UN EXEMPLE D INSTRUMENT ÉCONOMIQUE DE PROTECTION DE L ENVIRONNEMENT :LA RÉDUCTION DES EMISSIONS DE GAZ A EFFET DE SERRE ET LA CRÉATION D UN MARCHÉ
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- Jean-Luc Lefebvre
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1 UN EXEMPLE D INSTRUMENT ÉCONOMIQUE DE PROTECTION DE L ENVIRONNEMENT :LA RÉDUCTION DES EMISSIONS DE GAZ A EFFET DE SERRE ET LA CRÉATION D UN MARCHÉ Contribution pour les Xes Journées Juridiques franco-chinoises octobre 2006 Peter HERBEL, directeur juridique du Groupe Total Pascale KROMAREK, coordinatrice des questions juridiques d environnement du Groupe Total Introduction : Total et la réduction volontaire des émissions de gaz à effet de serre (GES) Dès 2001, de façon volontaire et unilatérale, le Groupe Total avait pris, pour l ensemble de ses activités dans le monde, la décision de réduire d ici 2005 ses émissions de gaz à effet de serre (GES) : elles devaient diminuer de 30% en valeur relative (c'est-à-dire par tonne de pétrole brut produite) dans le secteur de l exploration-production, de 20% par tonne de brut traitée dans le secteur du raffinage et de 45% en valeur absolue à la chimie. Ces objectifs ont été réalisés et dépassés dès Parallèlement à cette démarche mondiale, deux filiales de Total, les sociétés Total France pour le secteur du raffinage-marketing et et Atofina pour le secteur de la chimie, ont créé en 2002, avec une vingtaine d autres industriels français, une Association des Entreprises pour la Réduction de l Effet de Serre, l AERES. Ces industriels avaient décidé d anticiper la directive communautaire sur les échanges de quotas d émissions en lançant un programme volontaire de réduction d émissions portant sur les six GES et non sur le seul CO 2. Rappelons en effet qu il existe 6 grandes catégories de GES, le gaz carbonique ou dioxyde de carbone (CO2), le protoxyde d azote ou oxyde nitreux (N2O), le méthane (NH4), les hydrofluorocarbures (HFC), les hydrocarbures perfluorés (PFC) et l hexafluorure de soufre ( (SF6), mais que la réglementation européenne dont nous allons parler ne concerne que le CO2. En concertation et coopération avec les pouvoirs publics français, les industriels membres de l AERES ont pris des engagements de réduction de leurs émissions. L AERES est constituée aujourd hui de 34 entreprises représentant 60% des émissions françaises de GES. Ses travaux ont été pris en considération pour l allocation des quotas dans le cadre du Plan National d Affectation des Quotas (PNAQ) de GES français. Cette démarche volontaire du Groupe Total, tant au plan mondial qu aux niveaux européen et français, a facilité son adaptation au système d échange de quotas d émissions de GES, appelé aussi «Emissions Trading Scheme» (ETS) mis en place par la directive européenne du 13 octobre Avant de décrire ce système et son application en droit national, il est utile de retracer le cadre juridique international dans lequel il s inscrit. Puis nous évoquerons la façon dont Total a concrètement mis en place ce système. I. Le régime juridique 1.1. Rappel historique: Le cadre juridique international La CCNUCC La Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique (CCNUCC) fut signée au Sommet de la Terre à Rio en juin 1992 par 162 États. Elle marque la prise de
