variation relative du risque, nombre de patients à traiter (NNT)

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Transcription:

N 2 : Différence des risques absolus, risque relatif, variation relative du risque, nombre de patients à traiter (NNT) La connaissance et la maîtrise de quelques concepts de base contribuent à mieux mettre en œuvre la pensée critique lors de la lecture du compte rendu d une étude médicale. Un mois sur deux, la rédaction de Prescrire propose un exercice court pour se familiariser avec certains de ces concepts. Ce mois-ci, il s agit des concepts de diminution (ou augmentation) absolue du risque, de risque relatif, de variation relative du risque, et de nombre de personnes à traiter pour éviter ou provoquer un événement. Dans le b.a.-ba n 1 des Lectures critiques Prescrire (sur le site formations.prescrire.org), nous avons abordé les concepts de prévalence, d incidence, et de risque absolu. Le risque absolu d un évènement est la probabilité de survenue de cet évènement. Pour un individu moyen fictif, représentatif des membres d un groupe, ce risque absolu est l incidence de l affection dans le groupe étudié. Dans l exercice ci-dessous, nous abordons les concepts utilisés pour comparer le risque absolu de deux groupes différents : diminution ou augmentation du risque absolu, risque relatif, variation relative du risque, nombre de personnes à traiter pour éviter un évènement (alias NNT) ou pour provoquer un événement indésirable (alias NNH). FICTION (a) Une étude épidémiologique a comparé la mortalité, toutes causes confondues, dans un groupe de 16 453 enfants malnutris recevant une supplémentation par fer + acide folique versus dans un groupe de 18 242 enfants malnutris ne recevant pas cette supplémentation. Au cours du suivi de 3,5 ans, 6 % des enfants du groupe supplémentation sont décédés, versus 3 % des enfants du groupe témoin. a- Cette fiction est inspirée des résultats d un essai randomisé, rapportés dans Rev Prescrire 2006 ; 26 (275) : 612-614. LA REVUE PRESCRIRE DÉCEMBRE 2011/TOME 31 N 338 PAGE 957-1

Questions Question n 1 Selon cette étude, quel est le risque absolu de décès dans le groupe témoin? Quel est le risque absolu de décès dans le groupe supplémentation? Question n 2 Selon cette étude, quelle est l augmentation en valeur absolue du risque de décès attribuable à la supplémentation par fer et acide folique? Question n 3 Quel est le risque relatif de décès du groupe supplémentation par rapport au groupe témoin? Question n 4 Quelle est la variation relative du risque de décès du groupe supplémenté par rapport à l autre groupe? Question n 5 Si l on fait l hypothèse que la supplémentation est le seul facteur causal à l origine de la différence de mortalité observée entre les deux groupes, quel serait, d après cette étude, le nombre d enfants malnutris à supplémenter par fer et acide folique pour éviter un décès? LA REVUE PRESCRIRE DÉCEMBRE 2011/TOME 31 N 338 PAGE 957-2

Propositions de réponses et commentaires de la Rédaction Question n 1 Proposition de réponse. Sur une durée de 3,5 ans, le risque absolu de décès est de 3 % dans le groupe témoin et de 6 % dans le groupe supplémentation. Commentaire de la Rédaction. Le risque absolu d un événement correspond à l incidence de cet évènement (ici le décès) dans le groupe étudié. L incidence est le nombre de nouveaux cas de survenue d un évènement observé dans une population donnée, au cours d une période donnée (lire le b.a.-ba n 1 des Lectures critiques Prescrire sur le site formations.prescrire.org). Question n 2 Proposition de réponse. L augmentation en valeur absolue du risque de décès est de 6 % - 3 % = + 3 %. Autrement dit, pour 100 enfants ayant reçu la supplémentation par fer et acide folique pendant 3,5 ans, il y a eu 3 décès supplémentaires. Commentaire de la Rédaction. La différence des risques absolus est égale à la soustraction : [risque absolu du groupe traité ou exposé] - [risque absolu du groupe témoin]. On la nomme aussi augmentation ou diminution en valeur absolue du risque, ou bénéfice absolu quand il s agit d un effet bénéfique. Question n 3 Proposition de réponse. Le risque relatif de décès du groupe supplémentation par rapport au groupe témoin est 6 % / 3 % = 2. Autrement dit, il y a eu deux fois plus de décès dans le groupe supplémentation que dans le groupe témoin. Commentaire de la Rédaction. Le risque relatif (RR) est le rapport : [risque absolu du groupe traité ou exposé] / [risque absolu du groupe témoin]. Le risque relatif est toujours un nombre positif compris entre 0 et l infini. Il n a pas d unité de mesure car il s agit d un rapport entre 2 nombres ayant la même unité de mesure. Quand l intervention (ou l exposition) est associée à une augmentation du risque de survenue d un évènement, le risque relatif est supérieur à 1. Par exemple un risque relatif de 2, signifie que l évènement dans le groupe traité est 2 fois plus fréquent que dans le groupe témoin. Quand l intervention (ou l exposition) ne semble associée à aucune modification du risque de survenue, le risque relatif est égal à 1. Quand le risque de survenue d un évènement dans le groupe traité (ou exposé) est plus faible que le risque observé dans le groupe témoin, le risque relatif est inférieur à 1. Par exemple un risque relatif de 0,2, signifie LA REVUE PRESCRIRE DÉCEMBRE 2011/TOME 31 N 338 PAGE 957-3

