La division horizontale du travail traite de la question du degré de spécialisation ou de polyvalence du travail. Partie 3. L organisation du travail



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Transcription:

Les théories des organisations portent sur la division du travail. On distingue la division du travail horizontale et la division du travail verticale. Partie 3. L organisation du travail La division horizontale du travail traite de la question du degré de spécialisation ou de polyvalence du travail. La division verticale du travail porte sur la question de la structure hiérarchique et du degré de délégation d autorité et de contrôle. On s intéresse également à la question de l organisation du travail en équipe ou de façon individuelle. 2 Supposons par exemple que le travail se compose de deux activités A et B et s il n y a que deux salariés. Alors quatre organisations du travail sont possibles : (1) La spécialisation totale (un salarié ne fait que A et l autre que B) Chapitre 1. Division horizontale du travail (2) La polyvalence totale (les deux salariés savent chacun faire A et B) (3) La spécialisation/polyvalence partielle (ou l un des salarié est spécialisé sur A et l autre polyvalent sur A et B) (4) Inversement, un salarié spécialisé sur B et l autre est polyvalent sur A et B). 4

Pour choisir l organisation optimale, il convient de procéder à une analyse des couts et des avantages correspondants. 1.Les avantage de la spécialisation 5 Les économistes ont d abord vanté les vertus de la spécialisation du travail (Smith) et de la division du travail (Ricardo). Pour Smith dans «Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations» (1776), la spécialisation du travail apparait comme bénéfique. Charles Babbages (1832) rajoute un troisième argument en faveur de la spécialisation des taches : (3) La division du travail en permettant d apparier les salaries aux taches selon leur niveau de complexité et permet de réduire le cout du travail. (1) Exécuter une seule tâche accroit l habileté du salarié. (2) Se consacrer à une seule tache permet d économiser le temps nécessaire pour passer d une tache à une autre. 7 8

Au XIXe siècle et au début du XXe siècle, la spécialisation des tâches s inscrit dans le cadre d une organisation scientifique du travail (OST) qui définit des règles pour une gestion optimale de l entreprise. L OST s appuie sur les travaux économiques d Adam Smith (division du travail) ou de Ricardo (spécialisation des tâches). Taylor, Ford, Fayol et Weber ont contribué à la construction de ce modèle d organisation du travail. L OST est définie par un bureau des méthodes chargé d étudier le travail des ouvriers (gestes, cadences, temps de repos ). Cette étude donne lieu à la formulation de solutions optimales d organisation de parcellisation des taches (division horizontale du travail) et une sélection optimale du personnel (en fonction de leurs qualifications ou de capacités). Dans ce modèle, une hiérarchie contrôle le travail d exécutants (division verticale du travail). Un système de rémunération au rendement est associé à cette organisation du travail. 9 10 Henri Ford à l origine du «fordisme» introduit le principe du travail à la chaine (le produit se déplace et non les humains). Dans le système fordiste, le rythme est imposé par la machine. Reprenant les principes de l OST et de la spécialisation horizontale énoncés par Taylor, il utilise des machines spécialisées et les ouvriers sont spécialisés sur une tâche particulière. Ford est à l origine de la standardisation des biens de production. Acceptation par la salarié de la rationalisation, de la mécanisation contre l institutionnalisation d une formule salariale stable, garantissant une progression du niveau de vie en relation avec la productivité (five dollars a day). 11 12

Et aujourd hui? La logique de l organisation scientifique du travail est toujours en vigueur dans un certain nombre d entreprises : -Les entreprises industrielles (automobile, métallurgie, textile ), -Certaines chaines de la restauration rapide (McDonald s, Quick, ) -La grande distribution (poste d hote ou d hotesse de caisse par exemple) - La télévente ou le télémarketing, ect. 2. Les limites de la spécialisation 13 L OST a été largement critiquée pour sa vision très mécaniste de l homme, l ignorance des interactions entre les individus et l organisation ou entre l individu et son environnement. Le travail parcellisé critiqué de longue date a finalement été remis en cause dans certaines entreprises pour des raisons d efficacité économiques pour certaines situations productives. L étude des dimensions affectives, émotionnelles et relationnelles des situations de travail est à la base de la critique de l OST par l école des relations humaines (Mayo, Likert, Maslow, Herzberg). Cette école préconise de tenir compte des facteurs humains et psychologiques. 15 16