2 conscience internationale du risque de changement climatique. Son «objectif ultime» est de stabiliser les concentrations de GES dans l atmosphère à «un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique». Selon cette Convention, les États se considèrent tous collectivement responsables de la préservation de l équilibre climatique, mais en fonction de «responsabilités différenciées». Ils se partagent donc différemment les obligations prévues par la Convention-cadre. Les 38 pays les plus riches s engagent à stabiliser en 2000 leurs émissions de GES au niveau de Pour ces pays, c est-à-dire ceux de la Communauté européenne, de l OCDE et quelques États dits à économie de transition, une baisse de croissance semblait plus supportable et ils étaient en outre responsables des émissions de gaz à effet de serre les plus importantes. Ils constituent les Parties visées à l annexe I de la Convention-cadre. Les pays de l OCDE prennent, de plus, l engagement de fournir des ressources financières aux États hors annexe. Ces derniers n ont pas d objectifs chiffrés mais s obligent à respecter les obligations de base de la Convention-cadre incombant à toutes les Parties : établir un inventaire des émissions annuelles de GES et un programme national de réduction, encourager les puits de carbone, c'est-à-dire les milieux naturels comme la forêt, capables de puiser et fixer le CO2 présent dans l atmosphère, et anticiper l impact des changements climatiques en préparant des plans d actions appropriés. Les États signataires ont décidé de se réunir une fois par an pour suivre la mise en application de cette Convention-cadre lors des «Conferences of the Parties» (COP) ; celle-ci est entrée en vigueur en 1994, après sa ratification par 175 États Le Protocole de Kyoto a) Engagements quantitatifs de réduction d émissions Lors de la première conférence des Parties de la CCNUCC (COP 1, Berlin 1995), les Etats ont décidé de négocier un protocole contenant des mesures de réduction pour les pays «industrialisés» afin de sérieusement faire face aux changements climatiques. A la suite de longs travaux, le Protocole adopté lors de COP 3, en 1997 à Kyoto, traduit cette volonté en engagements quantitatifs juridiquement contraignants. Les 38 pays de l'annexe 1 de la Convention s obligent à abaisser leurs émissions de GES entre 2008 et 2012 de 5,2 % en moyenne par rapport à ce qu elles étaient en Les pourcentages varient selon les États, selon le niveau de leurs émissions en 1990, et les efforts de réduction qu ils ont consentis depuis cette date. L Union Européenne, elle-même Partie au Protocole de Kyoto, s est vue imposer une réduction globale de 8% et ses 25 États-membres appliqueront des taux différenciés. L entrée en vigueur du Protocole de Kyoto était conditionnée à sa ratification par un minimum de 55 États-Parties à la CCNUCC, représentant au moins 55 % des émissions de C est finalement le 16 février 2005 que le Protocole a pu entrer en vigueur. La Russie, représentant à elle seule près de 18% des émissions de 1990 l avait ratifié en novembre 2004, mais les Etats-Unis qui émettent plus de 30% du total des GES, s y sont refusé. Depuis cette entrée en vigueur, les Parties au Protocole se trouvent dans une phase préparatoire à l application pratique qui débutera en Les 34 pays industrialisés qui ont ratifié le Protocole seront en effet désormais tenus de réduire leurs émissions conformément à leurs engagements : en 2008, ils recevront des «unités», exprimées en tonnes d équivalent CO 2 représentant le maximum des émissions de GES auquel ils auront droit, compte tenu de ces engagements. Les autres pays resteront soumis aux obligations générales de la CCNUCC.
