Sanctionner un manquement du salarié : le droit disciplinaire A jour de juin 2016. Face a un comportement qu il estime fautif (absences injustifiées, retard, refus de se soumettre aux directives ), l employeur peut vouloir sanctionner le salarié concerné. Si l employeur peut se contenter d un rappel à l ordre verbal lorsqu il l estime opportun, il peut également être amené à prononcer une sanction à l encontre du salarié dans des cas plus graves. A cet égard, toute sanction prononcée à l encontre du salarié, c est à dire toute mesure autre qu une observation verbale, doit respecter les dispositions applicables au droit disciplinaire. L employeur doit notamment être en mesure de prouver l existence d une faute du salarié (I). La sanction doit également être licite et proportionnée (II), et intervenir après le respect d une procédure très stricte (III). I La notion de faute La faute doit être entendue comme toute violation des obligations professionnelles du salarié, qu il s agisse d un manquement contractuel ou d un manquement aux règles issues du règlement intérieur. Cela exclut donc en principe toute sanction relative à des faits qui se rattachent à la vie privée du salarié puisque la subordination du salarié est limitée au domaine professionnel. Néanmoins, des faits qui se rattachent à la vie privée du salarie peuvent avoir une incidence sur l exécution du contrat de travail. Les exemples sont nombreux : consommation de drogues pendant une pause, perte du permis de conduire en dehors des heures de travail pour un voiturier, vol commis en dehors des heures de travail en utilisant
l uniforme de l entreprise C est pourquoi ces comportements, même intervenus hors des heures de travail du salarié, peuvent faire l objet d un licenciement ou d une sanction disciplinaire pouvant à la condition qu ils causent un trouble caractérisé au sein de l entreprise. II Les sanctions A Les différentes sanctions Avertissement et le blâme : il s agit pour l employeur de rappeler à l ordre un salarié. Le blâme fait souvent l objet d une inscription au dossier du salarié. Mise à pied disciplinaire : le salarié a l interdiction de venir travailler dans l entreprise et est privé du paiement du salaire en conséquence. Cette sanction doit être limitée dans le temps et prévue par le règlement intérieur s il s agit d un établissement d au moins 20 salariés. Mutation ou rétrogradation : il s agit soit d affecter le salarié à un autre établissement, soit de l affecter à une fonction hiérarchique moins importante avec le cas échéant une réduction de sa rémunération. Ce type de sanction doit impérativement être accepté par le salarié qui peut s opposer à la modification d un des éléments de son contrat de travail. Si la sanction est refusée, l employeur est libre d adopter une nouvelle sanction et devra alors suivre à nouveau la procédure disciplinaire. Le refus du salarié ne pourra constituer le motif de la nouvelle sanction. Licenciement pour motif disciplinaire : sanction la plus grave, elle a pour conséquence la rupture du contrat de travail. Pour plus d information sur ce point, nous vous invitons à consulter la fiche spécifique au licenciement pour motif disciplinaire). B Les sanctions prohibées même en présence d une faute Les sanctions pécuniaires. Les sanctions fondées sur un motif discriminatoires.
Dans les entreprises d au moins 20 salariés, toute sanction doit être prévue par le règlement intérieur, qui doit notamment prévoir la nature et l échelle des sanctions. A défaut d élaboration du règlement intérieur, l employeur ne peut pas sanctionner le salarié. C L interdiction du cumul des sanctions Une même faute ne peut être sanctionnée deux fois. Attention : L actualité jurisprudentielle illustre bien cette interdiction. Sous le coup de la colère, un employeur adresse un courriel à une salarie en lui reprochant des manquements à son contrat de travail. Il procède ensuite à son licenciement quelques jours après. La Cour de cassation a considéré que le courriel de reproches adressé à la salarie constituait un avertissement et qu en conséquence, la salariée ne pouvait pas être sanctionnée une seconde pour les mêmes fait (Soc. 9 avril 2014, n 13-10939). En revanche, des fautes déjà sanctionnées peuvent être invoquées pour aggraver l évaluation faite de nouvelles fautes. Par exemple, un salarié régulièrement sanctionné pour des retards pourrait, dans le cadre d un licenciement, se voir reproche son passif disciplinaire. D La prescription des fautes Aucun fait fautif ne peut être sanctionné après l expiration d un délai de 2 mois à compter du moment ou l employeur a eu connaissance de ces faits. Si la société désire sanctionner le salarié, il est donc impératif d engager une procédure disciplinaire dans ce délai. Par ailleurs, aucune sanction antérieure à plus de 3 ans au moment de l engagement des poursuites disciplinaires ne peut être invoquée à l appui d une nouvelle sanction. III La procédure disciplinaire La procédure disciplinaire diffère selon que la sanction a une
