Procédure de contrôle URSSAF et de recouvrement des cotisations et contributions sociales : un renforcement des droits et garanties des cotisants! Très attendu, le décret n 2016-941 du 8 juillet 2016 pris en application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 renforce les droits des cotisants en matière de contrôle URSSAF et de recouvrement des cotisations et contributions sociales. Ces modifications portent tout à la fois sur le contrôle et les vérifications des déclarations, le recouvrement, la déclaration et le paiement des cotisations et contributions sociales à l Urssaf. Si la plupart des modifications sont déjà entrées en vigueur au 11 juillet 2016, d autres seront applicables à compter du 1 er janvier 2017. Des garanties de forme et de fond qui ont été posées par «petites touches», au gré des solutions jurisprudentielles rendues, sont consacrées par le décret. La procédure de contrôle et de vérification des déclarations L avis préalable au contrôle Depuis le 11 juillet 2016, l Urssaf est tenue de respecter un délai minimum de 15 jours entre l envoi de l avis et la date de sa première visite, aucun délai n étant prévu auparavant. Il s agit du délai d envoi préconisé par l ACOSS (Agence centrale des organismes de sécurité sociale). L effet de surprise est donc largement atténué et le cotisant aura le temps de se «mettre en ordre». Elle reste dispensée de cet envoi lorsqu il s agit de rechercher des infractions liées au travail dissimulé. Les destinataires de l avis de contrôle sont désormais désignés plus précisément. «Lorsque la personne contrôlée est une personne morale, l avis de contrôle est adressé à l attention de son représentant légal et envoyé à l adresse du siège social de l entreprise ou le cas échéant à celle de son établissement principal, telles que ces informations ont été préalablement déclarées. Lorsque la personne contrôlée est une personne physique, il est adressé à son domicile ou à défaut à son adresse professionnelle» (Article R.243-59 du Code de la Sécurité Sociale modifié, alinéa 3).
A compter du 1 er janvier 2017, la «charte du cotisant contrôlé 1», qui peut être adressée sur demande à la personne contrôlée, sera également juridiquement opposable à l Urssaf. Flash info Le déroulement des opérations de contrôle Depuis le 11 juillet 2016, l agent peut désormais demander que les documents à consulter lui soient présentés selon un classement nécessaire au contrôle dès lors qu il en aura préalablement informé l employeur. A présent, lorsque les documents et les données nécessaires à l agent sont dématérialisés et que celui-ci souhaite effectuer le contrôle en mettant en œuvre des traitements automatisés en utilisant le matériel informatique de l employeur, il doit seulement l en informer par écrit. Il peut demander la mise à disposition par l entreprise de toute personne habilitée pour réaliser les opérations sur son matériel. Si le consentement préalable du cotisant n est plus nécessaire, ce dernier peut toutefois s opposer par écrit à l utilisation de son matériel dans un délai de quinze jours et proposer une solution alternative. A défaut de réponse du cotisant, l agent procède aux opérations de contrôle par la mise en place de traitements automatisés sur le matériel du cotisant. Le décret du 8 juillet 2016 vient également organiser l échange d informations entre l entreprise et l agent de contrôle en cas de recours à la méthode d évaluation des cotisations par échantillonnage et extrapolation. En cas de désaccord, le cotisant est autorisé à présenter à tout moment ses observations sur la mise en œuvre desdites méthodes (bases de sondage, résultats des vérifications ) sous une forme verbale ou écrite. L agent de contrôle sera alors tenu d y répondre par écrit et de manière motivée. A compter du 1 er janvier 2017, la possibilité de procéder à un contrôle sur pièces concernera tous les employeurs, y compris ceux occupant moins de 11 salariés. 1 https://www.urssaf.fr/portail/files/live/sites/urssaf/files/documents/charte_du_cotisant_controle.pdf