3 b) Les mécanismes de flexibilité Pour permettre aux pays qui prennent des engagements chiffrés de réduction des émissions de GES de réaliser ces objectifs ambitieux, le Protocole prévoit qu ils pourront recourir à des mécanismes dits "de flexibilité" en complément des politiques et mesures qu'ils devront mettre en œuvre au plan national. Ces mécanismes de flexibilité sont au nombre de trois : la Mise en Œuvre Conjointe (MOC), le Mécanisme de Développement Propre (MDP) et les échanges d unités d émissions Les MOC et MDP permettent aux Parties d'atteindre les objectifs de Kyoto en réduisant leurs émissions dans d'autres pays pour un coût moindre que sur leur propre territoire. Le principe de base est que, d'un point de vue environnemental planétaire, le lieu où la réduction des émissions de GES est obtenue est secondaire au regard de la réalité de la réduction. La COP 7 (Marrakech 2001) a fixé les critères d'éligibilité des projets au titre des MOC et des MDP. Il s agit de projets d investissements qui permettent aux États, ainsi qu à des investisseurs privés ou publics, d obtenir des crédits d émissions correspondant aux émissions évitées dans les pays hôtes de ces projets et venant donc en surplus des réductions déjà prévues par les plans d actions nationaux. Il faut par ailleurs que ces projets se traduisent par la réalisation d objectifs de développement durable des pays hôtes, notamment par le transfert de technologies. a) Le MDP permet aux pays de l Annexe I de remplir leurs engagements de réduction de GES à moindre coût, tout en associant les pays en développement (ne figurant pas dans l Annexe 1) à l objectif mondial de réduction des émissions de GES. Sont visés dans cette catégorie de mécanismes : les programmes d amélioration de l efficacité énergétique, les investissements réduisant les rejets de GES dans certains secteurs industriels, les transports, l agriculture et les programmes de «puits de carbone», en particulier par reforestation. Les tonnes d émission évitées donnent lieu à la délivrance «d unités de réduction d émission certifiées» à l auteur du projet. Un Conseil Exécutif MDP, établi auprès de la COP, vérifie et enregistre les projets. Depuis l entrée en vigueur de ce mécanisme en 2005, 200 projets avaient été acceptés en juin b) Les MOC sont des projets du même type que les MDP, réalisés par les pays ou des entités de l'annexe I dans des pays développés, appartenant également à l annexe I. Ce système n entrera en vigueur qu en Une des grandes différences entre le MDP et la MOC est, qu un MDP crée des crédits d émissions, mais qu une MOC permet seulement un transfert de quantités d unités de réduction du pays hôte vers le pays investisseur. c) Le système d échange des unités de montant allouées se mettra en place entre les pays de l Annexe I à partir de Ces unités d émissions permettent d émettre une quantité correspondante de GES, mais elles peuvent également être échangées, vendues ou achetées. Dans le système européen, qui existe, lui, depuis 2005 et dont nous allons parler maintenant, ces unités s appellent des «quotas» Le système européen d échange de quotas (Emissions Trading Scheme, ETS) : La directive 2003/87 et son application en France L Union européenne (l UE) a décidé une mise en application anticipée du Protocole de Kyoto, avant la période La directive européenne 2003/87 du 13 octobre 2003, établit un système d échange de quotas d émission de GES ; elle a été modifiée par la directive 2000/101 du 13 novembre 2004, qui traite plus particulièrement des deux autres systèmes: les MOC et les MDP. La première période d application de la Directive couvre 3 ans ( ) et ne concerne que les émissions de CO 2 provenant d activités limitées à quelques secteurs industriels. Les autres cinq GES, ou seulement quelques-uns, et d autres activités, pourront être concernés pour la seconde période ( ).
4 La directive repose sur quatre éléments : autorisation d émissions, allocation et gestion de quotas, surveillance et déclaration des émissions, fonctionnement d un marché libre, mais dont les mouvements sont enregistrés Autorisations La Directive pose le principe que certaines catégories d installations industrielles doivent obtenir une autorisation spécifique d émettre des gaz à effet de serre, en fonction de leurs capacités de production. Il s agit des installations qui exploitent une activité faisant partie des secteurs industriels suivants : énergie, production et transformation des métaux non ferreux, industrie minérale, production de pâte à papier, de papier et de carton. Les seuils de capacités de production qui entraînent l application du ETS sont déterminés par la Directive ; ainsi, pour les installations de combustion, la puissance calorifique doit être supérieure à 20 MW. Comme toutes les installations industrielles concernées par le ETS étaient déjà en fonctionnement depuis longtemps, et qu elles disposaient d autorisations de fonctionnement en fonction des règles