que l évènement dans le groupe traité est 0,2 fois plus probable que dans le groupe témoin. Autrement dit, l évènement dans le groupe traité est 5 fois moins fréquent que dans le groupe témoin (1 / 0,2 = 5) Le Hazard Ratio et le Risk Ratio sont des méthodes de calcul du risque relatif qui prennent en compte le délai de survenue des évènements : leurs résultats sont légèrement différents du calcul du risque relatif exposé ici. Question n 4 Proposition de réponse. La variation relative du risque de décès est (6 % - 3 %) / 3 % = (0,06 0,03) / 0,03 = 0,03 / 0,03 = 1, soit une augmentation relative du risque de + 100 %. Commentaire de la Rédaction. La variation relative du risque exprime la différence observée entre les 2 groupes, en termes de pourcentage du risque de base (c est-à-dire le risque absolu dans le groupe témoin). La formule de calcul est la suivante : [risque absolu dans le groupe intervention risque absolu dans le groupe témoin] / [risque absolu dans le groupe témoin]. Comme cette variation est habituellement exprimée en pourcentage, on multiplie ensuite ce résultat par 100. Une autre manière de calculer la variation relative du risque est : (risque relatif 1) x 100. Par exemple, un risque 2 fois plus grand (risque relatif = 2) correspond à une variation relative de + 100 % ((2 1) x 100 = + 100 %). Un risque 2 fois plus faible (risque relatif = 0,5) correspond à une variation relative de 50 % ((0,5 1) x 100 = 50 %). Les variations relatives du risque sont en général plus impressionnantes que la différence des risques absolus. Lorsqu on exprime une modification du risque, mieux vaut préciser clairement s il s agit d une différence en valeur absolue ou d une variation relative. «Le risque a été diminué de 50 %» est une phrase qui peut s appliquer tout aussi bien à une variation relative qu à une différence en valeur absolue. S il s agit d une variation relative, celle-ci n est interprétable que si l on connaît le risque de base (celui de la population témoin). Car une variation relative du risque de 50 % peut correspondre à un risque de base de 0,2 % réduit à 0,1 % (différence en valeur absolue de 0,1 %), tout autant qu à un risque de base de 40 % réduit à 20 % (différence en valeur absolue de 20 %). Question n 5 Proposition de réponse. Selon cette étude, la supplémentation n a pas été associée à une diminution du risque de décès, mais à une augmentation de ce risque. Dans l hypothèse où cette association traduise un lien de cause à effet (ce qu une étude épidémiologique ne peut jamais démontrer), on peut calculer le nombre d enfants à traiter pour que survienne un décès, mais non le nombre d enfants à traiter pour éviter un décès. Commentaire de la Rédaction. Le nombre nécessaire à traiter (en anglais, number needed to treat, alias NNT) est le nombre de patients à traiter pour que l évènement étudié soit évité (ou survienne) chez l un d entre eux. Quand l évènement n est pas souhaité mais est un effet indésirable (comme c est le cas dans cet exercice), les anglophones utilisent parfois l expression number needed to harm (NNH), en français : nombre nécessaire pour nuire. LA REVUE PRESCRIRE DÉCEMBRE 2011/TOME 31 N 338 PAGE 957-4

Le NNT (ou le NNH) est l inverse (au sens mathématique) de la différence absolue du risque : 1 / différence absolue du risque. Ici, le nombre de patients nécessaire à traiter pour observer un décès supplémentaire (NNH) a été 1 / 3 % = 1 / 0,03 = 33,3. Autrement dit, en supplémentant environ 33 enfants malnutris par fer et acide folique, on observe en moyenne 1 décès supplémentaire. Alors que les concepts de différence des risques absolus, de risque relatif et de variation relative du risque s appliquent aussi bien aux études d observation qu aux essais comparatifs randomisés, le NNT et le NNH ne s appliquent que lorsqu il y a intervention dans un but de soin. Quelques lectures supplémentaires - Prescrire Rédaction La présentation des résultats d un essai influence les prescriptions Rev Prescrire 1997 ; 17 (170) : 131-132. - Prescrire Rédaction Lectures critiques Prescrire exercice n 2 : Ne pas confondre signification statistique et pertinence clinique Rev Prescrire 2007 ; 27 (290) : 954. Texte complet sur le site formations.prescrire.org : 8 pages. - Prescrire Rédaction Décodage Rev Prescrire 2008 ; 28 (297) : 484. - Prescrire Rédaction Sur les bancs de l école Rev Prescrire 2008 ; 28 (298) : 637-638. - Prescrire Rédaction Prescrire en question. NNT et NNH : des expressions simples des résultats ou des formules magiques? Rev Prescrire 2009 ; 29 (309) : 556. - Prescrire Rédaction Lectures critiques Prescrire exercice n 29 : Savoir ne pas relativiser Rev Prescrire 2010 ; 30 (319) : 397. Texte complet sur le site formations.prescrire.org : 11 pages. Prescrire LA REVUE PRESCRIRE DÉCEMBRE 2011/TOME 31 N 338 PAGE 957-5