Par ailleurs, l idée selon laquelle la spécialisation conduit à l efficience a été contestée en pratique : Les performances des entreprises japonaises sont souvent attribuées à la capacité des agents à s adapter à de nouvelles activités et de nouvelles situations. Les entreprises japonaises ont su coordonner leurs activités d une façon souple et rapide pour s adapter aux évolutions des marchés ou encore aux mutations techniques et technologiques. Avantages de la polyvalence : -La polyvalence permet de réduire les couts de défaillance en cas de variation de la composition de la demande. Supposons par exemple que les activités A et B correspondent à la réalisation de deux produits différents A et B offerts par l entreprise. La polyvalence totale va permettre de satisfaire toutes les variétés de demande, c est à dire toutes les proportions A/B. 17 18 -La polyvalence permet également d affronter les aléas concernant l offre des facteurs : Pour réduire le temps d immobilisation du capital du fait des pannes il peut être avantageux de compléter les compétences du salarié. -En outre la flexibilité dite fonctionnelle (maitrise de plusieurs fonctions ou activités) renforce la capacité d adaptation à court terme. La durée et le cout des apprentissages successifs se réduisent alors en raison d un effet de l expérience (Lindbeck et Snower, 2000). La polyvalence peut aussi jouer sur la satisfaction du salarié. En effet, la polyvalence peut etre source d un enrichissement du travail. -La flexibilité fonctionnelle offre également l avantage d une meilleure compréhension globale du processus de production, ce qui peut permettre des gains de productivité et des transferts de compétences entre les salariés. 19 20

Limites de la polyvalence La polyvalence doit être rémunérée (prime ou salaire de base majoré) ce qui constitue un cout supplémentaire pour l entreprise. L organisation et l entretien de compétences supplémentaires induisent inévitablement des couts de formation. Au final la spécialisation apparait bénéfique lorsque : (1) La concurrence impose de fabriquer au prix le plus bas. (2) La production est stable, en grande quantité et de biens standardisés. La polyvalence peut dans certains cas être vécue comme perte d identité par le salarié qui se perçoit alors comme variable d ajustement. 21 22 La polyvalence est préférable lorsqu il s agit : (1) D une production de lots réduits, (2) De produire des biens diversifiés supposant un vaste processus d assemblage au cours duquel des milliers d opérations doivent être coordonnées (3) De prendre en compte des critères tel que le délai ou la qualité de service (Botte, 1998). Chapitre 2. Division verticale du travail 23

La question du niveau optimal de contrôle en situation d asymétrie d information (problème d aléa moral) s inscrit dans le cadre de la relation d agence : 1.Contrôle hiérarchique et délégation d autorité La relation d agence modélise la relation entre l employeur (qui est appelé le principal) et l employé (qui est appelé l agent). Le problème d aléa moral traduit le fait que l employeur principal peut difficilement observer le niveau d effort réalisé par l employé. 26 3. Management du personnel En présence d'aléa moral l'employeur doit inciter les travailleurs à fournir le niveau d'effort adéquat. Il a pour cela deux solutions : Solution A : Contrôler les agents mais augmenter la surveillance peut etre couteux. Solution B : Inciter les agents : Accroitre la sanction en cas de détection (même si faible). Il peut s agir par exemple de rendre important le coût du licenciement pour le salarié en offrant un salaire élevé Les solutions au problème d aléa moral Solution A (contrôle) Solution B (incitations) Employeur (principal) Employeur Superviseur incitation Salarié (agent) Salarié Plus le contrôle sera difficile ou couteux, plus la sanction devra être forte. 27 28

