Le nouveau droit du licenciement Philippe Stienon, Marleen Porré et Marc Junius
Le nouveau droit du licenciement Editeur responsable: Robert de Mûelenaere Rédaction: Philippe Stienon avec la collaboration de Marleen Porré et Marc Junius Editeur: Confédération Construction, rue du Lombard 34-42, 1000 Bruxelles 2014 Copyright: Tous droits réservés Aucun extrait de cette publication ne peut être reproduit, introduit dans un système de récupération ou transféré électroniquement, mécaniquement, au moyen de copies ou sous toute autre forme, sans autorisation préalable écrite de la Confédération Construction. Contact: communication@confédérationconstruction.be Numéro de dépôt D/2014/0570/9
Table des matières Introduction 5 Chapitre 1. Le licenciement d un travailleur 7 Section 1. Le congé 7 Section 2. Les formalités à respecter 7 1 er. Lettre recommandée ou exploit d'huissier 7 2. Emploi des langues 8 Section 3. Préavis à prester 9 1 er. La durée du préavis dépend de l ancienneté 9 2. La loi fixe des durées maximales 10 3. Prise de cours du préavis 11 4. Causes de suspension du délai 11 5. Absence pour rechercher un nouvel emploi 13 Section 4. Indemnité compensatoire 14 1 er. Principe 14 2. Calculer le montant de l indemnité compensatoire 15 Section 5. Les documents à remettre en fin de contrat 16 Chapitre 2. Le nouveau régime des préavis harmonisés 17 Section 1. Durée des préavis dans le régime général 17 Section 2. Transition des travailleurs en service avant le 1 er janvier 2014 vers le nouveau régime général 18 1 er. Principe 18 2. Préavis des employés 19 3. Préavis des ouvriers 21 4. Ouvrier qui devient employé 23 5. Comment compléter le formulaire C4 en cas de clic? 24 6. Mécanisme de compensation 24 Section 3. Régime dérogatoire 25 1 er. Principe: des préavis plus courts 25 2. Exception structurelle 27 3. Exception temporaire 28 Le nouveau droit du licenciement 1
Chapitre 3. Motiver le licenciement 31 Section 1. Motiver le licenciement dans le cadre du nouveau régime général des préavis 31 1 er. Droit du travailleur de connaître le(s) motif(s) de son licenciement 31 2. Contrôle du caractère manifestement déraisonnable du licenciement par le juge (contrôle marginal) 32 3. Exceptions 34 Section 2. Maintien de la présomption de licenciement abusif dans le cadre des régimes dérogatoires 35 1 er. Principe 36 2. Indemnisation forfaitaire du préjudice 36 Chapitre 4. Reclassement professionnel 37 Section 1. Nouveau régime général de reclassement professionnel 37 1 er. Principe 37 2. Exceptions 38 3. Obligations de l'employeur 38 4. Nouvel emploi et reprise de l outplacement 41 Section 2. Régime subsidiaire de reclassement professionnel 42 1 er. Outplacement - CP 124 42 2. Outplacement - CP 218 44 3. Outplacement pour les électriciens (CP 149.01) 46 Chapitre 5. Questions spéciales 47 Section 1. Suppression de la période d essai 47 Section 2. Délais de préavis réduits 48 1 er. Congé en vue de la pension 48 2. Congé en vue d un régime de chômage avec complément d entreprise (ex-prépension) 48 Section 3. Rupture des contrats à durée déterminée 49 1 er. Principe 49 2. Mise en œuvre concrète du principe 50 Section 4. Incapacité de travail 52 1 er. Incapacité de travail survenant après qu il a été mis fin à un contrat de travail à durée indéterminée moyennant préavis 52 Le nouveau droit du licenciement 2
2. Incapacité de travail et contrat de travail à durée déterminée ou pour un travail nettement défini 53 Section 5. Exonération fiscale pour passif social 54 1 er. Principe 54 2. Conditions 54 3. Montant de l'exonération 55 4. Entrée en vigueur 55 5. Reprise de l exonération en cas de départ du travailleur 55 Chapitre 6. La démission 59 Section 1. Principes 59 Section 2. Démission du travailleur qui relève du régime général 59 1 er. Principe 59 2. Application du cliquet 60 3. Contre-préavis 61 4. Absence pour rechercher un emploi 61 Section 3. Démission dans le cadre des régimes dérogatoires 62 Section 4. Démission pendant une période de chômage temporaire 62 Section 5. Acte équipollent à démission 62 Chapitre 7. Autres situations 65 Section 1. Rupture de commun accord 65 Section 2. Rupture avant commencement d exécution 65 Section 3. Echéance du terme ou achèvement du travail convenu 66 Section 4. Décès de l'une des parties 66 1 er. Décès du travailleur 66 2. Décès de l'employeur 66 Section 5. Fin du contrat pour force majeure 66 1 er. Principe 66 2. Cas particulier: lncapacité définitive 67 Section 6. Rupture pour motif grave 69 1 er. Principe 69 2. Licenciement lié à l alcool ou à la drogue 69 Section 7. Congé tacite 70 1 er. Théorie de l'acte équipollent à rupture 70 Le nouveau droit du licenciement 3
