux stratégies mises en œuvre par les familles pour accompagner leurs enfants même en restant à distance de l école (Vatz Laaroussi, 1996). Premier enjeu : changer de perspective Bien entendu, ces écarts culturels et ces difficultés matérielles paraissent renforcés lorsqu il s agit de familles immigrantes et réfugiées. Des recherches abordent la question famille immigrante-école au travers des difficultés de l école à entrer en contact avec elle et insistent souvent sur les conflits qui peuvent se développer au sein de la famille, l enfant étant plus proche de la culture scolaire et ses parents souvent plus imprégnés d une culture traditionnelle du pays d origine (Hohl, 1996; Bérubé, 2004). Les intervenants scolaires ont souvent une vision pessimiste des collaborations possibles ainsi qu une représentation parfois culturaliste des familles. Les relations familles immigrantes-école sont le plus souvent vues comme un problème ou, à tout le moins, comme une méconnaissance mutuelle. C est là un des premiers enjeux de ces collaborations : comment prendre en compte les parcours migratoires, sociaux et interculturels de ces familles pour mettre en œuvre avec elles des collaborations satisfaisantes pour tous et qui accompagnent la réussite scolaire de ces jeunes?

Deuxième enjeu : des mesures qui visent l intégration sociale. Et la réussite scolaire? Depuis 1997, plusieurs mesures reconnaissant la communauté et les parents comme des partenaires importants du projet éducatif de l école ont été mises en œuvre au Québec. Ces stratégies d intervention sont présentées comme particulièrement pertinentes pour les milieux socio-économiquement défavorisés et les milieux pluriethniques et plusieurs travaux s y intéressent (Kanouté et al., 2011; Benoit et al., 2008). Une étude sur les interventions pour favoriser les collaborations école-famillecommunauté, mises en œuvre dans quatre quartiers montréalais pluriethniques et défavorisés (Bilodeau et al., 2011) montre que ces mesures, si elles sont nombreuses, sont pour la majorité relatives aux sports, à la culture, aux loisirs et au développement des compétences. Qu il s agisse de familles immigrantes ou de milieux défavorisés, peu d interventions visent à réduire la distance culturelle et sociale entre l école et son milieu. On s intéresse surtout à favoriser leur intégration sociale pour un meilleur vivre ensemble et les collaborations famille-école-communauté sont axées sur la circulation d informations. Du côté scolaire, on les perçoit comme un moyen de socialisation et d insertion des familles et des parents. Ainsi, on cherche surtout à développer des modalités de légitimation du système scolaire auprès des familles, mais, ce faisant, on semble également mettre de côté la réussite scolaire des jeunes et les mesures qui peuvent la promouvoir, comme si, pour les immigrants et minorités ethniques, l intégration remplaçait la réussite. Certes, l intégration n est pas nuisible à la réussite scolaire mais elle n en est pas une condition suffisante. C est sans aucun doute un autre enjeu de ces collaborations aujourd hui : comment mieux articuler réussite scolaire et intégration sociale pour les familles immigrantes et leurs jeunes? Troisième enjeu : des partenariats avec quelles communautés? Des collaborations selon quelles modalités? Ce glissement nous amène à considérer aussi un autre de ces enjeux particulièrement important lorsqu on pense aux jeunes issus de la migration et des minorités ethniques. De quelles communautés parle-t-on? Sur quelles communautés l école est-elle prête à s appuyer pour les amener à la réussite? Si de nombreuses interventions visent le quartier comme communauté de vie et de ressources des jeunes et de leurs familles, d autres projets, plus spécifiques et moins financés, ciblent certaines communautés, par exemple haïtienne ou encore latino-américaine. Dans ces cas, on considère la communauté ethnique, culturelle ou linguistique comme un des espaces d appartenance du jeune et de sa famille et on conçoit qu il peut s agir d espaces pertinents pour favoriser la réussite scolaire, soit par l accompagnement aux devoirs ou des interventions parascolaires. Certains de ces organismes et projets vont aussi servir de lien entre les familles et l école, en particulier par la circulation d informations ou en invitant les parents à participer à des rencontres communes. Par contre, d autres communautés semblent encore très absentes du discours sur ces partenariats. On peut ainsi penser aux communautés religieuses, qui ne sont pratiquement pas investies par le milieu scolaire, du fait de sa laïcité affichée, alors qu elles sont, pour plusieurs familles, l espace principal d appartenance, de socialisation et d intégration. Pensons aussi aux réseaux transnationaux des familles, fortement investis comme soutien matériel et affectif, porteurs de résilience et vecteurs de réussite scolaire mais, la plupart du temps, ignorés par les intervenants scolaires (Vatz Laaroussi, 2009). Le défi est donc ici de reconnaître l ensemble des communautés et réseaux qui peuvent participer à ces partenariats, sans en exclure et en 2

