Pr Didier Neau Service des Maladies infectieuses et Tropicales Hôpital Pellegrin Avril 2015
Introduction Prise en charge des maladies infectieuses Curatif: antibiotiques, antiviraux, antifongiques, antiparasitaires Préventif: vaccination Les vaccins: des caractéristiques spécifiques par rapport à tout autre médicament Administration à des personnes non malades Visant à protéger un individu ou des groupes de population (voire l ensemble de la population)
Des infections sans vaccin efficace Infection par le VIH 34 millions de personnes infectées par le VIH 25 ans de recherche infructueuse Paludisme Plus de 2 milliards de personnes exposées 219 millions de cas chaque année, 660 000 décès 27 vaccins anti-paludiques au stade d essai clinique Tuberculose 2012: 8,6 millions de personnes atteintes; 1,3 millions de morts 450 000 personnes atteintes de tuberculose MDR Vaccination par le BCG (1921): une efficacité médiocre
et des infections éradiquées Variole Infection virale dûe à un poxvirus Déclarée éradiquée dans le monde depuis 1980 grâce à la vaccination (OMS) Observée pour la dernière fois en Somalie (1977) Programme d éradication 1966-1980 Risque d utilisation dans le bioterrorisme Vaccin vivant atténué (complications possibles)
Des pathologies curables Rage 150 pays touchés 55 000 morts par an dans le monde (Asie, Afrique) Essentiellement transmises par les chiens Encéphalite virale (Lyssavirus) constamment mortelle Traitement post-exposition (Centre anti-rabique) Vaccin Immunoglobulines spécifiques
Des pathologies qui réémergent Rougeole Vaccin disponible depuis 1983 Objectif de l OMS: élimination de la rougeole en 2010 en France Objectif de couverture vaccinale: 95% Données INVS 2011
Données INVS 23 janvier 2014 23 300 cas (1/1/2008 au 31/12/2013) dont 11 000 en 2011 1500 cas avec pneumopathie grave 34 complications neurologiques (31 encéphalites, 1 myélites, 2 GB) 10 décès
Classification des vaccins (1) Vaccins vivants Protection immunitaire proche de l infection naturelle Rapidement obtenue (10-14 jours) Durable Peuvent entraîner une maladie infectieuse vaccinale ROR, fièvre jaune, BCG
Classification des vaccins (2) Vaccins inactivés (ou inertes) Dépourvus de tout pouvoir infectieux Nécessitent plusieurs doses, éventuellement un adjuvant et des injections de rappel On distingue: Vaccins complets (hépatite A, poliomyélite, rage, grippe) Contenant dans leur totalité la bactérie ou les particules virales Inactivation chimique (formol, bêtapropiolactone) ou thermique (chaleur) Vaccins sous-unitaires Toxine détoxifiée (anatoxine tétanique) Antigènes capsulaires (pneumocoque)
La politique vaccinale en France Loi du 9 août 2004 La politique de vaccination est élaborée par le Ministre chargé de la Santé Le ministre rend publique le calendrier des vaccination après avis du Haut Conseil de Santé publique (HCSP) Comité Technique des Vaccinations (CTV) Groupe de travail du HCSP Pluridisciplinaire Agences et Centres Nationaux de Référence Missions Assurer la veille scientifique sur les évolutions et les perspectives en matière de vaccin Elaborer la stratégie vaccinale en fonction des données épidémiologiques et d études bénéfice-risque individuel et collectif Proposer une mise à jour du calendrier vaccinal
Aspects pratiques des vaccinations (1) Acte médical à part entière Geste expliqué et consenti Information donnée lors d un entretien individuel Interrogatoire précisant les antécédent médicaux Sites de vaccination Voie sous-cutanée (deltoïde) ou intra-musculaire (deltoïde ou face antéro-latérale de cuisse chez le nourrisson, pas dans la fesse) Pas d injection intra-vasculaire Voie intra-dermique (BCG)
