MARCHE DU CO2 ET PROJETS DOMESTIQUES La Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (UNFCCC) a été adoptée lors du Sommet de la Terre à Rio en Juin 1992. Il s agit d un traité international, ratifié par 188 pays, dont l objectif ultime est de stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique. Dans ce cadre, les États parties à la convention ont décidé de négocier un protocole contenant des mesures de réduction des émissions pour la période postérieure à l'an 2000 pour les pays industrialisés. Le protocole de Kyoto a donc été adopté le 11 décembre 1997 par environ 180 pays, et ratifié en 2005 par 140 pays. C est une initiative de grande ampleur, visant à lutter contre les changements climatiques par une action internationale de réduction des émissions de certains gaz à effet de serre (GES) responsables du réchauffement planétaire. Pour aider à réduire les émissions de GES, des mesures, applicables à l échelle des pays et des entreprises, sont mises en place progressivement. Au niveau mondial, dans les pays Dans le protocole, 38 pays industrialisés ou en transition (pays d Europe et d Asie qui passent d une économie planifiée à une économie de marché) se sont engagés à réduire les émissions de six principaux gaz à effet de serre : CO2, CH4, N2O, HFC, PFC, SF6. Une réduction.de 5,2% en moyenne entre 2008 et 2012 par rapport au niveau de 1990. Les pays en transition, quant à eux, doivent stabiliser leurs émissions au niveau de 1990, et les pays en développement sont exemptés d engagements chiffrés. La France, pour sa part, doit stabiliser ses émissions de GES au même niveau qu en 1990, au sein de l Union Européenne qui doit les réduire de 8%. Les pays industrialisés sont tenus d élaborer des politiques et mesures nationales de lutte contre le changement climatique. Si d ici 2012, ils ne tiennent pas leurs engagements, ils seront dans l obligation de les réaliser par la suite, mais moyennant une pénalité de 30% de réduction en sus des quotas qu ils se sont engagés à respecter. De plus, ces pays n auront plus accès au marché des droits d émission. Pour les aider dans leur programme de réduction de GES, le Protocole de Kyoto prévoit le possible recours à des mécanismes de «projets» complémentaires, afin de réduire le coût de la diminution des émissions, en complément des politiques et mesures qu ils devront mettre en œuvre au plan national.
Ces mécanismes de «projets» sont au nombre de deux : Les Mécanismes de Développement Propre (MDP) Les pays qui ont souscrit à Kyoto peuvent récupérer des droits à polluer («credits» ou «unités de réduction des émissions» (URE)) s ils financent des projets qui permettent de diminuer les émissions de GES dans les pays en développement. Les mises en œuvre conjointes (MOC) Les MOC fonctionnent comme les MDP, mais elles ne concernent que les pays de l Annexe B, ou pays ayant des objectifs de réduction inscrits dans le Protocole de Kyoto. Concrètement cela permettra aux pays industrialisés de se procurer des quotas d émission sous forme de URE (unités de réduction des émissions) ou de REC (réductions d'émissions certifiées), qui viendront en déduction de leurs émissions effectives, les rapprochant ainsi de leurs objectifs. L idée sous-jacente est qu une émission de GES en vaut une autre au plan physique, mais qu en revanche il peut être moins coûteux de réduire des émissions dans un pays en développement que dans un pays industrialisé. Autant donc affecter les ressources là où c est le plus efficace. Tous les projets MDP ou MOC doivent être validés par les Nations-Unies. Cette validation est délicate et longue. Elle passe par l intervention de consultants spécialisés vérifiant une série de critères. Au sein de l Union Européenne, au niveau des entreprises En 2003, l Union Européenne a mis en place un marché de quotas de CO2 pour inciter les industriels et les producteurs d énergie à réduire leurs émissions. Elle a ainsi publié la Directive E.T.S (Emission Trading Scheme) qui concerne les émetteurs intensifs de CO2 - les énergéticiens, les producteurs de matières (acier, ciment, verre) et les sites équipés de grosses chaufferies. Ce qui représente au niveau européen environ 40 % des émissions de CO2. Depuis le 1er janvier 2005, 12 000 grands établissements industriels européens sont ainsi autorisés à acheter et à vendre des "certificats (ou quotas) d émission de CO2". Ce nouveau système permet aux entreprises dépassant leurs plafonds d'émissions de gaz à effet de serre d'acheter des quotas auprès d'entreprises ayant réduit leurs émissions plus fortement que ce qui leur était imposé comme plafond. Il contribue donc à atteindre les objectifs de l'ue dans le cadre du protocole de Kyoto.