tenant compte de l importance qu elles ont dans le parcours des jeunes et des familles. Une recherche de Vatz Laaroussi, Kanouté et Rachédi (2005, 2008a, 2008b) a démontré qu il n y avait pas qu un type de collaboration familles immigrantes-école-communauté. À partir de l étude de cas d élèves immigrants en situation de réussite scolaire, les auteures ont rencontré les parents, les enseignants et les jeunes et ont tenté de saisir les stratégies gagnantes des uns et des autres. Il est apparu que plusieurs types de collaborations pouvaient être effectifs, reposant sur le partage différencié entre parents, communauté et école, des fonctions de socialisation, d'éducation et d'instruction. La communauté culturelle, religieuse, interculturelle pouvait représenter un espace de médiation important entre les familles et l école et, dans les quartiers ou régions où cet espace était peu occupé par manque de communauté ethnique structurée, l écart entre les stratégies familiales et scolaires pouvait être plus marqué. Ces recherches ont permis d insister sur l importance de créer des liens entre les familles et l école et dans certains cas, lorsque c était possible, de faire entrer les familles à l école, concrètement ou symboliquement, selon des modalités variées. Il est apparu que ces diverses modalités de collaboration participent à la réussite scolaire de l élève par la résilience, la reconnaissance et le développement de compétences interculturelles dans les familles, chez les jeunes et dans le milieu scolaire. De nombreux défis et des expériences prometteuses avec les multiples acteurs Alors comment favoriser des modalités diversifiées de collaboration? Comment créer des espaces où, de manière innovante, communauté, familles et école travaillent ensemble pour la réussite des jeunes? Des recherches-action et des expériences prometteuses ont été menées dans les dernières années. Françoise Armand a travaillé sur l introduction en milieu scolaire d activités visant à favoriser l'éveil au langage et l'ouverture à la diversité linguistique. Le programme ELO- DIL représente une manière originale de relier famille-communauté d origine et école dans une forme de dialogue des langues. Cécile Rousseau, en collaboration avec des organismes communautaires et des milieux scolaires, a développé des recherches actions portant sur l utilisation de l art-thérapie et du conte avec les jeunes élèves réfugiés ayant vécu de multiples traumatismes. C est là encore une manière originale de rapprocher l école non seulement de la famille de l élève mais aussi de sa trajectoire et des situations culturelles et sociales qu il a traversées. Lilyane Rachédi avec le Centre de ressources de la troisième avenue, a développé avec des jeunes, des récits de dignité qui reposent sur ces mêmes concepts de reconnaissance et de résilience, amenant l école à les appréhender au travers de leur histoire et de leurs forces et pas seulement dans leurs carences et leurs difficultés. La Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI) a développé avec l organisme SERY, une vidéo fort intéressante illustrant, par des témoignages, le processus de rapprochement entre l école et les familles immigrantes par l intermédiaire d un organisme communautaire dans une région du Québec. Dans la même lignée, Vatz Laaroussi et son équipe ont développé un projet de rechercheaction visant à faire entrer à l école l histoire familiale des enfants immigrants allophones, afin de favoriser leur motivation à apprendre à écrire en français. Il s agissait d expérimenter l écriture d un livre de leur histoire familiale par des jeunes scolarisés en classes d accueil ou en classe régulière avec soutien linguistique. Le 3

livre des jeunes pouvait inclure des passages écrits par des membres de leur famille et comporter des textes dans leur langue d origine. L expérience a démontré que, plus les jeunes se sentent concernés et impliqués dans leurs productions écrites, ici en racontant leur histoire familiale, plus ils aiment écrire et plus ils sont prêts à développer les compétences nécessaires à une écriture de qualité en français. Le projet a aussi permis de rapprocher les familles et l école au travers de la fierté ressentie par les uns et les autres à la rédaction de ce livre, et ce avec des familles qui y ont participé et s y sont engagées selon des modalités diversifiées. Quatre grands principes issus de la recherche permettront l implantation d autres projets soutenant la motivation des jeunes à l école tout comme la création de collaborations entre l école, les communautés diverses et les familles : créer des contextes d apprentissage significatifs, valoriser le dialogue entre les langues maternelles et le français, innover dans les communications entre les familles et l école, et oser la créativité. En