Les modèles de salaire d efficience présentés dans la partie précédente privilégient l influence de l incitation salariale dans le contrat de travail. Les modèles de monitoring optimal. s intéressent au contrôle Il s agit notamment de savoir qui doit contrôler dans l entreprise : -L employeur lui-même (centralisation du contrôle) -Le superviseur (délégation du contrôle) -Les employés eux-mêmes (délégation complète du contrôle) 1.1.Centralisation du contrôle 29 Figure 1 : relation principal-agent à deux niveaux hiérarchiques (centralisation) La relation contractuelle traduit la relation d autorité formelle (celui qui décide) entre le principal et l agent. Définition de l autorité : L autorité résulte d un contrat implicite ou explicite conférant à un membre d une organisation ou à un groupe le droit de décider. On peut alors définir une organisation comme un groupe de personnes au sein duquel est définie une structure d autorité. Dans un modèle de centralisation, le principal détient les fonctions d autorité et de contrôle. 31 32

Herbert Simon (1957) définissait l autorité comme le droit de choisir des actions affectant entièrement ou en partie une organisation. Pour Grossman et Hart (1986) l autorité est conférée par la possession d un actif. Cet actif donne à son détenteur le droit de prendre des décisions concernant l utilisation de cet actif. La relation de supervision : Elle définit qui détient la fonction de contrôle dans l entreprise. Lorsque le contrôle est centralisé, le principal fournit luimême l effort de contrôle pour obtenir des informations sur le comportement des agents compte tenu de l asymétrie d information et du problème d aléa moral. Ainsi le propriétaire d une machine peut décider des personnes qu il autorise à se servir de sa machine et celle qu il n autorise pas l usage de la machine. 33 34 Lorsque le principal contrôle lui-même l agent, se pose trois problèmes : (1) Un problème de capacité de contrôle : le principal n a pas nécessairement la capacité à contrôler l agent. (2) Un problème de coût d opportunité pour l employeur qui pourrait «utiliser» son temps à des taches plus productives que celle du contrôle. (3) Un problème d aléa moral de la part du principal: le principal peut être incité à ne pas révéler l information qui indique que la performance de l agent est élevée. En effet une performance élevée le conduit à verser à l agent un salaire plus élevé. 35 36

Compte tenu des différents coûts pour l employeur à contrôler lui-même les employés, il peut avoir intérêt à déléguer cette tache à une superviseur. Le rôle du superviseur est alors d obtenir le plus d informations possible sur l activité de l agent. 1.2.Délégation du contrôle et supervision Le superviseur remet alors au principal un rapport sur ce qu il a observé. 38 Figure 2 : relation principal-agent à trois niveaux hiérarchiques (délégation d autorité à un superviseur) Avantages de la supervision Selon Rosen (1982), la délégation du contrôle à un superviseur permet au principal d économiser du temps qu il peut allouer à d autres tâches plus productives La délégation peut aussi être une réponse aux contraintes techniques: manque de temps et/ou de connaissance pour exercer la fonction de supervision. En effet, il est techniquement impossible pour le principal d assumer seul les tâches de coordination et de contrôle des agents. 39 40

Pour Calvo et Wellitz (1978) lorsque la capacité de contrôle est limitée, une supervision cumulative entre les différents niveaux hiérarchiques des emplois est un moyen efficace pour stimuler les agents productifs. La structure des salaires épouse la hiérarchie des degrés de supervision et constitue un incitant monétaire direct pour les contrôleurs et indirect pour les contrôlés favorable à l efficience de l organisation. Selon Macho-Stadler et Castrillo (1997), la délégation d autorité est une solution au problème d engagement du principal. Limites du contrôle hiérarchique La délégation de l autorité représente un coût pour le principal (1) Un cout direct : l embauche d un nouveau salarié (2) Un cout indirect : une perte d autorité formelle pour le principal. (3) Des problèmes de transmission et de déperdition de l information. Plus le nombre de subordonnés augmente et moins les instructions sont détaillées. Williamson (1967) montre que la perte de contrôle et la déperdition d information à travers une succession de niveaux hiérarchiques conduit à limiter la taille de l entreprise. 41 42 (4) Problème de la crédibilité et de l engagement des superviseurs (aléa moral) En effet lorsqu une partie de l autorité est déléguée à un superviseur, le principal ne peut pas être entièrement certain de la validité des informations transmises par le superviseur. (5) Problème de coalition entre l employé et le superviseur (Mirrlees, 1976). Selon Crozier et Dalton (1959), les superviseurs auraient tendance à falsifier les informations et permettent ainsi aux agents d obtenir de meilleurs résultats. Néanmoins, pour Yang (1995), le principal améliore toujours sa position en recrutant des superviseurs, même en cas de hasard moral à tous les niveaux. 43 44