de protection environnementales en vigueur dans les Etats, il ne pouvait pas être question de remettre en jeu ces permis de fonctionnement en exigeant de nouvelles procédures d autorisation. Mais il fallait néanmoins que les autorités administratives compétentes aient la preuve que l exploitant était en mesure de surveiller et déclarer ses émissions de GES. Chaque Etat européen a donc trouvé des moyens d adapter son propre système d autorisations environnementales à l exigence des autorisations d émettre des GES avec un minimum de procédures administratives. Ainsi, la France a modifié son Code de l environnement : Dans le Livre II «Milieux Physiques», le Titre II «air et atmosphère» a été complété par un chapitre spécifique concernant l effet de serre. Les articles L à L prévoient les règles à respecter. Ils transcrivent notamment l obligation d autoriser les émissions de CO2 en précisant que l autorisation de fonctionnement délivrée aux installations classées pour la protection de l environnement «tient lieu» de l autorisation d émettre des CO2. Un décret du 19 août 2004 a précisé les nouvelles dispositions du Code. Comme le lien était fait avec la réglementation spécifique des installations classées pour la protection de l environnement, cette réglementation a elle aussi, été complétée : Allocations de quotas et restitution Allocations de quotas Chaque Etat alloue aux entreprises qui sont situées sur son territoire et qui bénéficient d une autorisation d émettre des GES, un certain nombre de quotas de CO 2 pour une période de trois ans d abord ( ), puis de 5 ans ( ). Ces quotas sont délivrés chaque année, en général par tiers. Chaque quota représente une tonne d équivalent de dioxyde de carbone. Le nombre total de quotas correspond aux tonnes de GES que l installation pourra émettre. Le nombre des quotas a été calculé selon les plans nationaux d allocation de quotas (PNAQ) présentés par chaque Etat à la Commission Européenne ; ces plans ont été établis par les administrations nationales, d une part en fonction d une stratégie générale «climat» établie par chaque Etat, d autre part sur la base des déclarations préalablement effectuées par les exploitants des installations concernées sur leurs émissions passées et les évolutions envisagées pour les procédés industriels et d activités envisagées, et enfin à l issue d une consultation du public. Les PNAQ ne sont devenus définitifs qu après avoir été communiqués aux autres Etats de l Union et à la Commission Européenne et acceptés par celle-ci. La Commission a en effet vérifié chacun des plans nationaux, au fur et à mesure qu ils lui étaient soumis, entre l été 2004 et mars 2005, et a demandé à certains Etats, trop gourmands
5 dans leurs estimations de besoins de quotas, de modifier leurs propositions, en fonction de critères définis par la Directive et par des guides et des lignes directrices préparés par la Commission en Le quota : Le quota n a pas de définition juridique précise ; la directive procède par tautologie : «Quota» : le quota autorisant à émettre une tonne d équivalent-dioxyde de carbone au cours d une période spécifiée, valable uniquement pour respecter les exigences de la présente directive et transférable conformément aux dispositions de la présente directive». L article L du Code français de l environnement précise qu il est «une unité de compte représentative de l émission de l équivalent d une tonne de dioxyde de carbone», et l article L que les «quotas sont des biens meubles, exclusivement matérialisés par une inscription au compte de leur détenteur dans le registre national ; ils sont négociables, transmissibles par virement de compte à compte, confèrent des droits identiques à leurs détenteurs, et sont cessibles.» Pour la première période d application, les quotas sont délivrés à titre gratuit aux exploitants dans tous les Etats; la Directive leur laissait cependant la possibilité d en affecter 5% à titre onéreux, (elle augmente cette possibilité à 10% pour la seconde période). Des commentateurs ont considéré que l attribution gratuite de ces biens par un Etat constituait une subvention et que conformément au droit communautaire, celle-ci devait donc être autorisée par la Commission. Le débat juridique est subtil, et sans doute paradoxal, car s il en était ainsi, l Union européenne instituerait elle-même un système qui risquerait de ne pas être conforme à ses propres règles Devant l incertitude de l analyse juridique et la surcharge de travail qui aurait assailli les fonctionnaires européens, il a été sursis à la question, et le réalisme a prévalu. Restitution de quotas : A la fin de chaque année civile, l exploitant doit «restituer» à l Etat dans lequel il exerce son activité un nombre de quotas égal au total de ses émissions de CO 2. L Etat «annule» alors les quotas ainsi restitués. Si les émissions ont été inférieures au nombre de quotas, l exploitant peut, soit rendre à l Etat les quotas non utilisés et les faire