2. Application au licenciement 71 3. Application à la démission 71 Annexes documentaires 73 1. Schémas de décision (workflow) 73 2. Modèles de lettres de rupture 77 2.1. Commission paritaire de la construction (CP 124) 79 2.2. Employé dans une entreprise de la construction (CP 218) 80 2.3. Commission paritaire des électriciens (CP 149.01) 81 3. Modèles de lettres reclassement professionnel 82 3.1. CP 124: ouvrier 45+ ou 40+ catégories I et IA 82 3.1. CP 124: ouvrier 45+ ou 40+ catégories I et IA 83 3.1. CP 124 84 3.2. CP 218: employé ayant min. 30 semaines de préavis 85 3.2. CP 218: employé ayant min. 30 semaines de préavis 86 3.2. CP 218: employé 45+ 87 3.2. CP 218: employé 45+ 88 3.2. CP 218 89 3.3. CP 149.01: travailleur ayant min. 30 semaines de préavis 90 3.3. CP 149.01: travailleur ayant min. 30 semaines de préavis 91 3.3. CP 149.01: travailleur 45+ 92 3.3. CP 149.01: travailleur 45+ 93 3.3. CP 149.01 94 4. Situations spécifiques modèles de lettres 95 4.1. Rupture de commun accord 95 4.2. Echéance d un contrat à durée déterminée 95 4.3. Echéance d un contrat de travail conclu pour un travail nettement défini 95 4.4. Fin du contrat de travail pour force majeure incapacité définitive d exécuter le travail convenu 96 4.5. Fin du contrat de travail pour motif grave 96 4.6. Constater que le travailleur a abandonné son emploi 97 Le nouveau droit du licenciement 4
Introduction Pendant de nombreuses années, les négociations sociales ont été rendues particulièrement compliquées par les exigences de la Cour constitutionnelle 1 de supprimer les différences de traitement entre les ouvriers et les employés, dès lors que celles-ci sont fondées sur le caractère principalement manuel ou principalement intellectuel du travail fourni, un critère qui n est pas acceptable au regard du principe constitutionnel de non-discrimination. Début juillet 2013, le compromis adopté par le Gouvernement a mis un terme aux différences de traitement entre les ouvriers et les employés. Ce compromis a été traduit en dispositions légales et la loi du 26 décembre 2013 concernant l'introduction d'un statut unique entre ouvriers et employés en ce qui concerne les délais de préavis et le jour de carence ainsi que de mesures d'accompagnement a été publiée au Moniteur du 31 décembre 2013. En matière de délais de préavis, la difficulté aura été d établir un régime commun aux ouvriers et aux employés. De manière globale, les délais des ouvriers augmentent, ceux des employés sont rabotés. Mais deux régimes coexistent: un régime général et un régime dérogatoire prévoyant des délais de préavis moindres. Ce dernier concerne particulièrement notre secteur puisqu il vise les lieux de travail temporaires ou mobiles. Depuis le 1 er janvier 2014, de nouveaux délais de préavis sont d application. Leur durée, exprimée en semaines, est uniquement liée à l ancienneté du travailleur dans l entreprise. Le critère de la rémunération, qui s appliquait jusqu à présent pour déterminer le préavis des employés, disparaît. Le préavis prend cours le lundi qui suit sa notification, le licenciement doit être motivé, le droit au reclassement professionnel est élargi, la période d essai a disparu, On le voit, les modifications sont nombreuses. Il peut être utile de faire le point le plus concrètement possible dans cette matière. En outre, une annexe documentaire contient une série de fiches pratiques de synthèse et des modèles de lettres adaptés aux différentes situations que l on peut rencontrer. 1 Arrêts n 56/93 du 8 juillet 1993, n 84/2001 du 21 juin 2001 et n 125/2011 du 7 juillet 2011. Le nouveau droit du licenciement 5