Aspects pratiques des vaccinations (2) Intervalle entre les injections Pas d intérêt à le raccourcir Possibilité de pratiquer une injection avec retard (mémoire immunitaire) Les associations vaccinales 1959: DTCoq Vaccins pentavalents ou hexavalents (D/T/Pol/Hib/coq/hepB) Améliorent l acceptabilité et la couverture vaccinale Conditions de conservation: à l abri de la lumière, t entre +2 et +8 C Certification individuelle (carnet de santé): date, marque et lot de fabrication, nom du vaccinateur Qui vaccine? Médecin ou IDE sur prescription médicale Sages-femmes (BCG, hépatite B chez le nourrisson)
Arguments Les freins à la vaccination Violation des droits de l individu La vaccination est le fruit d un complot La vaccination est inefficace, voire dangereuse La vaccination est inutile Professionnels Non perception du risque épidémique Une maladie jugée bénigne Une méconnaissance des complications (fréquence jugée faible) Crainte des effets indésirables Doutes sur la durée et l efficacité Suspicion de conflits d intérêt Parents Bénignité des pathologies Craintes des complications
Développement des vaccins Evaluation d un vaccin identique à celle d un médicament Etudes à réaliser selon des recommandations européennes Etudes chez l homme précédées d une phase de développement pré-clinique Etudes pharmacologiques et toxicologiques Vérification de l innocuité, du pouvoir immunogène et de la tolérance sur différentes espèces animales Etudes cliniques Phase I à III Phase IV (après la mise sur le marché) Délivrance de l Autorisation de Mise sur le Marché Suivi de pharmacovigilance (au niveau national et européen)
Les effets indésirables Réactions bénignes Locales: douleur, rougeur au point d injection, prurit, hématome Régionales: adénopathie, adénite Systémiques: fièvre, éruption, myalgies, asthénie Accidents graves Réactions anaphylactiques (1/200 000 à 1/1 000 000) Maladies infectieuses vaccinales (ex: vaccination de sujets immunodéprimés) Autres types de manifestations
10 millions de personnes vaccinées Grande Bretagne 21,5 cas de Guillain Barré 5,75 morts subites USA 86,3 névrites optiques 397/1 000 000 femmes vaccinées enceintes avorteront (délai 1 jour)
RR: 12,7 (95%CI 6,1-30,8) (4-19 ans)
Narcolepsie et vaccination H1N1 (1) 2009: grippe pandémique Septembre 2009 30,5 milllions de doses 6,5 milllions de doses
Narcolepsie et vaccination H1N1 (2) En 2010, cas de narcolepsie signalés 6 adolescents suédois (12-16 ans) développent une narcolepsie 2 mois après la vaccination H1N1-ASO3 (30 millions de personnes vaccinées en Europe) 1 semaine plus tard: 5 cas en Finlande Juin 2013: 900 cas de narcolepsie en Europe (1 cas/10 000) Narcolepsie/cataplexie Maladie rare (0,74-1,37 pour 100 000 personnes-années) Age de début variable (1 er pic 15 ans, 2 ème pic 35 ans), début rare avant 10 ans Perte de neurones à hypocrétine dans l hypothalamus postéro-latéral Forte prédisposition génétique (DQB10602 chez 92% des patients) Pathologie auto-immune (présence d Ac anti-trib2)
Narcolepsie et vaccination H1N1 Mécanisme (J Autoimmunity 2014) Rôle de l adjuvant? Pas de cas avec MF59 Rôle de la présentation de l Ag par l adjuvant Augmentation de la captation de l Ag par les CPA Production de cytokines Rôle du virus (description de cas en Chine après infections par H1N1) Préparation du vaccin: pas de narcolepsie avec le vaccin ASO3 préparé au Canada! 1918: «von Economo s encephalitis lethargica» Importance d un système de vaccinovigilance au niveau international (VAESCO: vaccine Adverse Event Surveillance and Communication)