annuler, soit les vendre sur le marché. Sanctions : Si les émissions ont été supérieures au nombre de quotas alloués, l exploitant, sur injonction administrative, doit payer une amende de 40 euros par tonne émise en excès. L amende n étant pas libératoire, l exploitant reste en outre tenu de restituer une quantité de quotas égale au volume des émissions excédentaires, et il paiera les amendes annuelles correspondantes, tant qu il ne se sera pas acquitté de cette obligation. A partir de 2008, l amende sera de 100 euros par tonne excédentaire Déclaration et Vérification Les quotas sont restitués aux Etats sur la base des déclarations annuelles des émissions de chaque exploitant, ces déclarations devant être vérifiées et validées par l administration. En effet, dans le cadre de l ETS, chaque État - Membre est tenu de vérifier que l exploitant applique correctement les lignes directrices de la Commission européenne relatives au décompte, à la déclaration et à la vérification des émissions de CO 2 soumises à délivrance de quotas. Les administrations compétentes doivent «valider» le plan de surveillance élaboré par chaque exploitant détenteur de quotas pour chacun de ses sites ; ce plan doit servir de référentiel à un tiers externe chargé de «vérifier» la déclaration annuelle et la bonne mise en œuvre de ce schéma de surveillance. Si les autorités compétentes
6 n acceptent pas la déclaration d émissions d un exploitant, celui-ci ne pourra plus céder de quotas, tant qu il n aura pas procédé aux rectifications nécessaires. On le devine, l efficacité du système repose donc très largement sur l exactitude des mesures d émissions de GES, des déclarations des exploitants, et des vérifications de ces déclarations. Aussi dans chaque Etat, la surveillance et le reporting des émissions de GES fait-il l objet de prescriptions réglementaires très précises. En France, différents textes réglementaires adoptés entre 2004 et 2005 ont précisé les modalités de calcul des émissions de CO2 et de leurs déclarations, de transmission de ces déclarations à l administration, les modalités d élaboration des plans de surveillance, de vérification des déclarations par les organismes agréés, de certification de ces organismes ; les listes d organismes agréés pour les validations et les listes des entreprises recevant des quotas font également l objet de textes réglementaires. En France, le montant total d émissions des installations participant au système d échange de quotas est de 131 millions de tonnes de CO2 pour l année Ce montant concerne les 1075 installations dont les émissions ont été vérifiées, transmises à l administration et validées par celle ci Le marché de quotas Fonctionnement Le marché des quotas se constitue à partir des quotas cédés soit par les exploitants excédentaires, soit par tout exploitant qui désire se livrer à du trading, et prend le risque d être «court» pour couvrir les émissions de CO 2 découlant de l exploitation de ses installations. Etre «court» signifie qu un exploitant n a pas en permanence la quantité suffisante de quotas correspondant à l estimation de ses émissions. Par ailleurs, toute personne physique ou morale, ressortissante d un des Etats de l UE a accès à ce marché et peut donc acquérir et détenir des quotas, les céder, les restituer à l Etat et les faire annuler. Il existe ainsi deux catégories de détenteurs de quotas: les exploitants qui émettent des GES et reçoivent leurs quotas de l Etat, et toute autre personne, qui se procure des quotas sur le marché, qu il s agisse d une personne physique, d une association environnementale, de compagnies industrielles qui n émettent pas des GES, de banques, et même es Etats Registres nationaux et européen Les mouvements de quotas sont enregistrés dans des registres nationaux qui comptabilisent les quotas délivrés, détenus, transférés et annulés. Chaque personne détenant des quotas doit y ouvrir un compte. C est d ailleurs l inscription de quotas au registre qui, au moins en droit français, est l acte constitutif de propriété de ces quotas. Les registres sont consolidés au niveau européen par le Journal Indépendant des Transactions, qui enregistre en temps direct, chaque mouvement porté dans un registre national. En France, la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) est le «teneur» de ce registre ; l Allemagne a désigné un service de l Agence fédérale de l Environnement, au Royaume-Uni c est un service placé auprès du Ministre en charge de l environnement qui en est responsable. Chaque personne détentrice de quotas, exploitant ou non exploitant, conclut un contrat avec le teneur du registre national et désigne, s il s agit d une personne morale, les deux ou trois seules personnes privées, habilitées à intervenir sur ce registre. II. L application par le Groupe Total Une des priorités du Groupe Total a été d assurer l harmonisation de la gestion des quotas de CO2 entre ses différents établissements faisant partie du système ETS.