incidence, immédiate ou non, sur la présence du salarié dans l entreprise. Si la sanction n a pas d incidence sur la présence du salarié dans l entreprise (par exemple : avertissement), la société peut se contenter de notifier la sanction prise par lettre recommandée ou lettre remise en main propre contre décharge. En revanche, si la sanction est de nature à avoir une incidence sur la présence du salarié dans l entreprise ou a une incidence sur certains éléments de la relation de travail (ex : baisse de la rémunération), l employeur doit respecter la procédure complète de sanction selon les modalités suivantes : Convocation du salarié par lettre recommandée ou lettre remise en main propre contre décharge à un entretien préalable au moins 5 jours ouvrables avant la tenue de cet entretien. La convocation doit préciser l objet, la date, l heure et le lieu de l entretien ainsi que la possibilité de se faire assister. Tenue de l entretien préalable au cours duquel l employeur doit exposer au salarié les faits reprochés et la sanction envisagée. Le salarié peut également faire valoir ses observations. Une fois l entretien réalisé, si l employeur souhaite prononcer une sanction, il doit notifier cette sanction au plus tôt deux jours ouvrables après l entretien, et au plus tard dans le délai d un mois après l entretien. La lettre de sanction doit impérativement être motivée. Important : la gravité de la faute reprochée au salarié doit être regardée au regard de nombreux critères entourant la relation de travail (ancienneté du salarie, passif, poste occupé ). Un salarié peut contester tant la sanction qui a été prononcée à son encontre que la procédure qui a été suivie. Afin de prévenir tout contentieux et d éviter des condamnations souvent onéreuses, il est vivement conseillé de prendre conseil auprès d un avocat avant d engager une procédure disciplinaire.
Textes de référence : Code du travail : articles L 1331-1 et suivants ; L 1332-1 et suivants Le licenciement pour motif personnel A jour de juin 2016 Hors les hypothèses de rupture conventionnelle ou de mise à la retraite, le licenciement constitue la seule possibilité pour un employeur de rompre le contrat de travail d un salarié dont il souhaite de séparer. Il existe 2 types de licenciement : Le licenciement pour motif personnel ; Le licenciement pour motif économique. Attention : cette fiche d information ne traite que du licenciement pour motif personnel du salarié. Elle est donc exclusive du licenciement pour motif économique qui obéit à des règles distinctes. Le licenciement pour motif personnel s entend du licenciement lié à un fait inhérent à la personne du salarié. Lorsqu il souhaite licencier un salarié pour motif personnel, l employeur doit s assurer que le licenciement est fondé sur un motif légitime (I). Il doit également être particulièrement vigilant sur la procédure à adopter (II) et veiller au respect des obligations postérieures à la notification du licenciement (III).
I Les motifs de licenciement Si le licenciement pour motif disciplinaire suppose nécessairement une faute grave/lourde du salarié (B), l employeur peut également rompre le contrat de travail en cas de faute légère ou en dehors de tout comportement fautif du salarie à condition de justifier d une cause réelle et sérieuse (A). A Le licenciement pour cause réelle et sérieuse L employeur qui souhaite procéder au licenciement d un salarié pour motif personnel en dehors de toute faute grave/lourde doit pouvoir justifier d une cause réelle et sérieuse de licenciement, c est à dire : D une cause objective et existante en ce sens qu elle doit pouvoir être démontrée par l employeur ; D une cause suffisamment grave pour justifier un licenciement. Parmi les motifs fréquemment retenus, on peut citer l insuffisance professionnelle, les retards fréquents ou encore l inaptitude physique du salarié. La perte de confiance ne peut en revanche pas constituer un motif de licenciement puisqu elle relève de l appréciation subjective de l employeur. Attention : si l inaptitude physique ou la maladie du salarié peuvent constituer des causes réelles et sérieuses de licenciement, la procédure de licenciement qui leur est applicable présente plusieurs particularités (visites médicales, recherches de reclassement ). La procédure de licenciement de droit commun exposée ci-dessous ne leur est donc pas applicable. B Le licenciement pour motif disciplinaire
Lorsque le salarié manque intentionnellement, et de manière suffisamment grave, à ses obligations professionnelles, l employeur peut décider de procéder au licenciement du salarié pour motif disciplinaire. Le salarié se verra alors privé du préavis et de l indemnité légale de licenciement. Il existe deux types de fautes, la différence résidant dans la gravité des faits reproches au salarie : La faute grave : elle doit rendre impossible le maintien du salarié dans l entreprise (bagarre avec un collègue, injures envers son supérieur ) ; La faute lourde : d une gravité exceptionnelle, elle suppose la preuve que le salarié a agi avec l intention de nuire à l entreprise (détournement de fonds, concurrence déloyale ). Dans une telle hypothèse, l entreprise peut engager une demande de dommages et intérêts à l encontre du salarie fautif. Attention : dans tous les cas, la charge de la preuve des faits reprochés au salarié pèse sur l employeur. En cas de doute, le doute profite au salarié (L1235-1 al 2). II La procédure de licenciement A L entretien préalable L employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable. La convocation se fait par lettre recommandée avec accusé de réception ou lettre remise en main propre au moins 5 jours ouvrables avant la tenue de l entretien. La lettre doit préciser que l employeur envisage un licenciement, et indiquer les dates et lieux de l entretien, ainsi que la possibilité pour le salarié de se faire assister par un membre de l entreprise ou par un conseiller extérieur choisi sur une liste dressée dans chaque préfecture.