Les échanges de quotas se font sur un marché qui permet de fixer un prix au CO2, plus précisément au quota d émission. Le marché a été mis en place sur deux périodes distinctes. Sur la première période, dite d essai, qui s étend de 2005 à 2007, les quotas ont été alloués gratuitement et de manière excessive. Il en est résulté un prix peu élevé, qui tend aujourd hui vers 0, plus aucun opérateur ne se portant acheteur. Le prix du quota de la deuxième période - 2008-2012 - est, quant à lui, plus élevé, du fait d allocations moins généreuses. (Voir brève En Hausse «Pourquoi le marché du CO2 n est-il pas un échec?» du 16 avril 2007) PNAQ Chaque État membre a élaboré un plan national d'allocation de quotas d'émissions de gaz à effet de serre (PNAQ). Il indique la quantité totale de quotas que l'état membre a l'intention d'allouer et la manière dont il se propose de les attribuer. Les entreprises (industries) qui souscrivent au PNAQ sont sanctionnées si elles émettent plus que ce qu elles avaient annoncé. Les pénalités sont fixées à 40 euros la tonne de CO2 pour la période 2005-2007 et à 100 euros la tonne pour la période suivante. Il faut noter que le respect par les entreprises soumises à l ETS de leurs obligations ne suffira pas pour que la France respecte ses engagements Kyoto, qui concernent bien l ensemble des émissions. Les premiers PNAQ ont débuté le 1er janvier 2005 pour une période d essai (antérieure à la période «Kyoto») de trois ans (2005-2007), limitée au seul CO2. Les Etats membres sont en train de préparer leur deuxième PNAQ pour la période 2008-2012. Le PNAQ de la France, par exemple, a été arrêté en mars 2007, pour un montant total de quotas fixé à 132,8 Mt CO2 / an sur la période 2008-2012. Environ 1000 entreprises font partie du PNAQ. Mais il couvre moins de 30% des émissions de CO2 réalisées sur le territoire national, les autres étant issues du secteur diffus (logement, petite industrie, transport et agriculture). Indépendamment de ce marché ETS et suite à un débat national sur l énergie qui s est tenu en 2003, la France s est fixé comme objectif ambitieux de diviser par quatre ses émissions de GES d ici 2050. Cet objectif est inscrit dans la loi d orientation de la politique énergétique de juillet 2005 (Loi n 2005-781 du 13 juillet 2005), et il concerne l ensemble des secteurs économiques. Pour y parvenir, la France va donc devoir recourir à d autres instruments, notamment les projets domestiques.
Répartition des émissions de GES en France en 2005 par secteur Energie 13% Transports 26% Agriculture 19% Industrie 20% Déchets 3% Résid. Tert. 19% 25% des émissions : secteurs couverts par le système européen d échange de quotas 75% des émissions : secteurs non couverts par le système européen d échange de quotas Source : CITEPA Les projets domestiques La démarche «projets domestiques CO2», lancée à la demande des pouvoirs publics, vise à stimuler la réalisation de projets réduisant les émissions de gaz à effet de serre dans les secteurs non concernés par l ETS, en rémunérant financièrement les réductions d émissions. Les Unités de réductions d émission (URE) générées seront cessibles sur le marché international. Les secteurs concernés sont les transports, l agriculture, le bâtiment, le traitement des déchets, et les installations industrielles non couvertes par le système des quotas. Cette idée s est inspirée des mécanismes de projets domestiques CO2 expérimentés en Nouvelle-Zélande, en Australie et au Canada. Au Canada, par exemple, les projets domestiques CO2 entreront en vigueur en 2008, si le gouvernement canadien décide de maintenir ses engagements dans le cadre du protocole de Kyoto. Ils s adosseront au système des «grands émetteurs finaux» (Large Final Emitters System - LFES) qui obligera 7000 entreprises industrielles à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de 45 MteCO2 par an jusqu à 2010. Les entreprises dont les coûts de réduction sont les plus élevés auront la possibilité de financer des projets moins coûteux réalisés au Canada dans la forêt, l agriculture, les déchets, les énergies renouvelables, les transports ou encore les économies d énergie.
En Australie, l Etat de la Nouvelle-Galles du Sud expérimente depuis 2003 un dispositif obligatoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour les producteurs et distributeurs d électricité. L intensité CO2 de l énergie vendue doit progressivement passer de 8,65 tco2 par habitant en 2003 à 7,27 en 2007. En cas de dépassement, les entreprises doivent payer une amende de 8,5 par tonne en excès, ou acquérir des «certificats d abattement». Ceux-ci peuvent être obtenus en finançant ou en participant à des projets visant l adoption de sources d énergie propres pour l offre d électricité, une diminution de la consommation électrique, ou un stockage biologique du carbone dans les forêts en Nouvelle-Galles-du Sud. Ce système est couplé à un mécanisme de projets domestiques qui regroupe des activités comme les économies d'énergie, l'industrie ou les plantations forestières. Il s'agit du système de projets domestiques le plus abouti aujourd'hui : environ 150 projets ont déjà reçu des crédits. Un exemple de projet domestique CO2 en France Réduire des émissions de fluides frigorigènes d un supermarché Les hydro fluorocarbures (HFC) sont des gaz dont l impact sur l effet de serre est très supérieur à celui du CO2 en quantité égale. Ils sont présents dans les circuits de refroidissement utilisés dans les magasins d alimentation. Un investissement éligible au titre des projets domestiques consisterait à remplacer, sur des installations existantes, le fluide majoritairement utilisé à l heure actuelle par une combinaison de deux autres fluides au pouvoir de réchauffement nettement inférieur. Une telle substitution peut permettre de diviser les émissions du système par un facteur 4. Pour un supermarché-type, on estime les émissions de gaz à effet de serre associées aux systèmes de réfrigération à 1300 tonnes d équivalent-co2 par an. Le passage au système à deux fluides réduirait les émissions de près de 1000 tonnes d équivalent-co2 par an. Le lancement de la démarche «projets domestiques CO2» en France constituera une première européenne. Elle devrait permettre à la France d atteindre son objectif Facteur 4 d ici 2050. Sources : Climat et projets domestiques CO2 : pourquoi et comment? (Caisse des Dépôts) (http://www.caissedesdepots.fr/spip.php?page=special&id_article=585) L action de l UE pour lutter contre le changement climatique (http://ec.europa.eu/environment/climat/pdf/emission_trading3_fr.pdf)