Le contenu de la lettre d observations : une exigence renforcée de motivation et de chiffrage La motivation des observations par chef de redressement est désormais exigée. Les observations doivent donc contenir, outre l objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle, les éléments de droit et de fait sur lesquelles elles se fondent et indiquer, le cas échéant : - le montant des assiettes correspondant - ainsi que le mode de calcul et le montant des redressements et des éventuelles majorations et pénalités envisagées. L obligation de réponse de l URSSAF aux observations formulées par l employeur en cours de contrôle L employeur dispose d un délai de 30 jours pour répondre aux observations de l agent avec l appréciation de son conseil. Dans sa réponse à la lettre d observations, l employeur peut indiquer toute précision ou tout complément qu il juge nécessaire notamment en proposant des ajouts à la liste des documents consultés. L employeur peut également faire valoir l application de circulaires et d instructions contre un redressement fondé sur une interprétation différente à ce stade, ou ultérieurement, à condition que les sommes mises en recouvrement n aient pas un caractère définitif. Il appartient à l agent chargé du contrôle de répondre au courrier de l employeur de manière motivée sur chaque observation du cotisant. Cette réponse précise, par motif de redressement, les montants qui ne sont plus retenus et ceux qui le restent. Le cotisant doit pouvoir disposer d une vision éclairée des motifs de redressement dont il fait l objet et d un droit de réponse et de discussion élargi avant que le contrôle soit définitif. L obligation de l agent de contrôle de motiver et détailler le contenu de ses observations est renforcée, conformément aux exigences de la Cour de cassation.
L établissement du Procès-verbal de contrôle A l'issue du délai de 30 jours ou des échanges susmentionnés, afin d'engager la mise en recouvrement des cotisations ainsi que des majorations et pénalités faisant l'objet du redressement, l'agent chargé du contrôle transmet à l'organisme effectuant le recouvrement le procès-verbal de contrôle faisant état de ses observations, accompagné, s'il y a lieu, de la réponse de l'intéressé et de son propre courrier en réponse. Le cas échéant, il communique également les observations ne conduisant pas à redressement mais appelant l employeur à une mise en conformité en vue des périodes postérieures aux exercices contrôlés. La restitution du solde créditeur dans les quatre mois de la notification Si l agent décèle un solde créditeur en faveur du cotisant, il doit le lui notifier et le lui restituer dans les quatre mois suivants cette notification. La procédure de recouvrement par l URSSAF L opposabilité sous conditions de l absence d observations lors d un précédent contrôle Le redressement ne peut pas porter sur des éléments qui, lors d un précédent contrôle, n avaient pas donné lieu à observations de la part de l organisme de contrôle si deux conditions cumulatives sont réunies : - l Urssaf a déjà eu la possibilité de se prononcer en toute connaissance de cause sur ces éléments, au regard de l ensemble des documents consultés ; - les circonstances de droit et de fait au regard desquelles les éléments ont été examinés demeurent inchangées. La motivation de la mise en demeure de l Urssaf (à compter du 1 er janvier 2017) Des mentions spécifiques sont prévues dorénavant par le décret pour la mise en demeure qui fait suite au premier contrôle de l Urssaf. Les majorations et pénalités de retard s appliquant aux sommes réclamées devront figurer dans la lettre de mise en demeure.