3. Management du personnel Quelles solutions au problème de coalition? Solution 1. Réduire la durée des contrats La mise en place de contrats de courtes durées peut être un moyen de limiter le risque de formation de coalitions. En effet, le superviseur aura tendance à former une coalition avec des membres permanents de l organisation. Par ailleurs, les accords cachés impliquent souvent des relations de longues durées. 3. Management du personnel Solution 2 : Les contrats imbriqués Selon Mirrlees (1976) et Tirole (1986),le contrôle de l'effort peut être réalisé en ayant recours à une structure organisationnelle dans laquelle le principal engage le superviseur pour assurer la tâche de surveillance et ce dernier engage l'agent pour fournir l'effort de production. Selon Tirole (1986), les contrats imbriqués sont une solution aux problèmes de coalition même lorsque les contrats sont de longue durée. En effet, la confiance entre deux parties peut mettre un temps plus ou moins long à se développer (Kreps, 1984) 45 46 Figure 3 : relation principal-agent avec délégation d autorité en contrats imbriqués 1.3.Délégation complète d autorité 47

Dans certains cas l entreprise peut avoir intérêt à déléguer complètement à la fois l autorité et le contrôle aux agents eux-mêmes. C est notamment le cas lorsque le principal détient l autorité formelle (le droit de décider) sur une décision tandis que l agent détient l autorité réelle (le contrôle effectif de la décision) s il est plus informé que le principal. Les facteurs qui augmentent l autorité formelle de l agent sont : (1) l urgence des prises de décisions qui n offre pas au principal assez de temps pour s investir complètement dans la recherche d information. (2) Un nombre élevé de subordonnés immédiats («Span of Control») Dans ce cas, l entreprise peut déléguer l autorité formelle en laissant les subordonnés prendre certaines décisions (Aghion et Tirole,1997). 49 50 Le principal peut aussi avoir intérêt à déléguer complètement l autorité aux agents si des contraintes externes (réactivité aux attentes des clients nécessite une organisation du travail en équipe autonomes) Par ailleurs, laisser de l autonomie permet de faire émerger un esprit d initiative bénéfique. La délégation complète peut concerner la fonction de contrôle. On parle alors de pression par les pairs (Kandel et Lazear, 1992). L idée est que les agents se contrôlent mutuellement. Le principal peut avoir intérêt à déléguer directement la fonction de contrôle aux agents eux même des lors que le contrôle est difficile, couteux et que les agents sont mieux informés que lieu compte tenu de la proximité avec leurs pairs. Cela peut être le cas du travail en équipe où il est difficile pour le principal d observer l effort de chacun tandis que la mise en place d un système de partage du profit incite les membres de l équipe à se contrôler mutuellement. 51 52

Ce système est apparu dans les entreprises automobiles japonaises implantées au nord des Etats-Unis. Figure 5 :relation principal-agent avec délégation complète de la fonction de contrôle aux agents Dans ces usines, la production est organisée en équipes de production avec pression des pairs (Rehder, 1990). 53 54 La mise en place de différents niveau hiérarchiques peut amener à considérer l entreprise comme un marché interne avec des règles propres et ou des promotions (recrutement en interne) sont possibles. 2. Marché interne et segmentation du marché Déjà en 1978 Calvo et Wellitz mettent en évidence que la structure des salaires doit épouser la hiérarchie des degrés de supervision et constituer ainsi un incitant monétaire direct pour les contrôleurs et indirect pour les contrôlés (du fait des conditions d accès à l échelon supérieur par les promotions internes) favorable à l efficience de l organisation. 56

Piore et Doeringer (1971) remettent quant à eux en cause l existence d un marché du travail unique et avancent l idée d un marché externe et de marchés internes. Le marché externe correspond au marché du travail tel qu il est défini par les néoclassiques. Les marchés internes regroupent des structures institutionnelles homogènes (entreprise, branches d activité, ordre professionnels, etc) où les règles de fonctionnement notamment celles régissant la fixation des rémunérations les conditions d embauche de promotion interne dépendent de la structure elle-même. Sur ce marché, les règles de fonctionnement sont issues d un processus concurrentiel : le jeu de l offre et de la demande. 57 58 Les deux marchés (MI et ME) sont distincts mais sont toutefois interconnectés. Figure 1. segmentation du marché du travail Les mouvements entre MI et ME se produisent au niveau de certains emplois qui constituent des ports d entrée et de sortie (ports of entry and exit). 59 60