Chapitre 1. Le licenciement d un travailleur (rupture unilatérale du contrat de travail par l employeur) Si la loi du 26 décembre 2013 a modifié plusieurs articles de la loi du 3 juillet 1978 sur les contrats de travail afin d harmoniser les préavis des ouvriers et des employés, les principes de base sont restés inchangés. Différents principes de fond et règles de forme doivent être respectés pour mettre fin à un contrat de travail. L employeur qui veut mettre fin à un contrat de travail doit donner congé au travailleur conformément aux règles imposées par la loi du 3 juillet 1978 sur les contrats de travail. Il doit le faire savoir au travailleur, lui notifier un préavis à prester ou lui payer une indemnité de rupture. Section 1. Le congé En principe, chacune des parties peut mettre fin de manière unilatérale (càd sans l'accord de l'autre partie) à la relation de travail. Cette volonté unilatérale de rompre le contrat (le congé) devra, en principe, se manifester vis-à-vis de l'autre partie en respectant les règles prescrites par la loi du 3 juillet 1978 sur les contrats de travail. Dès que les formalités requises sont respectées, on peut dire que le congé a été clairement exprimé à l'autre partie. Section 2. Les formalités à respecter L employeur qui veut licencier un travailleur doit le lui faire savoir par écrit en respectant la langue imposée par la réglementation. 1 er. Lettre recommandée ou exploit d'huissier La loi du 3 juillet 1978 impose à l'employeur de recourir à la lettre recommandée ou à l'exploit d'huissier de justice pour notifier la rupture du contrat de travail à un travailleur salarié. Si l'exploit d'huissier de justice sort ses effets au moment où l'huissier le remet au travailleur salarié, la lettre Le nouveau droit du licenciement 7
recommandée sort ses effets le 3 ème jour ouvrable qui suit la date de son expédition. Seuls les dimanches et les jours fériés ne sont pas des jours ouvrables. 2. Emploi des langues L'écrit doit être rédigé dans la langue requise par la réglementation. II s'agit soit de la langue du siège d'exploitation de l'entreprise, soit de la langue du travailleur. Dès lors, lorsque le siège d'exploitation dont dépend le travailleur est situé en région flamande (en ce compris les communes à facilités), l'entreprise utilisera le néerlandais. Lorsque le siège d'exploitation dont dépend le travailleur est situé en région wallonne, l'entreprise utilisera le français. Lorsque le siège d'exploitation dont dépend le travailleur est situé à Bruxelles (19 communes de la région), l'entreprise utilisera la langue du travailleur concerné, quelle que soit la région où ce dernier aura établi son domicile. Lorsque le siège d'exploitation dont dépend le travailleur est situé en région de langue allemande, il s'agira d'utiliser l'allemand. Le congé notifié en contravention de ces règles est frappé par une nullité absolue qui est d'office constatée par le juge. II est toujours possible de remplacer l'écrit frappé de nullité par un nouvel écrit. Toutefois, les effets de ce nouvel écrit diffèrent en fonction de la région concernée. Pour la région flamande (article 10 du décret du 19 juillet 1973) et pour la région wallonne (article 3 du décret du 30 juin 1982), il est possible de remplacer l'acte frappé de la nullité mais le nouvel écrit remplaçant ne sortira ses effets qu'au jour du remplacement (et non pas au jour de l'acte initial!). Pour la région de Bruxelles et pour la région de langue allemande (article 59 des lois coordonnées du 18 juin 1966), la nullité de l'acte pourra être couverte par un acte de remplacement qui aura effet rétroactif à la date du document remplacé. Le nouveau droit du licenciement 8