7 2.1. L organisation interne Le principe Il a été décidé qu un seul acteur du Groupe Total devait apparaître sur un marché donné pour l exécution de transactions et d opérations sur les quotas délivrés dans le cadre de l ETS. Le Groupe a donc mis en place dès 2004 le schéma d organisation suivant : (voir graphique 1) : Cette organisation comprend : - des comptoirs industriels dans chaque secteur d activités (exploration-production, raffinage et marketing, gaz et électricité, chimie) pour coordonner les installations qui participent au système ETS dans les différents sites industriels du Groupe et permettre d évaluer les marges de manoeuvre en cas d émissions excédentaires ou déficitaires de GES par rapport aux quotas ; - un comptoir de négoce commun à tout le Groupe, Total Gas Power Ltd (TGP), basé à Londres, expert sur les questions de trading, permettant une intervention efficace et coordonnée sur les marchés de quotas ; - un comité de coordination CO 2 se réunissant trimestriellement, qui permet d organiser les actions des comptoirs, d harmoniser les pratiques et de définir une stratégie globale pour le Groupe L exemple du raffinage-marketing (voir graphique 2) Ainsi, par exemple, au sein du secteur raffinage-marketing (RM), la gestion des quotas de gaz à effet de serre concerne 15 installations en Europe. Afin de faciliter l action de trading par TGP et dans le but de centraliser et coordonner la gestion au sein du RM, la société TOTAL FRANCE a été investie d un rôle d interface entre TGP et les diverses sociétés détentrices de quotas. Elle est «Comptoir industriel», agissant auprès de TGP pour ellemême en ce qui concerne les 6 raffineries qu elle opère en France, ainsi que pour les autres sociétés du RM qu elle représente auprès de TGP. Une organisation contractuelle spécifique a donc été mise en place entre ces différentes entités: Elle concerne d une part un contrat de prestations qui organise les relations internes entre TGP et TOTAL FRANCE pour la réalisation des opérations d achat et de vente de quotas. Ce «Service Agreement» s appuie sur un accord connexe, intitulé «Emissions Trading Master Agreement», qui fixe entre TGP et TOTAL FRANCE les conditions générales et les modalités du trading de quotas, que TGP exécute à la demande de TOTAL FRANCE pour elle-même et pour les autres sociétés du RM. Ce Master Agreement lui-même s appuie sur le contrat cadre du International Emission Trading A??????? (IETA). Cette organisation comporte d autre part des contrats de service de TOTAL France avec les autres sociétés du RM qui opèrent les installations hors de France. Au titre de ces contrats, TOTAL FRANCE est mandatée pour apprécier l opportunité d acheter ou de vendre des quotas à un prix reflétant le marché, pour opérer des transactions entre les installations du RM et pour adresser à TGP les demandes d achat et de vente sur le marché, pour le compte des sociétés détentrices. En outre, TOTAL FRANCE effectue le suivi des comptes de quotas inscrits au registre français géré par la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC). TOTAL FRANCE assure cette mission pour son compte en ce qui concerne les 6 raffineries qu elle opère en métropole. Dans les autres pays, le suivi des comptes de quotas dans les registres nationaux sont effectués par les sociétés qui opèrent les installations.