Les vaccinations obligatoires Population générale Diphtérie (1938), tétanos (1940), poliomyélite (1964) BCG: non obligatoire depuis juillet 2007 (recommandation forte pour populations exposées) Pour certaines professions (y compris les étudiants se préparant à ces professions) Personnels des établissements de prévention ou de soin: D,T, polio, tuberculose, hépatite B LABM: typhoïde Prise en charge des conséquences des accidents vaccinaux par l Etat
Les vaccins faisant l objet de recommandations générales (1) Vaccins apparus après 1970 non obligatoires (promotion de la santé basée sur la responsabilité individuelle) BCG: recommandation forte dès la naissance pour les enfants à risque élevé Enfants nés dans un pays de forte endémie tuberculeuse Au moins un parent originaire d un de ces pays Séjour pendant un mois d affilée dans un de ces pays Antécédents familiaux de tuberculose Enfant résidant en Ile de France, Guyane, Mayotte Situation à risque (logement défavorable, conditions socioéconomiques)
Les vaccins faisant l objet de recommandations générales (2) Coqueluche Haemophilus influenzae de type b Hépatite B
Les vaccins faisant l objet de recommandations générales (3) Papillomavirus Protection contre les virus HPV pour les jeunes filles âgées de 11 à 14 ans Vaccin quadrivalent (6, 11, 16, 18) ou bivalent (16, 18) (vaccins non interchangeables) 3 injections à M0, M1 ou 2 et M6 Protection contre 70% des virus oncogènes. Importance du dépistage (+++) Pneumocoque Vaccin conjugué 13-valent (Prévenar 13): enfant et adulte Enfants de plus de 5 ans et adultes: vaccin polyosidique 23-valent Rage Chiroptérologue, services vétérinaires, garde-chasse Vaccination curative en Centre de Vaccination Antirabique
Les vaccins faisant l objet de recommandations générales (4) Rougeole-Oreillons-Rubéole Tous les enfants de moins de 24 mois doivent avoir reçu deux doses du vaccin trivalent (1 ère injection à 12 mois, 2 ème entre 16 et 18 mois) La seconde vaccination ne constitue pas un rappel Grippe saisonnière Recommandations Personnes de plus de 65 ans Femmes enceintes (quel que soit le trimestre) Obèses (IMC>40 kg/m2) Groupes à risques Composition du vaccin: 3 souches inactivées (2 souches de type A, 1 de type B) Déterminée par l OMS Efficacité inconstante (ex: 2014-2015)
Les vaccins faisant l objet de recommandations générales (5) Hépatite A Une injection, rappel 6-12 mois plus tard Indications Pathologies hépato-biliaires chroniques, mucoviscidose Homosexuels masculins Enfant >1 an, nés de famille dont un membre est originaire d un pays de haute endémicité et susceptible d y séjourner Entourage familial d un patient atteint d hépatite A
Les vaccins faisant l objet de recommandations générales (6) Méningocoque de sérogroupe non B Une dose de vaccin anti-c conjugué entre 12 et 24 mois, jusqu à 24 ans inclus Vaccin tétravalent conjugué ACYW135 si déficit en fraction terminale du complément ou asplénie anatomique ou fonctionnelle Vaccination autour d un cas d infection à méningo ACYW135 Autres vaccinations Méningocoque B Varicelle: pas de vaccination généralisée à partir de 12 mois Enfants de 12-18 ans sans antécédent clinique de varicelle Femmes en âge de procréer ou suite d une 1 ère grossesse Contact étroit avec des immunodéprimés Receveur de greffe solide (6 mois avant la greffe) Fièvre typhoïde (personnels de LAM, voyageur)
Conclusion Importance de la vaccination dans la lutte contre les maladies infectieuses Difficultés révélatrices d un fonctionnement sociétal Rapport bénéfice-risque très en faveur de la vaccination Importance de la vaccinovigilance Des progrès sont nécessaires