Un atelier peut-il être considéré comme "siège d'exploitation" dont relève l'ouvrier? La notion de siège d'exploitation fait référence au centre d'activité auquel le membre du personnel est attaché, centre à partir duquel les missions et instructions lui sont données; il ne se confond pas avec le siège social de l'entreprise. Pour bien montrer concrètement la portée de cette définition, on peut prendre l'exemple suivant: par lettre de rupture rédigée en français (langue du travailleur), une entreprise de construction, dont le siège social est établi à Bruxelles, licencie moyennant un préavis à prester un ouvrier qui travaille essentiellement sur divers chantiers en Belgique et de temps à autre dans un atelier situé en région flamande. Cette rupture respecte la législation sur l'emploi des langues. Par contre, cette même entreprise licencie par lettre de rupture rédigée en français un ouvrier francophone bilingue qui est exclusivement attaché à un atelier situé en région flamande. Cet ouvrier aurait dû recevoir sa lettre de rupture en néerlandais (langue de la région où est établi le centre d'activité dont l'ouvrier relève). Section 3. Préavis à prester A peine de nullité, l'écrit par lequel un licenciement moyennant un préavis est notifié doit mentionner le début et la durée du préavis. Il doit également être daté et signé. Le préavis a pour effet de mettre fin au contrat de travail à la fin d'un délai dont la durée est déterminée par la loi (sous réserve d une suspension de l exécution du contrat de travail). Depuis le 1 er janvier 2014, les délais de préavis sont calculés sur la base de l ancienneté et exprimés en semaines et non plus en jours ou en mois 2. 1 er. La durée du préavis dépend de l ancienneté La durée du préavis est uniquement liée à l ancienneté du travailleur dans l entreprise. Le critère de la rémunération qui s appliquait pour déterminer le préavis des employés disparaît. 2 On soulignera toutefois que les durées exprimées en mois et en jours subsistent pour les travailleurs en service avant le 1 er janvier 2014. Les règles transitoires prévoient que le préavis de ces travailleurs est le résultat de l addition de deux parties distinctes (voir Chapitre 2). Le nouveau droit du licenciement 9
Pour calculer l'ancienneté 3, on prend en considération les périodes durant lesquelles le travailleur a été, de manière ininterrompue, au service d'un même employeur. La succession de différents contrats de travail auprès d'un même employeur est également prise en compte pour le calcul de l'ancienneté. Les périodes de suspension de l'exécution du contrat de travail doivent également être comptabilisées. La loi prévoit en outre une règle spécifique pour le calcul de l ancienneté du travailleur intérimaire, qui devient ensuite immédiatement (ou dans les sept jours qui suivent) salarié de l entreprise utilisatrice. Dans un tel cas, on tiendra aussi compte de l ancienneté acquise par l ouvrier ou l employé en qualité de travailleur intérimaire à concurrence de maximum un an. Dans le cas où l engagement a lieu plus tard, la période précédente de travail en qualité d intérimaire ne devra pas être comptabilisée pour le calcul de l ancienneté du travailleur. 2. La loi fixe des durées maximales Le nouvel article 37/3 de la loi du 3 juillet 1978 précise que «il ne peut être dérogé aux délais de préavis prévus à l'article 37/2 par convention collective de travail conclue au sein d'une commission paritaire ou d'une souscommission paritaire». En d autres termes, les délais de préavis fixés à l article 37/2 constituent un maximum légal fixé au niveau interprofessionnel. Il n est pas permis de prévoir des délais de préavis différents (ni supérieurs ni inférieurs) par convention collective de travail conclue au niveau sectoriel. L application de ce principe est toutefois limitée aux conventions collectives de travail sectorielles. Il est permis d en déduire que le législateur laisse la possibilité de convenir de délais de préavis plus avantageux pour les travailleurs au niveau de l'entreprise ou à titre individuel. A ces niveaux, il est donc toujours possible de définir des délais de préavis plus favorables dans une convention collective de travail d entreprise, un accord collectif, un règlement de travail ou le contrat de travail individuel. On n oubliera pas que l article 6 de la loi du 3 juillet 1978 interdit de stipuler des délais de préavis moins favorables au travailleur que ceux prévus par la loi. 3 Article 37/4 de la loi du 3 juillet 1978. Le nouveau droit du licenciement 10