Les emplois sur le ME sont soumis à la concurrence alors que sur le MI ils sont à l abris de l influence directe des forces du marché. Il en résulte que le MI présente une certaine rigidité qui contraste avec l instabilité et les fluctuations qui caractérisent le ME. Chapitre 3. La flexibilité des organisations C est l existence de règles rigides qui confère au MI une certaine stabilité. Toutefois ces règles bien que rigides peuvent évoluer avec le temps. 61 L on parle d une organisation flexible lorsque celle-ci est capable s adapter rapidement aux variations de l activité. 1. Flexibilité interne et flexibilité externe Ainsi face à une baisse brutale de l activité économique, l entreprise va devoir s ajuster afin de restée viable sur le long terme. L ajustement se fait principalement sur la masse salariale qui constitue souvent le cout de production le plus important pour une entreprise. Cet ajustement permet à l entreprise de contenir la pression à la hausse de la part des couts salariaux dans le prix de vente. 64

La flexibilisation la masse salariale consiste à faire varier la masse salariale avec la production ou le chiffre d affaire. La masse salariale se réduira lorsque la production ou le chiffre d affaire chutent. Inversement en cas d hausse de l activité, l entreprise devra augmenter sa masse salariale pour faire face à cette nécessité de produire davantage. On parle de «régulateur automatique» pour évoquer la flexibilisation de la masse salariale. En pratique les régulateurs automatiques utilisés par les entreprises pour s adapter à la conjoncture concernent plusieurs variables : (1) Le volume des heures de travail L -Les effectifs de l entreprise E -La durée du travail H (2) La rémunération. W 65 66 (1) Variation du volume total des heures de travail ( L) La variation du volume des heures de travail pourra être satisfaite de deux façons : 1.1. Variation des effectifs de l entreprise E. On parle de flexibilité externe. Selon le niveau d activité, l entreprise va pouvoir faire varier l emploi en recourant aux CDD, à l intérim ou à la sous-traitance de capacité. L entreprise peut également organiser des mobilités internes (entre services ou entre sites). 1.2. Variation de la durée moyenne du travail ( H) On parle de flexibilité interne. L entreprise peut faire varier la durée du travail en recourant aux heures supplémentaires, aux heures supplémentaires, au chômage partiel, au travail à temps partiel, aux différentes formes d aménagement du temps de travail (dont l annualisation). Il existe aussi différents «compteurs» de temps sur lesquels l entreprise peut jouer : -Liquidation de stocks de RTT, -Reports de jours de travail -Consommation par anticipation de congés 67 68

(2) La variabilisation de la rémunération ( W) L existence de systèmes de rémunération des performances individuelles (bonus) et/ou collectifs (intéressement) peut avoir pour effet de variabiliser peu ou prou la masse salariale 2. Quelle flexibilité l entreprise va-t-elle privilégier? 69 L entreprise privilégiera la variation des effectifs ou du volume horaire selon les couts d ajustement (couts d entrée et de sortie). Les cout de sortie résultent d obligations contingentes à l égard du salarié licencié (indemnités, délai, accompagnement social). Les coûts d entrée (couts de recrutement et de formation) Si les couts d ajustement sont faibles (très élevés) et/ou si la variation d activité anticipée apparait de longue (courte) durée, alors l entreprise va privilégier l ajustement de la masse salariale par la variation de l emploi (des heures de travail). Selon l importance des couts d ajustement et la réglementation propre à chaque pays (en France les 35 heures (Bunel, 2006), les entreprises privilégierons des formes différentes de flexibilité. De façon générale, les formes de flexibilité diffèrent d un pays à l autre. Au final, la vitesse d ajustement de l emploi sera impactée par ces différences de flexibilité. Ainsi la vitesse d ajustement de l emploi est par exemple forte aux Etats Unis comparativement à l Europe (Pries et Rogerson, 2005). 71 72