L employeur n est en revanche pas tenu de dévoiler les causes qui font envisager le licenciement dans cette lettre. Au cours de l entretien, l employeur indique les motifs de la décision envisagée et recueille les explications du salarié. Si le salarié ne se rend pas a l entretien, l employeur est considéré comme ayant satisfait à son obligation si la convocation a été faite dans les formes et n est donc pas obligé de convoquer à nouveau le salarié. Attention : s il s agit d un salarié protégé, l employeur doit obligatoirement obtenir l accord préalable de l inspecteur du travail avant de procéder au licenciement. Dans certains cas (salarié membre élu du CE, représentant syndical au CE ), la consultation préalable du CE pour avis est également exigée. B La lettre de licenciement L employeur doit notifier le licenciement au salarié par lettre recommandée avec accusé de réception. Cette lettre ne peut être expédiée moins de deux jours ouvrables après la date prévue de l entretien préalable au licenciement auquel le salarié a été convoqué. La lettre de licenciement doit comporter l énoncé du ou des motifs invoqués par l employeur à l appui de la rupture. Attention : la lettre de licenciement fixe les limites du litige, ce qui signifie qu en cas de contestation du licenciement, seuls les motifs mentionnés dans la lettre de licenciement pourront être invoqués par l employeur. L absence de lettre de licenciement équivaut à une rupture sans cause réelle et sérieuse. A noter : s il s agit d un licenciement pour motif disciplinaire, outre les règles énoncées ci-dessus, l employeur doit s assurer que : L engagement de la procédure disciplinaire intervient dans un délai maximum de 2 mois après la date de connaissance par l employeur des faits reprochés ;
Les faits reprochés au salarié n ont pas fait l objet d une précédente sanction disciplinaire ; La notification du licenciement intervient au maximum un mois après l entretien préalable. III Les suites du licenciement licite A Le préavis Sauf cas de faute grave/lourde, le salarié a droit au salaire durant l exécution de son préavis. La durée du préavis varie selon l ancienneté et la catégorie du salarié selon les modalités suivantes : Pour les salariés non cadre : 1 mois si le salarié a entre 6 mois et 2 ans d ancienneté, 2 mois au delà de 2 ans d ancienneté ; Pour les salariés cadres : 3 mois à partir de 6 mois d ancienneté ; 1 mois avant. Le contrat de travail continue pendant la période du préavis, mais le salarié licencié a la faculté de s absenter pour chercher un emploi dans la limite de 2 heures par jour de travail pendant la durée du préavis. Ces absences pour recherche d emploi pendant les périodes précitées ne donnent pas lieu à réduction de salaire pour le salarié licencié. L employeur peut également dispenser le salarié de travailler pendant son préavis, mais devra alors verser une indemnité compensatrice égale au salaire que le salarie aurait perçu pendant le préavis. B Indemnités de licenciement En dehors du cas de faute grave ou lourde, une indemnité distincte du préavis doit être versée au salarié licencié ayant au moins 1 année d ancienneté ininterrompue dans l entreprise. Cette indemnité est calculée comme suit :
Moins de 10 ans d ancienneté : 1/5 de mois de salaire mensuel brut par année d ancienneté ; Au-delà de 10 ans d ancienneté : 1/5 de mois par année d ancienneté plus 2/15 de mois par année d ancienneté au-delà de 10 ans. C Documents de fin de contrat A la rupture du contrat de travail, à l issue de la période de préavis, l employeur doit adresser au salarié l ensemble des documents suivants : Certificat de travail précisant notamment le poste occupé par le salarié ; Reçu pour solde de tout compte ; Attestation Pôle emploi permettant au salarié de faire valoir ses droits au chômage. Attention : afin de prévenir tout litige et eu égard à l importance de certaines condamnations, nous vous invitons vivement à consulter un avocat spécialisé avant d engager toute procédure de licenciement. Textes de référence : Code du Travail : article L1232-1 et suivants ; L 1332-2 et suivants Convention collective HCR : article 30 et suivants