La mise en demeure établie à la suite d un contrôle devra par ailleurs préciser : - les montants notifiés par la lettre d observations (corrigés le cas échéant à la suite des échanges entre l agent et l employeur), au titre des différentes périodes annuelles contrôlées ; - la référence et les dates de la lettre d observations, et, le cas échant, du dernier courrier établi par l agent consécutif aux échanges avec le cotisant au stade de la lettre d observations. Les montants devront, le cas échéant, tenir compte des sommes déjà réglées par l entreprise. Le cotisant bénéficie par ailleurs d un droit d information renforcé. La procédure de contestation Des évolutions dans la procédure devant la Commission de Recours Amiable (CRA) en matière de saisine et de motivation de la décision (à compter du 1 er janvier 2017) L employeur disposera toujours d un délai de deux mois à compter de la notification de la mise en demeure pour contester le bien-fondé des sommes réclamées. La CRA devra être saisie par lettre recommandée avec accusé de réception. La décision de la CRA devra préciser les délais et voies de recours et détailler, par motif de redressement, les montants annulés et les montants dont le cotisant reste redevable. La suppression d un cas de forclusion devant le Tribunal des affaires de Sécurité Sociale (TASS) La forclusion ne peut désormais plus être opposée au cotisant ayant introduit une requête contestant la décision implicite de rejet de la CRA pour le seul motif de l absence de saisine du TASS pour contester la décision explicite de rejet de la CRA intervenue en cours d instance. L opposition à contrainte : pénalité en cas de recours abusif En cas d'opposition à contrainte, si le recours est jugé dilatoire ou abusif, la partie qui succombe peut être condamnée au paiement d'une amende, et, le cas échéant, au règlement des frais de la procédure.
Cette amende est fixée à 6 % des sommes dues, en vertu du jugement rendu, avec un minimum de 150 euros par instance. La déclaration et le paiement des cotisations et contributions sociales à l Urssaf La suppression de l obligation d effectuer un versement régularisateur en janvier de chaque année (à compter du 1er janvier 2017) L employeur devra corriger lors de l échéance déclarative la plus proche les erreurs constatées dans les déclarations de cotisations et de contributions sociales des mois précédents et verser à la même échéance le complément dû. Sauf demande de remboursement, les sommes versées indûment seront déduites du montant des cotisations et contributions à échoir. L instauration d un droit à l erreur (à compter du 1er janvier 2017) Sauf en cas d omission de salariés dans la déclaration sociale ou d inexactitudes répétées du montant des rémunérations déclaré, aucune majoration ou pénalité ne sera plus appliquée : - Lorsque la déclaration rectifiée par l employeur et son versement régularisateur seront adressés au plus tard lors de la première échéance suivant celle de la déclaration et du versement initial - et que ce versement régularisateur sera inférieur à 5% du montant total des cotisations initiales. La remise gracieuse de la majoration complémentaire de 0,4% sous de nouvelles conditions (depuis le 11 juillet 2016) La remise gracieuse de la majoration complémentaire de 0,4% du montant des cotisations applicable en cas de non-transmission de la déclaration dans les délais est désormais possible en cas d évènements présentant un caractère irrésistible et extérieur. L'événement irrésistible est celui contre lequel on ne peut se protéger, même s il est prévisible, ou qui, lorsqu'il a lieu, laisse impuissant. L'événement extérieur est celui qui n est pas provoqué par l employeur ou ses salariés. L imprévisibilité de l évènement n est plus exigée par les textes. Auparavant, l employeur qui demandait la remise gracieuse de cette majoration devait justifier de cas exceptionnels ou de force majeure.
La suppression de la nécessité de prouver sa bonne foi pour obtenir une remise (depuis le 11 juillet 2016) Sauf en cas de travail dissimulé, l employeur peut toujours demander une remise des majorations et pénalités, après avoir payé ses cotisations, s il n a pas pu obtenir une remise automatique, mais sans avoir à établir sa bonne foi. *** Si ce décret ne change pas fondamentalement la procédure URSSAF, il consacre la reconnaissance d un droit pour le cotisant à faire valoir ses observations et arguments au stade du contrôle et avant la position définitive de l agent de contrôle, lui-même astreint à une obligation de discussion et de justification, ce qui vient rééquilibrer le rapport des forces en présence. Il appartient aux entreprises et aux interlocuteurs concernés lors d un contrôle Urssaf de se saisir de ce droit en n hésitant pas à apporter, en amont et au fil des opérations de contrôle, la contradiction pour alimenter la discussion autour des chefs de redressement identifiés. L appui d un conseil peut s avérer judicieux. Nous sommes à vos côtés pour vous accompagner dans la mise en œuvre de ces droits et nouvelles garanties de procédure.