19 MARS 2015 C.13.0218.F/1 Cour de cassation de Belgique Arrêt N C.13.0218.F VILLE DE DINANT, représentée par son collège communal, dont les bureaux sont établis à Dinant, en l hôtel de ville, rue Grande, 112, demanderesse en cassation, représentée par Maître Antoine De Bruyn, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile, contre RÉGION WALLONNE, représentée par son gouvernement, en la personne du ministre-président, dont le cabinet est établi à Namur (Jambes), rue Mazy, 25-27, défenderesse en cassation,
19 MARS 2015 C.13.0218.F/2 représentée par Maître Pierre Van Ommeslaghe, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 106, où il est fait élection de domicile. I. La procédure devant la Cour Le pourvoi en cassation est dirigé contre l arrêt rendu le 18 septembre 2012 par la cour d appel de Liège. Le conseiller Didier Batselé a fait rapport. L avocat général Thierry Werquin a conclu. II. Le moyen de cassation Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un moyen. III. La décision de la Cour Sur le moyen : Quant à la première branche : Le principe de l exécution de bonne foi des conventions, consacré par l article 1134, alinéa 3, du Code civil, interdit à une partie à un contrat d abuser des droits que lui confère celui-ci.
19 MARS 2015 C.13.0218.F/3 L abus de droit consiste à exercer un droit d une manière qui excède manifestement les limites de l exercice normal de ce droit par une personne prudente et diligente. Le juge est tenu d examiner la proportion entre l avantage recherché ou obtenu par le titulaire du droit et le dommage causé à l autre partie. Dans l appréciation des intérêts en présence, le juge doit tenir compte de toutes les circonstances de la cause. Après avoir rappelé les termes essentiels de la convention prévoyant l octroi, par la défenderesse, d une subvention à la demanderesse pour l exécution de l opération de revitalisation urbaine concernée, l arrêt constate que la demanderesse «n a pas respecté les obligations prévues dans la convention qu elle a signée, le manquement commis n étant pas invincible», et considère que la défenderesse n était plus tenue au respect des siennes, dont le versement des «subventions relatives aux travaux qui avaient été adjugés sans son accord», et que, ce faisant, elle a «simplement appliqué la convention telle qu elle est prévue». L arrêt considère ensuite qu «au surplus, les circonstances invoquées par la [demanderesse] pour obtenir néanmoins le bénéfice des subsides prévus dans la convention, tels les faits que le ministre et l administration compétents en matière de revitalisation avaient approuvé les travaux, décidé du subside sur cette base et approuvé les principes de l adjudication publique ou encore qu elle a reçu des subsides pour une autre partie des travaux, ne permettent pas en soi à la cour [d appel] de lui accorder le bénéfice de sa demande. En effet, d abord, dans le cadre de travaux subsidiés, il est légitime que le pouvoir subsidiant puisse vérifier et donner son accord sur toutes les phases essentielles de la procédure, la décision d adjudication publique étant un de ses éléments essentiels ; il est aussi légitime que tout manquement dans ce cadre soit sanctionné par le refus ou le retrait des subsides ; la distinction que la [demanderesse] tente de faire entre une erreur et une faute n a guère d intérêt dans la mesure où il s agit ici de constater que ladite [demanderesse] n a pas respecté les engagements pris dans la convention en cause ; par ailleurs, le fait qu aucun manquement n aurait été relevé dans la procédure d adjudication ne permet pas de dénier au ministre compétent le droit de ne pas libérer les
19 MARS 2015 C.13.0218.F/4 subsides initialement prévus. En conclusion, l exécution faite en l espèce de la convention est admissible et ne peut être refusée pour les motifs invoqués par la [demanderesse]». L arrêt, qui décide que, «dans ces circonstances particulières, la cour [d appel] ne perçoit pas, dans le chef de la défenderesse, l existence d un abus de droit [ ] ou d un non-respect du principe de proportionnalité», sans avoir examiné s il ressort de ces circonstances que le préjudice subi par la demanderesse est sans proportion avec l avantage recherché ou obtenu par la défenderesse, viole l article 1134, alinéa 3, du Code civil et le principe général du droit selon lequel nul ne peut abuser de son droit. Le moyen, en cette branche, est fondé. Et il n y a pas lieu d examiner la seconde branche du moyen, qui ne saurait entraîner une cassation plus étendue. Par ces motifs, La Cour Casse l arrêt attaqué en tant qu il dit non fondée la demande de la demanderesse et condamne celle-ci aux dépens ; Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l arrêt partiellement cassé ; fond ; Réserve les dépens pour qu il soit statué sur ceux-ci par le juge du Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d appel de Mons. Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Didier Batselé, Martine Regout, Mireille Delange et Michel Lemal, et prononcé en audience publique du dix-neuf mars deux mille quinze par le président de
19 MARS 2015 C.13.0218.F/5 section Christian Storck, en présence de l avocat général Thierry Werquin, avec l assistance du greffier Patricia De Wadripont. P. De Wadripont M. Lemal M. Delange M. Regout D. Batselé Chr. Storck