8 2.2. L harmonisation de la gestion et des procédures Le Groupe Total a aussi souhaité harmoniser les périmètres et les méthodes de mesure, la fiabilisation, et la vérification du système de reporting des GES. Un document interne, qui tient compte des bonnes pratiques de la profession publiées par l International Petroleum Industry Environmental Conservation Association (Ipieca), définit les périmètres des activités à retenir dans le cadre de la déclaration des émissions : périmètre opéré et périmètre patrimonial, activités directes et indirectes. Chacune des branches a ensuite adapté ce document à ses spécificités. Afin de vérifier la bonne mise en œuvre de ce processus, le Groupe a testé la procédure de vérification des émissions, fin 2004, avec un consultant extérieur. Puis, dans le cadre de l établissement du Rapport Sociétal et Environnemental 2005 du Groupe, et en parallèle avec les contrôles effectués par l administration sur l ensemble de nos sites faisant partie de l ETS, un programme d audit couvrant l ensemble de nos performances environnementales, dont les GES, a été réalisé avec l aide des experts externes sur le périmètre de nos sites opérés. III. L avenir des émissions de CO2 dans le groupe Total Dans une perspective d actions à engager rapidement, deux axes principaux se dégagent. Le Groupe dispose tout d abord d une marge d action de réduction d émissions de GES, qui doit donc constituer une priorité La réduction des émissions de CO2 Cette réduction est aujourd hui axée sur deux moyens principaux : la réduction du torchage dans les activités d exploration production, et des modifications de procédés de production dans le secteur de la chimie. La décision a été prise dès 2002 de ne plus accepter de torchage continu sur les nouveaux champs de production pétrolière. La réduction du torchage sur les champs existants est rendue possible par la valorisation du gaz dans de nouveaux débouchés pour le gaz naturel liquéfié. La réduction des émissions de gaz fluorés et notamment du N 2 O dans le secteur de la chimie est obtenue par des innovations techniques et des modifications de procédés de production Amélioration de l efficacité énergétique L autre volet prioritaire de la réduction des émissions de GES consiste à améliorer l efficacité énergétique. Des économies Il est aussi favorisé par la hausse du prix des combustibles. Nos principales plates-formes industrielles (amont, raffinerie, vapocraqueurs) recèlent en effet un potentiel non négligeable d amélioration de l efficacité énergétique dans des conditions économiquement acceptables ; cela passe par des économies de consommation d énergie et par le développement de procédés plus économes en énergie.
9 3.3. Projet de recherche et CO2 Enfin, le Groupe Total s implique de plus en plus dans les efforts menés en Recherche et Développement pour permettre la mise à disposition des technologies nécessaires, particulièrement dans le domaine du captage et du stockage géologique pérenne du CO2. Ainsi il participe à différents projets internationaux et européens de recherche et de démonstration de ces technologies. Mais en outre, Total s est engagée via sa branche Exploration-Production dans un projet de démonstration de la technologie d oxycombustion sur une chaudière existante, estimé à 50 millions d euros. Le projet prévoit un traitement des fumées, une séparation du CO2, et une injection géologique de ce CO2 dans le sud-ouest de la France. La première injection souterraine de CO2 pourrait avoir lieu dans 3 à 4 ans. Extrêmement novateur sur le plan technique, suscitant de nombreuses études et recherches, ce projet est également un challenge par les questions juridiques qu il suscite. Si l on peut faire des analogies avec certaines règles françaises régissant les stockages souterrains d hydrocarbures, de gaz ou de produits chimiques, aucune réglementation, dans aucun pays, ni à l échelle internationale ou communautaire, ne prend encore en compte les spécificités d un stockage de CO2. L enjeu de la sécurité y est majeur; des problèmes de propriété ainsi que de responsabilité à très long terme devront, entre autres, être résolus, dans un contexte fortement imprégné par le principe de précaution. En conclusion, nous pouvons constater que le système que nous venons de résumer constitue un exemple d intégration juridique : il commence avec des conventions internationales, il est relayé par des réglementations européennes, puis par des règles nationales, et il est enfin décliné au niveau d un groupe industriel. Ce n est pas un système très simple, et les juristes ont été souvent sollicités. Les projets actuels de Total en matière de stockage de CO2 laissent penser que les problèmes juridiques occuperont encore longtemps les esprits.
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