effet, les rapports à l écriture et à la langue varient selon les trajectoires de migration (Vatz Laaroussi et al., 2013). Pour les jeunes, l expérience a renforcé la motivation à écrire et à apprendre, les interactions avec les autres élèves et leur famille, la confiance en l enseignante et en eux-mêmes, les apprentissages en français et les compétences en écriture. Pour les parents, le projet a permis de mieux connaître leur enfant, de le voir en situation de réussite et de fierté et de participer à ses apprentissages. Selon les enseignantes et les parents, l expérience a permis aux jeunes de faire des progrès en écriture et en français, de se motiver à apprendre et d aimer l école. Les enseignantes ont aussi pu mieux connaître leurs élèves, leurs talents, leur famille et leur histoire, développer des collaborations avec des organismes communautaires et renforcer leurs compétences pédagogiques. On a identifié les dimensions d un contexte significatif qui soutient les jeunes dans leur motivation, leur persévérance et leurs apprentissages de l écriture en français : la possibilité de parler de soi, l intérêt pour l histoire et pour la famille, l autorisation d utiliser la langue maternelle, la production d un «vrai» livre, la fierté partagée, la reconnaissance des savoirs et des talents (du jeune et de sa famille), la liberté dans l écriture, la créativité, la personnalisation et l aspect esthétique. Recherches, formations et transformations comme pistes pour l avenir Ces projets et expériences permettent dès lors de poser des pistes pour l avenir, voies qui permettront de relever les défis de la multiplicité des collaborations famille-écolecommunauté tout en instaurant de nouveaux espaces créatifs et innovants pour accompagner la réussite scolaire des jeunes issus de l immigration. On peut ainsi parler de l importance de l histoire individuelle, familiale et collective, des symboles, culturels et artistiques, du dialogue entre les cultures et entre les langues. Soulignons aussi que les familles, tout comme les jeunes et les communautés, doivent participer et être représentés dans les divers processus qui accompagnent les projets partant des écoles. On doit aussi trouver divers outils et modalités pour prendre en compte les parcours migratoires des jeunes dans l accompagnement, la pédagogie et la mise à niveau des élèves mais aussi pour améliorer les communications et les relations entre les familles, les communautés et l école. En parallèle, il est aussi important de favoriser les efforts des familles pour plus d ouverture à la centralité socioculturelle que l école a le mandat de promouvoir. 4

Diverses pistes et stratégies mises en œuvre par les milieux scolaires doivent continuer à être explorées, analysées et évaluées. On pense ainsi aux voies initiées par l école ouverte, l école communautaire ou encore l école inclusive. Pour cela, des stratégies de recherche et de formation des divers acteurs des milieux scolaires et communautaires sont indispensables mais elles devront être accompagnées de transformations des pratiques et politiques institutionnelles. Enfin, pensons que dans tous ces types de collaborations, on doit toujours envisager la participation de tous les acteurs avec une forme de réciprocité dans la reconnaissance et la décentration. Kanouté F. (2003). Les parents de milieux défavorisés et l'accompagnement scolaire de leurs enfants. Rapport de recherche : Comité de gestion de la taxe scolaire de l'île de Montréal. Kellerhals, J. et Montandon, C. (1991). Les stratégies éducatives des familles. Delachaux et Niestlé : Genève. Références Benoit, M., Rousseau, C., Ngirumpatse, P. et Lacroix, L. (2008). «Relations parents immigrants-écoles dans l'espace montréalais : au-delà des tensions, la rencontre des rêves». Revue des sciences de l'éducation, 34 (2), 313-332. Bérubé, L. (2004). Parents d ailleurs, enfants d ici. Dynamique d adaptation du rôle parental chez les immigrants. Collection problèmes sociaux. PUQ. Bilodeau A., Lefebvre, C., Deshaies, S., Gagnon, F, Bastien, R., Bélanger, J., Couturier, Y., Potvin, M. et Carignan, N. (2011). «Les interventions issues de la collaboration école-communauté dans quatre territoires montréalais pluriethniques et défavorisés». Service social, 57 (2), 37-54. Deslandes, R. (2010). «Le difficile équilibre entre la collaboration et l adaptation dans les relations école-famille», dans G. Pronovost, Familles et réussite éducative. Actes de colloque du 10e Symposium québécois de Recherche sur la famille (p. 197-215), Québec : PUQ. Kanouté F., André, J., Charrette, J., Lafortune, G., Lavoie, A. et Gosselin-Gagné, J. (2011). «Les relations école-organisme communautaire en contexte de pluriethnicité et de défavorisation». McGill Journal of Education, 46 (3), 407-421. Kanouté F. et Vatz Laaroussi, M. (2008a). «La relation écoles-familles immigrantes : une préoccupation récurrente, et pertinente». Revue des sciences de l'éducation, 34 (2), 259-264. 5